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LE MIROIR(second rêve du Cyclope)
LE MIROIR
Photographie en frontispicedeBruno Roche
19 poèmes
Troisième et dernière série — 3/3
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✶ le miroir
1.
Pour toujours dans l’enclos je respire ce bloc de souffre
Les nuages dessinent, dans la grisaille, une gigantesque spirale
jusqu’à cet œil fou qui me regarde.
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2.
Il ne reste que cette absence
Une absence plus forte que le bruit, minérale, solide comme un roc
Et cette clarté, là-dehors, qui n’en finit plus.
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3.
Mes pieds, lentement, foulent la poussière
Ils dégagent, du sol
une ligne —
Se perdre dans la terre
s’allonger parmi ceux qui la composent
S’ouvrir, enfin, à l’essaim.
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4.
Demain, face à la mer
je trouverai l’alliée désirable
La fraîcheur de la mer — une partie de moi.
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5.
Les étoiles se consument
très loin d’ici.
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6.
Une chance cette vie venue d’on ne sait où ?
Rien ne reste
sinon ces quelques flammèches absorbées par le silence de l’hiver
J’échange, en secret, chaque saison avec mon malheur — un coquillage venu des profondeurs.
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7.
Sans vie, absent
fantôme à la poursuite de son ombre
avec l’espoir, depuis l’ombre
de revenir
En vain — la sécheresse, première
envahit tout.
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8.
Tout s’en est allé dans l’or des rivières
Mon esprit s’offre, simple et nu.
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9.
Les torrents
Cette longue et dangereuse descente, depuis les sommets
avec les pierres
l’eau glaciale et la neige
Je voulais rester liquide et tournoyer
Jusqu’à rejoindre l’océan.
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10.
Dans un rêve
J’écris
Je n’obtiens qu’un tison noir
Je vocifère
Je me lamente
Et je tue.
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11.
L’archaïsme du poème
seul cri où je suis sûr de toucher
du monde
l’entier
et la vision de l’entier
Simple flèche qui siffle —
Le poème
depuis toujours
Pour ceux qui marchent avec le vent.
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12.
Une pierre
Pour cette pierre
saisie dans les torrents
griffée par les glaciers
Il se décide
Il la porte sur son dos pendant des heures, pendant des heures entières
Il laisse s’y déposer l’exigence de ses pensées.
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13.
Source noire
La fatigue accumulée au bas des reins : un accident ?
La fatigue, depuis ma tête, refuse de se prendre en bouche et de parler
La fatigue imposée du dehors — boule de lenteur immédiate, sans enthousiasme
Source noire
L’espace brûle, mes doigts sont gercés, je peine à écrire
Tempêtes récentes et tourbillons sur l’océan du monde
Le repos, enfin
un sourire sur le visage du dormeur.
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14.
Une chute, continuelle
Une fuite reliée par ces quelques fils invisibles
Un grand mouvement où l’air circule.
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15.
Assis au bord des falaises
Je partage la vitesse du torrent
Sa blancheur et son écume me nourrissent
Le soleil, à l’est
(un œil sur une paume)
disparaît dans les profondeurs.
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16.
La nuit pour seule compagne
Mes pleurs rebondissent
mon visage s’effrite
Le jour entier m’a abandonné.
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17.
En montagne
la glace se décroche des séracs
La peur, nécessaire, ouvre l’esprit.
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18.
La beauté
tenue par ces quelques fils invisibles
est plus que de la beauté
La beauté — miroir simple — s’accorde avec le réel.
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19.
La brise se lève
L’incendie reprend
Le ciel respire, difficilement
puis finalement s’ouvre
La pensée se vide
Me voici seul.
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© Lionel Marchetti - 2007 / révision 2018
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