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La Fontié : vivre sur une terre commune 

jeudi 18 octobre 2012, par Jean-Pierre Petit-Gras

Avec la mauvaise utilisation des sols par l’agriculture, l’étalement urbain, le prix des terrains et la désertification des campagnes sont un des problèmes majeurs de l’aménagement du territoire. Aussi voit-on fleurir de-ci de-là des initiatives pour un habitat collectif. Tantôt urbains, tantôt de la campagne, ces projets ont en commun la volonté de rompre avec des logiques spéculatives et mortifères socialement comme écologiquement.

Contemporaines de toute une série de réflexions et d’avancées spéculatives sur la relation au lieu, ces initiatives attestent d’une volonté de déprise. Ayant eu connaissance du projet présenté ci-dessous par Jean-Pierre Petit-Gras, nous le proposons à votre réflexion.

Régis Poulet

LA FONTIÉ : VIVRE SUR UNE TERRE COMMUNE

Nous sommes un groupe intergénérationnel de 7 personnes (de moins de 30 à plus de 60 ans) qui projetons l’acquisition en commun d’une terre et de bâtiments agricoles et d’habitation.
Ce lieu sera à la fois terrain d’expérimentation et d’apprentissage, terroir porteur d’histoires anciennes et de rêves à venir, territoire dont nous aspirons à devenir non pas les propriétaires, mais avec d’autres, les continuateurs et les responsables. Il s’agit pour nous de retrouver, en remettant les pieds sur terre, une existence basée sur l’autonomie collective, l’entraide, la simplicité, la joie de vivre et pour tout dire d’opérer une reprise de pouvoir sur nos vies engluées dans les progrès de l’enfermement ambiant.

Ensemble nous aspirons à habiter La Fontié, en permettant à ce territoire d’échapper au risque d’une privatisation ultérieure, en poursuivant sa préservation et sa capacité à demeurer une terre nourricière et accueillante et à être le terreau de nouvelles pratiques.
Nous voulons y mener des activités paysannes, en rupture avec les logiques industrielles, dans un cadre coopératif.
Ces activités auront pour but principal de procurer aux habitants et coopérants une autonomie alimentaire, la plus complète possible. Accessoirement, elles permettront de faire face aux frais de fonctionnement et d’entretien. Insérées dans un ensemble plus large de productions diverses, d’entraides, d’échanges et de solidarités avec des paysans et habitants de la région, elles viseront à favoriser l’accès à la terre, la diffusion de savoir et de pratiques culturales, pastorales, éducatives, sanitaires, festives et politiques. Elles s’intègrent dans un mouvement qui s’enracine dans de multiples lieux dans le monde pour favoriser l’ouverture sur d’autres horizons de vie, mouvement qui s’attache partout à reconstruire du commun avec ceux qui désirent se sentir co-responsables du territoire qu’ils habitent et qui les nourrit. A ces fins les habitants de la Fontié s’associeront avec toutes celles qui le souhaitent dans une coopérative en charge des terres communes et de ce qui y poussera.

La Fontié est située sur la commune de Busque, près de Graulhet, dans le Tarn. Le paysan qui la met en vente vient de cesser son activité d’agriculteur. Le domaine se répartit à peu près de la façon suivante : 23 hectares de terres cultivables (pour la plupart assez pauvres, travaillées pendant plusieurs décennies en « bio »), 20 hectares de bois et de landes. L’ensemble forme un cirque, ouvert sur le sud, avec vue sur les Pyrénées par temps clair. Le bâti consiste en une maison principale, habitable immédiatement, une maison ancienne (en torchis) inoccupée depuis les années 1970, plus des bâtiments à usage agricole. Une grange attenante à la maison principale, un pigeonnier, ainsi que deux autres bâtisses peuvent être réaménagées en habitation. Deux sources permanentes, dont l’une raccordée à la maison, apportent suffisamment d’eau pour boire et arroser. Le chauffage central fonctionne au bois, abondant sur le domaine. Un panneau solaire permet d’obtenir de l’eau chaude.

La Fontié : les Pyrénées sont derrière l'objectif

Les principaux « ateliers de production » (visant à l’autonomie) seront un grand potager, un poulailler, un verger (déjà existant en partie, il permettra le démarrage d’activités de transformation et de conserve), un champ de blé , avec un four pour le pain, une milpa (champ dédié à la culture traditionnelle du maïs, associée aux haricots, courges, tomates, physalis et autres plantes), une plantation d’herbes médicinales et aromatiques, de saule pour l’osier, plus un petit troupeau de brebis et chèvres, pour l’entretien des terres, la fabrication de fromage, l’utilisation de la laine...
A la Fontié il a poussé naguère de la vigne, et nous envisageons en replanter. Plusieurs vignerons de la région sont sollicités pour nous aider, car nous comptons bien apprendre les rudiments et, avec ceux que cela intéresse, faire notre vin.
Les 20 hectares ou presque de bois sont à éclaircir et entretenir. Chênes, acacias, châtaigniers pourront servir à la construction .
Le respect de la nature (bien préservée à la Fontié), et la recherche d’autonomie sur le plan énergétique nous amèneront à installer rapidement toilettes sèches et système de phytoépuration des eaux grises, ainsi qu’à réfléchir à l’utilisation de petites éoliennes, de la biomasse, etc.
Enfin, nous prévoyons l’installation d’un « camping à la ferme » ou autre « accueil paysan ».
Cet accueil, associé à la mise en place d’un espace documentaire, permettra à la Fontié de devenir un lieu de rencontres, de mémoire, de recherche et de création. Un outil pour des individus cherchant à acquérir les moyens de reconstruire une vie désirable. La Fontié prendra ainsi sa place, comme un nouvel élément de l’« Université Paysanne » que nous voyons se tisser peu à peu dans nos régions.

Quelques précisions sur les principes de fonctionnement et les modalités juridiques


− La forme juridique pour assurer la pérennité de ce projet dans le temps est une association loi 1901, la coopérative paysanne du Dadagout. Grâce aux contributions qu’elle recevra, cette association participera à l’acquisition du lieu et impulsera le développement des activités nourricières et politiques sur la Fontié.
− Nous prévoyons que l’acquisition intervienne lorsque la coopérative aura recueilli l’équivalent de la moitié du prix estimé des terres soit cinquante mille euros. Pour faciliter et accélérer le lancement du projet, et notamment son montage financier, une SCI (société civile immobilière) est en voie de constitution ; elle permettra l’acquisition du bâti et de la terre grâce notamment aux apports substantiels des premiers habitants du lieu (et des autres personnes ou groupes qui le désirent), apports complétés par celui de la coopérative paysanne du Dadagout. L’idée étant que la coopérative devienne au fil du temps le principal propriétaire de la Fontié (cette transition s’opérant par la cession de parts, sous forme de dons ou de ventes des premiers actionnaires vers la coopérative).
Ce projet est avant tout un projet d’usage commun de la terre ouvert au nombre le plus large possible de coopérants. Il concerne également l’habitabilité d’un territoire. En ce qui concerne l’habitation sur le lieu, les capacités étant limitées, la possibilité d’accueillir de nouveaux habitants sera étudiée à mesure des circonstances et de l’avancement du projet.
La terre ne pourra être ni vendue ni morcelée.

La Coopérative paysanne du Dadagout

La Fontié sera le siège de cette association coopérative qui se propose d’être un espace d’échange, de partage et de valorisation de savoirs et savoirs faire liés à notre environnement proche et lointain.
La coopérative paysanne du Dadagout souhaite permettre à ses adhérents de se réapproprier une terre nourricière , la Fontié, pour en faire un bien commun. Elle ouvre la voie aux rencontres et aux partages autour d’activités paysannes.
C’est lors des réunions de coopérants que s’opéreront les choix des cultures, leur emplacement, les plannings appropriés, les désirs de rencontres festives, les volontés d’apprentissage de savoir faire...tout un programme.
Les coopérants s’inscrivant dans une démarche collective autour d’une culture (la milpa par exemple) s’engagent dans une aventure dont les buts, motivations et modalités d’organisation sont déterminés ensemble. Si le plaisir de faire ensemble et de partager les récoltes prime, l’aventure a des exigences et un coût (dépendant des frais de semences, d’outillage et autres charges) qu’il faut également partager. Cette aventure représente donc un engagement de soi (planification de la culture, activités propres à sa réussite...). L’usage des éventuels surplus fera l’objet de délibération.
Pour intégrer la coopérative, il suffit d’y adhérer. L’adhésion est fixée à 20 euros et a pour but premier de couvrir les charges du lieu.
Les dons versés à l’association permettront à celle-ci d’acquérir des parts du capital de la SCI . La propriété collective sera progressivement transférée à la coopérative.
Pour lancer le projet il convient de trouver 1000 donateurs de 50 euros,
(mais comme nous sommes des calculateurs flexibles, il pourrait n’y en avoir que 500 donnant 100 euros ou 2000 en donnant 25 ou n’importe quelle combinaison donnant le même résultat).

(Contact : Lafontie@laposte.net)

P.-S.

La photographie du logo est de Karl Blossfeldt, du site butdoesitfloat.

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