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La belle ambiante - pour une cinématique des musiques bourdonnantes 

lundi 14 décembre 2009, par Denis Boyer

C’est l’échelle qui crée le phénomène et, certainement, pour qui n’est pas habitué à naviguer sur le cours des musiques ambiantes, celles-ci peuvent se ressembler, ne présenter que de faibles distinctions. N’en est-il pas de même pour celui qui voit l’eau couler sans la regarder, sans en apprécier les reflets, le courant, la transparence, le fond, les rivages, la population ? Le regard, lorsqu’il se précise sur de tels détails, devient l’organe des émerveillements.

Les musiques informelles ambiantes et bourdonnantes sont comme les ruisseaux, elles semblent se diriger vers une mer primordiale sans qu’aucune tentative de les arrêter ne soit autre chose qu’un atermoiement, mais beaucoup d’entres elles ont leur propre signature, comme la rivière que le saumon reconnaît sans erreur lorsqu’il s’agit de la remonter. « The flow of sound without parameter » nous dit joliment Hiroshi Hashimoto de Contagious Orgasm.

Il y a des zones de confluence, où l’insolite géographie de l’onirisme musical bouleverse nos conceptions de l’écoulement. Le confluent ici explose parfois en delta, des sources naissent d’une rencontre et d’étranges résurgences souterraines viennent colorer différemment les ruisseaux nouvellement formés.

Avant de remonter ces différentes sources, d’en reconnaître les saveurs, de les descendre à nouveau pour comprendre et décrire leurs mélanges, leurs chimies d’équilibre, peut-être devrons-nous prononcer certains mots afin de mieux nous en débarrasser par la suite. Ces musiques dont il sera question sont souvent qualifiées d’ambiantes, expérimentales, à tendances électroacoustiques, electronica ou post-industrielles. Dénominations pratiques, limitatives, horripilantes pour certains, elles ont comme tout nom de style la conséquence fâcheuse de la forme déjà accomplie, celle qu’on vise plus qu’on ne la découvre, de la répétition conventionnelle, du carcan que l’artiste ne supporte que peu. C’est vrai, la case a tous ces inconvénients. Ces expressions montrent aussi, peut-être plus que d’autres, combien le mot est limité, atrophié et insuffisant pour la description, mais aussi que l’on n’a pas trouvé mieux et qu’il s’agit à la fois d’une disgrâce et d’une chance. Ces mots sont des signes d’entente, parmi lesquels louvoient jusqu’aux artistes qui souvent les rejettent mais savent secrètement s’y reconnaître.

Quoi qu’il en soit, nous tenterons à notre tour de les contourner, et par le biais d’autres mots peut-être moins insuffisants car plus nombreux, d’obtenir les schémas, les paradigmes de telles musiques.
Pour cela, à moins d’entamer la conception d’un ouvrage encyclopédique, il a fallu définir le champ d’observation, à la fois clôturé pour ne pas se perdre dans l’infini, et suffisamment vaste pour offrir à l’observation une vaste nomenclature d’occurrences. Le choix s’est porté sur des disques publiés par trois labels de 2007 à 2009 : Afe Records (Italie), taâlem (France) et Drone Records (Allemagne). Ces trois labels présentent plusieurs avantages certains pour ce travail : leurs publications sont nombreuses, mettant à disposition les œuvres d’artistes du monde entier, issus de plusieurs écoles d’écoutes et d’exécution, et elles montrent en même temps une grande cohérence de collection. Cette unité dans la diversité est le double fait de la politique éditoriale des labels-managers (Andrea Marutti pour Afe, Jean-Marc Boucher pour taâlem, Stefan Knappe pour Drone) et de la pression impérieuse d’un courant musical qui dicte des thèmes poétiques récurrents. Tout ou presque y est disponible pour la décomposition des modèles de la musique ambiante expérimentale.

Mais d’abord accordons-nous un pas en arrière, et avant de nous enfoncer dans le paysage pour le cartographier, apercevons le panorama de ces musiques : ce qui fait leur communauté. Le rythme et la mélodie en sont le plus souvent absents, au plus esquissés. Et pourtant elles se déroulent dans une solution de continuité. Elles ont pour elles l’allongement et la distorsion de temps, qui s’est dissous en elles, qui s’est même bouclé certaines fois : elles jouent l’artifice de cette mutation du temps. Quel que soit le but recherché, il s’agit d’une première constante.

Elles ne se sont pas manifestées sui generis, elles ont pour antécédents des musiques savantes classiques, modernes, les musiques cosmiques des années 70, certaines musiques concrètes. Puis un nom semble s’imposer lorsqu’il s’agit de les situer en filiation : Brian Eno, qui a fait un pas plus loin que le rock progressif, que le rock tout court à l’aide duquel il a pourtant abreuvé les arides filins des minimalistes des années 60. Nappe et ondulation, granulosité et éclairage, mélancolie et projection, autant d’autres éléments formateurs d’un monde né en grande partie grâce à ce musicien.

Grâce à lui, à ses pairs, à ses aréopages et même à ses épigones, les musiques ambiantes expérimentales et bourdonnantes ont pris départ, puis se sont singularisées principalement avec l’apport de la musique industrielle qui a autorisé l’utilisation de sons jusqu’alors absents de la musique ambiante. Les exemples de Zoviet*France, Robert Rich, Lustmord, puis Maeror Tri / Troum et Thomas Köner, noms tutélaires de ces vagues de deuxième et troisième générations de musique proprement ambiante, figurent l’illustration de cette contribution. La new wave n’a, à mon sens, pas eu cette unique influence sur les musiques ambiantes, elle a, comme dans le rock, favorisé la revisite de thèmes forts du Romantisme historique, la mélancolie et la sujétion à des forces naturelles dominatrices en tête : affirmation d’une organicité originelle du monde, d’une nouvelle conception de la musique comme son modèle (Julie Ramos, Nostalgie de l’unité).

Cette considération de l’abstraction romantique appelle qu’elles entretiennent avec la musique religieuse un rapport étroit bien que souvent inconscient, et l’utilisation de l’orgue dans les musiques d’église n’y est pas étrangère, instrument d’épaisseur et d’harmoniques qui dans cette projection favorise l’appareil sacré. Mais il faut remarquer que presque invariablement, les musiques ambiantes expérimentales s’intitulent de façon très imagée, à la façon de chansons qui racontent, mais cette fois sans paroles. A l’inverse des musiques dédiées à une figure religieuse, mythologique ou princière, elles éveillent dans leurs titres un lien avec ce qu’elles vont peindre musicalement. En cela, elles s’approchent d’œuvres modernes telles celles de Debussy ou de Dvorak.

Peindre… mais c’est déjà plus loin, et le nuancier qui surgit, après les tons et les facettes, accorde les éclairages, les plans et les dynamiques. A eux tous, fracturés ou mêlés, ils composent une cinématique.

Naissance du son ; extraction du silence

Il y a eu ce moment de l’univers où tout son était inouï. S’extraire du silence, accomplir l’impossible. Être l’enfant de rien. Le souffle d’abord, le tintement, la superposition. Prendre possession de l’espace, neuf, palper son infini. C’est tentative d’allongement, asymptote du plat, bourdon lissé. Et mettre en œuvre la construction, son échafaudage. De ces heurts, de ces concassages, enfin de ces frottements infimes, la matière s’échauffe et rougeoie, première dépense d’énergie. Et dans sa nuit profonde, elle produit bien quelques étincelles, se corrompt, attente à son intégrité pour accéder à la fertilité. Le drone, reconnaissant, s’enfle d’humeurs, se bosselle, devient babillage, déjà.

Cría Cuervos “Vor Feuerschlünden“ (Afe Records)

Mathias Delplanque “Ma chamber quand je n’y suis pas” (taâlem)

Transformations des sons, condensations, oxydations

Bouillon originel où tournent comme sous l’effet d’une invisible cuiller les ondes bouclées. Les couleurs s’y croisent plus qu’elles ne s’y mêlent : rubans d’agate ou strates de sable coloré, piano, vissage de pitch, faible distorsion, moteur, drone crépitant. Au fond, mijotant, une nappe onctueuse, bleutée. Elle n’est pas encore née.

Travail des forces et des matières : leur texture témoigne encore de leur forme. Plus haut, l’harmonique épais, immobile, en inexorable cataracte, drape l’ensemble comme bourdonnement parfait : rumeur primordiale. Elle ne demande qu’à décliner, devenir plus sombre ou plus claire, elle qui interprète le gris, sacrifie son immobilité à l’oscillation de la plaque. Elle l’escorte, séduite, qui lui communique sa variation dans les résonances verticales et horizontales d’objets métalliques frottés, martelés, énervés, effleurés. Ainsi, certaines s’élèvent, d’autres, pleines, tournent au sol avant de rejoindre l’ascension en exhalaison : condensation de la matière flottante.

Tradition industrielle de la musique ambiante : lieu d’inquiétude, voix volées et chevauchées, grésillantes comme le sable qui file sous elles. Chassées, elles laissent place au vieux nocher, à son fleuve encore battu de quelques pulsations d’un cœur de métal. Musique de bunker inondé ; ciments, métaux et cuirs y chantent leur décomposition, leur oxydation et leur déliquescence dans un fluide épais, violacé comme l’ecchymose.

Botchan Karisen “Réactions mécaniques” (taâlem)

Edward Ruchalski “Territorial objects“ (Afe Records)

Cordell Klier “Phono 4” (taâlem)

Christian Renou “Gone with the wound” (taâlem)

M.B. “Bactérie” (taâlem)

2kilos&more “9,21” (taâlem)

The Infant Cycle “Secret hidden message“ (Drone Records)

Noirceur ontologique, combat avec la lumière, naissance du gris

Gouffre et cosmos, vides jumeaux du noir incandescent.
C’est le vent des vibrations noires qui souffle sur le travail des roches et des métaux, répons répercuté le long des parois aveugles. Et cette haleine de haute puissance est bien de la terre. Elle est noire atténuée de bleu et d’ocre. Souffle puissant rentier du reflet des gemmes et de la rouille du filon. Dans la mine il a fait trembler les arches métalliques. Chant contraint lorsqu’il est happé par des puits plus étroits, il abandonne toujours en traîne le grondement de sa naissance : le noir auquel tend toute chute.

Ah ! Y a-t-il plus hardie déclaration d’obscurité qu’un voyage dans l’ombre du soleil ? Un noir d’autant plus invincible qu’il tire son gigantisme des proportions de son ennemi. Petits gestes sifflants, éclats lisses dans le courant du jais liquéfié, humeur d’anti-vie, elle ondule sans poids. Considérons la palette du noir, nuances suivant de près l’obscurité ontologique, au plus proche qu’un musicien puisse espérer atteindre. Et quand la réverbération de l’astre le touche, en pleine lumière elle renvoie le gris.

Car les reflets du noir, occasionnellement, par des miroirs d’obsidienne ou d’encre, aboutissent à des esquisses mélodiques, funèbres, planances gazeuses de chants lointains, vrombissement veinant l’obscur, formant tonalités de gris dans la réfraction.

Ninth Desert “Black session” (taâlem)

The Afeman vs. Madame P “Journey through the shadow of the sun” (Afe Records)

Hall Of Mirrors “Reflections on black” (Afe Records)

Netherworld “Hallucinations” (taâlem)

Licht-Ung “Kristall” (Drone Records)

Le froid, la glace

Chant des glaces, pure poésie romantique d’une nature aride et bleutée, le regard y est bien la seule trace de l’homme. Deux faisceaux s’articulent, l’un de profond bourdonnement, vibration fondamentale de la banquise, l’autre d’échange harmonieux entre les cristaux de surface et l’air qui s’efforce de l’imiter. Le ciel dans son vaste souffle à peine perceptible les enrobe. Hypersensibilité de l’invivable : tintements comme des voix, orgues de glace. Le socle oscille à leur invitation. Obscurité d’une nuit absente, lumière d’une pénombre perpétuelle – la musique polaire porte en elle la plus haute expression de ces métaphores paradoxales, lieu d’arrangement entre le sombre et l’éclairé.

Netherworld “Hallucinations” (taâlem)

Hall Of Mirrors “Reflections on black” (Afe Records)

Licht-Ung “Kristall” (Drone Records)

Matière dronique chantant sa nostalgie de la texture qu’elle érode

Une rêche progression – d’avant le polissage – une course sur crémaillère, c’est le langage du métal, du liquide, du maniement circulaire. Dans l’eau se créent parfois de petits tourbillons qui ne laissent voir leur effet qu’à l’étiage : ils ont foré une petite alcôve dans le rocher.

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Ailleurs, en surface, le décor paraît ancien, archaïque même, attaché à la forge souterraine où la transformation s’élabore par le feu, les surcroîts de larsens, les émanations lumineuses d’un magma de cordes plus épais. Même sans le geste, sans la frappe, il reste assez de vapeur, de densité de métal lourd pour creuser le noir, s’y mélanger et préparer la terre rouillée. Le couloir de souffles est encore encombré de scories. Déjà concassées, elles s’acheminent vers plus de pulvérulence, visant l’état liquide comme eschatologie. Guitare, cloches, field recordings pour ce chemin vers la lumière. Lumière hors du temps, en boucle légère, épousant la circularité du conduit minier plus que son but.
Illuminations et vrombissements encadrent la difficile respiration dans la mine. La matière comme aspirée par la surface gronde encore parfois, nostalgique de son filon. Le puits est large, d’en bas il donne l’empan du paysage.

The Infant Cycle / Uphold : “Our past present (now then) (Afe Records)

The Leech “Ignorant / Parasite” (Drone Records)

Helice “Pied” (Drone Records)

Andrea Marutti “The brutality of misbreathing” (Afe Records)

Résonance des sons concrets

Parfois profondément organique, rapportant faits et gestes du milieu, la musique élabore le portrait sonore du paysage. Le musicien arpenteur est alors comme le peintre qui ferait son tableau avec la terre, les feuilles, les branches, les plumes, les fragments de coquille, les herbes de son lieu d’élection. Mais ce peintre n’en tenterait pas la reproduction en réduction mais bien la composition de même résonance en tissu informel : reconstitution de l’essence du lieu, de sa signature poétique, de son courant ponctué. Elle est souffle qui rapporte et reprend crépitements, pépiements, pluies, vibration cuivrée, bruissement foliaire, elle rapporte et reprend, gardant à la manière de l’eau les traces minérales que l’on retrouvera jusque dans les formes de sa vague, jusque dans son goût.

D’autres fois encore, c’est du fil électrique, ou de l’émission radio que naît le rayon dronique. Un fait certain, c’est un son de l’industrie, qui s’achemine vers une autre source, plus commune à tous les sons, ce filin d’harmoniques indifférenciés. Ondulations, épaississement du drone, il semble croître dans sa course, verticale à l’évidence. Plus épais, plus sonore, oscillant, plus dramatique alors. Il se rompt souvent, pour solliciter une autre source, granuleuse, un avant ou un après de sécheresse.

Toy Bizarre “kdi dctb 122 [f]” (taâlem)

Murmer “In their homes and in their heads” (Drone Records)

Edward Ruchalski “Territorial objects“ (Afe Records)

Traitement des field recordings dans une perspective de naissance dramatique

Ici se mêlent les sons de la nature et les sons qui l’évoquent. C’est l’intégration du paysage mouvant dans son agrégat poétique. C’est une restitution. L’avion, le cliquetis, l’amphibien sont instrumentalisés comme les cordes ou les orgues. Les premiers semblent recharger les secondes, jusqu’à les légitimer. Dans le même temps se dessine un rythme de la vague, en flux, comme pulsation vitale ou mouvement naturel. C’est plus de force onirique qui sourd du drone lorsque l’infusion est patiente jusqu’à l’assimilation. Pâte organique, source de lumière, même dans ses crépuscules.

Le trille d’oiseau et la vibration cristalline s’unissent en paradoxe : l’un et l’autre, dans cet ensemble, paraissent encore totalement étrangers. Et pourtant, l’accord se réalise dans l’image, celle d’une inexorable fuite du corps, les oiseaux captant l’esprit vers le haut, la vibration tellurique l’attirant vers le bas. Peut-être cette expérience d’un équilibre des forces sinon naturelles du moins naturalistes, se poétise-t-elle – se concrétise-t-elle – dans l’ondulation aiguë qui veine la texture comme la calcite dans le schiste.


Vox Populi ! “Soft entrance to nature’s camino de luz” (taâlem)

Tzesne “Crossing Tierra Hueca” (taâlem)

Hum “Caldron of winds“ (taâlem)

Toy Bizarre “kdi dctb 122 [f]” (taâlem)

Traitement et incorporation d’instruments acoustiques

Les sons d’eau s’apparient si bien à l’électronique minérale, à la guitare, au piano et au violon : réfraction réciproque, glissement de vague en écho. Retard et élévation de résonance se superposent à la boucle d’harmoniques. A force d’innombrables frottements, de clapotis crépitants, le minéral effleure le langage avant de consentir à se dissoudre. Extase matinale : le flux bourdonnant se résout en lumière dont l’esprit d’Eno habite les plis. Cordes et instruments à vent échangent à tâtons leurs étirements, possèdent l’espace comme le dormeur investit un lit. Formes, empreintes, palpes indistincts : plaintes, chants d’instruments, résonance de bois, de métal, brume dronique. L’atmosphère est préparée au geste plus clair, un accord, une ébauche d’arpèges pour tenter l’approche de cet « après » que la poésie dronique vise sans jamais totalement l’accomplir sous peine de s’y dissoudre : la mélodie.


Yui Onodera “Le jardin” (taâlem)

Yui Onodera “Synergetics“ (Drone Records)

Moljebka Pulse “Lode / vx“ (Drone Records)

Vox Populi ! “Soft entrance to nature’s camino de luz” (taâlem)

2kilos&more “9,21” (taâlem)

Composition organique

Il arrive que les bourdons électroniques fassent corps. Parfois, on ne sait décider entre l’espace, la terre et la machine, tant la musique semble participer des trois à la fois. Elle ondule en vrombissant, s’habille en traînes d’harmoniques dont certains, saturés d’épaisse lumière, partent happés par le tapis bouillonnant. Dans ce cycle une façon de chant s’extrait, des voix qui s’effilochent, déjà assimilées, exilées de toute signifiance.

Shifts “Branches” (taâlem)

Toy Bizarre “kdi dctb 122 [f]” (taâlem)

Dark ambient aqueux

Absolument, l’eau est endroit d’indifférenciation primordiale et de dissolution finale. Puis, par l’effet de l’orage, la vague se fait instable, renversante, elle ne navigue au-dessus d’aucun fond, d’aucun plancher océanique. Elle assemble l’eau et sa tourmente, le vent, et renvoie assez d’harmoniques brisés pour accorder au musicien le reflet des éclats métalliques, des martèlements erratiques (il ne s’agit pas encore qu’ils installent un rythme et, partant, une stabilité). Fluctuation de la mémoire qui se déverse sans réserve dans la pensée présente. Il semble alors que la vague soit sous-tendue car on entend plus loin quelques palpitations de fond, réverbérant lumière et tiédeur. La condition de tranquille mouvement qui s’instaure est un deep ambient à la pleine texture d’harmoniques livides. Leur souplesse les fait nager ou même planer en eau semi-profonde, s’allonger pour devenir ailes de raies, que l’on voit stationner, ne conservant d’animée que l’extrémité. De la surface maintenant quasi figée, les légers frémissements se prolongent en sourds harmoniques de fond.

En surface, l’état atteint est celui d’un équilibre, quand la vaguelette est la forme la plus turbulente de la nappe. C’est la vague du ruisseau, sur le plat peu profond qui rend le mieux cette impression : elle ondule encore du tumulte d’amont mais allonge sa fréquence et tire vers le miroir. Ce fuselage frissonnant vibre en harmoniques et en basses, il fredonne et se dissout dans l’air, pareil à ce chant que l’eau renvoie parfois derrière notre épaule. A rien ne sert de se retourner, la voix est fantôme et ne se fixe que dans l’oreille de qui la reçoit. Le drone se concentre, contraint par le lit qui déjà se resserre, étrangle dans son goulot cette eau qui de chant devient rugissement, de vague devient écume. L’œil s’élève, et au-dessus de la cataracte, le soleil joue à travers les gouttelettes suspendues, il esquisse des moucherons mélodiques, les réunit, les fusionne et les évapore, qui retombent se joindre, emplis d’oxygène, et ajouter un peu de bleu au fluide orangé.

The Infant Cycle / Uphold : “Our past present (now then) (Afe Records)

Horchata “Coleid” (Afe Records)

Horchata vs. Sil Muir “Ahnedonia / Time dilation” (taâlem)

Cordell Klier “Measure here and be now” (Afe Records)

Ben Fleury-Steiner “He dreams in rivers” (taâlem)

Canevas dronique rugissant

Tremblements et rotations s’entrecroisent en un canevas dronique rugissant. Toujours, un nuage fluide plane sur la scène, mouvement d’air que la poussière brûlante soutient. Du froid surgit le chaud sans que la substance ait fondu pour autant. Elle reste au cœur pur et se résout en ondulations cristallines épaisses.
Ou : Vent hurlant et granulométrie, à l’intérieur de la machine. Ces sons de crêtes, périphéries irritantes que l’on gomme ou que l’on évite habituellement, sont isolés, mis en culture, en séquence, en boucles, jusqu’à s’accorder au rythme que le musicien leur prépare : ils en évacuent inexplicablement leurs harmoniques (chaleur, lumière) : rédemption de la scorie.

Emmanuel Mieville “Magnetic fields and shrouded flux” (taâlem)

Noise Dreams Machina “in / out” (Drone Records)

Sons minéraux et métalliques ponctuant le flux dronique

Quand le vent fait mine de durer, il porte dans son souffle d’épaisses humeurs. Elles le font même gargouiller de loin en loin. Leur humidité ronge jusqu’à la quincaillerie de quelque portillon qui grince, gorgé. Vent puis flot roulant dans un container dont tout écho indique la rotondité. Les percussions et les basses achèvent de se matifier au tangage, rapportant du fond, comme on soulève le marc, des tourbillons de voix aussitôt ravalés.

Dans cette musique, la double hélice de l’abrasion et du miroitement garde habituellement sa vitesse constante, mais les deux pales se fondent, comme gazéifiées. Pourtant c’est au flot marin que l’ondulation produite ressemble alors. Elle convoie d’autres sons, comme ceux de cordes, de carillons, des tintements métalliques qui toujours décorent le drone. Le minéral n’est pas le plus négligeable de ces festons, il en est même la forme irréductible, il est le grain de sable dans l’huître, qui présente semblables douleur et plaisir dans l’enkystement. Le bourdon d’harmoniques est pareil, il enrobe sa ponctuation minérale de nappes plus épaisses qui forment écrin.

Telepherique vs. S.Core “Haze“ (taâlem)

Michael Northam “Memory of A” (taâlem)

Never Known “Live at the cosmic Egg 10..6.2000” (Afe Records)

Andrea Marutti “The brutality of misbreathing” (Afe Records)

Yui Onodera “Le jardin” (taâlem)

Souffle, vent

Pour l’évocation de l’ouragan, on convoque le souffle, mais aussi les percussions métalliques résonnantes. Du chant à la vibration qui tend à l’immobilité, du rugissement à la plaque heurtée, de la cataracte à la pluie de carillons, l’intérieur et l’extérieur sont en incessante réponse, le dernier célébrant le premier, lui renvoyant son reflet domestiqué, méditatif. Le dialogue monte, favorisant la pousse désordonnée d’éclats cristallins jusqu’à la boucle et l’apparition du drone, lumière lisse en légère oscillation verticale qui s’accorde au mouvement pulmonaire de soulèvement sinusoïdal : plissage du moment de grâce.

Goose “Isabel” (taâlem)

The Infant Cycle “Secret hidden message” (Drone Records)

Telepherique vs. S.Core “Haze“ (taâlem)

Emmanuel Mieville “Magnetic fields and shrouded flux” (taâlem)

Noise Dreams Machina “in / out” (Drone Records)

Mouvement vertical

Frottés, excités, les objets métalliques sont forcés à la plus vibrante musicalité. Légèrement secoués et heurtés aussi, ils marquent l’image de leurs échardes, de leurs rivets, de leurs appendices rouillés et prématurément tombés. Insouciants de cela, ils tremblent et fredonnent, tissent et bourdonnent : drone de désert, drone de soleil, et déjà la plaque s’échauffe – on ne sait qui de l’astre ou de la main a su provoquer un tel rayon d’harmoniques épais. Il s’élève, héliotrope, captif comme la nacelle de qui souhaite voir le paysage à ses pieds sans pour autant consentir à la dérive. Pour le retenir : le cliquetis.

Jgrzinich “Ferric” (taâlem)

Ovro “Vertical / Horizontal” (Drone Records)

Emmanuel Mieville “Magnetic fields and shrouded flux” (taâlem)

M.B. “Bactérie” (taâlem)

Edward Ruchalski “Territorial objects“ (Afe Records)

Circularité

A imaginer l’impossible surface sous-jacente, on dessine vite un cercle, celui d’un mouvement métallique profond annoncé par un drone d’encre. Ce cercle est un gouffre, il laisse la musique comme un puits où la lumière est happée, répercutée aussitôt, par l’opération de la force centrifuge contre les parois de puissants cliquetis. A observer ceux-ci de plus près, on les entend comme pleine texture, échauffée, rougie par le mouvement mais aussitôt tempérée par la nappe dronique. Mouvement de vol ou de nage, c’est un fuseau de particules. Le grain s’y voit, se touche presque, mais la savante spirale a toute douceur dans sa torsade et tente, de persévérante érosion, le polissage. Ce tour en pleine lumière, de pleine lumière, est un spectacle infini, mouvement de prospection circulaire. Le fluide complaisant s’y échauffe parfois, quand il a laissé, fasciné, certaines de ses langues encore trop près de l’hélice : douce rétractation en saturation étouffée. Patiente mais puissante musique d’éveil.

Pholde “Aperture of the internal surface” (Afe Records)

Michael Northam “Memory of A” (taâlem)

Jgrzinich “Ferric” (taâlem)

Spiracle “Lumen” (taâlem)

Fontaine d’harmoniques lumineux

La répétition de mêmes notes (les carillons de Charlemagne Palestine par exemple) va entraîner la condensation d’un tapis ou plutôt d’un ciel d’harmoniques qui n’aura pas le temps de se dissoudre et que le musicien renforcera, réalimentera, à chaque geste. Il arrive alors que l’amas d’harmoniques, en faisceau droit ou plié en cercle, s’épaississe de fréquences qui le font comme étinceler puis miroiter. Ondulant ou faisant mine, il se comporte à la manière de cette eau pure qui distord en permanence l’image des cailloux du fond, pourtant immobiles. A cela s’ajoutent, dans le flot concentré, de légères variations de tons, dont certaines si ténues qu’on les prendrait aisément pour des créations de son propre esprit. Ces évocations mélodiques, qui font littéralement fredonner le drone, ne laissent pas de figurer la lumière, en source ou en but. Pour plus d’éclats, le drone s’enkyste de concrétions, pépites infimes de glitches, de raclements, de crépitements en flammèche : il se sertit et s’augmente en travaillant à sa propre orfèvrerie. Paradoxe de l’éclairage dans la musique sombre ; c’est un de ces lieux où la lumière, en fait, ne vient pas considérablement entamer la forme obscure. En ce sens, peut-être faudrait-il parler de lueur…

Horchata “Coleoid” (Afe Records)

Vox Populi ! “Soft entrance to nature’s camino de luz”

Netherworld “Hallucinations” (taâlem)

Xabec “Feuerstern” (Drone Records)

Point du jour – aurore et crépuscule dans le bleu et l’orangé

Le crépuscule est ce moment du changement de luminosité, de température, et de forme – celle-ci s’estompe et modifie ses proportions, plus docile à l’imagination impressionnable. Dans le ciel d’été, le bleu et l’orange se chargent de pleine puissance, se contournent, se lovent l’un contre l’autre, avant de s’effilocher et de fusionner dans le noir. La musique ambiante sombre et abstraite est ce lieu, ce moment de passage, où la texture ébauche des formes, où le rayon d’harmoniques orangés peut s’absorber dans le bleu obscur, le soleil s’évanouir dans le ciel.

Peter Wright “Air guitar” (Drone Records)

Ninth desert “Different trouble experiences of twilight” (Afe Records)

Spiracle “Lumen” (taâlem)

Formes, textures et séquences tentent l’ébauche mélodique

Premières incarnations de la métaphore, ce sont, en souffles, en cordes, des poussées d’images proto-mélodiques, depuis des paysages musicaux où on les pensait irréalisables. L’illustration est évidente – voulue ? Froufroutement d’ailes de métal, chant, forces primordiales, ou encore impulsion d’harmoniques mélancoliques – tristesse d’avant la tristesse, c’est une dramatisation de la vague en élan sacré (Gorecki anticipe magnifiquement tout cela).

Dramatisation et hypersensibilisation de la nappe ambiante : elle se nimbe d’une vapeur sépia, celle des larmes et de la fermentation de la forêt. C’est le travail de la terre, transfiguration de la pourriture, chantée par les nymphes. Accordéons, cordes, harmoniques de sons concrets se lacent et se délacent comme futaie vers le ciel. Epaisse mélancolie d’automne, Romantisme tourné vers le dedans, le profond, car il faut bien une source aussi lointaine que l’est ce ciel désiré. Ces poussées verticales ou sinusoïdales adoptent alors une démarche, un rythme de voyage, comme dociles à un code génétique qui, à cette étape de la complexification, les achemine vers la mélodie. Oh, ce n’est presque rien parfois, deux ou trois notes, et leur alliance suffit à couper le souffle, à inaugurer l’aube de la figuration musicale. On se prend même, combien cela est miraculeux, à fredonner un air encore inexistant, mais qui s’impose. Du drone en esquisse de ciselage s’élève un fantôme, celui d’une mélodie à venir, vers laquelle toute la musique est happée.

Mathieu Ruhlmann “The Earth grows in each of us” (Afe Records)

Horchata “Coleoid” (Afe Records)

Ninth desert “Different trouble experiences of twilight” (Afe Records)

Jgrzinich “Ferric” (taâlem)

Yui Onodera “Le jardin” (taâlem)

Artefactum “Sub rosa” (Drone Records)

Botchan Karisen “Réactions mécaniques” (taâlem)

M.B. “Bactérie“ (taâlem)

Murmer “In their homes and in their heads“ (Drone Records)

Moljebka Pulse “Lode / vx“ (Drone Records)

Shrine “Distorted legends“ (Drone Records)

Rituel

Le métallophone expédie la danse de ses plaques d’un bout à l’autre de son spectre sonore. Sur le miroir de métal, la boucle s’étend du vertical à l’horizontal, jusque dans la réverbération de son effet happé. Quelque cor dans le reflet vibrant, chaussé de percussions sèches : jeu d’un rituel. Répétition invention.

Et le gong frotté, ou légèrement heurté, évoque ensemble la porte et ce qu’elle dissimule, qu’elle révèle une fois ouverte. Le drone du métal résonnant s’allonge jusqu’à une courte stabilité, un équilibre blanc qui atténue et efface toute solidarité : la porte s’est effacée. Rituel augmenté de sifflements eux aussi métalliques, cette lente oscillation dessine ses images éoliennes et telluriques dans le gris épais. Une fois monté, le rideau s’abaisse sur une vie de sons crépitants, obéissant en répons à la sommation codée des appels métalliques. Un appel et parfois une plainte, venteuse, sinueuse, d’une obscurité qui se transporte du chaud au froid mais jamais ne traverse la lumière. L’oscillation est musique d’un rite en naissance, d’une vague granuleuse noire et bleue, noire et ocre, ondulant alternativement depuis l’espace ou la terre. Les serpents croisés activent quelques motifs rythmiques bouclés, intimement liés à la notion de primordialité, comme dans les liturgies prométhéennes de Zoviet*France et Rapoon.

Conscientia Peccati vs. Stillstand “Rites of Lamashtu” (taâlem)

Bardoseneticcube “The sacral member” (taâlem)

Hati “Recycled magick drones” (Drone Records)

Licht-Ung “Kristall” (Drone Records)

Romantisme et mélancolie profonde

Nous avons dit tristesse d’avant la tristesse. Et pourquoi pas, aussi, bonheur d’avant le bonheur, joie d’avant la joie.

Le drone peut être révélation romantique du monde, « plonger plus bas que ne descend la sonde » : le tableau d’un éveil devant ce qui nous submerge, cette immensité du monde qui, se peut-il ?, est une traduction de l’absolu. Un lac, en surface légèrement troublé : le drone plissé et bleuté se perd peu à peu dans la brume de souffle qui peine à s’effacer. Quelques tintements, appels du ciel ou des profondeurs, s’agrègent en des vagues de naissance mélodique. Support du drone affligé, nappes sourdes étalées sur de rares notes en drap de désolation. L’alliance de la clarté du ruisseau et de l’obscurité du synthétiseur accorde leurs respirations qui épousent le même voile vague. Elles se ponctuent de pluies cuivrées qui viennent un instant illuminer le tableau d’éclats de lumière céleste, primordiale – accès fugitif au bonheur ontologique.

Never Known “Live at the Cosmic Egg 10.06.2000” (Afe Records)

Seetyca “The lake” (Drone Records)
Vox Populi ! “Soft entrance to nature’s camino de luz” (taâlem)

Tzesne “Crossing Tierra Hueca” (taâlem)

Hum “Caldron of winds“ (taâlem)

Bardoseneticcube “The sacral member” (taâlem)

Shrine “Distorted legends“ (Drone Records)

Yui Onodera “Synergetics“ (Drone Records)

M.B. “Bactérie” (taâlem)

Pourquoi annoncer, puis conclure, exprimer, cette cinématique avec son ouverture sur le Romantisme ? Rappelons que, du moins en Allemagne, ce mouvement plaçait le sentiment de la nature au plus haut, de même que la musique. Friedrich Schlegel écrivait que la musique est « le plus élevé des arts, le plus général », Ludwig Tieck poussait à « l’effort pour transformer la poésie en musique ». Quant à Novalis qui pensait que chaque chose possède sa signature sonore, il notait dans un de ses plus beaux fragments sur la musique, « La nature est un harpe éolienne, un instrument musical, dont les sons retrouvent en nous les touches qui ébranlent des cordes plus sublimes ».
L’accord de la musique et de la nature dans un sentiment éloigné de la posture naïve d‘acquiescement rappelle la fracture entre les Classiques et les Romantiques : la musique est pour le Romantisme une modalité de l’être, de la nature. Peut-être la plus pure.

Entendons ici le rapprochement avec le drone qui semble s’être affranchi en partie des styles industriels, cosmiques ou électro. Le drone que nous avons parcouru en plongée vise à un langage plus absolu. La primordialité qu’il creuse est dans son expression une extase sans parole, sans oxydation ni d’autre connotation que celle de son but. C’est le chant du monde lorsqu’il respire pour se préparer à fredonner. Il n’est qu’à tendre l’oreille ou bien quelques cordes pour l’entendre vibrer de son alphabet sonore. La harpe éolienne était à l’époque romantique cet objet de révélation à usage domestique. On la calait au carreau ouvert pour écouter le chant du vent se glisser littéralement dans les demeures. C’était l’invitation à une transfiguration immédiate du souffle naturel. Premier pas dans la mise en œuvre d’une traduction, celui-ci n’était pas encore assujetti à la parole, mais il inaugurait la marche de l’esprit qui prend départ au cœur du primordial pour aboutir à la poésie lissée. C’est la première variation par la main de l’homme, avant que ses mots n’y appliquent leur lexique.

Je ne sais jusqu’à quel point la subjectivité fausse l’interprétation. Le risque est plus grand encore pour toutes ces formes d’expression qui n’usent pas de mots ; le danger dès que l’on se permet d’ouvrir la bouche et de traduire ce qui ne le permet pas – la musique. Il reste d’abord que les artistes assument un tel vocabulaire, du moins lorsqu’il s’agit d’intituler un travail. Ensuite, qu’il est IMPENSABLE de ne pas articuler de connivence poétique entre la musique et de plus larges réseaux. Et le dire est encore notre seul moyen d’approche. Pourtant j’imagine bien que la musique ne peut pas se payer de mots. J’entrevois une autre sorte de dédommagement, parent. Les mots sont médiateurs, messagers, ils rapatrient la musique et son cortège d’images vers un point d’absolu, un endroit de l’esprit et de la sensibilité où les facettes se juxtaposent et retrouvent ainsi leur chant de fracture. Gaston Bachelard écrivait : « Tout parle dans l’univers, mais c’est l’homme, le grand parlant, qui dit les premiers mots. » Il n’y aura pas de succès franc : la pensée est encore le dernier rempart contre l’état d’origine. Mais, une fois accordée à la tonalité déployée du bourdon, elle est aussi la seule capable de formuler sa nostalgie.

01 Sunrings In The Ritua#3C

P.-S.

Ce texte constitue l’introduction du numéro 15 de la revue Fear Drop (parution prévue début 2010), consacré au thème du vent. www.feardrop.net

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