05.02.13
Causse.
tout petit moral au réveil. ce foutu vent est de nouveau là. il se met à pleuvoir. le bruit de la pluie sur le toit d’une cabane, une tente, c’est la musique exacte, tendue, aigue, des jours confinés, des heures longues à attendre, et lorsque l’on n’est pas seul, à discuter à moitié assis ou tenter de lire, enchaîner les siestes, sous la guitoune.
il y a deux étés, on était restés coincés 24 foutues heures, aux alentours de 2000 m avec deux copains, se répartissant deux tentes d’altitudes tunnels (pas besoin de faire un dessin), ne sortant, pour moi que 3 fois, pour pisser, couvert comme un yéti. dans le vent, la neige, l’eau glacée. cette bizarre langueur de ces vingt et quatre heures, de ce genre d’heures…
du coup je ne suis vraiment pas mécontent aujourd’hui d’attendre de la visite. S, le grand ours, qui repasse…
3ème semaine.
je suis moins sale, moins crotté qu’au début. le « gros œuvre » a été fait sous la neige, les mains dans la boue.
je ne sais pas si je referai le lavage de cheveux comme hier à l’eau glacée. le mal de tête violent m’a enseigné qu’en faisant chauffer un peu d’eau ça ne devrait pas être pire…
le risque, comme partout mais en particulier en étant seul c’est de s’enfermer, dans un fonctionnement, une routine, de ne plus parvenir à l’ouvrir. j’essaie de ne pas tomber là-dedans, mais ça n’est pas évident, et puis il est des jours où il y a si peu d’activité nouvelle possible que je ne vois pas comment l’on pourrait y échapper.
quand on est dans le monde on veut de la paix et de la solitude, quand on est seul on veut du monde, du brassage, des filles, des cafés, des distractions, des « activités » ? ô, pourquoi ne peut-on se contenter de ce que l’on a ? de ne plus désirer comme le disent ces chers tibétains ?
avec le S, balade dans le vent, la pluie, grains, à ne pas voir devant, au large de la Blaquière. sommets de roches ruineuses, monument valley, et petit sommet de roche/dolomie comme terril de terre usé.
espace large, vue large. les horizons.
carcasse. plantée sur un piquet.
à la nuit bien noire, dehors ensemble pour arranger le toit de la yourte. grésil à l’horizontal, vent violent, nuit noire, face sous le vent, aveugles, sourds à ce que crie l’autre, sur les échelles, les mains dans la neige… on tend fort une corde par dessus la base du capuchon sommital de la yourte, l’enserrant du coté vent, pour bloquer le zef qui s’infiltre par en-dessous, et vient un peu trop nous rendre visite.
avoir un ami à la « maison », la cabane, c’est une fête.
ça ouvre, ça respire. ça réchauffe l’animal sapiens.
plus tard.
incapable ou impossible de faire silence.
allez
la fermer un peu
mais le poème ça y est qui se repointe direct
arrive pas
à la boucler
ça cause toujours
dedans
06.02.13
Causse.
2 degrés ce matin à l’intérieur. la neige.
peu eu le temps d’écrire hier. mais peut-être pas si important puisque j’ai parfois ces envies de la fermer.
cela dit, ces petits moments au matin à gribouiller, restent une nécessité.
mais cette envie aussi de la fermer. impossible ? illusoire ?
toujours à raconter ses trucs.
hier quelques moments dans le silence avec S. et c’était bon aussi de ne pas parler. pas causer toujours.
chiottes dehors, j’ai rempli mon seau ça y est.
balades avec S sous la neige, petits sommets, labyrinthes de roches ruineuses, et un tout jeune chien vraiment chouette qui nous a adoptés, et, en confiance, se laisse même porter pour sauter les clôtures avec nous.
17 h : de nouveau seul.
j’ai fait une belle trouvaille ! une grosse cordelette, presque une corde, d’une vingtaine de mètres, pas trop cuite encore.
j’avais juste 20 m de très fine cordelette simple, que l’on a utilisée pour enserrer le capuchon du sommet + 10 m d’une autre un peu plus costaud qui me reste. ça, plus un bel élastique, mon coin outils s’étoffe.
nuit.
4 jours, 5 nuits seul devant moi à nouveau. avant prochaine visite. et pas des moindres, ma douce, qui va rejoindre son ours quelques jours. j’aménage la tanière un peu plus encore pour la recevoir.
je suis bien là ce soir ici. ai mangé en finissant de regarder un film avec Vanel. la météo est calme. il fait 18 dedans sans trop forcer.
07.02.13
Causse.
neige, assez gros vent. réveil speed : énorme fuite d’eau, dehors heureusement, un des tuyaux d’alimentation s’est tout simplement arraché, mal emboîté, mal serré, geyser de flotte, cascade dans la pente… intrigué par le bruit étrange, j’arrive en moins de 15 minutes à trouver l’arrêt du général sous la neige, à couper l’eau, puis à réparer.
13 h : la neige s’est arrêtée, mais le gros vent toujours, il commence à avoir des congères.
aujourd’hui je vais rester autour de la yourte : vérifier ces foutues arrivées d’eau ; essayer de boucher encore mieux, c’est-à-dire systématiquement, toutes les arrivées d’air ; une ou deux autres cordes encore pour bloquer le capuchon du toit ; tronçonner du bois car j’ai trouvé quelques belles buches mais trop longues. puis lire, écrire…
la cabane s’améliore, mais vue son état initial et la manière originelle, voire originale, de l’avoir montée, il y a toujours à faire. ça a ceci de bon que ça occupe, les mains, la tête. je ne chôme finalement pas beaucoup, sauf le soir, à la cool…
le ciel est au grand bleu, le vent fort, la neige est magnifique, craquante comme une meringue.
j’ai 18 dans la yourte, et 1 au réveil aujourd’hui.
manger dans le rayon de soleil qui tombe sur la table.
je lis des journaux de 2010, qui servent pour le feu.
18 h : rentré.
bien belle journée : de grands coups de soleil orangés-jaunes sur la neige fraîche et les rochers, comme des éclairages de cinoche. la neige vole, soufflée. bricolage et bois donc toute l’après-midi. bossé dehors presque jusqu’à la nuit tombée. j’aime ça.
combien de jours ? je ne sais plus comme ça…
je suis obligé de compter : 18ème jour, sur 30. après le premier tiers, puis la moitié, j’approche donc des deux tiers. « tout va bien » pourrais-je coucher dans le livre de bord du bateau.
des trois yourtes, dont deux sont accolées, je n’en habite qu’une seule, la plus grande, et une autre, plus bas, me sert de toilettes. la petite qui est accolée, je ne m’en sers pas, ou seulement pour stocker l’essence, car il serait trop difficile de chauffer deux espaces, et puis elle est en trop mauvais état.
le coup de barre me tombe, c’est que j’ai bien donné aujourd’hui. dedans, dehors.
par le voisin, je reçois une lettre papier, manuscrite, comme l’on en écrivait il y a encore peu, mais déjà comme longtemps. ma douce qui m’écrit. elle me fait sourire, elle est belle cette lettre, reçue ici.
calme de fond ce soir.
apéro whisky.
ça souffle pas trop.
je regarde mes photos du jour, les poste, écris le journal, m’occupe du poêle…
je prépare une bonne bouffe, une plâtrée pour plusieurs jours : aubergines frites, patates, brocolis, avec une petite côte de porc, gros sel, moutarde, un bout de roquefort, un tout petit kiwi local en dessert, café, carré de chocolat, whisky, cigarette… que demander de plus ?
dans le silence, entendre sa bouche manger.
j’aime ici me rappeler que de menus objets sont précieux. comme dans la steppe mongole ou la toundra inuit, une pierre, une planche, un bout de fil de fer trouvés peuvent être un trésor.
quand avons-nous perdu cela ?
sans angélisme, sans naïveté, il y a bien eu un jour où nous avons basculé du besoin au futile, du nécessaire à la distraction.
en si peu de temps le corps a changé déjà. mes mains sont devenues des paluches calleuses, des pognes noueuses, abîmées, des battoirs pour travailler dehors. mon visage est cuit par le vent et la fumée, légèrement tanné. mon corps sent moins le froid. ma peau est plus sèche. je n’ai plus peur de la saleté.
je suis assis dans mon lit, fait avec une porte. j’écris. je pense.
le poêle ronronne.
je ne sais pas ce que je suis venir faire ici. je n’y fais rien. j’y suis.
Rainbirds de Tom Waits résonne très légèrement, très doucement, à peine audible.
il n’y a pas de vent.
je coupe la musique.
les flammes lèchent le bois.
j’éteins.
j’écoute.
08.02.13
Causse.
-2 dans la yourte ce matin. sans doute -10 dehors cette nuit. les réveils sont toujours un peu difficiles ici. bien qu’ayant bouché tous les trous, je ne peux améliorer l’isolation, et ce poêle à bois qui ne tient pas longtemps (ai perdu 22 degrés en 7 heures cette nuit)…
du coup je mets le poêle à essence tout près du lit, tends la main au réveil, l’allume et me recouche.
grand beau sur la neige.
19ème jour donc. moins occupé aujourd’hui. au menu : un peu de bricolage, de bois, une balade en vélo.
reste 12 jours, retour prévu le 19 finalement.
vadrouille magnifique en vélo dans la neige, sourire aux lèvres, ça me rappelle mon rude voyage en Islande seul en VTT, tout juste majeur. putain que c’est beau : lumière, plateau, vent, neige soufflée, rochers comme des citadelles cathares, murailles orientales, en ruines…
le temps se dilate, se ressemble, ses contours s’estompent, coule…
seul, il est délimité par les choses à faire, et surtout par la lumière, mais il ne l’est plus par les interactions avec les autres, les rdv, les horaires de la vie en société…
là, ça ne fait de nouveau que 2 jours et demi que je suis seul, et cet effet est encore faible. mais lors des précédents 10 ou 11 jours passés seul, la portée s’en était fait nettement plus sentir : le temps n’avait plus la même « netteté » que lorsque l’on court de rdv en obligations, repères nets, francs, et puis je commençais à donner des noms aux choses… l’humour aussi était présent de façon bien plus prégnante, forte, comme une force, une arme, un sacré refuge…
plus tard.
une vraie douche chez L, la première depuis le début. et rasé de près. luxe qui était oublié, mais qui ne m’avait pas vraiment manqué. ceci dit je me rend compte à quel point déjà j’avais désappris combien j’aime les bains, mon corps se réveille sous l’eau chaude parcouru de frissons, chaque pore s’ouvre, se détend dans une jouissance.
retour de la douche avec grosses de marche et lampe frontale, sous le ciel noir et les étoiles.
les alentours de ma yourte sont l’un des derniers endroits où ça fond sur le plateau.
le rituel de la météo, avec ma micro connexion satellite. ils annoncent du froid, un peu plus.
bref : je ne l’écris pas. c’est donc bien probablement une écriture de l’après. on verra.
en fait ici je n’écris absolument rien d’autre que ce journal. si, deux haïkus. c’est-à-dire peu de mots.
et puis quelques relectures…
j’ai l’impression d’écrire de plus en plus mal, peu précis, peu orné, des faits, banals, et non plus une réflexion de fond.
c’est que, sans doute, je m’habitue ici peu à peu. que les choses découvertes sont moins nouvelles. même le silence ne m’est plus étonnant.
reste que le pays est d’un beauté à couper le souffle (ça aussi, tiens, d’ailleurs, est écrit de façon on ne peut plus bateau) mais j’ai déjà, peut-être, tout dit là-dessus.
que dire ?
je me couche avec Proust et Bergounioux, après avoir regardé un bout de Stranger than paradise de Jarmush. quel intérêt encore de raconter tout ça ? si ce n’est que c’est là que l’on fait œuvre du temps, dans cette comptabilité des minutes…
les journées s’enchaînent et passent. se ressemblent et sont toutes uniques. la durée se forme autrement, liée au lieu où l’on vit. peut-être est-ce là, ici, que se joue la poursuite d’une réflexion sur le temps. et sur l’espace bien sûr : la lande immense, le ciel encore encore plus, le plateau, le Causse dont je commence, par les pieds, à connaître la taille, le circonscrire, et la zone d’évolution nécessaire autour de ma cabane, bien visible d’ailleurs marquée par mes pas dans la neige…
et puis l’espace de soi, le temps de soi. peut-être ici se connaître un petit peu plus, un tout petit peu plus… savoir et reconnaître un peu mieux ce qui est essentiel, nécessaire : les gestes simples, les proches, l’attention à eux, le dehors, écrire…
j’écoute encore un coup.
ça rentre tout dedans.
arrêter d’écrire.
je m’endors, espérant que le réveil ne sera pas trop froid, pas trop rude…
09.02.13
Causse.
un peu en-dessous de -2 au réveil dans la yourte, mais cela a été moins difficile que la veille : un homme averti en vaut-il deux à -2 ?
temps maussade, dégagé puis gris, -3 à -4 dehors à 11h devant la cabane.
20ème jour : les deux tiers donc. on pourrait les fêter comme en mer le passage d’un cap. et puis je commence à être adapté à ici : physiquement, psychiquement, matériellement.
ai donné « cap » comme titre à cette semaine de journal. étonnant que j’appelle cela ainsi, mais ce coup-ci je me rends compte de suite du sens de ce titre, comme les autres, passés, avaient eux aussi signifié, à chaque coup, à chaque période, quelque chose d’important. intuitivement, inconsciemment souvent, souterrainement, ils disaient, de là où j’en étais, ce que ma vie était, et vers où le plus souvent elle allait tendre, bien que cela m’échappa à l’époque la plupart du temps. il y a donc dans l’écriture comme une prescience, un dépôt de l’inconscient, et des désirs, qui alluvionne en elle. là, c’est peut-être cette charnière des 6, 7 ans, habituellement crisique, qui s’amorce, mais que je sais aujourd’hui, désormais, mener comme une évolution et non plus comme une rupture. et cela est d’une importance toute intime.
passé deux heures à découper une grille pour le poêle qui retienne mieux les braises, dans un vieux grillage de tamis. heureux comme un gosse quand j’en ai terminé… mais une fois le feu allumé, pas sûr que cette invention soit tout à fait une révolution… foutu poêle ! il bouffe du bois mais aussi des heures, pas vingt minutes sans devoir aller le raviver ! je ne sais plus trop si je l’aime le garçon… j’en ai presque fini avec le bois pourri, j’ai enfin ensuite du bois un peu mieux, ça devrait aider.
toujours à lutter ainsi, peu ou prou. ce ne sont pas des batailles sanglantes, mais de petites, continues, on garde toujours le fer au feu pour que les conditions ne deviennent pas ignobles, invivables. peut-être est-ce ce que je cherchais aussi : lutter, mettre de l’énergie pour du strictement vital, nécessaire… quoique ma vie par ailleurs, en ville, ne soit plus depuis longtemps dans le seul alimentaire ou dans l’accessoire. cela fait pas mal de temps déjà que j’ai lutté pour obtenir à peu près la vie qui me va, et depuis quelques années elle me correspond.
bricoler donc, s’occuper du feu, du manger, en alternance avec écrire… tantôt dedans, dehors, belle oscillation.
j’arrive, avec la connexion, à discuter avec ma grand-mère pour lui fêter ses 95 ans. elle est l’une de celle qui m’a filé ce virus de la montagne, de l’escalade, du grand dehors… ainsi qu’une génétique de la rusticité qui aide bien ici.
15h18 : la neige arrive, alors que je voulais bosser dehors. tant pis, écrivons alors encore.
ça y est, j’ai enfin réussi à rentrer du bon bois ! du chêne essentiellement, et un peu de pin, sain, sec au cœur, à peine un peu humide en extérieur. ça aussi c’est une fête !
la cabane en est raz la gueule, de celui-ci, et du bon restant des jours passés. enfin.
je ne sais pas comment je verrai cette période, ce qu’il en restera, plus tard, avec ce que le souvenir travaille, remodèle des faits, mais, dans le présent, c’est une succession de petits moment rudes et de grandes joies toutes simples. depuis quelques jours, ce sont même les bons moments qui dominent, par une joie.
rien de neutre en tout cas, sauf ce calme de fond. lui il est là. il n’est pas bavard. il n’est ni bon ni mauvais. liseré d’un peu d’humour. il est. et pas grand chose d’autre à en dire.
je m’étonne presque d’écrire autant, de coucher 1 à 2 pages par jour. sans doute cela remplace-t-il, en partie, les temps de discussions que nous avons avec autrui, et que ça cause ici, tout seul… mais c’est écrit, donc peut-être destiné, même s’il n’y a pas de véritable adresse à l’écriture. à la différence de la voix, on écrit seul. on ne parle pas « à ». on parle. point. ensuite, peut-être, parfois, un autre en fera lecture, c’est-à-dire en fera ce qu’il veut, y entendra ce qu’il sent, y comprendra en partie par ce qu’il est. quand on écrit, ou pour être plus exact, lorsque que l’on publie, quelle qu’en soit la forme, on propose ; l’autre (la grande altérité) dispose…
les suites pour violoncelle seul de Bach, à tout petit volume, comme au tout début, le premier jour.
la nuit tombe doucement, avec une légère neige.
10.02.13
Causse.
grand blanc. il neige faiblement mais quasi continûment depuis hier. 15 cm grosso modo tiennent malgré la fonte.
4 degrés dedans au réveil, la neige ayant fait isolant, un vrai confort.
près du poêle à écrire. suis bien là. levé tôt, une grande journée devant moi. après avoir fendu et rentré du bois, j’irai sans doute aussi un peu me balader dans la forêt blanche, ourlée, duvetée, bruits matifiés par la neige, silence, vent qui siffle, traces de bêtes…
je remonte encore du bon bois, à la luge, de chez B qui me prête la yourte. me rappelle ces images, gosse, dans des livres sur les anciens métiers alpins, de ces gars qui charriaient des billes énormes avec un « schlitte », luge gigantesque que l’on pilote les pieds devant, les mains sur les patins qui remontent en avant en arcs de cercles, sur des sortes de chaussées de rondins ou de neige. et combien c’était dangereux dans les pentes. ça a disparu depuis bien longtemps. mais avec mon « bob » en plastique bleu je m’y verrais presque.
18 h : retour d’une balade, encore une magnifique, dans la neige, les pentes de pins, au-dessus des Baumes et des grandes roches ruineuses. tout le paysage joue à l’estampe japonaise, chinoise. je mitraille, tout est d’un photogénisme outrancier (je me mets à parler comme Bergounioux) : pins torturés, buis, rochers comme des trapèzes inversés ou des doigts pointés, grands dévers jaunes troués, ourlets de neige, brouillard…
à tenter d’écrire. mais je suis légèrement en attente.
la cabane est prête, on arrive enfin à y vivre bien, ou alors est-ce juste que je me suis acclimaté à ces conditions relativement inhabituelles. j’éteins la musique, essayer d’écouter encore, une fine neige ou grésil grésille sur la toile.
les petits whisky du soir descendent tranquillement.
ce choix d’être parti en hiver, à peine conscient finalement, si ce n’est que c’est la saison que j’ai de plus disponible, et que je ne connaissais les Causses qu’en été et en automne. mais cela change beaucoup : en terme de conditions météo évidemment, de facilité pour y vivre, mais aussi en termes d’échanges sociaux, le Causse hivernal n’étant fréquenté que par les locaux, les habitants du cru à l’année, alors que l’été il y a beaucoup de passages occasionnant une ambiance presque festive.
en hiver, on le découvre dans sa profonde sévérité, rustique, rugueuse, mais l’attachement s’y enracine sans doute d’autant, et peut-être peut-on alors prétendre connaître un peu mieux cette terre. et l’aimer.
11.02.13
Causse.
neige. 4 dans la cabane.
toilette à l’eau froide, méditation, écriture…
je vais chercher ma douce à la ville, au car. je m’apprête, me fais beau, comme si je redescendais d’estive pour le bal dans la vallée… grand ménage fait dans la cabane, lavé, parfumé, tout juste imprégné d’une délicate odeur de fumé.
plus d’une décennie que nous sommes ensemble, et je serais presque impressionné comme pour un premier rendez-vous… va-t-elle aimer ma tanière et accepter l’ours ? je peux aussi faire quelques parades de séduction. suis-je devenu si animal ?
plus tard.
ma douce est là. arrivée, verre, discussion, puis elle fait un petite sieste à 18h30… c’est qu’elle s’est levée tôt, et le palier, le déphasage est important.
nous sommes contents de nous voir. mais de mon côté aussi, tout mon rythme est changé, comme fragilisé. de la difficulté à écrire. j’arrive finalement en quelques heures à me poser, retrouvant mes marques : coin du poêle, travail, retrouver un moment encore ce monologue intérieur…
la nuit.
la neige a en partie fondue, mais il en reste tout de même 10 à 15 cm, bien mouillée. il ne fait pas froid dehors. je cuisine un bon petit plat. longue discussion. écrire un peu. le poêle, les bougies, un vieux blues, le temps est calme, pas de vent, il fait bon dedans.
quelques fuites seulement…