Esplanadiens d’Ankara à Londres et d’Oslo à Palerme, fermez vos volets les soirs de pleine lune : la génération ne peut se faire qu’à l’abri des regards indiscrets. Baissez paupières et volets, oblitérez tout canal visuel imposé par les libertophobes, vous risqueriez, en l’épiant, de ne pas voir passer l’Amour. L’histoire que je vais vous conter est vraie. C’est en la personne de la petite Rhubarbe que la lumière de l’invisible me l’a donnée lors de mon dernier séjour à Strasbourg. Je vous la transmets comme je l’ai reçue.
Le géniteur de la Citadelle, Sébastien Le Prestre de Vauban, était un homme franc qui refusait le paraître (déjà à la cour du Roi Soleil, l’apparence faussait les relations humaines !). C’est pour cette raison que son fantôme patienta si longtemps avant de ressurgir du passé, il craignait d’être vu par les êtres qui falsifient la vérité pour n’en retirer que des profits de gloire personnelle.
Ce fut une déesse qui fut la raison de son apparition. Elle aussi s’était mise en attente, mais depuis beaucoup plus longtemps que lui, pour se montrer, céleste et altière, aux habitants de notre terre. De tous les endroits du monde, elle choisit l’Esplanade pour faire sa rentrée divine.
Vint enfin le moment où Athéna, la déesse, put donner jour aux enfants de cet être éclairé qui, déjà en son temps, refusait la pauvreté. Chacun des rendez-vous galants de l’homme-au-service-des-Hommes avec la déesse (qui abandonna la livrée guerrière par son père octroyée) donna, depuis la croisée de leur premier regard, naissance à une représentation concrète de l’Amour et de la Fraternité.
Esplanadiens d’Ankara à Londres et d’Oslo à Palerme, Campusiens des Sciences alliés aux Lettres et aux Arts, c’est le cœur de votre vivre-ensemble qui se renforce à la naissance de chaque statue, fruit de ces amours folles qui naquirent une nuit de pleine lune, alors que l’Esprit de l’Etoile errait dans sa Citadelle désertée. Aidée par ses enfants de l’étrange conçus par l’ailleurs, l’Esplanade, autrefois plateforme guerrière, s’inscrit aujourd’hui dans le Patrimoine de la Paix, et Strasbourg, à chaque nouvelle nativité séculière, grave au tréfonds des Homo Generosis Potentialis les Droits de l’Homme dont elle est la Capitale.
Catherine Lévy-Hirsch
Strasbourg et Aignes, 2010