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Elinborg et la Rivière noire 

(à propos du dernier roman d’Arnaldur Indridason)

vendredi 11 février 2011, par Elisabeth Poulet

Après Hypothermie, roman dans lequel Erlendur, obsédé par le deuil et la disparition, enquêtait seul et officieusement, Arnaldur Indridason nous propose une nouvelle enquête placée sous le signe du féminin. En effet, en l’absence du commissaire le plus célèbre d’Islande, parti sur les traces de son passé dans les fjords de l’Ouest, c’est Elinborg, sa fidèle (et néanmoins fort critique à son égard) collègue, qui prend la direction de l’enquête. Habituellement dans l’ombre de son charismatique supérieur, Elinborg se retrouve propulsée sur le devant de la scène, seule devant cette Rivière noire (l’énervant Sigurdur Oli reste très en retrait dans cet opus). Le lecteur, un peu surpris et un peu marri de ne pas cheminer aux côtés d’Erlendur, va faire connaissance avec cette policière efficace. On l’accompagne aussi bien au travail que dans son quotidien intime. Elle vit avec Teddi, un mari attentionné, et leurs deux enfants. Théodora est la seule qui semble s’inquiéter pour sa mère. L’aîné, Valthor, ne daigne pas s’entretenir avec elle mais s’épanche jusqu’à l’obscène sur son blog. Elinborg, insomniaque, calme ses angoisses en cuisinant pour ses proches. Passionnée de gastronomie, elle a même publié un livre de recettes et réfléchit déjà au suivant.
Bien entendu, l’enquête va amener la police à fouiller le passé des personnages, celui de la victime comme celui des présumés coupables. Elinborg va donc devoir délaisser les siens et la capitale pour rejoindre l’intérieur des terres et cette Islande rurale, sombre et terrifiante, qui cache bien des secrets dans son silence de pierre.

La victime est un jeune homme d’une trentaine d’années, inconnu des services de police, résidant dans Thingholt, le quartier à la mode mieux connu sous la dénomination de 101 Reykjavik. Comment ce jeune employé d’une entreprise de téléphonie, décrit comme un garçon sans histoire par son propriétaire, se retrouve-t-il baignant dans une mare de sang, égorgé, sans que l’on puisse déceler aucun signe d’effraction, aucune trace de lutte ? Et si le brave propriétaire se trompait ? Ce Runolfur était-il si exempt de reproches ? Pourquoi se promenait-il avec des cachets de Rohypnol dans ses poches ?

Malgré une certaine lenteur dans le rythme, les fausses pistes et les rebondissements ne manquent pas dans cette Rivière noire. Si les aficionados d’Erlendur pourront être quelque peu déroutés de son absence, Indridason n’en réussit pas moins son pari (dans un entretien de février 2008, il affirmait que la bonne règle est de ne pas faire plus de dix livres avec le même personnage) en prouvant qu’il peut très bien s’affranchir du protagoniste qui l’a rendu célèbre.
Parmi toutes ces fausses pistes, ces faux coupables, Elinborg retrouvera-t-elle la jeune personne au châle indien ? Saura-t-elle gérer la souffrance de toutes ces femmes violées qu’elle va croiser ? Pourra-t-elle comprendre le fonctionnement de la violence sexuelle ? Assurément, ce roman est bien de la même couleur que son titre…

P.-S.

Photographies : Elisabeth et Régis Poulet.

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