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Appel à la création d’un haut lieu du surréalisme 

mercredi 2 juillet 2003, par La rédaction de La RdR

Le 17 avril 2003, le musée privé créé pendant quarante années par André Breton a définitivement disparu. La vente aux enchères qui a eu lieu à Drouot a scellé la dispersion d’une des plus riches et significatives collections d’art moderne du vingtième siècle. Désassemblé, bradé, le « 42, rue Fontaine » n’existe plus, et cette disparition a été quasi unanimement saluée par le marché de l’art, la presse et les pouvoirs publics. À ce propos, le comité André Breton a parlé de « honte », et le mot n’était pas trop fort pour ce qui venait de se passer.

Le surréalisme, et l’œuvre de Breton en particulier, nous a appris l’importance de la révolte au nom d’une création artistique qui serait son expression. Il nous a appris aussi que l’œuvre ne se résumait pas au livre et au poème, mais que l’existence dans son intégralité y jouait un rôle essentiel, existence englobant des rencontres, des hasards, des configurations nouvelles. Ce que symbolisait pour nous le grand atelier d’André Breton.

Aujourd’hui, il ne suffit pas de regretter, il faut entendre le message du surréalisme, le message créatif et rassembleur du « 42, rue Fontaine ». L’Etat, sous la pression du mouvement contre la vente, a préempté un tiers de la collection Breton, et il existe un fonds dormant du surréalisme en France. Il s’agit maintenant de nous engager pour qu’un haut lieu du surréalisme, fidèle à l’esprit de Breton, voie le jour.

Poupées Hopi, masques eskimos, tableaux modernes, objets merveilleux du quotidien : grâce à cet agencement magique, c’est la force et l’importance d’une universalité poétique que nous enseigne le surréalisme. Il est temps qu’un lieu s’ouvre où cette universalité de la pensée et de la pratique surréalistes soit représentée et expérimentée par tous, lieu vivant, lieu de tous les magnétismes. Ici il faut penser à cet extrait des Disciples à Saïs de Novalis (si important pour Breton), qui dit l’essentiel du rapport poétique à l’objet : « Peu à peu, il rencontra partout des objets qu’il connaissait déjà, mais ils étaient étrangement mêlés et appariés, et ainsi, bien souvent, d’extraordinaires choses s’ordonnaient d’elles-mêmes en lui ». Que les mécanismes spirituels de telles associations puissent être exposés à la vue de tous, c’est ce qui importe aujourd’hui.

Cette idée d’une combinatoire poétique ou d’un « art magique » est au cœur du surréalisme, dont les œuvres ne peuvent continuer à être considérées séparément, tableaux dans tel musée, objets d’art primitif dans un autre, manuscrits dans des bibliothèques. Il faut qu’en France un nouvel espace culturel soit créé, pour que soit rendue justice à la grande aventure spirituelle que représente le surréalisme.

Enfin et surtout, finissons-en avec le poncif qui voudrait que surréalisme et musée soient antinomiques, et relisons les Conférences d’Haïti, où André Breton fait œuvre de pédagogue et présente ainsi l’art moderne : « Haïti manque de musées, de collections d’art et c’est tout un côté de l’expression humaine qui vous est dérobé, du moins dont ne pouvez-vous prendre une connaissance directe ».

Nous disons aujourd’hui qu’une telle connaissance directe du surréalisme est indispensable, et faisons appel aux pouvoirs publics pour qu’au nom d’un groupe important de citoyens, accueil soit enfin fait à ce mouvement majeur de la modernité.

Le 22 avril 2003

Collectif André Breton

Les signataires

Laurent Margantin, écrivain et traducteur,
François Bon, écrivain,
Henri Béhar, universitaire, directeur du centre de recherche sur le surréalisme, université de Paris-III,
Nathaniel Tarn, écrivain,
Lorand Gaspar, écrivain,
Serge Meitinger, universitaire,
Didier Daeninckx, écrivain,
Jean-Marie Barnaud, écrivain,
Catherine Gégout, conseillère de Paris,
Danièle Auffray, conseillère de Paris,
Jean-Pierre Desthuilliers, directeur de publication de Jointure,
Philippe Rahmy, secrétaire remue.net association,
Alexandre Gefen, universitaire, responsable de Fabula.org,
Guy Laflèche, universitaire,
Laurent Grisel, écrivain,
Dominique Dussidour, écrivain,
Laurent Doucet, enseignant,
Dominique Hasselmann, ex-professeur,
Xavier Zimbardo, écrivain et photographe,
Philippe Mellet, journaliste,
Jean-Claude Maurin, orthophoniste,
Olivier Cazeneuve, cinéaste,
Alain Bernaud, écrivain,
Benoît Conort, écrivain,
Xavier Lainé, écrivain,
Patrick Guallino, peintre et sculpteur,
Anne Poiré, poète,
Anne Bihan, écrivain,
Jean-Pierre Frommer, chargé de mission,
Brigitte Sanègre, chargée d’études documentaires,
François Laur, écrivain,
Cécile Daude, universitaire,
Gilles Vuillermoz, enseignant,
Pascal Mandin, ingénieur,
Maria Grazia Nicosia, Direttore Artistico Centro Studi Danza Musica e Teatro - Festival "Danza Primavera",
Franco Cipolla, Presidente Associazione Centro Studi Danza Musica e Teatro,
Isabelle Ferrer, bibliothécaire,
Matthieu Crocq, journaliste,
Damien-Guillaume Audollent, chargé de projets aux éditions de la Nuée Bleue à Strasbourg et poète,
Claire-Lise Ricard, enseignante,
Anthony Glinoer, aspirant du Fonds National de la Recherche Scientifique, Université de Liège,
Bernard Gauthier, conservateur à la BNF,
Giammaria Paniccia, enseignante,
Guy Vallespir, professeur de lettres,
Timo Kaitaro, chercheur,
Jean-François Capéran, enseignant,
Patrick Mouial, notaire,
Laurence Guillez, professeur,
Armelle Hudelot, viticultrice et étudiante en histoire de l’art,
Catherine Laurent, écrivain,
Danièle Dupont-Rebours, chargée de mission,
Dominique Sorrente, écrivain,
Christine Ozun, poète,
Simon Bocanegra, photographe,
Aurélien Rousseau, artiste,
Marc Bruimaud, critique,
Jean-Louis Gérard, chercheur...

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