A Paris, une salle des ventes jette son dévolu sur Lautréamont :
Paris (AFP), 1er mai 2003, 11h.25.
Ouverte le 1er mai, ce qui n’est pas banal, et située près du canal Saint-Martin, la Salle des ventes du quai de Jemmapes qui était jusqu’à présent vouée à la mise aux enchères de matériels informatiques (ordinateurs, imprimantes, scanners, etc.) va changer radicalement d’orientation.
“Considérant le succès phénoménal qui a embrasé la vente de la collection André Breton, nous a précisé Vincent Noce, le nouveau propriétaire de l’établissement, j’ai pensé qu’il serait plus rentable – une fois ce lieu acheté - de mettre sur le marché tout ce qui concerne un écrivain peu connu, rejeté dans l’oubli voire l’opprobre, et dont il m’a semblé qu’il était temps de braquer les projecteurs médiatiques sur sa vie, son oeuvre et les influences fortes qu’il a laissées dans le monde intellectuel.”
La “Vente Lautréamont” commence donc aujourd’hui-même.
C’est un ensemble extraordinaire de livres, tableaux, manuscrits, lettres autographes (voir photo AFP), dont certaines rachetées par Vincent Noce à la librairie littéraire Jacques Doucet, d’éditions originales, de photos nombreuses (alors que l’on croyait qu’il n’en existait aucune de l’auteur des Chants de Maldoror !), d’objets lui ayant appartenu (porte-plumes, cahiers des lycées de Tarbes et Pau, jeux de cartes, encriers...) qui va être ainsi mis aux enchères, à la joie des collectionneurs privés, amateurs aussi bien des fameux Chants que des étranges Poésies.
Comment un tel assemblage a-t-il été possible ?
Vincent Noce n’en fait pas mystère : “J’ai été ami de Lautréamont, né en 1846 et mort en 1870, et le plus bel hommage que je pouvais lui rendre était de lui élever une sorte de stèle marchande qui aiderait à disperser aux quatre vents de la poésie du marteau et de l’enclume les braises qu’il a laissé rougeoyer derrière lui. Les surréalistes n’ont pas fait le travail qui aurait dû être accompli, poursuit-il, pour donner son ampleur à la figure légendaire du comte Isodore Ducasse. Le fait qu’il ait passé les treize premières années de sa vie à Montevideo (Uruguay) n’était-il pas pourtant un signe fatal ? Oui, car dans Montevideo, il y a vidéo, c’est-à-dire un moyen moderne de diffuser la pensée révolutionnaire d’un poète à la cheville duquel un Breton n’arriva jamais à être.”
D’ores et déjà, cette vente promet d’attirer les caméras et les journalistes du monde entier. Le montant estimé au départ de la “Vente Lautréamont” est de 60 millions d’euros.
“J’ai l’expérience de la vente de la collection André Breton, précise encore Vincent Noce : mes articles dans Libération ont su faire monter la sauce tous les jours, et cela a attiré du beau monde, malgré l’opposition de quelques contestataires sur le retour, et le résultat a été à la hauteur de mes espérances. Cette fois-ci, avec la vente Lautréamont, qui, je le sais, reste mon ami car il comprend pourquoi je diffuse tous azimuts sa pensée bouleversante, je pense que nous allons crever le plafond de toutes les prévisions les plus rationnelles.”
La Vente Lautréamont a lieu, quai de Jemmapes, du 1er mai au 31 décembre 2003.
© AFP