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Les Bons Français malades de la peste 

Un pastiche à usage électoral

jeudi 3 mai 2007, par Denys Dumarais

Un mal qui répand la rancœur,
Mal que le Fiel en sa fureur
Inventa pour punir les crimes de la terre,
La Peste (puisqu’il ne faut pas de diffamation),
Capable de viser plus haut que Matignon,
Faisait aux Bons Français la guerre.
Ils ne votaient pas tous, mais tous étaient touchés :
On en voyait peu d’occupés
A offrir leur soutien à un pauvre transi ;
Quel remède contre leur amnésie ?
Ni jeunes loups ni vieux renards n’osaient
Intervenir contre Sa Loi.
Les citoyens se haïssaient :
Plus d’amour, partant plus de voix.
Le vieux Jacquobert leur confie : Ecoutez, mes amis,
Je crois que le Fiel a permis
Pour nos péchés cette infortune ;
Que le plus coupable de nous
Rachète ses méfaits commis aux yeux de tous,
Il faut à tout prix éviter la Peste Brune !
L’histoire nous apprend que devant tel péril
Nul ne peut être un si vil en avril
Ou en mai. Voyons donc, et ce sans indulgence
Nos manquements envers la France.
Pour moi, satisfaisant aux promesses des songes
J’ai proféré force mensonges.
On me croyait, la belle offense :
Même il m’est arrivé quelquefois de les croire
Pour voir.
Je suis le plus coupable à vos yeux mais je pense
Qu’il est bon que chacun fasse son examen :
Que celui qui en fit le plus grand des profits
De soi se sacrifie.
-Ta mère sur un karcher ! t’es pas en examen !
Lui dit un bon ami, un coup d’pied dans les fesses,
Deux trois bobards sympas et v’là la foule en liesse.
C’est tudieu pas possible d’avoir plus de scrupules
Qu’une fieffée crapule !
« Le bacille à cinq clous est le même à Neuilly »
beugle l’opposition,
et sans nos concessions, concussions, corruptions
qui l’aurait accueilli ?
Ainsi dit le Rat Noir, et tumeurs d’applaudir.
On n’osa trop approfondir
De Janloup, de Giloup, ni des autres ministres
Les moins pardonnables sinistres.
Tous les vils ambitieux, jusqu’au simple droitier,
Eurent tôt fait de s’amnistier.
Un fait divers, mais d’importance,
Tira d’embarras toutes ces gens comme-il-faut ;
On entendait, sur France-Info,
Qu’un Noir suspect défiait la police de France :
« J’aimais ce beau pays, la patrie de Voltaire.
La détresse et la faim m’ont fait quitter ma terre.
Je sais que ma richesse un pays la pillait.
Sans excuse aujourd’hui je n’ai pas de billet. »
A ces mots on cria haro sur le négro.
Un émeutier à la dent aiguisée,
Prêt à marcher sur l’Elysée,
Répandit le bacille au tempo allegro,
(L’épidémie suit la canaille) :
Voyager sans billet ! quel crime abominable !
Ruiner la Ratte TéPé, il n’y a peine qui vaille
Pour apaiser le bien-aimé contribuable !
Temps d’aller de Neuilly à la place Vendôme,
La Peste avait semé ses buboneux sarcomes.
Les regards purulents marquaient l’approbation
A l’éminent incubateur de la nation
Qui se fit fort en l’occurrence
D’éradiquer du sol de France,
Selon qu’ils seraient blancs ou noirs,
Tous les germes du désespoir.

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