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BALKANS
12 poèmes
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In-fatigué
des ratios de grignotages
Gorgée de lumière solide
creusée au fond de l’ombre
Ce juste frisson
tertre plissé
Les dieux du vent en exil
soumis à brasser l’air
Lubjana, le 16/11/2009
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L’avancée du train liquide engourdit inexorablement ce qui fut.
Plaines colonisées sans heurt
vides d’oiseaux gris.
Une brisure aspirée se découpe en bosquet prétexte.
Une ligne ténue percute l’assourdissante vacuité distordue.
Des pas dans un hall de gare débordent de leurs simples terriers.
La marche rassure,
salue de loin les ombres ternes qui s’abattront en griffures de clous
à l’arrêt, sûrement.
Le mont de paille s’échappe entre les cordes d’un vent fragile.
Sur le damier, les phares blancs cherchent et
oublient le contenu de la mer.
La promesse tourne dans le rond de ses ailes,
donne illusion à toutes danses de matière.
Et puis, soudain
la chose est là
rapide, complexe d’accidents et de tout le reste,
drape nos visages d’écorces granuleuses, de gouttes de verre.
Bus entre Lubjana et Sarajevo, le 18/11/2009
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Des craquements silencieux
se découvre une lumière inconnue
qui vient faire connaissance
La pression fond
en cette heure assoupie
Les murmures légers délaissent les tables vides
On mâche l’air alors qu’il nous parle
Je m’allonge
en retrait
je m’entends
Sarajevo, le 20/11/2009
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Le seuil de l’ailleurs
est dans la géométrie du silence
Interrompre donne l’accès
Tension entre attendre et
recevoir
retirer le geste
Son ombre se déploie
en contours rigoureux
Potentiel nu des cercles d’ondes
Au terme du faire
arrêter
Saisir le rien qui est en place
en lieu
dans ici
Contraindre le supposé
(valeur gluante)
Certitudes dévastatrices
points sans distances reconnues
Une permanente restauration
Sarajevo, le 21/11/2009
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Il y a un plateau en moi
sans menace
l’ombre lourde d’un nuage
murmure de l’espace
Mes yeux roulent dans l’herbe rase,
ramènent des brindilles
la lumière pâle.
L’épiderme est une meule arrimée
à un bâton sec.
L’absence de poids se fera
soudaine
jardin tendre aux paupières closes
Un repos loin des souillures
des squames qui exaspèrent les courants frais.
La danse a déserté le cercle du printemps.
Le carnaval abruti se piège par ses propres mines,
se retire dans des fêlures borgnes.
Bus entre Sarajevo et Belgrade, 23/11/2009
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Les cris affamés n’entament jamais l’apparence gentille des façades.
La ville
une étoile de mer sèche
éblouie de lumières détachées.
Le matin seul a dévoré le plein, laissant un halo de fluides rétrogrades.
Des milliers de doigts glissent sur les cordes
suivant l’empreinte
oubliant son contact même.
L’eau pourrait guider un courant mais seuls les ponts font l’histoire.
Un murmure s’arrache
son sort
est
incommode
Les cordes
soudains visibles
décevantes pour les yeux fatigués
Le flot câblé
rebouche
ainsi reviennent les doigts béats de la servitude.
Belgrade, le 24/11/2009
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Croyances
arrogance des immortels
dissoutes
aux bas fonds de vallées brumeuses
Ligne tendue du regard sur un horizon massif
Langues traîtres
Formes grises
nuages des siècles
But
renoncer aux fluides
miroirs dépolis des aubes vides
Entrelacs extatiques
que suscitent un chœur d’appels
Roi semeur accélère le manège
flicker express d’un bleu rouge saturé
Train Belgrade-Skopje, le 26/11/2009
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Sans réelle audace les sens entraînés
une ville liquide fait du corps
une torche
Un autre corps, aspirateur d’énergies
là
dans l’interstice
c’est fréquence
cela est
Un mur contre lequel bute le vide
sans heurt
parfois le but projette son propre vide
emplit l’espace de ses vides
souligne, s’efface
Dans le bois la lumière semble solitaire
En s’échappant du présent on devient fantôme
passerelle abandonnée
Détourner l’ardeur des causes logiques
Inventer l’air
Le goût de l’air
Skopje, le 25/11/2009
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Parfois la terre pâle et sans soupir envie notre voyage.
Pentes rêches de broussailles
plis d’argile verte
tranches de sable amer
abandon intermittent
commencement déçu.
Captifs de toiles d’épines
au centre desquelles flottent leurs cœurs rouges.
Les bûches sont là, bien posées
dans les coins, sur le gris.
Énergies des quelques jours à venir
hôtel du temps qui se consume.
Un gardien de poussière, de châteaux vides
de langues affaissées
champs féconds en gestes lents
À l’ordonnance ancienne de logiques infâmes
répondent la fuite et un apparat de lézardes creuses.
Bus entre Skopje et Sofia, le 27/11/2009
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À l’orée d’un tour certain, des pas retirés au-delà de cet autre mur.
Le temps compte en touffes d’herbes grises
le regard tourné vers le rêve réel
encore en palissades
si lourd
toujours
même si plus jamais.
Un jardin s’arrache du goudron
signe d’un passage, d’un tendre abandon.
Le compte, sévère arpenteur mesure ce que cache tout ce vide
cercle dévoré par le cercle.
Les montagnes ont défait l’idée même de l’horizon, l’œil le poursuivra au dedans.
Une force liquide arpente la matière dont la présence s’effondre.
Invariablement
elle trouvera refuge
malgré elle se traversera,
bâtira ses voraces verticales statufiées
figeant leurs regards vers le ciel
gardien des lueurs.
Sofia, le 28/11/2009
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Ne peut se dire
du brun
du sale
l’œil crevé
d’une tête borgne
totems déchus
d’une mort sans chair
pétrifié par
la poisse
Un jour
non, plus de jour
à jamais
vrillé à l’ île amère
Bus de Sofia à Skopje, le 29/11/2009
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&
Territoire
repli
l’œil encerclé
envoutement
chants tissant leurs barbelés
voix anonymes d’hommes sans corps
qui s’approprient l’éther
lui interdisant notre vacuité
l’autre, son frère qu’ils possèdent
se traîne
se déchire aux barrières
s’étouffe dans les bannières
territoires
sans plis
là
suivre la trame aisée du soleil
se plier aux signes du vent
nager dans l’ eau
sans nom
Istanbul, le 3/12/2009
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