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Impasse 

mercredi 8 décembre 2010, par Romain Noir

Acétabule

Le désir fend
s’aspire
comme une ventouse

escamote le vin
dans une acétabule
à mesure que le vinaigre prend

Le plaisir dort
se love
rouge et fauve
dans un calice

se moque
acide
du trop-plein
que l’on jette
dans l’enfonçure

Bloc-notes

Pas de demi-mot
Ni de semi désordre

Plus rien à sa place

Cumul explosif
de vouloir en modules

Éclaté par un rien
sans voix qui bredouille
on se vide à l’endroit
Envers et contre tout

Vidé de multitude
au reflux mais si flou
de bidule en bidule
un devoir coagule

Sans possibilité
Sans signifié du tout
Souffle désordonné

Rien que du semi-mort
et rien de superflu

Devoir en servitude

Concours continuel

Disperser les formes
et décrocher l’appel
de mon bloc-notes

Chaos

Quand la couleur
vibre de nœuds
qui serrent

Tout semble gris
dans le chaos

Terrible mort
que ne rien dire
au cœur du bruit

Terrible mort
que ne rien faire
au seuil de l’acte

Quand tout se sent
dans le chaos

Tout se retient
de parole

Quand tout appelle
au sort du monde
accablé
qui se lève

Dans l’inouï

Le temps nous a perdu
Dans notre histoire,
y a tous nos aperçus,
nos immobiles,
Le temps nous a reclus
et puis,
il s’est éperdu dans l’inouï,
dans l’inouï
Ma peau contre ta peau,
mes os contre tes os,
mes yeux dans tes yeux
c’était pareil au même
au bord du ciel qui fuit.
L’amour nous démarque
Il fait de nous des perles grises
Le temps, c’est vrai, nous dégriffe
et nous griffe

Encours

voir à rebours ce qui ne se retourne pas
faire le tour de tout
sans retour possible
retourner comme un poids-lourd

entendre sourd ce qui ne se répète pas
mettre au four fait-tout
sans recours possible
contourner sans demi-tour

être insensible à ce qui ne revient pas
se tenir debout
sans toujours possible
caresser sans trop d’amour

presser le pas
passer la peau sous la paume
recompter
sans arrêt sans vouloir

l’encours de soi qui coule

s’empresser sur le départ

jusqu’à la mort qui tourne.

Evasique

Evasique
tu soulèves l’écume scélérate
pour rechercher le sens
courant sous la carcasse
tu vomis le vin picrate
à ras du corps de la mélasse
tu gémis de voix qui gratte
pour entamer l’essence
errant sous la surface

Evasique
tu cherches et cherches encore
le fardeau froid qui mord
coincé dans tous tes murs
de l’évasion qui suinte
au détour de bricoles

Evasique en vain
ce mot soudain ne se définit plus
même il ne finit plus
comme un lieu de fonds
en long et au large de l’espace
infini d’évasique

Evasique
tu cherches et cherches encore
mot de passe-passe
tu relèves la brume disparate
qui va et vient si peu loquace

ce mot si vague
de vanité qui va
sans fin ni loin
finit dans la vase
vague vase vaseuse
qui va et vient sans bornes
croisant de grands espaces
infinis d’évasique

Hypnose
(chaos sur retour)

Quand les couleurs s’emmêlent et
vibrent de nœuds
qui serrent
tout tremble au temps
de l’hypnose

A l’intérieur
tout semble gris
dans le chaos

Quand le miroir s’en mêle et
courbe des nœuds
çà serre çà serre !
tout semble long
dans la narcose

De l’intuition gravide
au souvenir
tout se mélange à l’intérieur

tout semble faux
tout tremble aussi
dans le cachot

Tout se vide
en
chaos

La jalousie

Enfermé je ne suis
cloîtré sous le volet
qui s’ouvre et se referme
en caché du dehors

profilé de l’abord
en accès transparent
le corps débobinant
l’extérieur en attente

écarquillant le bord
il se prend d’incessants
aller-retours grinçants
de cintrants soupiraux

enfermé je ne suis
mon cœur se rabattant
de panneaux décalant
l’ouverte jalousie

La chute

Tous, nous tombons d’une femme.
Le corps diminué,
affaissé sous notre propre poids,
on choit sous le sein,
par le bas.

Mélanger les couleurs
porter haut les têtes en rangs
comme des panneaux
plein plein plein plein plein
plein de panneaux peints

mais pas de rien
pour dessiner.

Pas question de céder
ni de baisser la garde
chaud l’en-tête en sang
plein plein plein plein plein
plein d’idées

mais pas d’espace
pour les rêver.

Tu sens le sol courbé
séduit sous le nombre
en victime passagère
plein plein plein plein plein
plein de portes

mais pas de sol
pour les passer.

Tu te prends pour l’oiseau fou
sujet libre de l’enseigne
et sans plaque à l’écusson
plein plein plein plein plein
plein de pattes

mais pas de vol
pour te porter.

Sortir par le bout de la chute
s’écrouler sous son propre corps
fléché de quatrièmes dimensions
plein plein plein plein plein
plein de sortes

mais pas de clocher
pour t’indiquer.

Remparts percés de parts en parts
éclatés de trappes à planches
en panonceaux particuliers
plein plein plein plein plein
plein de tout

mais rien de vrai
pour rassurer.

La mort est une femme
dont le corps est un sein
tout mélangé de soi
tout mélangé de tout.

Tout dans le vitrail
choit par le bas.

La limite

Lorsqu’on est brisé
jusqu’au socle
qui se fend

S’il n’y a plus que des mots vides
des alignements dociles
de sons
de lettres
poèmes décharnés
qui se cognent
à mort
à la ligne

du sens au pied du mur
on ne peut rien dire

Lorsqu’on est brisé
qu’on se rend
dilué
à la limite

L’abîme

« Tous les yeux sont gris la nuit ! » me dit l’homme de quart
formateur en ophtalmocharcuterie.

L’oeil dans la pénombre,
capteur dynamique de cônes sans caps.

La voix de cordes vivantes
observées sous le voile,
débitant l’ambitus à zéro,
faits de boucherie vocale.

Le contrôle induit sous l’accéléromètre,
sans référentiel astronomique,
faits-divers dont on ne sait plus rien.

Le corps sans amer,
transversal omis
sous la dérive mobile,
en fin de course,
qui s’abîme dans l’abîme.

Je déduis à l’estime une improbable position,
sans plus de loi fondamentale,
sans filtre fort transmis de rien,
route profilée par les carrefours vibratoires,
désorienté sous l’angulaire,
reliquat de mécanique,
à la force nulle,
qui s’abîme dans l’abîme.

Sous l’effet d’inertie, je divague
des objets fluides,
au moteur parfait,
sans plus de symbolique,
qui s’abîme dans l’abîme.

« Tous les yeux sont gris la nuit ! » me dit l’homme de quart.
Sous l’effet d’inertie, je divague
les coordonnées d’un brouillard,
qui s’abîme,
dans l’abîme.

Labyrinthe

Labyrinthe
je me perds
dans la spirale
dallée de verbes
tortueux tracés
de pierre sans limite
de terres et de lignes
en vaines conjectures

au fond du puits

Labyrinthe
je me perds
dans le rhizome
tressé de verbes
sinueux lacés
de lierre stalagmite
de mers et de signes
en vaines fermetures

au fond du puits
sans répit

je calcule à la somme
des sous-ensembles de strates
des puissances de lieux
des racines zoniques

au fond du puits
sans répit
à l’appui du chiffre

je calcule en vain
des géométries oubliées
des produits de non retours
sourds à l’équivoque

au fond du puits
sans répit
à l’appui du chiffre
le corps usé

je calcule au quantum
de caleuses hypothèses
noueux dénoués
dans le dédale

puis

de méandres en culs-de-sac
sans plus besoin de nombres
j’atteins la finitude
et la mort

me retourne

au fond du puits
le labyrinthe

Le gouffre

L’âge offre un pauvre sort
vautré dans le confort
ou transi dans la rue
parce que tout
tout pour nous tous
est vain.

Parce que.

Parce que tout
quoi que l’on fasse
quoi que l’on chasse
est vain.

Parce que tout
tout nous engouffre.

Parce que.

On se bat sans relâche
et parfois l’on se goinfre
occupé par un rien
désœuvré d’un peu tout
puis le temps nous malaxe
il nous mâche et remâche
on s’empiffre de choses
et puis tous
on étouffe
on finira taiseux
malade ou vaniteux.

Nous sommes toujours seuls
si seuls au fond du gouffre.

Parce que.

Le marchepied

Au pas du marchepied
presque plus de piétons
de passants devant moi
survivants du passé
mort dans l’arêne
à la marche forcée

Au pas du marchepied
presque plus de passants
se pressant devant moi
terrifiant défilé
lieux qui s’enchaînent
à la marche forcée

Au pas du marchepied
Je dis un impossible
imaginé de trop
au gré de mon vouloir
exclusive théorique

Au pas du marchepied
Je me plains du possible
en écrasé de plus
épris de non-vouloir
résignation pratique

Au pas du marchepied
je tente une échappée
à la marche forcée
exclusive
et cynique

Le mur

sans laisser-passer

rien que ce mur
ce mur pure injure
mur
qui te prend tout
qui te condamne et qui serpente

ode à l’horreur à la laideur
tombeau cruel qui se lamente

aveugle et sourd
aux hommes blessés
sous les portiques

mur

passe la terre
au laminoir
balafre immonde et barbelée

mur de convois de prisonniers
peuplant la mort sous la paroi
burin qui bat chemin de ronde
œuvre à glacis sur insulaire

sans laisser-passer
pas de frère, pas de mère

rien que ce mur
ce mur pure injure
mur
qui te prend tout
qui te dévore et qui sépare

en écraseur en diviseur
prison sans faille et sans espoir

aveugle et sourd
aux torturés
sous hermétique

mur

passe la terre
au laminoir
terrible mur qui met en pièces

un espace gris sans architecte
une agression par le couvercle
mur de casseurs et d’oppresseurs
ouvrage ouvert aux bulldozers

sans laisser-passer
pas de frère, pas de mère
pas de soeur, pas de père

rien que ce mur
ce mur pure injure
mur
qui te prend tout
qui te dépouille et qui t’enterre

comme un voleur un kidnappeur
triste barrière en son cratère

aveugle et sourd
aux humiliés
de l’historique

mur

passe la terre
au laminoir
clos qui défile imperturbable

peuple asphyxié sous stratifiés
corps emmurés sous l’olivier
clos pour bétail dans les tranchées
plan découvert à la frontière

sans laisser-passer
pas de frère, pas de mère
pas de soeur, pas de père
pas d’avenir pas de terre

rien que ce mur
ce mur pure injure
mur
composition de l’ombre
aggloméré de chair

ton peuple découpé
meurtri sous la clôture

ton pays confisqué
enlisé cadenassé

dépecé fragmenté
imprimé dans le roc

fort à fendre taillé dans le choc
sous la maille de la cloison directe
barrière à blockhaus qui se moque
de la taille de l’expansion suspecte

ce mur pure injure

panorama
étouffé
sous le poids

ce mur

pure injure

brise infranchissable

file une armure
de déchirure
de bétonnière
avec tes pierres

ce mur

c’est la guerre

Le prisonnier

Il faut faire demi-tour.
Allez, le prisonnier !
Encore un gros effort
Mais tu peux boire encore

Tous ce faux rhum est bon
quand il est bu d’un coup
et qu’il te saoule à sec
et rend ta mort muette

Le monde entier se meurt
enrubanné de murs
de clés qui calent à crans
d’obstacles continus

Allez, le prisonnier !
Encore un gros effort
On peut tout agripper
puis tout illusionner
tout brillantiner
tout calamistrer

Même
on peut tourner en rond
unis dans le cloaque
et penser qu’on en sort
Même
on peut dessiner l’amour

Allez, le prisonnier !
Encore un gros effort
On peut penser sans grille
et sans carrés de lois
mais c’est toujours un rêve
un songe éberlué
Mais tu peux boire encore

nous sommes des conscrits
car ce qui nous attend
au bout du corridor
çà nous importe peu

quand nous chantons
quand nous aimons
quand nous pleurons

mais le pourquoi du nous ...
Mais tu peux boire encore !

Sous le béton qui crie
les graffiti du sol
nous entendons de loin
la vie craquer d’en-bas

Uniformisé sous l’instant
de reproduction mimétique
un autre soi nous parle
en mandat de forçat

La vérité c’est qu’il n y a pas
qu’il n’y a jamais
de
demi

 tour
Il y a seulement
le négatif
l’instantané de la réplique
Epreuve au contretype
il n’y a plus rien d’unique
et tout le monde a peur
devant son grand miroir

Tous des reclus de plus
dans un amas de gens
nous nous ressemblons tous
nous dispersant nous-mêmes

Des prisonniers coincés
bouclés sous le boîtier
Rien que des pauvres corps
capturés de cellules
Tous sommes dans la prison
Coincés comme en bocal
dans le filet du bagne
assommés sous le joug
Condamnés par le jour
calés dans un caveau
comme un poisson pêché
bâillonné dans l’air chaud

Des pendus de leur ombre
asphyxiés par la nuit
expiant

rien du tout

le simple fait de vivre

L’entonnoir

Quand on est seul avec
soi-même
perdu dans l’entonnoir

Le temps se tourne et nous retourne
sur le fond
on fait le mort

Quand on est seul avec
la vie
noyé dans un siphon

Le corps en nous qui se défait
réveille à la volée
le cerveau froid tout décrépi

Quand on est seul
vient la musique
et le long chemin
qui nous repêche

à la volée

Impasse

Hélas
au loin
dessus les grands mirages

Amas de peur qui baigne
encombre les tissus
d’issus de soi qu’on saigne
aux sombres aperçus

Deviner
tout bas
devant de faux-espoirs
au loin

L’impasse et la cassure.
Elle tremble aussi d’erreur
aimant sous le murmure
enivré de fureur

Deviner
tout bas
devant de faux-espoirs
au loin

Vomir en vain l’épure
errant sous le passe-passe
en sombre pourriture

et des déments desseins

Projeter
au loin
dessus, les grands mirages
dessous, la carapace

Les captives

dans la ville

derrière les angles morts
des toits et des tours

hanté de corps
sous pesanteurs
et sous les ponts
la lourdeur et le plomb
le pesant poids du plomb

dessous les règles d’or
des murs des égouts

séché des eaux
sous projecteurs
embobiné de son
de câblage et de fil
de filant fil futile

devant des grands décors
du grand du métal

pesé bâti
sous les hauteurs
illuminé de cris
de lumière et de brique
imbriqué brac-à-bric

en-dessous des grands carrefours
des bris des déchets

désert de fer
sous l’atomique
encastré dans le bruit
d’éternelle argentique
aux perçants cris d’usines

dans la ville

chromée de laideurs ductiles
au son du nombre
séquestré dans des racks
des ombres captives
survivent

Rebelle

impression
sur l’exit
mes sens au pied
de pauvres lettres

ablation
sans transit
circuit plain-pied
de périmètres

autour du rond
l’accusation
du disque froid

seul sur ce front
la rébellion
montre du doigt

Zodiaque

Phénix et grande ourse
en fond de miel astral
le ciel illustré
je vole et vois les cieux
dans des grands parcs

Zodiaque à la source
en équilibre instable,
épreuve en cliché
je vogue à vau-le-feu
sur les grands arcs

comme un fantôme une illusion
j’éteins tout le grand jeu
un sombre alunissage
en équilibre instable,
à l’ombre du mirage
comme un zombi de ses fictions
dehors du nébuleux
je sors
de ces surimpressions
de ces constellations

Sur les nénuphars
défaits des dessinés
du bleu concentré
s’affole en mélodieux
dans les ressacs

Sur les grands drakkars
reflets tout rapiécés
du sol magnifié
s’envolent tous les adieux
dans les tic-tacs

Circulaire

inlassablement,
du crépuscule à l’aurore,
et de l’aube à la nuit,

ils dévalaient des pentes incertaines,
sculptaient leurs parcours,

circulaire
circulaire
circulaire,

imperturbablement,
du nord au sud,
et d’est en ouest,

ils poursuivaient le nombre,
construisaient la masse,

circulaire
circulaire
circulaire,

Ils se faisaient confiance
pour gagner l’avantage
et prendre un peu d’avance
frères si grands,

unis dans le sang,
déterminés pour le monde,

circulaire
circulaire
circulaire,

soumettre à la force des foules,
sous les balles de fusils,
à coups de pelle et de pioche,
soulever des montagnes jusqu’aux forts,

renverser la peur
et la passer sous la scie

circulaire
circulaire
circulaire,

inlassablement,
du crépuscule à l’aurore,
et de l’aube à la nuit,

circulaire
circulaire
circulaire.

Grise permanente

Aujourd’hui je pars.

Aujourd’hui je pars
sculpter la route,
la grise permanente,
affolée sur la carte.

Je reprends mon chemin
sans prendre le nord,
ni le centre au zénith,
sujet de déroute.

Aujourd’hui je pars.

Je démarre à l’aurore
ébloui par le sol,
les yeux rémanents,
regard du doute.

J’ai repris mon cœur
concentré sur la ligne,
le ruban pavé,
pas de parcours.

Je suis l’itinéraire
signe extérieur obtus,
bord qui rigole,
sur l’angle mort.

Je me sors par les pieds
suspendu par le bas,
sentier qui se vautre,
sur la passerelle.

Je pars.

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