Étirés, les filets nuageux
se précipitent, s’effacent sur eux-mêmes
comme ravalés promptement aussi longs
que nous sommes brefs
Invisible illusion ainsi que dure le mirage
qu’ils sont et nous, avisés, moins terrestres plus tristes déjà
*
Quel genre de bêtes sommes-nous
assez conscientes que les enfants-poissons
un jour quitteront les cheminées fumantes
les baudroies et autres chimères
pour s’enfoncer dans la nuit
des vieux parents pris aux tentacules
des siphonophores, un jour de grand suicide
où la mémoire les aura conduits
*
La barque ancrée est vide, elle nous attend.
A la merci des remous, elle recueille cette flaque
de lumière où nous brillions, ignorant notre absence.
Elle s’éteint aussitôt de ce côté : nos mots
d’amour basculent comme les charbons ardents,
mais ils ont été jurés. Le flanc de bois ondule,
cédant la place à nos allures d’enfants
qui reprendront leur souffle, à la surface
*
A l’intérieur le cœur bat,
dehors est une lande apprivoisée.
Dans le bocage qui te regarde,
dans le petit silence où je te vois
pulse la veine de ton cou et ta peau
est un rempart, une haie assez haute
pour m’éloigner et t’apercevoir enfin
dans l’enclos, sans présence humaine
*
On en parle
à chaque fois que l’on respire,
on en meurt de ne pas le saisir.
Les nuits deviennent de sombres
refuges, des paroles surgies de l’autre
J’entends les pas
derrière les parois.
Le mur aveugle.
J’imagine dans une ville
où je n’habite pas.
J’entends et je crois voir
par habitude.
le silence siffle dans une boule de paille
avec elle je roule et j’aperçois l’oubli
*
Qui a cousu ton manteau.
La pluie s’y pose –
elle n’est pas neige encore.
Je crois te rencontrer
pour la première fois
avant que tu ne reviennes
dans ce vêtement, sous cette saison
*
Pendant que le métro glisse
elles courent avant de toucher
au quai d’où elles partiront
pour retrouver ta rue qui monte
sans cesse comme un lacet impatient
d’un point à l’autre comme
on renoue le souci d’une rencontre
entre toutes les pièces d’une chaussure
qu’observe l’aiguille du cordonnier affairé
*
Je t’écoute venir par toutes les voix
que le vent apporte :
la vibration des roues sur les rails
le tremblement de l’existence
le déplacement rassurant d’une ville.
En elle les passagers frappent le sol
à cet arrêt je t’aperçois quand
j’imagine y être parmi une mer
de regards célestes
*
L’imaginaire mélopée de la radio
perce les murs jusqu’ au lieu de la pensée
où l’on reste attentif à ce qui ne se passe pas