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Robert Louis Stevenson vu par Marcel Schwob 

mercredi 11 juillet 2007, par Marcel Schwob

Je me souviens clairement de l’espèce d’émoi d’imagination où me jeta le premier livre de Stevenson que je lus. C’était Treasure Island. Je l’avais emporté pour un long voyage vers le midi. Ma lecture commença sous la lumière tremblotante d’une lampe de chemin de fer. Les vitres du wagon se teignaient du rouge de l’aurore méridionale quand je m’éveillais du rêve de mon livre, comme Jim Hawkins, au glapissement du perroquet : "Pieces of eight ! pieces of eight !"

J’avais devant les yeux John Silver, with a face as big as a ham - his eye a mere pinpoint in his big face, but gleaming like a crumb of glass. Je voyais le visage bleu de Flint, râlant, ivre de rhum, à Savannah, par une journée chaude, la fenêtre ouverte ; la petite pièce ronde de papier, découpée dans une Bible, noircie à la cendre, dans la paume de Long John ; la figure couleur de chandelle de l’homme à qui manquaient deux doigts ; la mèche de cheveux jaunes flottant au vent de la mer sur le crâne d’Allardyce. J’entendais les deux ahans de Silver plantant son couteau dans le dos de la première victime ; et le chant vibrant de la lame d’Israël Hands clouant au mât l’épaule du petit Jim ; et le tintement des chaînes des pendus sur Execution Dock ; et la voix mince, haute, tremblante, aérienne et douce s’élevant parmi les arbres de l’île pour chanter plaintivement : "Darby M’Graw ! Darby M’Graw !"

Alors je connus que j’avais subi le pouvoir d’un nouveau créateur de littérature et que mon esprit serait hanté désormais par des images de couleur inconnue et des sons point encore entendus. Et cependant ce trésor n’était pas plus attirant que les coffres d’or du Capitaine Kidd ; je connaissais le crâne cloué sur l’arbre dans The Gold Bug ; j’avais vu Blackbeard boire du rhum, comme le capitaine Flint, dans le récit d’Oexmelin ; je retrouvais Ben Gunn, changé en homme sauvage, comme Ayrton dans l’île Tabor ; je me souvenais de la mort de Falstaff, agonisant comme le vieux pirate, et des paroles de Mrs Quickly :

"A parted even just betwen twelve and one, e’en at the turning o’ the tide ; for after I saw him fumble with the sheets, and play with flowers, and smile upon his finger’s ends. I knew there was but one way ; for his nose was as sharp as a pen and’ a babbled of green fields"... "They say, he cried out of sack." - "Ay, that’ a did."

J’avais entendu ce même ballottement des pendus noircis par le hâle, dans la ballade de François Villon ; et l’attaque de la maison solitaire, au milieu de la nuit, me rappelait le conte populaire, The Hand of Glory. "Tout est dit, depuis six mille ans qu’il y a des hommes, et qui pensent." Mais ceci était dit avec un accent nouveau. Pourquoi, et quelle était l’essence de ce pouvoir magique ? C’est ce que je voudrais tâcher de montrer dans ces quelques pages.

On pourrait caractériser la différence de l’ancien régime en littérature et de nos temps modernes par le mouvement inverse du style et de l’orthographe. Il nous paraît que tous les écrivains du XVe et du XVIe siècle usaient d’une langue admirable, alors qu’ils écrivaient les mots chacun à leur manière, sans se soucier de leur forme. Aujourd’hui que les mots sont fixés et rigides, vêtus de toutes leurs lettres, corrects et polis, dans leur orthographe immuable, comme des invités de soirée, ils ont perdu leur individualisme de couleur. Les gens s’habillaient d’étoffes différentes : maintenant les mots, comme les gens, sont habillés de noir. On ne les distingue plus beaucoup. Mais ils sont tous correctement orthographiés. Les langues, comme les peuples, parviennent à une organisation de société raffinée d’où on a banni les bariolages indécents. Il n’en est pas autrement des histoires ou des romans. L’orthographe de nos contes est parfaitement régulière : nous les façonnons suivant des modèles exacts.

The actors are, it seems, the usual three.

dit Georges Meredith. Il y a une manière de raconter et de décrire. L’humanité littéraire suit si volontiers les routes tracées par les premiers découvreurs que la comédie n’a guère changé depuis la "maquette" fabriquée par Ménandre, ni le roman d’aventures depuis l’esquisse que Pétrone a dessiné. L’écrivain qui rompt l’orthographe traditionnelle prouve véritablement une force créatrice. Or, il faut bien se résigner : on ne peut jamais changer que l’orthographe des phrases et la direction des lignes. Les idées et les faits restent les mêmes, comme le papier et l’encre. Ce qui fait la gloire de Hans Holbein dans le dessin de la famille de Thomas Morus, ce sont les courbes qu’il a imaginé de faire décrire à son calame. La matière de la Beauté est restée identique depuis le Chaos. Le poète et le peintre sont des inventeurs de formes : ils se servent des idées communes et des visages de tout le monde.

Prenez maintenant le livre de Robert Louis Stevenson. Qu’est-ce ? Une île, un trésor, des pirates. Qui raconte ? Un enfant à qui arriva l’aventure. Odysseus, Robinson Crusoé, Arthur Gordon Pym ne s’en seraient pas tirés d’autre manière. Mais ici il y a un entrecroisement de récits. Les mêmes faits sont exposés par deux narrateurs - Jim Hawkins et le docteur Livesey. Robert Browning avait déjà imaginé quelque chose de semblable dans the Ring and the Book. Stevenson fait jouer en même temps le drame par ses récitants ; et au lieu de s’appesantir sur les mêmes détails saisis par d’autres personnes, il ne nous présente que deux ou trois points de vues différents. Puis l’obscurité est faite à l’arrière-plan, pour nous donner l’incertitude du mystère. Nous ne savons pas exactement ce qu’avait fait Billy Bones. Deux ou trois touches de Silver suffisent pour nous inspirer le regret ardent d’ignorer à jamais la vie de Captain Flint et de ses compagnons de fortune. Qu’était-ce que la négresse de Long John, et dans quelle auberge de quelle ville d’Orient retrouverons-nous, avec un tablier de cuisinier, the seafaring man with one leg ? L’art, ici, consiste à ne point dire. J’ai eu une triste déception le jour où j’ai lu dans Charles Johnson la vie de Captain Kidd : j’aurais préféré ne la lire jamais. Je suis sûr de ne jamais lire la vie de Captain Flint ou de Long John. Elles reposent, informulées, dans le tombeau du Mont Pala, dans l’île d’Apia.

And may I

And all my pirates share the grave

Where these and their creations lie !

Ces espèces de silences du récit, qui sont peut-être ce qu’il y a de plus passionnant dans les fragments du Satiricon, Stevenson a su les employer avec une extraordinaire maîtrise. Ce qu’il ne nous dit pas de la vie d’Allan Breck, de Secundra Dass, d’Ollala, d’Attwater, nous attire plus que ce qu’il nous en dit. Il sait faire surgir les personnages des ténèbres qu’il a créées autour d’eux.

Mais pourquoi le récit même, en dehors de la composition, et des coupures de silence qui y sont ménagées, a-t-il cette intensité particulière qui ne vous permet pas de déposer un livre de Stevenson quand vous l’avez pris en main ? J’imagine que le secret de ce pouvoir a été transmis de Daniel De Foe à Edgar Poe et à Stevenson, et que Charles Dickens en a eu quelques lueurs dans Two Ghost Stories. C’est essentiellement l’application des moyens les plus simples et les plus réels aux sujets les plus compliqués et les plus inexistants. Le récit minutieux de l’apparition de Mrs Veal, le compte-rendu scrupuleux du cas de M. Valdemar, l’analyse patiente de la faculté monstrueuse de Dr Jekyll, sont les exemples les plus frappants de ce procédé littéraire. L’illusion de la réalité naît de ce que les objets qu’on nous présente sont ceux que nous voyons tous les jours, auxquels nous sommes bien accoutumés ; la puissance d’impression, de ce que les rapports entre ces objets familiers sont soudainement modifiés. Faites croiser à un homme l’index par-dessus le medius et mettez une bille entres les extrémités des doigts croisés : il en sentira deux, et sa surprise sera beaucoup plus grande que lorsque M. Robert Houdin fait jaillir une omelette ou cinquante mètres de ruban d’un chapeau préparé à l’avance. C’est que cet homme connaît parfaitement ses deux doigts et la bille : il ne doute donc point de la réalité de ce qu’il essaie. Mais les rapports de ses sensations sont changés : voilà où il est touché par l’extraordinaire. Ce qu’il y a de plus saisissant dans The Journal of the Plague, ce ne sont ni les fosses prodigieuses creusées dans les cimetières, ni les entassements de cadavres, ni les portes marquées de croix rouge, ni les appels de cloche des enterreurs des morts, ni les affres solitaires des fuyards, ni même the blazing star, of a faint dull, languid colour, and its motion very heavy, solemn, and slow. Mais l’épouvante est extrême dans ce récit : le sellier, parmi le profond silence des rues, entre dans la cour de la maison de poste. Un homme est au coin ; un autre à la fenêtre ; un autre à la porte du bureau. Tous trois regardent, au centre de la cour, une petite bourse de cuir, avec deux clefs qui y pendent ; personne n’ose y toucher. Enfin l’un d’eux se décide, saisit la bourse avec des pincettes rougies au feu, et l’ayant brûlée fait tomber le contenu dans un seau plein d’eau. The money, as I remember, dit De Foe, was about thirteen shillings, and some smooth groats and brass farthings. Voilà une pauvre aventure des rues - une bourse abandonnée - mais toutes les conditions d’action sont modifiées, et aussitôt l’horreur de la peste nous entoure. Deux des incidents les plus terrifiants en littérature sont la découverte par Robinson de l’empreinte d’un pied inconnu dans le sable de son île, et la stupeur du Dr Jekyll, reconnaissant, à son réveil, que sa propre main, étendue sur le drap de son lit, est devenue la main velue de M. Hyde. Le sentiment du mystère dans ces deux événements est insurmontable. Et pourtant aucune force psychique n’y paraît intervenir : l’île de Robinson est inhabitée - il ne devrait y avoir là d’empreinte d’autre pied que du sien ; le docteur Jekyll n’a pas au bout du bras, dans l’ordre naturel des choses, la main velue de M. Hyde. Ce sont de simples oppositions de fait.
Je voudrais en arriver maintenant à ce que cette faculté a de spécial chez Stevenson. Si je ne me trompe, elle est plus saisissante et plus magique chez lui que chez tous les autres. La raison m’en paraît être dans le romantisme de son réalisme. Autant vaudrait-il écrire que le réalisme de Stevenson est parfaitement irréel, et que c’est pour cela qu’il est tout-puissant. Stevenson n’a jamais regardé les choses qu’avec les yeux de son imagination. Aucun homme n’a la figure comme un jambon ; l’étincellement des boutons d’argent d’Alan Breck, lorsqu’il saute sur le vaisseau de David Balfour, est hautement improbable ; la rigidité de la ligne de lumière et de fumée des flammes de chandelles dans le duel du Master of Ballantrae ne pourrait s’obtenir dans une chambre d’expériences ; jamais la lèpre n’a ressemblé à la tache de lichen que Keawe découvre sur sa chair ; quelqu’un croira-t-il que Cassilis, dans the Pavilion on the Links, ait pu voir luire dans les prunelles d’un homme la clarté de la lune, though he was a good many yards distant ? Je ne parle point d’une erreur que Stevenson avait reconnue lui-même, et par laquelle il fait accomplir à Alison une chose impraticable : " She spied the sword, picked it up... and thrust it to the hilt into the frozen ground. "

Mais ce ne sont pas là, en réalité, des erreurs : ce sont des images plus fortes que les images réelles. Nous avons trouvé chez bien des écrivains le pouvoir de hausser la réalité par la couleur des mots ; je ne sais pas si on trouverait ailleurs des images qui, sans l’aide des mots, sont plus violentes que les images réelles. Ce sont des images romantiques, puisqu’elles ont destinées à accroître l’éclat de l’action par le décor ; ce sont des images irréelles, puisqu’aucun oeil humain ne saurait les voir dans le monde que nous connaissons. Et pourtant elle sont, à proprement parler, la quintessence de la réalité.

En effet, ce qui reste en nous d’Alan Breck, de Keawe, de Thevenin Pensete, de John Silver, c’est ce pourpoint aux boutons d’argent, cette tache irrégulière de lichen, stigmate de la lèpre, ce crâne chauve avec sa double touffe de cheveux rouges, cette face large comme un jambon, avec les yeux scintillants comme des éclats de verre. N’est-ce pas là ce qui les dénote dans notre mémoire ? ce qui leur donne cette vie factice qu’ont les êtres littéraires, cette vie qui dépasse tellement en énergie la vie que nous percevons avec nos yeux corporels qu’elle anime les personnes qui nous entourent ? Car l’agrément et l’intérêt que nous éprouvons dans les autres est excité, la plupart du temps, par leur degré de ressemblance avec ces êtres littéraires, par la teinte romantique qui se répand sur eux. Nos contemporains existent avec d’autant plus d’individualité, que nous les attachons plus étroitement à ces créations irréelles des temps anciens. Cette haleine littéraire fait fleurir toutes nos affections en beauté. Nous vivons rarement avec plaisir de notre vraie vie. Nous essayons presque toujours de mourir d’une autre mort que de la nôtre. C’est une sorte de convention héroïque qui donne de l’éclat à nos actions. Quand Hamlet saute dans la tombe d’Ophélie, il songe à sa propre saga, et s’écrie :

It is I, Hamlet the Dane

Et combien se sont enorgueillis de vivre de la vie d’Hamlet, qui voulait vivre de la vie d’Hamlet le Danois. Souvenez-vous de Peer Gynt, qui ne peut pas vivre de sa propre vie, et qui, revenu dans son pays, vieux et inconnu, voit vendre à l’encan les accessoires de sa propre légende. Nous devrions être reconnaissants à Stevenson pour avoir élargi le cercle de ces amis de l’irréel. Ceux qu’ils nous a donnés sont stigmatisés si vivement par son réalisme romantique que nous risquons fort de ne jamais les rencontrer ici-bas. Souvent nous voyons Don Quichotte, de complexion recia, seco de carnes, enjuto de rostro ; ou Frère Jean des Entommeures, hault, maigre, bien fendu de gueulle, bien advantaigé en nez ; ou le prince Hal, avec a villainous trick of his eye and a foolish hanging of his nether-lip : tous traits de visage et de corps que la nature a mis en réserve pour nous, et qu’elle nous montrera souvent encore. La valeur imaginative résulte du choix et de la couleur des mots, de la coupure de la phrase, de leur appropriation au personnage qu’ils décrivent ; et cette combinaison artistique est si miraculeuse que ces traits communs et fréquents dénotent pour l’éternité Don Quichotte, Frère Jean, le Prince Hal : ils leur appartiennent, c’est à eux que nous sommes obligés d’aller les demander.

Rien de pareil pour ceux que nous a créés Stevenson. Nous ne pouvons modeler personne à leur image, parce qu’elle est trop vive et trop singulière, ou qu’elle est liée au costume, à un jeu de lumière, à un accessoire de théâtre, pourrait-on dire. Je me souviens que lorsqu’on fit jouer ici la pièce de John Ford, ’T is pity she’s a whore, nous supposâmes qu’il faudrait piquer sur le poignard de Giovanni un vrai coeur sanglant. A la répétition, l’acteur entra, brandissant au bout de sa dague un coeur de mouton frais. Nous demeurâmes stupéfaits. Au-delà de la rampe, sur la scène, parmi les décors, rien ne ressemblait moins à un coeur qu’un vrai coeur. Ce morceau de viande avait l’air d’une pièce de boucherie, toute violette. Ce n’était point le coeur saignant de la belle Annabella. Nous pensâmes alors que, puisqu’un vrai coeur paraissait faux en scène, un faux coeur devait paraître vrai. On fit le coeur d’Annabella avec un morceau de flanelle rouge. La flanelle était découpée selon la forme qu’on voit sur les images saintes. Le rouge était d’un éclat incomparable, tout à fait différent de la couleur du sang. Quand nous vîmes paraître une seconde fois avec sa dague, nous eûmes tous un petit frémissement d’angoisse, car c’était bien là, à n’en pas douter, le coeur sanglant de la belle Annabella. Il me semble que les personnages de Stevenson ont justement cette espèce de réalisme irréel. La large figure luisante de Long John, la couleur blême du crâne de Thevenin Pensete s’attachent à la mémoire de nos yeux en vertu de leur irréalité même. Ce sont des fantômes de la vérité, hallucinants comme de vrais fantômes. Notez en passant que les traits de John Silver hallucinent Jim Hawkins, et que François Villon est hanté par l’aspect de Thevenin Pensete.

J’ai essayé de montrer jusqu’ici comment la puissance de Stevenson et quelques autres résultait du contraste entre l’ordinaire de moyens et l’extraordinaire de la chose signifiée ; comme le réalisme des moyens a chez Stevenson une vivacité spéciale ; comment cette vivacité naît de l’irréalité du réalisme de Stevenson. Je voudrais aller encore un peu plus loin. Ces images irréelles de Stevenson sont l’essence de ses livres. Comme le fondeur de cire perdue coule le bronze autour du "noyau" d’argile, Stevenson coule son histoire autour de l’image qu’il a créée. La chose est très visible dans The Sire de Malétroit’s Door. Le conte n’est qu’un essai d’explication de cette vision : une grosse porte de chêne, qui semble encastrée dans le mur, cède au dos d’un homme qui s’y appuie, tourne silencieusement sur des gonds huilés et l’enferme automatiquement dans des ténèbres inconnues. C’est encore une porte qui hante d’abord l’imagination de Stevenson au début de Dr. Jekyll and Mr. Hyde. Dans Pavilion on the links, le seul intérêt du récit c’est le mystère d’un pavillon fermé, solitaire au milieu des dunes, avec des lumières errantes derrière ses volets clos. The New Arabian Nights sont construites autour de l’image d’un jeune homme, qui entre la nuit dans un bar avec un plateau de tartes à la crème. Les trois parties de Will o’ the Mill sont essentiellement faites avec une file de poissons argentés qui descendent le courant d’une rivière, une fenêtre éclairée dans la nuit bleue (one little oblong patch of orange) et le profil d’une voiture, and above that a few black pine tops, like so many plumes. Le danger d’un tel procédé de composition, c’est que le récit n’ait pas l’intensité de l’image. Dans The Sire de Malétroit’s Door, l’explication est fort au-dessous de la vision. Quant aux tartes à la crème de Suicide Club, Stevenson a renoncé à dire pourquoi elles étaient là. Les trois parties de Will o’ the Mill sont juste à la hauteur de leurs images, qui semblent ainsi être de véritables symboles. Enfin, dans les romans, Kidnapped, Treasure Island, The Master of Ballantrae, etc., le récit est incontestablement très supérieur à l’image, qui cependant a été son point de départ.

Maintenant le créateur de tant de visions repose dans l’île fortunée des mers australes.

En nêsois makarôn se phasin einai. (1)

Hélas ! nous ne verrons plus rien avec his mind’s eye. Toutes les belles fantasmagories qu’il avait encore en puissance sommeillent dans un étroit tombeau polynésien, non loin d’une frange étincelante d’écume : dernière imagination, peut-être aussi irréelle, d’une vie douce et tragique. "I do not see much chance of our meeting in the flesh", m’écrivait-il. C’était tristement vrai. Il reste entouré pour moi d’une auréole de rêve. Et ces quelques pages ne sont que l’essai d’explication que je me suis donnée des rêves que m’inspirèrent les images de Treasure Island par une radieuse nuit d’été.

P.-S.

(1) Trad. : on dit que tu es dans les îles des Bienheureux.

Ce texte a été publié dans Spicilège en 1896.

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