LA MAIN NOIRE
17 poèmes enchaînés
(dont certains fragmentaires)
en regard d’une photographie de ADÈLE MARCHETTI
L’ensemble est rehaussé
de 17 phrases à méditer de Niu t’ou Fa Jong
— maître Chan chinois du septième siècle —
extraites de son Hsing Ming
Le chant du cœur/esprit
(traduction de Daniel Odier)
La main noire
— — —
1. L’OISEAU CHANTEUR
Les fougères, le trèfle, la ronce
je sais déjà, je vois
la liane
qui m’emportera
S’allier avec le vent (plutôt que fuir)
À partir de minuit je serai dans le monde
Les fougères, le trèfle, la ronce
tout s’endort
Et je m’éveille
Nul doute en moi, nulle haine
cet unique désir, seul : partager ma nuit avec l’oiseau chanteur.
2. UNE PASSE, UNE SENTE
— Confusion — 1
Au sein du fourmillement
pas même une passe, ni une sente — aucun lieu pour laisser la vie
Aveugle, aveuglée… Est-ce cela mourir ?
Il disait :
Lorsque tu es confus, libère-toi. [1]
— Du sens — 2
Instant simple, moment exact
Forme sans contour
Glissement sous le sens qui déjà se dérobe.
— Le poème — 3
Le poème est là — il se déploie
s’échappe, fuit
soufflant du dehors sur la flamme qui parfois s’y accorde
Dans ce tourbillon l’assise sans cesse se déplace
— il manque plusieurs phrases ici — (N.d.l.r.)
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Quelque chose d’inattendu, c’est un fait, se manifeste
Le poème — le piège ?
Il disait :
En fait il n’y a pas un seul objet à saisir. [2]
— Le feu — 4
Un buisson de ronces prend feu
Au sol, quelques cailloux
La chaleur —
L’été des reptiles (et c’est l’étincelle).
3. DÉPOUILLE
Sans changer de forme je suis resté(e)
toutes ces années
à l’affût
Lorsque les saisons semblèrent sans influence
je décidais de grandir
d’abandonner ma coque et de respirer
Pour la première fois hors de terre
un matin d’automne
je goûtais la rosée
Les brumes, alentours
apportaient au paysage une profondeur où je distinguais des êtres étranges, oblongs
sans racine
Ils venaient s’abreuver dans les marécages
— il manque plusieurs phrases ici — (N.d.l.r.)
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Pour la première fois hors de terre
la question d’être au monde s’imposa
et je compris, une fois sorti(e), que pour toujours j’avais abandonné l’essentiel
Il disait :
L’éveil a toujours existé,
pas besoin de le préserver.
Les tourments n’ont jamais existé, pas besoin de les éliminer. [3]
4. PRODIGE PARLANT
L’impossibilité d’une forme obscure
Une bête, oui, c’est cela
cherche à se nourrir
— il manque plusieurs phrases ici — (N.d.l.r.)
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……. un râle — ce mot est rayé — (N.d.l.r.)
La peur (manger la peur)
Une matière noire, épaisse, s’écoule
et trouve ici, peu à peu, le chemin de l’érosion
La lumière fléchit.
5. UNE NUIT
Une nuit sans yeux
une nuit
dans les défilés
à croire à l’issue du noir comme à l’espace paisible d’une source
Une nuit sans yeux
Une nuit, sans bruit
Les paroles sont des pierres
Il disait :
Lorsque toute émergence est libre, les choses sont l’éveil même. [4]
6. LES MOTS
Les mots ? — Inutiles
(les mots sont des pierres et forment un collier)
Le mensonge
Un chemin, à l’abandon
La confiance et la patience
Le temps
Le labeur nécessaire est-il vraiment nécessaire ?
Quels sont ceux qui arrivent, sans fioriture, à l’essentiel ?
Et où les rencontrer ?
Il disait :
Passé, présent, futur, il n’y a rien. [5]
Cette nuit, tout(e) seul(e), à errer
Ce matin les collines du sud sont couvertes de neige.
7. DE L’EAU ET DE L’AIR
La pensée —
De l’eau
et de l’air.
8. ORIGINE DU TEMPS (DANS LA MONTAGNE)
Allongé(e) sur cette pierre
tout, os et chair (le corps en entier)
pour un instant retourne à l’état liquide
L’incandescence pour horizon
Un silence, très grand
sur le visage
— trois phrases sont illisibles ici — (N.d.l.r.)
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Le torrent est immobile
— il manque deux phrases — (N.d.l.r.)
………………………………………………………
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La pensée, ici, est bien réelle
Il disait :
Dès l’origine cela échappait au temps et cela n’a pas de futur. [6]
9. LE CERCLE
J’ai connu quelques instants premiers
(au-delà de la négation, au-delà de l’affirmation)
— il manque trois phrases ici — (N.d.l.r.)
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Choc sourd d’un arbre qui tombe dans la forêt
— il manque plusieurs phrases ici — (N.d.l.r.)
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……………………… pourquoi se retourner ?
Abandon de l’harmonie des cercles consonants
pour une vivacité autre
extrême
et
chaotique
— une phrase est illisible ici — (N.d.l.r.)
………………………………………………………
Abstraction rayonnante
expérience exacte
Espace ouvert
— il manque trois phrases ici — (N.d.l.r.)
………………………………………………………
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……………………… grain de sable dans les ruisseaux scintillants.
10. LES RONCES
Perte du Nom
— il manque trois phrases ici — (N.d.l.r.)
………………………………………………………
………………………………………………
………………………………………
Le jour est contre moi
Rien ne reste
pas même l’idée volatile d’un poème qui me sortirait de l’aigreur
La nature, aperçue entre les ronces, s’élève
Elle déverse une couleur intense et rougeâtre — le chemin de l’atroce maturité
Un fruit fendille sa coque
Les fleurs tombent (le jour est contre moi)
Pourquoi revenir sur mes pas, encore et encore
irrésistiblement attiré(e) par cette implacable force froide ?
Est-ce un rêve ?
J’entend quelque chose dans mon sommeil
Débris de paroles, mots passagers, mots volés
Condensation
Air sec
Un parfum, peut-être
— il manque plusieurs phrases ici — (N.d.l.r.)
………………………………………………………
………………………………………………
………………………………………
Le feu — lui seul ne ment pas
Il disait :
L’intuition s’illumine d’elle-même
toutes les vérités ne sont que cela,
il n’y a ni retour ni don,
arrête la contemplation, oublie de retenir. [7]
Il disait :
Présent, passé, futur, il n’y rien. [8]
11.
— il manque le poème entier ici — (N.d.l.r.)
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………………………………………………
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12. UN ŒIL
Les — deux mots sont illisibles et rayés ici - (N.d.l.r.)
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dansent en rond
et se satisfont d’un jardin minuscule
— il manque une phrase ici — (N.d.l.r.)
………………………………………
Il disait :
Lorsque que quelqu’un prétend voir des démons, on peut toujours parler du vide, il les voit ! [9]
13. ABÎME, SOUFFLE & LABYRINTHE
— L’abîme — 1
— diverses phrases sont rayées et illisibles ici — (N.d.l.r.)
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…………… et …………………
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……………………………………………
………………………………………
………………………………… abandonner
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………………… afin que la place, disponible, se remplisse du peu qu’il suffit
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En essayant de dialoguer avec le noir
Une nuée de questions
mal formulées
?
?
?
Ciel bleu, abstrait
au-dessus
(tueur de toute bonne volonté)
— diverses phrases sont rayées et illisibles ici — (N.d.l.r.)
……………………………………
………………………………
…………………………
Il disait :
Dès l’origine, il n’y a rien à obtenir.
À quoi bon se détacher du monde ? [10]
— Le souffle — 2
À la recherche d’une phrase (une seule phrase peut suffire)
Être entier
à l’instant de la parole
Une couleur — depuis le dehors
Une couleur qui tout à coup se détend
— diverses phrases sont rayées et illisibles ici — (N.d.l.r.)
………………………………………………………………………
…………………………………………………………………
………………… rivaliser ……………
…………………………………………………………
………………………………………………… puisqu’ils frayent
………………………………………………………
…………………………………………………
……………………………………………
……………… dans les souterrains
Partir d’ici et courir
Adieu l’abîme !
Il disait :
Lorsqu’il n’y a pas d’objet face à vous, dans ce rien, la totalité des mondes ! [11]
— Le labyrinthe — 3
— diverses phrases sont rayées et illisibles ici — (N.d.l.r.)
……………………………………………………………………
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………………………………………………………
…………………………………………………
……………………………………………
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…………………………………
……………………………
………………………
…………………
……………
………
…
.
Il disait :
Allées et venues sans fin, chercher sans trouver,
autant ne rien faire.
Alors, la paix étincelante. [12]
14. LES DÉMONS
J’ai deviné la présence du vice (lové sous chaque pierre)
la peur obligée désormais prise au piège
— il manque quelques phrases ici — (N.d.l.r.)
………………………………………………………
…………………………………………………
……………………………………………
………………………………………
J’ai malaxé du fer, pendant des années
— il manque quelques phrases ici — (N.d.l.r.)
………………………………………………………………
…………………………………………………………
………………………………………………… espérant
…………………………………………………………
pour empêcher ……………
Naïf (naïve), j’ai cru pouvoir bâtir une enclave qui m’aurait évité la rencontre
Obsédé(e) par l’ouvrage
croyant détenir les cléfs m’évitant tout face à face
— de nombreuses phrases sont rayées ici — (N.d.l.r.)
…………………………………………………………………
……………………………………………………………
………………………………………………………
…………………… un piège………………………
……………………………………………………………………
………………………………………………………… la vérité du lieu
……………………………………………………
………………………………………………
………………………………………… l’ombre
Et je te découvre, aujourd’hui
partageant ma couche
Et je suis perdu(e).
15. DE L’AIR ET DU FEU
— Vie vivante — 1
— il manque plusieurs phrases ici — (N.d.l.r.)
……………………………………………………………
………………………………………………………
…………………………………………………
…………………………………… une lumière — ce mot est rayé — (N.d.l.r.)
……………………………………………………
………………………………………………………
…………………………………………………
La pensée — de l’air
et du feu
Il disait :
Tout ce qui est vivant a toujours été présent. [13]
— Pluies — 2
Abondance des faits : la pluie nettoie, s’infiltre
se faufile et suit son chemin naturel — une sente, qui certainement mène nulle part
L’espace, la Terre et l’Océan
et de nouveau l’espace
Pour un tout autre fourmillement
Le grand contact, l’embrasement bleu
Passé ce changement d’état (une constance de la fertilité ?)
un monde de forces grandit
se déplie
jusqu’à rejoindre l’infini
Le chaud, le froid, l’humide
le vent
les nuages tout là-haut
Et cet orage d’éclairs —
S’il se vante, je l’abaisse
Un peu de substance prends corps au sein de tel ou tel être vivant
S’il s’abaisse, je le vante
et le contredis toujours
L’espace — est-ce possible ? — reste le même
la quantité reste la même
Jusqu’à ce qu’il comprenne
qu’il est un monstre incompréhensible [14]
Cycle de l’eau — cycle de toutes choses
Il disait :
L’origine est à cet instant même. [15]
— La demeure — 3
J’ai vu — il manque quelques phrases ici — (N.d.l.r.)
…………………………………………………………
……………………………………………………………
………………………………………………………
J’ai vu — il manque quelques phrases — (N.d.l.r.)
………………………………… l’horizon …………
………………………………………………………………………………
…………………………………………………………………………
J’ai vu — il manque quelques phrases ici — (N.d.l.r.)
……………………… la foudre ………………………………
……………………………………………………………
………………………………………………………
…………………………………………………
…………… ainsi qu’une série de nombres
Le triangle : forme inverse ou présence poétique du monde ?
Il disait :
Tu ne choisis pas ta demeure. [16]
— La réalité — 4
Poussière seule (sur l’eau)
Instant blanc, espace vide
Le déroulé du temps
Ici se déposent quelques phrases
À l’origine du monde, certainement, une telle présence minuscule
et tout bascule
Le chaos est vivant, la vie se digère elle-même
Œil conscient — boule de sens (suspendue)
Il disait :
Libre de vagabonder détendu au sein de la réalité,
sans agir et sans atteindre quoi que ce soit,
sans dépendre de rien, tu te manifestes naturellement. [17]
16.
Dies
Le jour. [18]
&
17. LA MAIN NOIRE
J’écris sans mot, j’écris sans vie
car dans mes mains
asséchées
le sable a pris place
J’écris pour rien
La nuit m’accueille
Jusqu’à l’aube, j’attends
Dans les jardins je cherche un(e) immortel(le)
J’écris sans lettre et je m’étonne
Ma pensée est noire — mes mains
sont noires
— il manque plusieurs phrases ici — (N.d.l.r.)
………………………………………………………
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……………………………………………
………………………………………
………………………………… à la question posée
Il disait :
Le jour éternel bascule dans la nuit,
la nuit éternelle se fond dans la clarté. [19]
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Lionel Marchetti - 2003 / révision 2017