14.01.13
Paris.
froid. la bouche fume.
pas trop envie de causer aujourd’hui ici.
toujours cette velléité de mettre en scène l’écriture en train de se faire, et si ce n’est pas par le texte lui-même qui est exposé à vue sous forme de work in progress (comme pour mes précédents volumes), c’est finalement par ici, dans le journal, que cela se joue, comme malgré moi.
il ne s’agit pas tant de professionnaliser la poésie (bien que j’entende par là bosser dur et sérieux et sauvage, et non en faire une fonction) que d’éviter l’amateurisme trop fréquent, et principalement sur scène, l’oralisation débutante, le port de parole bredouillant, l’implication complaisante…
15.01.13
Paris.
insomnie. épuisé au réveil.
envie d’un jour silence du crâne. le faire.
enfin… le laisser faire.
avec Antoine Wauters, le soir, et Louise Desbrusses, David Giannoni.
16.01.13
Paris.
froid, dans les négatifs.
bref :
du fond d’abord. simple et d’une précision terrible. et la langue qui dira ça.
je me mets cette exigence. on verra bien. mais sinon à quoi bon avoir cette prétention de dire, si ce n’est pas pour tenter cette précision rudimentaire, primitive.
17.01.13
Paris.
départ Poitiers pour radio, conférence, etc…
interventions aux côtés d’Alexandra Saemmer : écrire numérique, mise en scène numérique de l’écriture…
plus tard
l’est 2 plombes du mat’
je mets un peu de zique (surgit soudain, volume à fond)
dans ma piaule
grand hôtel de poitiers
beurré au bon sky écossais
du oban, siroté au bar du théâtre natiÔnal de poitiers city
où j’ai échoué
après un petit speech
sur mes bidouilles internaut
tiques
à la média
thèque
de la cité
bien beau bled
frontons d’églises
épurés
tous forts
simplement beaux
pierre claire
tous grandioses
éclairés dans le soleil rasant
tout à l’heure
et l’air pur à -3°C
je fume dans la piaule
en contrant le
règlement
interne terne
dernier moment de
petite arène
publique
avant passage paname
et la yourte enfin.
lundi, je serai chez les sioux du plateau.
18.01.13
Poitiers. Paris.
il neige.
départ dans l’affection et la neige neuve. le vivifiant clair air glacé.
ne pas subir, ne plus subir, n’avoir plus à subir. peu en sont capables, peu ont cette absence de choix de ne savoir être autrement que non subissant. et même quand ils endurent, qu’on leurs infligent un joug, ils ne savent être soumis.
c’est essentiellement créer sa vie.
avec cela, concomitant et corrélatif, il est aussi une liberté expressive, centrifuge, ex-citée, extérieure, que je pourrais prendre plus largement encore ; et puis une intime, que je soigne à étendre tendrement, reposant sur une connaissance de soi, une libération des distractions, de l’illusion et du futile, le développement de l’attention à l’essentiel, un accord avec soi.
parvenir à travailler efficacement en travaillant peu et simplement.
19.01.13
Paris.
méditation devant la neige.
départ après-demain.
là-bas, il ne s’agira pas de faire un portrait du Causse, mais de se servir des ressources du terrain, de la matière et de « l’essentialité » d’un lieu comme celui-ci pour nourrir l’écriture, les fondements du propos : dépouillement du plateau, gestes simples, « basales », rudesse parfois, immense beauté de ce « désert », silence, isolement relatif, grand ciel…
Les gens comprennent peu, prennent parfois mal mon besoin de silence, de simplement être là, dans mon boulot, devant le jardin.
Antoine Emaz, Planche
préparation des sacs : habits de montagne, une bibliothèque d’une vingtaine de volumes papier, 3 manus en cours, des crayons et fusains, beaucoup de livres, de musique et quelques films dans l’ordi…
lecture du Journal de nuit de Jan Fabre.
suis de plus en plus partagé entre une créativité rugissante (qui peut être égocentrée), et une énergie puissante de fond calme. les deux en tout cas toujours présentes, disponibles là en moi.
20.01.13
Paris.
la neige continue. elle tient depuis 3 jours : très rare de voir ça à Paris. 10 cm environ, un peu plus en cumulé.
le prunier est surligné de blanc.
le Causse va être dans des conditions bien hivernales…
j’ai à dire et j’ai à dire là-bas.
écrire en parole claire.
je viens de finir un carnet (6 mois de travaux), passe à un autre… doit-on croire au hasard ?
départ donc demain pour les grandes steppes ondulées… causse du Larzac… un mois, sous yourte… écrire, méditer, marcher, casser mon bois pour le poêle, quelques gestes simples…
les buis, les grandes collines bombées, les grandes herbes, dolines, avens, les colonnes de roches ruineuses comme des chapelles romanes de cailloux secs, les pierres claires concassées des sentes, les pins sous la neige, les hommes… une terre pour laquelle je pourrais lutter.