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L’Albanie fait partie de la planète Terre
L’Albanie fait partie de la planète Terre
Surtout quand il pleut sur tous les continents
Les fleuves gonflent, l’horizon se ferme...
Surtout quand il neige
Sa blancheur cinglante nous aveugle.
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Coup d’œil
Là-bas... Au pays triste où le soleil a sombré
Là-bas... On pleure, mais personne ne dit pourquoi.
Les larmes perlent sur les vitres des maisons.
Les larmes : symbole fragile de la fuite aveugle.
Là-bas, on pleure pourtant il n’y a pas de morts.
Des morts, il n’y en a pas, pourtant on porte le deuil.
Mais personne ne dit pourquoi !
Mais personne ne dit pourquoi !
Mais personne ne dit pourquoi !
Et moi, mes racines aux pieds
J’erre dans le vent
Aucune porte n’est à la mesure de leur dimension.
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A Shëngjin
Moi, le vent, et la mer qui se déchaîne
Sur la peau fine du regret :
Te rappelles-tu ?
Te rappelles-tu ? Tu n’étais pas marié
Tu n’avais pas de projets
Tu n’étais pas encore né
Avant la guerre
Bien avant
Tu étais arbër, illyrien
Te rappelles-tu ?
Au Nymphée, tu étais allé en voilier,
Et là émerveillé par les sirènes couvertes d’embruns
Filles des mers et des côtes ensoleillées
Tu avais dit :
Oh, comme j’ai envie de pleurer !
Le temps a gardé en mémoire ton amour
Deux mille ans après !
Maintenant avec de veilles larmes
Tu pleures les hurlements jamais étouffés
Du vent et de la mer.
Te rappelles-tu la fin des tuniques blanches,
Du bonheur et de la paix ?
Te rappelles-tu la fin de la vie amicale ?
Il y a des choses que le temps avale
Et transforme en rêves.
En écrivant le passé, tu écris le rêve
Entre les rumeurs maritimes et le regret
Tout seul avec ta langue albanaise.
Maintenant avec de vieilles larmes
Tu pleures les hurlements jamais étouffés
Du vent et de la mer.
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Elégie
Nous avons pêché, nous ne savions pas l’heure du réveil
En aucun cas nous n’aurions noté le jour qu’il était
Aujourd’hui, c’est un lundi ou peut-être un samedi.
Même le dimanche peut être une illusion.
Pourtant, je sais qu’elle est venue
Jeune fille, repartie insouciante
Dans les régions profondes de l’Allemagne
Tout notre amour, elle l’a emporté avec elle :
" Pour toi, il n’est rien " m’avait-elle dit.
Pourtant, je sais qu’elle est venue
En l’espace d’un instant, elle éclata comme une étoile
Dans tout mon corps et disparut.
Vingt-quatre heures après, je me frottais encore les yeux
Mais seul un rayon de lumière coulait sur mon visage.
Comme dans ma peau je l’avais enfermée.
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Tandis que les jeunes filles vieillissent
Quand on perd son amour
Les jeunes filles vieillissent.
L’automne trouble le sommeil, on se réveille
Cinq à six fois chaque nuit.
Depuis des jours je soupirais
Pour dire un mot qui marquerait la mémoire
Entre temps elle m’avait dit : Ne me cherche plus.
Plein du regret de ne pas connaître le bonheur
Je me suis subitement souvenu d’un homme, ouvrier à Rubik
Mort électrocuté l’année d’avant.
On n’a pas cherché les causes de son décès. Crime ? Suicide ?
Quand on a fait son autopsie, son ventre était vide.
Une vendeuse a témoigné. Le matin, il n’avait pris qu’un croissant.
Il devait le payer le lendemain.
Je me suis aussi souvenu de Mark Nikgjoni
Un mendiant qui priait le souffle de la forêt
Des enfants le trouvèrent jadis étendu par terre
La veste roulée sous la tête
Les cheveux sans vie
Et les bras croisés sur la poitrine...
Toutes ces images se noient
Dans la profondeur de mes yeux vidés
Tandis que les jeunes filles vieillissent.
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Anniversaire
Il y a, aujourd’hui, vingt ans que de la terre
est parti vers la lune Apollo 11
Ce jour-là, mon père avait acheté une casquette
Nous avions enterré un jeune soldat
(On l’avait transporté de la frontière au village dans un camion)
Je n’avais pas vu ses blessures, mais seulement ses médailles.
Ah, ce soir-là ! Nous étions allé dîner chez ma sœur
Dans un village des Mirdites, moi et mon père
On avait fêté la casquette
Et la nièce toute petite
Et les chevaliers de la lune
Et le vaisseau cosmique...
Mais moi, je pensais toujours au jeune soldat :
Mon Dieu, il est mort sans rien savoir.
Maintenant ma sœur est séparée de son premier mari
Mon père a finalement jeté sa vieille visière
De mois d’août en mois d’août, la mère pleure son fils au cimetière.
Et mon destin... En revanche mon destin...
En tête-à-tête avec la pleine lune
Participe aux anniversaires
Des événements du monde.
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L’instant dangereux
L’instant dangereux
roule comme un ballon
sur les chemins du destin.
Gonflé de tempêtes
Jusqu’au seuil de l’explosion.
Les yeux aveuglés
Il nous prie de le prendre.
Nous le berçons
Nous le câlinons
Ah combien de mots tendres pour du pain sec !
Pour des mensonges pompeux, combien de silences !
Avec quelle attention nous marchons, et...
La machine nous épargne
Avec quelle force nous rions, enfants modèles pour vitrines
Non, non, je ne dirais pas
Pourquoi mes dents sont tombées
Pourquoi mes doigts sont décharnés
Et mes chevilles ont séché
Parce que je veux vivre aujourd’hui et demain
Et je vis sans culpabilité
Gonflé de tempêtes
Jusqu’au seuil de l’explosion
Le destin dangereux demeure derrière
Le passé tremble comme une plaine minée.