VORTEX
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Je sais, maintenant, descendre vers le jour
André du Bouchet
Interstices où la vie se révèle
François Cheng
Vortex — livre 2/3 ¨ ° 7 poèmes
QUATUOR
(comme une avancée lente du temps et des formes)
Concert du quatuor lgbs
Marie Schwab, alto
Soizic Lebrat, violoncelle
Anouck Genthon, violon
Patricia Bosshard, violon
1.
LA SOUPLESSE
Je suis là
pour qu’un vent se lève
il vient
Poème sioux
Accepter de s’abandonner au récit
et, bien sûr, à la mélodie
Timbres acquis, aimés, façonnés
bientôt laissés là
oubliés
pour une avancée de chaque geste
— inspir et expir — depuis la matière qui s’érige
Cette abstraction
Une prise (au sens de frayer avec l’animal)
Désormais : la souplesse
La mélodie, seule
au-delà de la mélodie
Sorte d’entité qui parle d’un ailleurs
des profondeurs
de ce qui a été, de ce qui vient
Ce qui est là
Si l’on écoute le monde
La mélodie, bloc dur parfois
complexité
mais aussi poche de densités, accumulation
de quelques fragments
Éclats
La mélodie se détache
elle surgit
se manifeste souplement
et
simplement
Sans avoir été ni imposée
ni décidée.
2.
CAPACITÉ DES FIGURES
Chaque œuvre d’art développe une loi.
Mais ce n’est pas avec cela que l’on commence.
Claude Debussy
La décision, en aucun cas, appartient à la capacité des figures
S’extirper, quitter la gangue
s’ouvrir et respirer
Tentation naturelle de la chrysalide
Le centre du rayonnement, l’expansion
d’une noblesse
Connaître
L’impératif, pour la main
du tissage — guérir
Les yeux fermés, le silence du son
Cette bascule au sein même de l’immensité
toutes les échelles se combinant
La concentration
Voici, désormais, qu’il est possible de renverser tel ou tel obstacle
de s’en affranchir
de rejoindre les espaces vastes
S’orienter, se perdre, laisser le vent siffler
La chute d’un arbre
est-ce une mort ?
Rivière, méandres entourés de falaises et de forêt
Lecture de Lalla :
Qui peut empêcher l’eau de se figer sous le gel ? [1].
L’existence d’une ligne
— un horizon — une ligne autre
bientôt pliée, cisaillée, presque dissoute
enfin revenue à son horizon de ligne
Jusqu’à n’être qu’un point.
3.
BRIS, BRISURES
Ne découvre pas.
Il est possible qu’il n’y ait rien sous le voile. Et rien
ne se recouvre à nouveau.
Antonio Porchia
Les pierriers, l’inscription sonore de chaque pas
Respiration et brisures
Texture, tissage, brèche
Éclats
Sol
et
brisures
L’entier de cette matière prend possession
Le gel, l’érosion tout autant
Une entaille
Cette avancée lente du temps et des formes
Depuis l’incendie ; et non pas depuis cette petite boule en dedans (construction souvent infâme, parfois nécessaire, prétendent-ils)
Une passe, un passage
L’ouverture.
4.
L’AILE
La véritable tradition, c’est maintenant.
Éric Baret
Le froissement, un bruit, l’envers même du pliage ou de la contraction
Une aile posée sur l’air
L’aile — notre alliée
Ala
Le A, retourné
est un corps d’homme, de femme
femme et homme, bras relevés
pour appeler
Et non pas tête animale
Des énergies hautes
circulent
Une érotique de sons et de formes
jouissant du grand rapport entre ces forces
Le corps de l’oiseau
Un corps de couleurs liquides.
5.
LE CERCLE
Une voix
je vais l’envoyer
écoutez-moi
Poème Omaha
Orbe, orbis, cercle
Inanité galopante, œil noir, contagion dont il faut se méfier
Cette envie (une nécessité)
de lancer plus loin — jusqu’à rejoindre l’incandescence — quelques paroles
contre les mots
Des lianes, bien sûr
Le végétal
Et voici cette très grande forêt, voici cet espace où grandir, croître, prendre de l’essor
Lorsque l’intention, plus qu’esquisse
— aucun procédé, aucune posture —
ouvre sur un espace neuf
Les yeux du dedans cheminent depuis ces cavités innombrables
Le mouvement, la précision des mouvements
L’adaptation constante à ce qui se présente
Et n’est-ce pas du présent, justement, dont-il s’agit ?
6.
DU DEHORS
Pour voir la vie, il faut être à l’écart. Le point lumineux
n’apparaît que lorsqu’on se tient en dehors.
Bram Van Velde
Cette façon infernale de toujours vouloir saisir
lorsque l’on ne considère le cheminement que comme un unique survol
Ne pas attendre, être à l’ouvrage
Ce qui constitue tout être, ses ramifications
Ni front contre front (tel l’animal)
ni pour obtenir quelconque assentiment, ni même pour cette prétendue vérification
Seulement un contact
aux limites
sans trop en avoir conscience — à l’instant du contact
L’errance, elle aussi, est de la partie
Voici la haute exigence
L’espace est plein, l’abstrait n’existe pas.
&
7.
ŒIL NOIR
Qui pénètre dans la roche dure perd la dureté de la roche
et trouve la sienne dans la roche dure.
Antonio Porchia
Le grand serpent des énergies
plusieurs têtes
(frères et sœurs)
Sœur
et
frère
S’abstraire, savoir user de la retenue
Cette noblesse dansée
Celle-là même qui accepte, en toute maturité, de s’incliner face à ce qui est
L’abstrait n’existe pas
le réel
que l’on respire
est lumineux et sans mystère
Quand bien même, depuis cet œil noir
— immense —
la question, toujours
reste posée.
2/3
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