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Larsens IV. Iggy Pop and The Stooges. Pop Festival. Cincinnati. 1970 

lundi 6 juillet 2015, par Grégory Hosteins

Iggy debout torse nu prend la pose au-dessus d’un public qui l’entoure, le soulève et l’appelle : bras levés, poings fermés, mains ouvertes, doigts en V de victoire. Un obstacle est vaincu. Triomphe. La scène s’étend à présent du plateau au parterre.

Iggy marche sur les flots
de la foule.
Iggy, brûlant et suant, a montré la solidité
de la foule en mouvement.
Il prolonge la scène.
Il vous dit : marchez de l’un à l’autre sans crainte de tomber quelque part, seulement le risque de faillir un instant.
Et une vertèbre quelque peu déplacé comme en 75.
Et donc quelques grammes d’héro supplémentaires
pour calmer la douleur.
Et des plaintes incessantes qui font que le groupe vous délaisse
et vous fait la gueule.
Et un passage
à l’asile psychiatrique
pour sortie de secours
pour avoir une chambre et un peu de sommeil.
Pour rêver, continuer de rêver, d’être un genre de James Brown.

[/Il n’y a pas qu’Iggy qu’on soulève, quelques filles se tiennent
sur les épaules d’un autre. Probablement un garçon. Pratique fréquente. Croissance et hybridation humaine cherchant la lumière.
Des fleurs poussent dans le bruit, la bave, le sang, la pisse et la sueur.
/]

Adresse inconnue

On vise encore quelque chose dans la foule. On ne le vise plus avec le manche de guitare, on le désigne du bout d’un doigt ganté dans une étoffe argentée. On cherche à atteindre le fond de la scène, le bout de la salle, le cul du public, la fin du concert. Jim Morrison a commencé ses fameuses contorsions quand les salles de concert ont commencé à grandir, quand une grande partie de la foule est devenue invisible, quand les musiciens ont fini par jouer seuls dans une poche de lumière. Comment atteindre ceux du fond, que tout le monde entende ? Problème récurrent des musiques populaires. Il y ceux qui, comme Pink Floyd, lancent et font voyager des objets volants au-dessus du public ; ceux qui projettent la scène sur écran pour qu’il n’y ait plus besoin de s’avancer ; ceux qui accentuent la visibilité des musiciens en les accompagnant de marionnettes, de danseurs, ou en les affublant de costumes ; il y a ceux qui, comme Iggy, plongent dans la foule, la rejoignent et s’avancent.

[/Il revient dans la foule d’où il a su un jour qu’il sortirait pour monter sur la scène. Iggy montre la sortie,
le bout et l’envers.
/]

Le rock a d’emblée perdu sa géographie pour être situé à proximité des feux de l’enfer. Au bord de la terre où s’agitent les hommes honorés d’un nom propre, s’est ouvert une béance dans laquelle des hommes sans nombre et sans nom ont chuté et chutent encore en hurlant leur terreur. Les Stooges ont propulsé Iggy dans ce lieu dont il a fait son terrain, lui, surnommé l’ange déchu comme tant d’autres rockers. Homme touché par le divin d’une métamorphose en serpent.

Cycle d’individuation rock’n’roll

C’était à Cincinnati, après la fermeture de l’usine, en 70 ou 71, dans ces eaux-là. On avait acheté les billets le jour même, sur la foi des rumeurs, dans l’excitation qui montait dans la ville. La télé en faisait ses gros titres. Jubilait des stupides menaces qu’elle relayait toutes les heures. On sentait un vent d’innocence et d’immunité qui courait dans les rues, les couloirs, qui montait jusqu’aux chambres découvrir les draps des amants.
Il a fallu qu’on attende quand même. Que les Stooges rappliquent après plus d’une heure de concert. Et pour jouer encore moins de temps que celui qu’on avait passé jusque-là − ils abrégeaient quasiment à chaque fois leur passage, nous avait-on expliqué, car Iggy arrivait en général complètement halluciné sur la scène et laissait au reste du groupe juste le temps de jouer quelques morceaux avant que le LSD ne s’empare de lui pour de bon. Ce jour-là, l’iguane est arrivé par derrière, en sortant de la foule. Tout le monde, dans le fond, avait les fesses par terre, attendant la suite du concert, et il s’est pointé parmi nous, prenait tel ou telle sur sa courte épaule. Il portait chacun dans le ciel torride du plus bas et du plus rugueux rock’n’roll. Puis il redéposait la personne qui se retrouvait ailleurs, au milieu d’inconnus, portée dans les serres d’un ange à la langue bifide.
Peut-être dix minutes plus tard, alors que le groupe balançait son We Will Fall qui promettait de ne finir qu’au matin, Iggy descend dans l’arène, s’appuie sur le sol et se jette torse en avant parmi nous. On le rattrape, le soulève, le redresse, il s’élève à partir de tous et de chacun. Il rejoint et surplombe les filles seins nues qui étaient déjà hissées au-dessus de la masse. Il nous dit de lever les bras, de crier avec lui : il interpelle les quatre coins de la salle en tournant au-dessus de nos têtes. Inoffensive tornade. Lui comme nous ne savions, sur le moment, ce que nous devenions réellement. Une mer humaine solidifiée en surface − on sentait malgré tout des courants se propager dans les jambes, transiter par les coudes, bourdonner dans les tempes − une mer déchaînée au-dessus de laquelle se promenait un nuage de sueur.
Propulsé par les lentes litanies envoyées par le reste du groupe, Iggy continue de marcher dans le ciel surchauffé de l’enceinte. Iggy devient plus encore Iggy au milieu de la foule. S’isolant des siens et s’agglutinant à la masse. Monstre humain à tête d’iguane. Il entend ce que nous entendons. Il sent sous ses pieds l’énergie libérée par les Stooges. Il assiste à son propre concert. Puis, d’un coup, sans savoir pourquoi, il descend de son nuage, rejoint la terre et foule le sol sur lequel nous remuons. Idole escamotée au regard de la scène, engloutie dans le ventre du monstre, tête coupée de la foule. Après l’ascension, le grand bain.
Et l’Iggy qui ressort quasi nu, comme aux premiers jours de sa venue dans le monde, la queue secouée dans les vagues de sifflets et d’appels, est un nouvel homme. Dernière mue d’un dieu évanescent, éphémère.
Rock’n’roll : culte des étoiles filantes et des dieux déclinants.

Quand deux étincelles se croisent et ne se disent rien : le feu reste aux mains des pompiers.

Chacun se demandait comme se devait être
de porter ainsi à plusieurs
un homme au-dessus de soi.

Il y a le poids
soudain volatilisé par les dizaines de bras qui supportent le corps
− on sent dans l’envol de l’étoile la force des masses terrestres − ;
il y a la façon de le tenir et de le retenir
pour éviter qu’il ne tombe ou qu’il ne parte (trop vite),
qu’il ne s’éloigne hors de tout simple contact. Je dis chacun parce qu’il y avait cette évidence
− même à ne pas avoir dévisagé chaque personne qui se trouvait là ce soir −
d’être assez près de la scène, assez proche d’Iggy pour l’appuyer dans sa marche aérienne.

Iggy quittant les Stooges et se faisant un nom à part de la bande qui l’avait vu se dresser sur l’estrade.
Départ à sa manière, en empruntant le chemin de la foule, la profondeur de la fosse.
Quitter la scène
pour mieux l’installer là où personne ne la voit, où personne ne va,
où tout le monde succombe.
S’appuyer sur le public.

[/Be Bop a Lula.
Bruit, bave, sang, mouille, pisse, sperme, sueur.
La musique rock est l’un des flux abandonnés par le corps.
La voix comme fonction excrémentielle. La bouche pisse des cris de joie, de terreur./]

On le tient, on le touche, on l’appelle, il flotte à l’extrémité de nos bras qui se lèvent. Il nous hurle, il nous clame, il nous crie son amour et sa haine. Nous montre à quel point sont légers les péchés quand chacun les soulève. Les péchés ne sont rien. Sont comme l’air qu’on respire. N’y a que la musique pour leur donner consistance plénière. L’air du soufre, l’air des enfers. De Presley au Black Métal, le spectacle attendu d’une chute mortelle.

Lust For Life Tour. 1977

Tant d’histoires, tant d’histoires : Iggy Pop au tout début des Stooges se rase les sourcils et endosse, je crois, une combinaison sur la scène. Cosmonaute peut-être tout juste aluni. Le spectacle démarre. Sur les chapeaux de roue comme ils savent bien faire. Il n’y a pas moyen, de toutes façons, de faire autrement. Iggy a quitté les fûts de derrière pour marteler les planches de nouveaux faux pas, déchirer le rideau de la scène antérieure. Il se contorsionne, gesticule des bras et des mains, s’approche du micro : une bête décapitée va crier dans l’instant. Le numéro s’accentue. La tournée s’accélère dans le soir. Progressivement, Iggy découvre à quoi servent ces bribes de poils qui se trouvent au-dessus des arcades. Ses yeux brûlent. Voici l’iguane suant et liquide, aveuglé sur la scène.

[/Premier principe Punk : le ciel du rock’n’roll est un plafond bas. On s’y cogne vite la tête./]

Before the show

T’as déjà remarqué comme il fait toujours chaud dans ce genre de salles. On peut y venir quasiment à poil, si on veut, même quand il fait moins vingt dehors, comme l’année dernière, tu rentres et, à l’intérieur, c’est une putain de fournaise. Tu t’dis qu’c’est en enfer que t’arrives. Tu crois qu’on rentre et qu’on sort comme ça de l’enfer, Chad ? Qu’i’suffit de payer pour passer au travers des flammes sans se brûler quoique ce soit. Est-ce qu’on se brûle pas les ailes, un peu, quand même, quand on y vient et même pour une fois et une seule. J’ai p’têt pas d’ailes du tout, moi, c’est vrai, Chad, juste de l’air dans le crâne pour faire respirer la cervelle. Mais j’vois pas pourquoi ce serait plus l’enfer, un jour comme ce soir, qu’au moment où pap’ vient voir ses putains de matchs de hockey, en sirotant des bières et matant les nichons qui passent à portée. Tu crois qu’on fait la même chose quand on vient aux concerts pour se déchirer la gueule, Chad. Tu crois qu’on l’entend encore, pap’, avec tout ce bruit qu’on s’fourre dans la tête. Est-ce qu’on lui obéit toujours à ce vieux con de paternel ?

Putain, mais quand c’est qu’ça commence ! J’en ai ras la caisse d’avoir cette merde de country qui me vrille les nerfs : j’veux Iggy, j’veux qu’il vienne et qu’il nous débarrasse de toute cette musique de vieux, de bouseux, j’veux qu’i’montre comment elle vit cette ville, dans quelle crasse elle nous jette. Il va nous foutre à poil, Iggy, quand il va arriver, il va nous montrer à quoi on ressemble, brisés avant l’âge, vieux cons de seize ans plein de morgue débile, il va se salir et i’va nous rejoindre, se jeter dans la fosse comme i’fait à chaque fois. Et puis nous on va l’attraper, mec, le retenir et le soulever, on va le porter au-dessus de nos têtes et en faire une étoile. On sera tous vachement mieux après ça, Chad, on aura montré qu’on est pas des chiens dans l’arène. Personne se sera jeté sur lui pour lui arracher un cheveu, un bout de main ou de bras. Iggy sera le plus entier de la ville. T’as senti comment c’était bizarre, toute la journée dans les rues, y’avait de l’électricité dans l’air, Chad, forcément que t’as dû le sentir : quand y’a un gars comme lui qui vient s’poser quelque part, même pour un soir, i’s’passe que’que chose, Chad, kekchose qui change dans l’air et qu’on connaît pas. Un truc qui affole, qui panique, qui t’énerve. Tu la sens, l’électricité, d’où tu es, toi ? Moi j’ai les mains qui tremblent et les pieds qui décollent, même dans le slip ça brûle, Chad.

Quand céki commencent, merde, les mecs i zabusent de nous faire attendre comme ça. On est comme des cons tous ensemble à tuer le temps qui bouge plus. Faut k’j’m’agite, faut k’j’m’éclate, moi, y’a trop de choses que je garde dans les coins : des riens, des mauvais r’gards, des mots de trop, des portes fermées, des bus ratés ; si j’me fais pas au moins un concert par mois, j’suis malade, mec : i’m’faut cette coupure, i’faut qu’j’me déchire, que j’balance toute cette putain de sueur et de bile. I’faut ksa sorte de là, qu’ils nous balancent le son jusqu’à ske la musique vienne plus te lâcher et qu’elle t’arrache cette peau que tu traînes depuis des jours et des jours. Le rock c’est fait pour te secouer, mec, pour te secouer à fond, des pieds à la tête. Quand on sort de là, faut qu’on soit complètement mort, crevé de honte, de peur et d’ego, faut qu’on puisse jamais revenir d’un soir comme c’lui-là, Chad, parce que cette nuit, quand on y est, c’est bien la dernière. Y’en aura d’autres, peut-être y’en aura d’autres, mais celles-là elles comptent pas, elles auront pas le même nom, pas la même noirceur, faut tout oublier en un soir, mec, faut tout lâcher pour qu’le lendemain, quand on verra qu’un autre jour s’est levé, on ramène pas encore les mêmes bordels à faire et à défaire. C’est con k’tu sois pas là, mec. C’est con que tu n’aimes pas. Attends, attends… ils viennent de couper cette merde de bluegrass, y’a tout le monde qui gueule et qui siffle. T’entends, Chad, t’entends ki vont arriver, i vont pas pouvoir nous faire attendre encore comme ça des plombes. La lumière s’éteint, mec, j’crois ksa y est on y est. Oh putain j’les vois. Oh merde c’est les Stooges devant moi, quarante balais après, plus vieux même que pap’. J’t’ laisse Chad, j’laisse allumé le portable que t’entendes si tu veux. Ne coupe pas, mec, ne coupe pas, reste un peu avec moi. Bordel, t’entends c’k’j’entends : Well It’s Nineteen Sixteen Nine and I’m Okay...

Les Doors donnent un concert en 66, 67, bref dans ces eaux-là. À cette époque (les Doors au complet ne seront en activité que de 66 à 70), Morrison foire un concert sur deux, ne chante plus mais invective la foule, boit, tombe, boit, hurle… Iggy Pop est dans le public un de ces soirs décadents. Je le vois bien au fond de la salle, les yeux pétillants, dédaignant, vénérant ce qu’il voit, voulant s’approcher plus près que chacun du carré de la scène, y monter d’un mouvement et prendre la place que Jim indique à lui seul, la place défaillante, la place coupable. Déduction de l’Iguane ce soir-là : si c’est ça une étoile, je crois que moi aussi je peux montrer très haut dans le ciel.

[/Les Iguanas où Iggy est batteur.
Les Stooges où Iggy est front man.
Iggy et les Stooges où Iggy est lâché, mis au ban, en avant, en lumière.
Iggy Pop où derrière les Stooges s’éclipsent pour trente ans.
Ascension et chute stellaire.
/]

Les Iguanas d’où Iggy s’échappe par le haut

Départ

Je converge vers ce lieu, je l’ai compris maintenant.
J’ai longtemps cru que je m’avançais vers la scène, vers ce lieu qu’Iggy pointe du doigt. Mais Iggy, l’une des figures les plus nues, les plus vulnérables, les plus bestiales qui se soit trouvée sur la scène, ne désigne rien qui aille dans ce coin. L’iguane montre le fond de la salle. Ce qu’il fait, c’est essayer d’atteindre (cuisse en avant-bras étiré-index tendu) la zone sombre où se tiennent ceux qu’on ne voit jamais de la scène. Celle des grandes salles, celle des grands festivals. Il pointe ce pourtour que n’atteignent guère les puissants projecteurs : là où débouchent les arrivés de justesse ; là où s’écartent les craintifs, les timides, les malades ; là où se cachent des dealers, des acheteurs, des percepteurs de plaisir ; là où transitent les indécis, les furtifs, les promeneurs qui passent de droite et de gauche sans savoir ; là où se posent parfois certains amis qui descendent des loges, épatés, fatigués, émoussés ; là où s’inquiètent ceux qui prennent le dernier bus de minuit ; où se trouve le cul de la foule donnant sur la sortie prête à s’ouvrir. C’est là que je vais, c’est vers là que j’avance. Dans la lumière d’un jour qui n’oublierait pas les lumières, l’électricité et la nuit.
Je quitte la salle de concert sans savoir. Je quitte les hauts lieux, les highlights, d’une vie d’excité intégral. On vit toujours suspendu, accroché à la pointe de soi ; toujours en aval de ces sommets de vie dont on recherche le chemin chaque fois. Chaque sommet est perdu pour toujours. Le passage est effacé par l’ascension devant soi. Derrière nous il ne marque que les derniers degrés à gravir.
J’ai vécu au milieu d’une foule enflammée, embrasée, calcinée rock’n’roll. J’ai vécu parmi eux des années sans savoir. Je ne les connaissais pas. Ni nom, ni visage. Je les voyais seulement converger pour un soir. Envahir les rues, bonder les trottoirs, inquiéter les riverains. J’étais avec eux quand chacun, lentement, s’animait : sifflant, hurlant, chantant ; j’accompagnais ceux qui sans tarder, minutieusement, s’échauffaient : je sautillais, balançais les bras et les jambes, embrassais, enlaçais mes comparses ; je ne suivais jamais de très loin et parfois même je les précédais ceux qui s’étaient allumés pour un soir, perdant la notion du temps qui s’écoule, plongeant dans l’instant et son infinie profondeur : improvisation totale des mouvements, schémas rythmiques soudain mis en branle, amplifiés, boucles de folie pour un soir, résorption complète de soi dans l’enceinte du son. Le rock prenait corps, le mien et celui de bien d’autres, en tant que Musique. J’ai vécu dans l’enceinte du rock pendant ces années sans la voir, bulle invisible ou seulement par détour (une pochette d’album, une image de concert, une anecdote de studio). J’ai promené ses parois dans les rues, les pays, les journées sans savoir que je m’y trouvais. Sans connaître les orients, les balises et signaux qui sillonnent ce lieu − mais peut-être est-elle aussi lisse, cette bulle sonore, qu’un œuf qui ne compte aucune marque, aucune fissure, qui n’offre rien où se raccrocher, pur espace d’angoisse. Et je l’ai découvert en trois nuits, par hasard, en perdant le sommeil au milieu des pages avalées du Rolling Stones de François. Je me retrouvais au sein du monde dans lequel j’avais tourné et tourné pendant des années. Y puisant ma force, mes limites, mes erreurs. Je n’étais rien d’autre qu’un putain de rocker. Un rocker sans insignes et sans airs. Un tas de cendres qui rougissait aux premiers riffs de guitare, aux premiers coups de batterie, claquements de basse et autres rages de cri.
Je quitte aujourd’hui ces parages pour mieux arpenter ce pays de nulle part. Pour le voir d’une autre manière, pour y voyager réellement. J’essaie d’emporter le feu du spectacle sous d’autres cieux que celui du concert. Les disques ne sont que peu de secours pour cela. Ils tournent et tournent et tournent encore. Les playlists actuelles, infinies dans le temps, ne font qu’allonger les diamètres de l’œuf. La musique imprimée, gravée, encodée, enveloppe et filtre nos pas, maintient la flamme allumée au milieu des passages mais le son ne fait jamais obstacle à vos pas. Aucun densité suffisante pour vous frapper les poumons, le ventre et le cœur. La musique vous suit mais ne s’impose pas, ne fait pas jaillir de vous les rythmes de vie, les rythmes d’un corps que vous ne soupçonniez pas (même pas être vous). Je quitte la scène pour mieux la revoir, pour mieux installer la musique autre part. Iggy me montre la voie.

[/Vous, les branleurs au fond qui se planquent, les flippés qui veulent pas s’avancer pour danser avec nous, j’arrive pour vous voir, je viens savoir si vous voulez encore rester dans ce trou, derrière les autres, toujours à glander, à raconter des conneries, à cracher sur la foule qui se tient devant vos tronches de loosers et vous barre la scène,
je viens voir comment c’est depuis que j’en suis sorti.
Mais faites bien gaffe, les gars, j’apporte la lumière et les regards dans mes poches. Travaillez votre look. Soignez vos silhouettes. Développez vos ombres. Vous voulez vraiment venir à lumière ? Vous êtes prêts pour l’épreuve.
Ça commence dès maintenant, pas besoin de s’approcher de la scène,
je l’amène de ce pas.
/]

P.-S.

Les Black Rebel Motorcycle viennent de sortir un album enregistré au Trianon à Paris. La pochette efface, ce qu’à Cincinnati, Iggy s’était attaché à construire.

Black Rebel Motorcycle. Pochette de l’album Live in Paris (2015) enregistré au Trianon.
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