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des artistes bénévoles au service du peuple : Météore 2 / opérette / 19, 20, 21 Mai au Théâtre de l’Etoile du Nord, à Paris

jeudi 5 mai 2011 (Date de rédaction antérieure : 28 mars 2024).

"J’ai eu le privilège d’assister, en avril 2011, aux répétitions de M2 lors d’un passage à l’Antreloup.
J’avais vu la première partie (Météore 1 : la naissance) en juillet dernier lors d’un festival dans le sud de la France, sans être tout a fait convaincu par la proposition de cette compagnie.
Pas tout à fait convaincu mais très troublé par le potentiel de situation déjà très perceptible. De plus dans mon souvenir il avait fallu résister une journée entière sous les orages avant que le ciel ne s’ouvre enfin au moment exact de la représentation.
Privilège donc, car il devient rare d’être accueilli dans des lieux de création au moment même où les choses s’inventent. Et ici à l’Antreloup ce que j’ai vécu est remarquable en tous points.
Vous êtes là, en situation de « spectateur », bien que le spectacle ne soit pas encore totalement finalisé et ce à quoi vous assistez relève, disons-le, du prodige.
Les acteurs (ils sont 5, 4 sur le plateau et 1 en régie), les auteurs devrais-je dire, vont et viennent dans une espèce de décontraction légèrement crispée, parfois ils chantent, ou esquissent un pas de danse, manipulent une caméra qui semble posée là par hasard, parfois l’un d’entre eux réponds à un appel téléphonique, pendant qu’un autre sort en courant de la salle, le tout dans une ambiance de désorganisation générale.
Et puis soudain, sans que rien ne vous y ai réellement préparé quelque chose surgit sur le plateau, qui place vos sens en alerte et vous constatez qu’une situation nouvelle vient de surgir, absolument inédite et parfaitement limpide : les corps sont en place et en phase, les images sont exactement celles qui doivent être là, les sons structurent l’espace et dans une fraction de seconde tous les 5 ont compris qu’un pas venait d’être franchi et qu’un pan de récit venait de naître.
Ensuite et sans s’attarder plus que cela, chacun reprend ses trajectoires alambiquées et mystérieuses, jusqu’à ce qu’un nouveau cristal de pure beauté apparaisse et s’engrangent.
En quelque jour, ce que l’on désigne généralement par le mot de spectacle, s’organise et se déploie sous nos yeux.
On comprend vite que ces personnages (comment qualifier ces mutants ?), ne sont pas nés de la dernière pluie et que sans doute pour en arriver là, c’est-à-dire à ce niveau de dispersion de génie de chacun dans la conscience de tous les autres, ils ont du parcourir tous les sentiers non balisés de la création contemporaine.
Le résultat, celui dont je témoigne ici avoir été le témoin direct, je peux le décrire ainsi : vous êtes seul et désabusé, perdu dans une lande radioactive et désolée, d’autres, que vous connaissez plus ou moins, sont là aussi, autour de vous, vous êtes ici faute de mieux vaguement guidé par l’intuition que peut-être, peut-être… et puis soudain une immense bulle de savon s’élève au dessus de vous enveloppe tout l’espace, brillant de mille phosphorescences, et reflétant sur ses parois des mondes animés, colorés et mouvants, vous reprenez confiance, tout entier tendus dans le fol espoir que cette bulle n’éclate pas encore,, pas tout de suite, pas maintenant, pas ici…
Vous comprenez que les paysages qui défilent sur la paroi fragile sont ceux de votre enfance, ceux de vos émois, ceux de tous vos bouleversements, vous comprenez que c’est bien votre vie qui crépite et votre souffle qui se déploie.
Ce spectacle c’est cette bulle. C’est à cela que j’ai assisté.
Je n’ai ressenti aucune urgence, aucune tension, aucune violence : rien d’autre que la vie en déploiement.
C’est fragile, c’est provisoire, c’est drôle, subtil, miraculeux, cela n’a peut-être même jamais existé.
Je suis resté silencieux puis je suis retourné vers Paris en les laissant continuer leurs explorations. Je me suis surprise à chantonner une très ancienne et très douce ritournelle que ma grand tante chantait parfois pour calmer mes frayeurs. Elle qui ne parlait pourtant jamais, me la chantait souvent depuis son retour des camps de la honte.
Certains auront peut-être la chance de découvrir ces bulles de beauté en Mai 2011, à l’Etoile du Nord, à Paris."

Judith Abécassis-Jouhanaux

Voir en ligne : http://www.laurentine.net/

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