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Le capitalisme mondial et le fascisme du 21e siècle 

mardi 31 mai 2011, par William I. Robinson

La crise économique mondiale et l’attaque contre les droits des immigrés sont étroitement liés dans la toile d’un fascisme du XXIe siècle.

Camps de rétention des étrangers
en Europe
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La crise du capitalisme mondial est sans précédent, compte tenu de son ampleur, de sa portée planétaire, de l’étendue de la dégradation écologique et de la dégradation sociale, et de l’échelle des moyens de la violence. Nous sommes vraiment face à une crise de l’humanité. Les enjeux n’ont jamais été aussi élevés ; notre survie même est menacée. Nous sommes entrés dans une période de grands bouleversements et d’incertitudes, de changements considérables, tendue de dangers — si elle présente aussi des opportunités.

Je veux parler ici de la crise du capitalisme mondial et de la notion de réponse politique distincte de la crise, focalisant sur la réponse d’extrême-droite et le danger de ce que j’appelle le fascisme du 21e siècle, en particulier aux États-Unis.

Être face à la crise appelle une analyse du système capitaliste, qui a subi une restructuration et une transformation dans les dernières décennies. Le moment actuel comporte une phase qualitativement nouvelle, transnationale ou globale, du capitalisme mondial, qui remonte aux années 1970 et se caractérise par l’augmentation du capital réellement transnational, avec une « classe capitaliste transnationale » ou CCT (TCC) [1]. Le capital transnational a été capable au-delà de l’époque précédente de se libérer des contraintes de l’État-nation sur l’accumulation, et avec cela, de changer brusquement en sa faveur la corrélation de classe et des forces sociales du monde entier — et de couper la force de la résistance populaire et des mouvements ouvriers dans le monde entier, après la rébellion mondiale des années 1960 et 1970.

Le capital transnational émergent a subi une expansion majeure dans les années 1980 et les années 1990, impliquant l’hyper-accumulation à travers de nouvelles technologies comme les ordinateurs et l’informatique, grâce à des politiques néo-libérales et de nouvelles modalités de mobilisation et d’exploitation de la main-d’œuvre mondiale — inclus une tournée nouvelle d’accumulation primitive massive, déracinant et déplaçant des centaines de millions de personnes, particulièrement dans les campagnes du tiers-monde, devenues des migrants internes et transnationaux.

Nous sommes confrontés à un système qui maintenant est beaucoup plus intégré, et a des groupes dominants qui ont accumulé une somme extraordinaire de pouvoir transnational ainsi que le contrôle des ressources et des institutions mondiales.

L’accumulation militarisée, la spéculation financière
— et la mise à sac des budgets publics

À la fin des années 1990, le système est entré dans une crise chronique. La polarisation sociale aigüe et l’inégalité croissante ont contribué à générer une profonde crise de sur-accumulation. L’extrême concentration des richesses de la planète dans les mains de quelques-uns, avec l’appauvrissement accéléré et la dépossession de la majorité, ont même contraint les participants à la réunion annuelle du Forum économique mondial à Davos, en 2011, à reconnaître que l’écart entre les riches et les pauvres dans le monde entier était « le défi le plus grave du monde » et en train de « soulever le spectre de l’instabilité et des guerres civiles à travers le monde. »

Les inégalités mondiales et l’appauvrissement de larges majorités signifient que les capitaux transnationaux ne peuvent pas trouver de débouchés productifs pour décharger les énormes quantités de surplus accumulés. Au 21e siècle, la CCT a recouru à plusieurs mécanismes pour soutenir l’accumulation globale, ou la fabrication de bénéfices, face à la crise.

Un premier mécanisme est l’accumulation militarisée ; mener des guerres et des interventions qui déclenchent des cycles de destruction et de reconstruction et de génération d’énormes bénéfices pour un complexe carcéro-militaro-industriel-sécuritaro-financier en constante expansion. Nous vivons maintenant dans une économie de guerre mondiale qui va bien au-delà des « guerres chaudes » en Irak ou en Afghanistan.

Par exemple, la guerre aux immigrants aux États-Unis et ailleurs, et plus généralement, la répression de mouvements sociaux et des populations vulnérables, sont une stratégie d’accumulation indépendante de n’importe quels objectifs politiques. Cette guerre aux immigrants est extrêmement rentable pour des sociétés transnationales. Aux États-Unis, le secteur privé carcéro-industriel pour les immigrants est un secteur en plein boom. Les immigrés sans-papiers constituent la plus forte croissance de la population carcérale des États-Unis, ils sont détenus dans des centres de rétention privés et déportés par des sociétés privées attribuées par l’État américain.

Il n’est pas surprenant que William Andrews, le président directeur général de la société Corrections Corporation of America, ou CCA — le plus grand entrepreneur du secteur privé des États-Unis pour les centres de rétention pour immigrants, — ait déclaré en 2008 : « La demande pour nos installations et services pourrait être touchée par la relaxe des efforts d’application (...) ou par la dé-criminalisation [des immigrés]. » Il n’est pas surprenant que la CCA et d’autres sociétés aient financé la vague de la législation anti-immigration néo-fasciste en Arizona et dans d’autres États américains.

Un second mécanisme est le pillage et le saccage des budgets publics. Le capital transnational utilise son pouvoir financier pour prendre le contrôle des finances publiques et en outre imposer l’austérité sur la plupart du travail, ce qui résulte en inégalité sociale et en sujétion jamais aussi grandes auparavant. La CCT a utilisé son pouvoir structurel pour accélérer le démantèlement de ce qui reste du salaire social et des États-providence.

Et un troisième est la spéculation financière mondiale frénétique — la rotation de l’économie mondiale dans un casino géant. La CCT a déchargé des milliards de dollars dans la spéculation du marché du logement, de l’alimentation, de l’énergie et d’autres marchés mondiaux des matières premières, dans les marchés obligataires à travers le monde (c’est-à-dire les budgets publics et les finances de l’État), et dans tous les « dérivés » imaginables, allant de la couverture des fonds de placements à risque, aux marchés à terme, aux obligations de dettes collatérales, à des actifs pyramidaux, et autres chaînes de Ponzi [2]. L’effondrement du système financier mondial en 2008 fut simplement la goutte qui fit déborder le vase.

Il ne s’agit pas d’une crise cyclique — une crise de restructuration, comme nous avons eu dans les années 1970, et avant cela, dans les années 1930 — mais structurelle, qui a le potentiel de devenir une crise systémique, selon la façon dont les acteurs sociaux répondent à la crise et selon l’arrivée d’éventualités inconnues. Une crise de restructuration signifie que la sortie de crise est la seule façon de restructurer le système, alors qu’une crise systémique est celle dans laquelle seul un changement dans le système lui-même peut résoudre la crise. Les temps de crise sont des temps de changement sociaux rapide, où l’agencement et la contingence collectifs jouent davantage que dans les temps d’équilibre du système.

Les réponses à la crise et la république de Weimar d’Obama aux États-Unis

Dans le face-à-face de la crise il semble y avoir des réponses distinctes entre les États et les forces sociales et politiques. Trois se distinguent : le réformisme global ; la résurgence des luttes populaires et de la gauche d’en bas ; l’extrême-droite et le fascisme du 21e siècle. Il semble y avoir, avant tout, une polarisation politique dans le monde entre la gauche et la droite, chacune d’elles étant des forces insurgées.

Une insurrection néo-fasciste peut tout à fait apparaître aux États-Unis. Cette insurrection pourrait être retracée depuis plusieurs décennies, à la mobilisation d’extrême-droite qui a commencé dans le sillage de la crise de l’hégémonie provoquée par les luttes de masse des années 1960 et 1970, en particulier les luttes de libération des noirs et des chicanos et d’autres mouvements militants de la population venue du tiers monde, des courants de la contre-culture, et les mouvements militants des luttes ouvrières.

Les forces néo-fascistes se sont réorganisées au cours des années du gouvernement de George W. Bush. Mais mon histoire ici commence avec l’élection d’Obama.

Le projet d’Obama au début procéda d’un effort des groupes dominants pour rétablir l’hégémonie dans le sillage de sa détérioration durant les années Bush (qui avait également impliqué l’émergence d’un mouvement de masse des droits des immigrés). L’élection d’Obama était un défi au système, au niveau culturel et idéologique, et ébranla les fondations des groupes raciaux/ethniques sur lesquels la République des États-Unis avait toujours reposé. Toutefois, le projet d’Obama ne fut jamais l’intention de contester l’ordre socio-économique, au contraire, il chercha à préserver et à renforcer cet ordre par la reconstitution de l’hégémonie, procédant à une révolution passive contre le mécontentement des masses et la diffusion de la résistance populaire qui avait commencé à s’infiltrer dans les dernières années de la présidence Bush.

Le socialiste italien Antonio Gramsci a développé le concept de révolution passive afin de référer aux efforts des groupes dominants pour provoquer d’en haut les changements doux capables de briser la mobilisation du dessous pour les transformations de plus grande portée. La co-option du leadership du dessous est une partie intégrante de la révolution passive, son intégration dans le projet dominant. Les forces dominantes en Égypte, en Tunisie et ailleurs au Moyen-Orient et en Amérique du Nord tentent de mener une telle révolution passive. En ce qui concerne le mouvement des droits des immigrants aux États-Unis — l’un des mouvements sociaux les plus dynamiques dans ce pays — l’animateur principal parmi les dirigeants de l’établissement latino a été introduit dans la confrérie du parti démocratique d’Obama — un cas classique de la révolution passive — tandis que la masse des immigrants de base souffre de la répression étatique intensifiée.

La campagne d’Obama en a profité pour contribuer à l’élargissement de la mobilisation de masse et des aspirations populaires pour le changement jamais vus depuis de nombreuses années aux États-Unis. Le projet d’Obama a assimilé la tempête du brassage d’en bas, canalisée dans la campagne électorale puis trahie dans ses aspirations, pendant que le Parti démocrate démobilisait efficacement l’insurrection d’en bas avec plus de révolution passive.

En ce sens, le projet d’Obama a affaibli la réponse populaire de la gauche d’en bas à la crise, ce qui a ouvert un espace pour la réponse de droite à la crise — pour un projet du fascisme du 21e siècle — à devenir insurgée. L’administration d’Obama ressemble ainsi à une république de Weimar. Bien que les sociaux-démocrates furent au pouvoir en Allemagne pendant les années 1920 et au début des années 1930, ils ne poursuivirent pas leur réponse de gauche à la crise, et plutôt que s’aligner sur les syndicats des communistes et des socialistes, ils se plièrent progressivement au capital et à la droite avant que le pouvoir ne se retourne pour les nazis en 1933.

Le fascisme du XXIe siècle aux États-Unis

Je n’utilise pas le terme « fascisme » à la légère. Il y a quelques caractéristiques principales d’un fascisme du 21e siècle que je vais identifier ici.

 1. La fusion du capital transnational avec le pouvoir politique réactionnaire :
 Cette fusion fut développée pendant les années Bush et aurait probablement été approfondie dans le cas d’une Maison Blanche John McCain-Palin. Dans le même temps, des mouvements néo-fascistes tel Tea Party ou aussi bien les législations néo-fascistes, comme la loi anti-immigrant SB1070 en Arizona, furent largement financés par le capital d’entreprise. Trois secteurs du capital transnational se détachent particulièrement comme enclins à rechercher des arrangements politiques fascistes qui facilitent l’accumulation : la spéculation du capital financier, le complexe militaro-industriel-sécuritaire, ainsi que le secteur de l’énergie et l’extraction (en particulier le pétrole).
 2. La militarisation et la masculinisation extrêmes :
 Comme l’accumulation militarisée a intensifié le budget du Pentagone, une augmentation de 91% en termes réels au cours des 12 dernières années, les hauts gradés militaires sont devenus de plus en plus politisés et impliqués dans l’élaboration des politiques. [3].
 3. Un bouc émissaire pour servir à déplacer et à rediriger les tensions et les contradictions sociales :
 Dans ce cas, les immigrés et les musulmans en particulier. Le Southern Poverty Law Center a récemment déclaré que « trois volets de la droite radicale — des groupes haineux, des groupes extrémistes des droits natifs, et des organisations patriotes — sont passés de 1.753 groupes en 2009 à 2.145 en 2010, soit 22% de hausse qui succède une augmentation de 40% en 2008-9 ».

Un rapport du ministère de la Sécurité intérieure en 2010 fait observer que « les extrémistes de droite peuvent gagner de nouvelles recrues en jouant sur la peur à propos de plusieurs questions d’urgence. Le ralentissement économique et l’élection du premier président afro-américain se présentent comme des indicateurs spécialement adaptés à la radicalisation et au recrutement de l’aile droite. » Le rapport conclut : « Au cours des cinq dernières années, divers extrémistes de droite, inclus la suprématie blanche et les milices, ont adopté la question de l’immigration comme un appel à l’action, un point de ralliement, et un outil de recrutement. »
 4. Une base sociale de masse :
 Dans ce cas, cette base sociale s’organise entre les secteurs de la classe ouvrière blanche, laquelle historiquement a connu le privilège de caste raciale tout en ayant expérimenté le déplacement et éprouvé une forte mobilité à la baisse depuis que le néo-libéralisme est advenu aux États-Unis — cependant la masse des travailleurs perdait la sécurité et la stabilité dont elle avait joui à l’époque précédente, fordo-keynésienne, du capitalisme national.
 5. Une idéologie fanatique du millénaire comprenant une suprématie de la culture/race qui embrasse un passé idéalisé et mythique, et une mobilisation raciste contre des boucs émissaires :
 L’idéologie du fascisme du 21e siècle repose souvent sur l’irrationalité — la promesse d’assurer la sécurité et de rétablir la stabilité est émotionnelle, pas rationnelle. Le fascisme du 21e siècle est un projet qui n’a pas — et n’a pas besoin — de distinguer entre la vérité et le mensonge.
 6. Un leadership charismatique :
 Jusqu’ici un tel leadership aux États-Unis a fait largement défaut, bien que des figures comme Sarah Palin et Glenn Beck apparaissent comme des archétypes.

Le circuit mortel accumulation-exploitation-exclusion

Une nouvelle dimension structurelle du capitalisme mondial du 21e siècle est l’expansion spectaculaire de la population mondiale superflue — la partie marginalisée et mise à la porte de la participation productive de l’économie capitaliste, et qui constitue l’un des tiers mondes de l’humanité. La nécessité d’assurer le contrôle social de cette masse de l’humanité vivant dans une planète de taudis donne une puissante impulsion aux projets néo-fascistes et facilite la transition de l’aide sociale à un contrôle social — autrement dit aux « États policiers ». Ce système devient de plus en plus violent.

D’un point de vue théorique — dans les conditions de la mondialisation capitaliste — les fonctions contradictoires de l’État de l’accumulation et de la légitimation ne peuvent pas exister ensemble. La crise économique intensifie le problème de la légitimation pour les groupes dominants de sorte que les crises de l’accumulation, comme celle que nous connaissons présentement, engendrent des conflits sociaux et apparaissent comme une spirale de crises politiques. En substance, la capacité de l’État de fonctionner comme un « facteur de cohésion » au sein de l’ordre social se décompose dans la mesure où la mondialisation capitaliste et la logique de l’accumulation ou la marchandisation pénètrent tous les aspects de la vie, en sorte que la « cohésion » exige de plus en plus de contrôle social.

Le déplacement et l’exclusion se sont accélérés depuis 2008. Le système a abandonné de larges secteurs de l’humanité, qui sont pris dans le circuit mortel de l’accumulation-exploitation-exclusion. Le système ne cherche même pas à intégrer ce surplus de population, mais tente plutôt de l’isoler et de neutraliser sa rébellion réelle ou potentielle, de criminaliser les pauvres et les dépossédés, avec des tendances vers le génocide dans certains cas.

Un fascisme du 21e siècle ne se regarde pas comme le fascisme du 20e siècle. Entre autres choses, il y a la capacité des groupes dominants à contrôler et à manipuler l’espace et à exercer un contrôle sans précédent sur les médias de masse, les moyens de communication et de production d’images symboliques et de messages, il y a des moyens permettant que la répression puisse être plus sélective (comme nous le voyons au Mexique ou en Colombie, par exemple), et soit aussi organisée de telle sorte que la masse d’incarcération juridiquement « légale » prenne la place des camps de concentration. En outre, la capacité de la puissance économique pour déterminer les résultats des élections autorise pour le fascisme du 21e siècle à émerger sans rupture nécessaire dans les cycles électoraux ni dans
l’ordre constitutionnel.

Les États-Unis ne peuvent pas être caractérisés comme fascistes en ce moment. Néanmoins, toutes les conditions et le processus ainsi que la percolation [4] sont présents, les forces sociales et politiques se mobilisant rapidement derrière un tel projet. Plus généralement, des images de ces dernières années sur ce qu’un tel projet politique impliquerait recouvrent autant l’invasion israélienne de Gaza et la purification ethnique des Palestiniens [5], que les boucs émissaires et la criminalisation des travailleurs immigrés, que le mouvement du Tea Party aux États-Unis, le génocide au Congo, l’occupation de Haïti par les Nations Unies, la diffusion des néonazis et des skinheads en Europe, jusqu’à la répression indienne intensifiée dans le Cachemire occupé.

Le contrepoids du fascisme au 21e siècle doit être une riposte coordonnée par la classe ouvrière mondiale. La seule véritable solution à la crise du capitalisme mondial est une redistribution massive des richesses et du pouvoir — en l’inclinant jusqu’à la majorité de l’humanité la plus pauvre. Et le seul moyen de redistribution ne peut venir que de la lutte transnationale de la masse d’en bas.

William I. Robinson


Latin America and Global Capitalism
(A Critical Globalization Perspective)

William I. Robinson
Source :
The John Hopkins University Press


N.B. Les notes ne font pas partie de la publication originale. Elles ont été ajoutées par la traductrice.

 
 

Traduction personnelle en français par Aliette G. Certhoux pour La revue des ressources (30 mai 2011) avec l’autorisation de l’auteur William I. Robinson, Le captitalisme global et le fascisme du XXIe siècle / Global capitalism and 21st century fascism, source originale Al Jazeera (mise à jour le 8 mai 2011). Creative Commons License
This work is licensed under a Creative Commons Attribution-NonCommercial-NoDerivs 3.0 Unported License.

P.-S.

Ndlr : j’ai traduit avec beaucoup d’intérêt ce texte. Mais la phrase en conclusion, "une riposte coordonnée par la classe ouvrière mondiale", me pose une énigme, par rapport à la description de l’état actuel du monde (notamment les USA résultant de la ruine des industries du capital national, comme dans certains pays d’Europe), tel qu’il est analysé auparavant dans cet essai.
Les problèmes posés par cette assertion, telle quelle nébuleuse, seraient relatifs aux domaines suivants : ne serait-ce que le tiers exclus, et les questions d’organisation et de démocratie diffuse ou de centralisme, ou encore d’une bureaucratie globale alternative de la bureaucratie capitaliste transnationale, et dans ce cadre : les engagements potentiels de la récupération sous la forme de la révolution passive.
Donc de quoi s’agit-il ? Insurrection, revendications, supra-syndicat, effondrement du pouvoir capitaliste ou prise du pouvoir global par les travailleurs, dictature du prolétariat remise en perspective, ou multitudes en partenariats d’une nouvelle Magna Carta (Hardt et Negri) avec la classe capitaliste transnationale ?
L’Internationale des travailleurs n’a-t-elle pas déjà eu lieu, y compris avec ses dictatures, sans avoir empêché la marche du monde vers la globalisation capitaliste néo-libérale, et son corrélat de structures pour libérer l’argent des pactes de l’économie politique du capital national, en impliquant la société mondiale — l’impact commençant à devenir sensible après l’effondrement de l’URSS ?
En l’absence de précision de l’auteur, j’avoue ma perplexité. C’est ma seule réserve (et aussi sur une information lacunaire à propos de l’Europe, — par exemple les skinheads ne semblent pas en leur état actuel le problème majeur du liberticide général, — le sujet étant d’abord les USA).
Quoiqu’il en soit de cette énigme, de toutes façons nous ne cherchions pas de réponse dans ce texte, mais l’analyse, particulièrement percutante et sonnant juste à nos oreilles, sur la question des conditions déjà installées d’un fascisme global, qui pourrait devenir l’émergence de la classe du capitalisme transnational, si elle n’était pas contrée, au XXIe siècle. (A. G. C.)

Le logo est un des murs qui séparent le Mexique des États-Unis. (Source Rfi).
Le logo de survol est un portrait de l’auteur, extrait de son site universitaire.

Notes

[1Le concept CCT, soit la classe capitaliste transnationale — ou globale, — est développé dans l’ouvrage éponyme The Transnational Capitalist Class (2000), — d’où l’abréviation TCC en anglais — de la sociologue britannique Leslie Sklair, spécialiste de l’impact de la globalisation. Le site The Gobal Site a publié un extrait de l’ouvrage dans lequel on peut lire que Leslie Sklair divise cette classe en 4 fractions principales : 1. les propriétaires et les contrôleurs des sociétés transnationales et de leurs filiales locales ; 2. les bureaucrates et les politiciens de la mondialisation ; 3. les professionnels de la mondialisation ; 4. les élites consuméristes (les commerçants et les médias).

[2" Une chaîne de Ponzi est un circuit financier frauduleux qui consiste à rémunérer les investissements effectués par les clients, au moyen essentiellement des fonds procurés par les nouveaux entrants, le système étant découvert et s’écroulant quand les sommes procurées par les nouveaux entrants ne suffisent plus à couvrir les rémunérations des clients. Elle tient son nom de Charles Ponzi qui est devenu célèbre après avoir mis en place une opération basée sur ce principe à Boston dans les années 1920. " Extrait de "Chaîne de Ponzi", art. Wikipédia. Ndlr : Charles Ponzi particulièrement inventif en matière d’escroqueries financières fut écroué à plusieurs reprises aux USA.

[3Ndlr : On pourrait éprouver la pertinence critique de cette affirmation en rappelant la façon dont le Pentagone empêchant la décision américaine de se solidariser avec la solution pacifique d’une zone de non vol sous la surveillance militaire, pour répondre à l’appel des insurgés libyens, retarda toute mesure préventive internationale en Libye jusqu’à justifier l’intervention guerrière, puis son élargissement impliquant l’OTAN (et ses contradictions politiques) sous le contrôle suprême du commandement américain, seul pouvoir (non élu) allant justifier publiquement devant les élus et les conseils étatiques des États-Unis les positions engagées et les réserves militaires éventuellement contradictoires avec le Département d’État.
Il convient d’ajouter que la première proposition française — y compris philosophique engagée — suggérait déjà les bombardements de sites et d’entrepôts militaires de Kadhafi, en principe espérés par les envoyés libyens à Paris, quant aux britanniques ils avaient déjà tenté d’envoyer des commandos spéciaux sur place.
En ce sens en Libye on serait face à une situation cohérente de la CCT intégrée du pouvoir militaire global, avec une interprétation guerrière de la révolution passive locale dans la coopération et l’infiltration de la direction des insurgés. Ce qui présenterait l’avantage d’introduire des forces armées internationales sous le commandement américain à proximité des révolutions arabes tunisienne et égyptienne, et du moins de les contrôler sinon de les compromettre du fait de l’élargissement topologique de la guerre aux frontières ; cela dans une zone hautement pétrolifère qui restait nationalisée et dont les ressources nationales furent investies dans les fonds de placements des pays consommateurs, et ayant notoirement contribué à renflouer des déficits européens de la zone euro du sud (France comprise), britanniques, et américains, pour sortir de la crise de 2008 — fonds par conséquent récupérés de fait sous le régime des embargos et au contraire exploités au profit d’autres nations, tant que dure la guerre qui finalement maintient au pouvoir la cause de la confiscation.
Mais dans cette hypothèse il reste à dire que les activistes du soulèvement populaire — fut-il infiltré par la CIA — avaient pris les armes d’eux-mêmes pour faire face à la violence massive de la répression exercée par le pouvoir (y compris l’exécution des cadres militaires insoumis contre la répression du peuple), et ne répugnait — ne répugnât — pas à la guerre d’en haut comme d’en bas ; et là n’est pas la seule contradiction qui modère la situation politique sur place.

[4Percolation (dictionnaire Robert en ligne) : "Circulation d’un fluide à travers une substance, sous l’effet de la pression (...). Phys. Transition de percolation ou percolation : transformation structurelle d’un mélange lorsque la proportion de l’un des constituants atteint un seuil critique. Transition de percolation d’un sol en gel."

[5L’auteur fait partie des intellectuels qui soutiennent la légitimité de la cause palestinienne, qui combattent la politique d’apartheid d’Israël, et qui protestèrent activement contre l’opération de guerre Plomb Durci dans la bande de Gaza, en 2009, ce qui lui valut d’être l’objet d’une investigation sur le campus de la part de deux organisations sionistes, malgré le soutien le plus large des étudiants y compris de la part d’autres juifs (dont lui-même fait partie) :
"Professor’s comparison of Israelis to Nazis stirs furor
The UC Santa Barbara sociologist, who is Jewish, sent images from the Holocaust and from Israel’s Gaza offensive to students in his class. He has drawn denunciation and support.
Controversy has erupted at UC Santa Barbara over a professor’s decision to send his students an e-mail in which he compared graphic images of Jews in the Holocaust to pictures of Palestinians caught up in Israel’s recent Gaza offensive.
The e-mail by tenured sociology professor William I. Robinson has triggered a campus investigation and drawn accusations of anti-Semitism from two national Jewish groups, even as many students and faculty members have voiced support for him."

Duke Helfand in LA Times, April 30, 2009.

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