Je suis plutôt fier d’avoir été élevé dans les années 1950 : sans baby phone, sans ceinture, ni harnais, ni gilet de rien, sans airbag, sans casque intégral agréé, sans dorsale, protège-tibia et protège-coude, sans bouchons de sécurité, sans bloque-porte, fenêtre et tiroir, sans protège-coins et arêtes, sans anti-pince doigt, sans cache-prise, sans vidéosurveillance, sans alarme aux portes et fenêtres, sans portable, sans GSM, sans Internet, mais avec de vrais amis, sans psychopédagogue, mais avec une vraie maman, sans conseils nutritionnistes, mangeant de tout sans devenir obèse, sans eaux minérales et buvant celle du robinet, mon berceau et mes jouets nappés de peinture au plomb, sans coupable désigné pour tout ce qui pouvait m’arriver dans la cours de récré, en classe, au réfectoire, au dortoir, sur le chemin de l’école ou des vacances, sans aucun code-barres ou autre code, sinon celui de bonne conduite, sur un chemin des écoliers non piégé, sans experts en prudence et pour une vie meilleure…
J’ai eu de la chance, quelle chance ! Je ne suis pas tombé de ma table à langer, je n’ai pas eu les roubignoles aplaties par mon pot de chambre, je ne me suis pas noyé dans mon bain, je ne suis pas mort d’asphyxie par obstruction ou confinement, je n’ai pas été étouffé ni dans mon couffin, ni par un de ces sacs plastique qui écrasent les prix et les enfants, aucune dragée ne s’est mise en travers de ma gorge, je n’ai pas été mordu par un chien policier (peut-être et seulement par le policier lui-même), je n’ai pas avalé un hyménoptère, les araignées, les scorpions et les vipères n’avaient rien contre moi, je n’ai pas dégringolé les escaliers, je n’ai pas goûté à la soude caustique, je n’ai ni été électrocuté, ni défenestré, ni brûlé par une queue de casserole, ni calciné par un incendie domestique ou forestier, ni même intoxiqué au monoxyde de carbone, je n’ai pas fini empalé sur la grille du jardin, ni même éborgné par une fléchette.
En ces temps de grande imprudence, quand les marchands de peurs n’avaient pas encore harnaché les bébés d’une panoplie Mad Max, le risque était partout ! On ne pensait pas à nous avec tant de prévention et de précautions, à dire qu’on ne nous aimait pas ou que l’inconscience parentale était grande. Déjà, on accouchait sans douleurs pour la mère, mais avec violence pour l’enfant. Je n’ai pourtant pas succombé à ces années « dégueulasses » !
Mais…, on ne me parlait pas, non plus, d’extinction des espèces et des espaces, de laminoir de biodiversité, de déliquescence des écosystèmes, de métastase écologique, de désertification galopante, de tarissement des ressources, de trou d’ozone, de réchauffement planétaire, de réfugiés de l’environnement, du cancer tapi dans chaque bol alimentaire, dans chaque bol d’air, dans la moindre goutte de rosée. Aujourd’hui, où le tourisme organisé est la seule alternative au cocooning, que de pointilleuse sécurité pour la fin annoncée de notre humanité ! Kamikazes, n’oubliez pas votre casque !