Fjords
Je rêve au long voyage
aveuglé sous le sol
et paressant de tout
je me conduis dehors
Je rêve à l’abandon
au vent qui fait de nous
de pâles sentinelles
évanouies du corps
je rêve à la découpe
au calendrier mort
de mort sans épitaphe
de journées sans réveil
Je rêve au paysage
à l’éternel instant
d’éblouissants mirages
à la chute du mercure
en infini d’extrême
Je rêve au long rivage
affalé sur les fjords
et calciné de rien
Je rêve à l’abandon
au temps qui fait de nous
des lenteurs fractionnelles
Je rêve à la nuit blanche
affamé de silence
Au nord de l’Ellesmere
Sur ce faux sud
on prend le large
à l’extrémité de l’axe
au nord de l’Ellesmere
on salue la vie
marins et bâteaux-forts
oiseaux, narvals
baleines boréales
Il n’y a plus que nous
sur le pont
On quitte un port
à la dentelle
aussi les fjords
et l’immortelle
éclatée de rayons
nuage en répandu
barrière en perdition
qui sans arrêt
fond
Réfraction
Sous l’aurore boréale
se forme une aquarelle
sublime et magnétique
décalé du tableau
qui s’est jeté du ciel
Sous le ton dégradé
du bleu céleste et grand
couleurs et chamarrés
se dessinent au travers
d’une cendre éternelle
Sous ce nord qui me prend
je suis comme englouti
l’espace est rempli d’ors
de feutrés mélangés
de réfractés lunaires
Sous le nul géographique
je navigue en croisière
au milieu des lointaines
et des ours au col blanc
dans la marée polaire
Polaire arctique
Tout seul au long de l’anathème,
jusqu’au polaire arctique,
mes pas me mènent
à la ligne froide.
Je vois le cercle voyageur,
retours fermés sur tous les plans,
forme sphérique en planisphère
armée de cônes et de cylindres.
Le monde sort de l’insondable
dans ce polaire arctique.
La terre se saigne
en beauté morte.
Je vois le disque diviseur,
contours ouverts en monoplans,
décor lyrique en atmosphère,
orné d’icônes et prêt à peindre.
Quand surgit l’autre théorème,
la vie nous crève à l’estocade.
Elle se défile en filigrane
en kyste inscrit dans la matrice.
La terre fond comme l’on aime
au pays froid des Samoyèdes
en noir et blanc surnaturel,
en négatif artificiel.
La neige court comme une crème,
en arc-en-ciel sur l’intermède,
en bleu de glace originel,
velours de verre en matriciel.
Tout seul au long du grand système,
des cercles morts aux médiatrices,
à l’éternel en parrallèle,
jusqu’au polaire arctique,
le temps se meurt au nord extrême
comme le chaud se sort du tiède.
Nord magnétique
Boussole à bout
branchée sur le corps
me jetant sur le nord magnétique,
je grimace à la pente
oblique à rebours.
Je l’observe au levier
sur l’harrassant parcours.
Le sol debout
penché sur le bord
me boutant au-dehors cahotique.
Sans échasse grimpante,
applique au labour,
je me pousse au palier
sur le montant faubourg.
Là-haut la neige gronde
et le soleil est las
C’est comme une ville
abandonnée de tous,
un amas de terrain
lent comme un détail.
Là-bas la terre est ronde
et tout le ciel est bas
C’est comme un bidonville
désertifié de tous,
un en-cas de chagrin
blanc comme l’écaille.
A bout de forces,
j’atteins cette autre part du monde.
Igloo
Sur le pôle nord
on se guide à l’étoile
aux cris des chiens
aux crissements des voix
Tout se fend du tamis
de sursis perpétuel
de pêche à la glace
de chasse au cachalot
Sur ce pôle arctique
on se fait explorateur
ou mangeur d’eau
harponneur de boucane
On chasse à l’appât
de chants hypothermiques
sans plus de refrain
ni mélodies tragiques
Le panier de fonte en palpité
à peau comme à pic
voit des poissons qui grouillent
loin des tropiques
Chaque matin se prend
pour une éponge
et gomme en silence
toute la nuit d’émail
Les coeurs s’emballent
et tout se meurt
dans la limaille
ou sous les ponts
Des chants de l’agonie
s’entendent loin des ports
s’élèvent aux odeurs fortes
fumées de baleinières
Du granulé tonal
préfabriqué
glacé de givre à l’agité
s’étage et s’escalade
sous l’unité d’eau
de l’igloo
gîte sublimé sous le vent
sous le chaud sur le flanc
sous terre une ville
se creuse et s’éternise
glacière à fondre en fusionné
loin des monstres marins
sous les fragments d’ozone
en éclaté total
Agglutinés dedans,
hommes et femmes,
des résistants de tout.
Au pôle fond
leur chant vocal.
Banquise
banquise à crans de bancs
de terre ponctuelle
centre jamais fixé
mobile perpétuel
lieux de tous les lieux
unis sous le point
perclus de méridiennes
de fusion temporelle
climatisé sans chaud
de fondu qui s’ignore
calotté de drapeaux
revendiqué de tous
éternel toujours haut
sans rien qui le dépasse
miroir en chapeau
sur le reflet l’axe
pur objet du monde
attendu de promesse
prix de la blancheur
déserté par le nombre
vierge éternelle
habitée de sirènes
Nord vectoriel
Vais-je au Nord
de secteurs en secteurs
pays que l’on dépèce
en prétentions souveraines
traversé de convoitise
Vais-je au Nord
de terres en terres
pays que l’on viole
affamé de pétrole
obsédé par le vide
Vais-je au Nord
de vecteurs en vecteurs
pays que l’on agresse
en désirs si cupides
démembré de strip tease
Vais-je au Nord
seul et si seul
écrit sans calligraphe
en pays statufié
contempler sans rien dire
ému dans l’immobile
La métalleuse
C’est le matin phosporescent
quand la lumière étend le bleu
quand tout est fluide et transparent
le nez piquant le sol râpeux
sous la chaleur de l’anorak
c’est tout un peuple qui s’éveille
sous l’air teinté le vent neigeux
le chalutier revient du soir
des courageux dans des kayaks
sont forts et fiers et presque heureux
ils chassent au flair à la bola
de l’aube à l’aube en temps de pauses
ils chantent tous a capella
puis se retrouvent et jouent de peu
de jeux sur peaux jeu d’iyaga
sous le ressac de l’ac sa raq
Ici la mort se prête vie
les amenuise et rogne tout
zinc au mercure ou sélénium
leur souffrance est muette
on est trop loin du monde à son sommet
mort moderne et subtile
charriée par les fleuves et les mers
qui raccourcit tout et toute chose
pôle agonisant
martyr en réchauffement
caché dans l’eau fuit le métal
discrète, parcimonieuse
à petites eaux
poison de peu rongeant les os
elle fait pleurer, la métalleuse
Eraflure
Le calme est
frais sous la voilure
aussi le pied gelé
digéré terminal
Le drame est
déteint de l’engelure
à corps frigorifié
fragmenté lexical
de même en éraflure
en voix de souffrance
énervé musical
en craquelure
transie de distance
est la froideur du nord
le sein décapité
sur la terre hivernale
au gel sous le grattoir
aligné zodiacal
éternel virginal
qui se meut sous la face
et peint le doux miroir
détaché cardinal
Traîneau
Je traîne un traîneau
attelage languissant
sur tous les champs de glisse
incertain je ne sais
que je suis sans savoir
je me meurs dans la nasse
sans roue qui se languit
dans l’étau de laideur
que je vois sans prévoir
j’étire un temps qui froisse
Je traine un traîneau
attelage languissant
dans tout ce lourd qui chasse
et tout ce vent qui sèche
on le veut sans vouloir
il s’abime et nous casse
Je traine un traîneau
attelage languissant
dans ce froid qui m’enlace
en traînement de corps
et nous lisse de tout
dans son filet rapace
Je traine un traîneau
tout mon corps mis aux fers
sans plus de force à bout
gilet d’un peu de soi
tout rampant de raideur
attelage languissant
traînard à mots de peine
Sur ce traîneau
fatigués de tout
nous sommes si seuls
si seuls
dans la crevasse
Kayak
Le sommeil incertain
couché sur le kayak
je regarde le fond
se déduire à la rame
J’écoute le courant
le ronflement des eaux
tout le verglas qui sonne
et la respiration du jour
Comme une rosace
derrière un hublot
le soleil est levé
de chaleur parcellaire
L’esprit est tortillard
dans ce royaume à vide
et tout s’embrouille un peu
de calfeutré brouillard
Plus rien n’est jamais sûr
au fond de la rivière
il n’y a que des morsures
et des poissons glaçants
Il vaut mieux se laisser
guider tout doucement
assis sur le kayak
sans regarder dedans.