"Je ne termine pas les romans que j’essaye d’écrire, je ne termine pas les romans que j’ai souhaité lire. Depuis plusieurs mois, je suis incapable de rien achever qui soit long. J’achète toujours autant de volumes mais c’est seulement pour les empiler dans le salon, un marque-page coincé entre les chapitres. Je suppose que je suis atteint d’un déficit de l’attention ou d’une distraction maladive, ou que j’ai déjà consommé tout le savoir dont j’avais besoin, et que tout désormais m’apparaît répétitif. Ou plutôt, je crois que j’en suis venu à ne plus aimer que les formes brèves, le laconisme et que m’asséchant avec l’âge, j’ai gagné en pauvreté. Lorsque j’ai commencé d’écrire des nouvelles, je voulais atteindre à la densité et que chaque texte puisse être lu en intégralité dans l’écart maximal d’une ligne de métros, puisque les transports en commun sont devenus de vrais salons de lecture, peut-être plus que les chambres. C’est aussi à cette époque presque critique que j’ai découvert Edgar Allan Poe, et La fin de l’âge d’argent de José Angel Valente qui m’ont suffisamment marqué pour que je veuille m’y confronter. A l’origine le recueil de nouvelles que la Revue des Ressources va publier en ligne, devait s’appeler Conduite d’échecs et être entièrement noir. Mais effrayé par ces ténèbres, j’ai opté en cours de travail pour une utilisation de couleurs vives dans certaines nouvelles, afin d’éviter le monochrome et la platitude, allant jusqu’à user d’humour et de dérision. J’ai écrit comme une dentellière coud, avec minutie puis pour gagner en modernité, j’ai déchiré et tâché mon ouvrage. J’ai probablement échoué dans mes intentions, et comme souvent l’ambition fut supérieure au résultat. Il y a longtemps, un poète autrichien m’avait dit : Je fais tout en bleu puis je gratte avec un couteau. A ses yeux, le bleu symbolisait le plaisir et le couteau le malheur. J’ai retenu cette phrase, mais je l’ai inversé : J’ai tout écrit en noir, avant de découvrir le blanc. Aujourd’hui, alors que cette publication va avoir lieu, je corrige, vérifie sans espoir jamais d’arriver à une forme définitive ce recueil qui fut pour moi comme un livre longtemps transporté dans une poche, usé par les manipulations. J’espère que vous apprécierez ces lectures, qu’elles sauront vous assombrir si vous êtes trop gais, et vous distraire si vous êtes en deuil."
Mais qui est Roland Pradalier ?
Roland Pradalier est parisien. Il vit dans le 10ème arrondissement et s’est installé dans un quartier qu’il aime, entre la Gare de l’Est et la rue Saint-Denis. Dans la lumière et la foule. Il a beaucoup lu et continue de s’éduquer dans les librairies. Il travaille actuellement à ne rien faire, et espère cultiver longtemps cette passion de l’oisiveté. Et rendre au mouvement de l’existence, par le verbe, autant qu’elle lui a donné et retiré. Né en 1976, son premier texte fut composé au lycée pendant un cours de français. Il a par la suite écrit régulièrement, enfermé la nuit dans une salle de bain, seul endroit où il pouvait se tenir lumière ouverte. La littérature est son unique passion et il lui a offert son temps et son énergie sans qu’elle lui rende plus que des phrases. Elle est sa femme, son épouse, son église, sa table ronde. Son whisky préféré est le Caol Ila.