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Le sens des affaires : Sept. 

samedi 20 février 2010, par Rodolphe Christin

Sept.

La vie d’Hector Dumenclin prit un tour nouveau dès qu’il ouvrit la porte de l’appartement de Clara :

- Tiens, Kévin ! Que faites-vous là ?

- Je vous attendais, Hector.

- Comment ça vous m’attendiez ? Mais comment saviez-vous que j’étais ici ? Oh, ne vous faites pas d’idées surtout ! Je passais-là par hasard, je raccompagnais Madame qui se sentait mal, dans la rue, tout à l’heure. Rien de grave, un simple malaise, une fatigue passagère. Saviez-vous que plus jeune j’avais entamé des études de médecine ? Et puis le sens des affaires m’a pris par la manche, un jour inattendu. Le reste, vous le connaissez Kévin, pas vrai ? Médecine, oui, oui ! Reçu premier, voyez-vous ça ! Premier !

- Racontez-moi donc vos histoires à l’intérieur, proposa Kévin, de manière fort courtoise mais assez sèche.

Hector Dumenclin remarqua cette sècheresse de ton, cette petite fermeté dure comme un galet, qu’il ne lui connaissait pas d’ordinaire. Les employés disaient Monsieur Kévin Forgeron souple mais inflexible. Curieux paradoxe. C’est qu’il donnait toujours l’impression de suivre son interlocuteur, de lui donner raison, d’accueillir avec compréhension ses revendications. Il était comme un roseau, il se courbait sous la pression pour ne pas céder. Il faisait croire à l’autre qu’il emportait le morceau, mais dès que celui-ci relâchait sa vigilance, Kévin revenait à sa position initiale sans avoir bougé d’un pouce. Mais Dumenclin, qui était le patron, n’avait constaté à son égard que de la courtoisie dans l’attitude de son directeur des Ressources Humaines.

Là, il y avait autre chose dans sa voix. Il se reprit :

- Enfin Kévin, vous n’y pensez pas ! Nous n’allons pas discuter ici, chez cette…euh… Chez cette p…euh… Chez cette dame ! N’est-ce pas Madame ? Nous n’allons pas vous déranger plus longtemps, et puis vous devez être fatiguée, bien sûr ! Vous avez besoin de repos ! Enfin Kévin, voyons… Vous savez bien que je joue gros tout à l’heure, le moindre retard pourrait nous être fatal à tous les deux. Car sachez bien que si nous décrochons ce contrat, vous en retirerez des bénéfices, vous aussi ! Comment pourrait-il en être autrement ? Bon, gardez ça pour vous, surtout ne l’ébruitez pas. Enfin, je ne vais pas vous apprendre ce qu’il faut dire et ne pas dire, hein ? La gestion du personnel, ça vous connaît !

Kévin posa calmement la main sur l’épaule de son patron. Rentrez-donc, Hector. Je vous dis que nous serons mieux à l’intérieur. Hector Dumenclin ressentit une intense volonté, doublée d’une grande force dans cette main posée, ferme, sur le haut de son bras. Il se souvint que Kévin était très sportif. Je crois bien qu’il fait de la plongée sous-marine, pensa-t-il. Il obéit. Il ne voulait pas aller jusqu’à l’affrontement. Il ne comprenait rien à cette situation.

Hector Dumenclin n’était toujours pas au bout de ses surprises.

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