La Revue des Ressources
Accueil > Création > Poésie > Dans le métro & Poème de la nuit

Dans le métro & Poème de la nuit 

traduit du portugais (Brésil) par Márcia Marques Rambourg

lundi 2 juin 2014, par Marcia Marques Rambourg (traductrice), Solange Rebuzzi

Dans le métro

L’homme au regard oblique ne dissimule rien. L’hiver était fini à Paris. Les fleurs dans les jardins et dans les parcs donnaient des signes de lumière. Les jardiniers habitués à les planter agissent rapidement, et habillent nos regards.
Dans le wagon du métro, un homme d’un certain âge et de peau sale dérange immensément. Les passagers descendent trébuchant à la première station dès que la porte s’ouvre. Quelques jeunes téméraires se bouchent le nez lorsqu’ils montent. Personne ne reste indifférent dans ce wagon. L’odeur de l’homme envahit les narines, les yeux, les bouches...
Il porte des pantalons déchirés de tissus épais, suffisamment épais. Dans le mélange des odeurs exhale la sueur ancienne. Une rare odeur jaillit de son immense corps.
En langue étrangère, il exprime des mots éraillés, et dit qu’il est un homme qui ne fait de mal à personne.
(Je pus voir la couleur de ses ongles).

L’homme au regard oblique ne cache-t-il rien ?

No metrô

O homem de olhar oblíquo não dissimula nada. O inverno havia terminado em Paris. As flores nos canteiros dos parques davam sinais de claridade. Os jardineiros habituados em plantá-las agem rápido, e vestem nossos olhares.
No vagão do metrô, um senhor de alguma idade e nenhum banho incomoda imenso. Os passageiros descem tropeçando na primeira estação tão logo a porta se abre. Alguns jovens destemidos tapam o nariz ao entrar. Ninguém fica impune neste vagão de metrô. O cheiro de um homem invade narinas, olhos, bocas...
Ele veste calças rasgadas de tecido grosso, o suficiente. Na mistura dos cheiros exala o suor antigo. Um raro odor brota de seu corpo imenso.
Na língua estrangeira expressa palavras roucas, e diz que é um homem que não faz mal a ninguém.
(Ainda pude perceber a cor das unhas).

O homem de olhar oblíquo nada dissimula ?

***
Poème de la nuit
1
Perdue dans le métro
elle marche sans frontière
une presse sans frontière
on court tous – on court
c’est par là – ah non – c’est
par ici
Ah, oui !
On est tous pressés
une presse de tous les jours
de tous les gestes
aux pieds
de la poussière
d’autres peuples
d’autres terres
c’est par là
ah oui !
mais non
c’est par ici
(un va-et-vient
non plus de rues ou d’avenues
dans le métro
toutes les langues !)

Et on voit des traces des horizons de l’azur curieux –
c’est bon le vent qui vient de la fenêtre
la clarté me stupéfie

Poema da madrugada

1
Perdida no metrô
ela marcha sem fronteiras
uma pressa sem
fronteiras
todos correm – correm
c’est par là – ah non – c’est
par ici
Ah, oui !

Todos têm pressa
uma pressa de todos os dias
todos os gestos
nos pés
poeira
outros povos
outros chãos
c’est par là
ah oui !
mais non
c’est par ici

(um sobe e desce
não mais de ruas e avenidas
no metrô
todas
as línguas !)

Et on voit des traces des horizons de l’azur curieux –
c’est bon le vent qui vient de la fenêtre
la clarté me stupéfie

***

2
La femme sourit
nourrit le fils-bébé-indien
des yeux de vide Amande
L’Amande de Paul Celan
est là
dans ce moment au métro
et je suis là aussi
(avec le regard
petit et marron)
La femme reconnaît en moi la femme
de la veille – à la même heure :
15:15
à la station
Cité Universitaire
Mais comment la suivre maintenant
qu’elle est descendue si vite ?
Je ne saurai dire que font
cette femme et son bébé
dans le trajet du métro
jusqu’à la station Saint-Michel
Notre Dame

(Amande : fruit en forme d’œil, plein du secret de la mort.
Fruit en forme de larme – a écrit la poétesse Martine Broda)

Paris, le 10 mars 2005.

2
A mulher sorri
alimenta o filho-bebê-indiano
olhos de vazia Amêndoa
L’ Amande de Paul Celan
est là
dans ce moment au métro
et je suis là aussi

(com o olhar
pequeno e marrom)
A mulher reconhece em mim a mulher
do dia anterior
– à mesma hora :
15:15
na estação
Cité Universitaire
Mas como segui-la agora
que desceu de repente ?
Não saberei dizer o que faz
essa mulher e seu bebê
no trajeto do metrô
jusqu’à la station St. Michel-
Notre Dame

(Amande : fruit en forme d’œil, plein du secret de la mort.
Fruit en forme de larme – a écrit la poétesse Martine Broda)

Paris, 10 de março de 2005.

© la revue des ressources : Sauf mention particulière | SPIP | Contact | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0 | La Revue des Ressources sur facebook & twitter