La Revue des Ressources
Accueil > Masse critique > Hacktivisme/activisme > Anonymous : du Lulz à l’Action Collective - Un essai de Biella (...)

Anonymous : du Lulz à l’Action Collective - Un essai de Biella Coleman 

jeudi 24 mai 2012, par Biella Coleman

Pris dans son ensemble, le concept d’Anonymous désigne une réalité vaste et complexe ; ce nom prend actuellement tout son sens dans un monde dans lequel son rôle est de coordonner une série d’initiatives décousues, lesquelles vont du trolling aux revendications politiques. Au départ, cette appellation était utilisée en vue de coordonner les facéties de cybernautes sur ce grand terrain de jeu qu’est le Web, mais au cours de l’hiver 2008, certains Anonymous se sont politisés, et ont tout particulièrement dénoncé les dérives de l’Église de Scientologie. En septembre 2010, ils inauguraient une nouvelle campagne politique baptisée Operation Payback, en vue de dévoiler les pratiques de la Motion Picture Association of America (MPAA), et quelques mois plus tard, ce sont les mêmes qui prêtaient main forte à Wikileaks, affaire qui a retenu l’attention de millions de personnes de par le monde. Cette action a fait l’objet d’une vaste couverture médiatique portant sur la spectaculaire vague d’attaques par déni de service (DdoS) lancées par de nombreux Anonymous (contre Paypal et Mastercard, pour manifester leur soutien à Wikileaks). En dépit de leur notoriété, et malgré le fait qu’ils aient coordonné un mouvement de protestation face à l’Église de Scientologie deux ans plus tôt, les commentateurs tentent désespérément de décrire l’éthique, la sociologie et l’histoire du mouvement des Anonymous à grand renfort de catégories analytiques traditionnelles.

Partant de là, la difficulté découle du fait que le concept d’Anonymous est délibérément nimbé d’un certain mystère. Les Anonymous disent ne pas avoir de leader, aucune structure hiérarchique, et encore moins d’épicentre géographique. Même si plusieurs formes d’organisations et de logiques culturelles sous–tendent indéniablement une grande variété de moyens d’expression, n’importe quel individu ou groupe peut se revendiquer du mouvement des Anonymous. À ce titre, selon la définition de Marco Deseriis, Anonymous tient lieu de nom impropre : « L’adoption du même alias par des collectifs organisés, des groupes d’affinités, et des blogueurs. » Ainsi, les personnes ayant coordonné les attaques DDoS ne sont pas nécessairement à l’origine des manifestes Anonymous, ou des sites ou blogs lancés sous ce nom ; les actions de protestations menées en faveur de Wikileaks n’ont, pour la plupart, pas été initiées par les Anons qui ont dénoncé les pratiques de l’Église de Scientologie, mais cela n’est pas souvent mentionné par les médias.

Chez les Anonymous, les hackers sont un cercle de personnes plutôt restreint : ils sont des programmeurs de génie, des chercheurs en sécurité, ou encore administrateurs système. Le moteur de bon nombre d’entre eux – mais pas tous – est une variation dans le thème de la quête pour la liberté d’information. Les non hackers forment selon moi un groupe beaucoup plus large – je prendrai donc la liberté de les qualifier de « geeks ». Ces derniers maîtrisent un certain nombre de médias numériques ; outils d’édition vidéo, graphisme, outils dédiés à l’écriture collaborative, et suffisamment de connaissances techniques pour se connecter aux IRC (« discussion relayée par internet »). Et les autres ? Ni geeks ni hackers, ils contribuent à leur manière à la constante réinvention de ce domaine numérique, dans lequel ils s’imprègnent de codes culturels et découvrent de nouvelles technologies numériques. S’ils ne deviennent pas des geeks, ils se seront néanmoins familiarisés avec leur univers.

Dans cet article, j’aborderai succinctement l’histoire de la naissance d’Anonymous au travers de plusieurs opérations politiques menées sous cet étendard, puis je décrirai dans les grandes lignes la logique de leur organisation et de leur éthique. Cet essai ne devrait en aucun cas être considéré comme étant exhaustif ; cependant, il vous permettra de balayer quelques idées reçues sur l’orientation politique des Anonymous, et de comprendre pourquoi en trois ans, quelques Anons ont choisi d’abandonner certaines pratiques désarticulées, non reliées, et ancrées dans la culture du trolling, pour créer une forme d’action collective et rhizomatique (ou techno–nomade), catalysée et alimentée par des opérations menées à l’échelle mondiale, ainsi que par des interventions politiques.

Genèse Politique

Le mouvement Anonymous est né sur 4chan, un site de partage d’images anonyme extrêmement populaire. Le trolling est le principal phénomène auquel nous pouvons rattacher leurs débuts et leur évolution. Sur 4chan, le trolling consiste bien souvent en un mélange aléatoire de ce qui suit : blagues téléphoniques, livraison de pizzas ciblées, DDoS, et surtout la mise en ligne d’informations confidentielles, de préférence humiliantes. « Anonymous » a mené beaucoup de campagnes de trolling de ce genre depuis au moins 2006, voire même avant. Le leitmotiv des instigateurs du trolling – et la conséquence affective recherchée –, y compris sur 4chan, c’est le lulz, pluriel altéré de laugh out loud (lol). Le lulz, c’est le plaisir que procure le trolling, toutefois, ça ne se limite pas qu’à cela. De manière plus générale, il est possible d’atteindre le lulz en faisant des blagues potaches, en postant des images ou en jouant des tours.

En 2008, les Anonymous ont décidé – du jour au lendemain – de déchaîner la colère qu’ils nourrissaient tous envers l’Église de Scientologie, en menant une vague d’opérations de trolling devenues légendaires. L’Église tentait d’empêcher la propagation virale d’une vidéo (destinée à être visionnée dans le cadre de l’Église) avec pertes et fracas. Dans cette vidéo, Tom Cruise tient un discours apologétique, chantant avec exubérance les louanges de la théologie et des pratiques scientologues. L’Église a menacé certains éditeurs en ligne comme Gawker d’intenter une action en justice (en invoquant la violation de la DMCA (Digital Millemium Copyright Act) s’ils ne retiraient pas la vidéo. Anonymous a riposté en menant une série de « raids », pour reprendre leurs propos, contre l’Église entre le 15 et le 27 janvier 2008. L’un des participants a qualifié ces actions de « foutage de gueule ultra–coordonné ». En suivant la logique qui sous–tendait déjà leurs précédents exploits, les Anonymous ont avant tout trollé l’Église de Scientologie – envers laquelle les geeks vouent une haine jubilatoire – pour le lulz.

Peu de temps après cette première vague de trolling, les Anonymous se sont orientés vers une forme de politique plus conventionnelle. Qu’est–ce qui les a poussés à prendre cette voie ? Fin janvier 2008, en l’espace d’une semaine, plusieurs vidéos – le principal moteur de leur démarche – ont été réalisées et mises en ligne, soulevant au passage une controverse parmi les instigateurs des attaques lancées, qui n’arrivaient pas à s’accorder sur le but et sur le sens de ce raid. Pourtant, cet épisode institue la première et désormais célèbre guerre déclarée contre l’Église de Scientologie. Mais cette vidéo ne constituait pas une déclaration tout à fait sincère, elle a juste été réalisée pour le lulz. Cinq jours plus tard, une autre vidéo était mise en ligne. Mark Bunker, un détracteur de longue date de l’Église de Scientologie, y envoyait un message aux Anonymous masqués, leur demandant d’oublier leurs manières de trolls, de se montrer plus sérieux, et surtout de déployer des stratégies légales en vue de lutter contre ce que lui et ses amis politiciens considèrent comme une secte. Les Anonymous ont rapidement réagi et se sont montrés plus sincères, en appelant à mettre en place des actions politiques. Les vidéos maison qui suivent constituent le catalyseur d’une période durant laquelle des débats enflammés ont eu lieu sur certains IRC, l’une des questions les plus récurrentes du moment étant : « Est–ce le moment de se déconnecter et de manifester publiquement notre colère face à l’Église ? »

Plusieurs Anonymous ont alors décidé de coordonner une journée d’action mondiale – ce qui a abouti à un nombre conséquent de manifestations extrêmement bien organisées et largement suivies. Le 10 février 2008, plus de six mille personnes sont descendues dans la rue, de l’Amérique du Nord à l’Europe en passant par la nouvelle–Zélande et l’Australie – bon nombre d’entre elles ont manifesté aux portes de l’Église de Scientologie de leur ville. À l’époque, un grand nombre de manifestants manquaient de ce que l’on peut communément associer aux manifestations de rue : une finalité et une conscience politique. %Mais durant cette période, il régnait une ambiance quasi carnavalesque dans les rues de New York ; tout le monde y tournait en ridicule l’Église de Scientologie, parlait dans un jargon imprégné de lol cats, long cats, lulz et autres mudkips. Ces actions resteront marquantes car l’affluence y était forte et l’audace esthétique présente, grâce à la mise en scène de l’anonymat – une majorité de manifestants était descendue dans la rue le visage caché par le masque de Guy Fawkes, qui fait maintenant partie intégrante de l’iconographie Anonymous.

Quelques jours après cette journée d’action globale, une scission s’est produite parmi les Anonymous. Un grand nombre de participants ont rejoint le vaisseau–mère Internet, tandis que ceux qui sont restés ont organisé des manifestations plus conventionnelles pour dénoncer les abus commis à l’encontre des membres de l’Église, tout en faisant preuve d’une sensibilité politique plus marquée (mais en portant néanmoins le masque de Guy Fawkes pour certains). « Je suis venu pour le lulz et je suis resté car j’étais indigné », m’expliquait alors un Anonymous Irlandais au mois d’août. C’était un ressenti partagé par bien d’autres, mais le le lulz était toujours au rendez–vous ; les manifestants jonglaient comme ils le pouvaient entre tradition et lulz, en mettant en scène des performances farfelues, grotesques, humoristiques ou offensives – et indissociables du lulz.

De l’hiver 2008 jusqu’au milieu de l’automne 2010, plusieurs Anonymous politiquement modérés ont passé une bonne partie de leur temps à vilipender les dérives de l’Église de Scientologie. En septembre 2010, Operation Payback, une nouvelle opération politique était inaugurée depuis 4chan. Les serveurs du site Pirate Bay venait d’essuyer une attaque par déni de service lancée par un fabricant de logiciels indien entré dans la piraterie le temps d’une mission pour le compte de la MPAA (Motion Picture Association of America). Dans le but de manifester leur soutien aux fondateurs du site d’échange de fichier torrents, les Anons ont pris pour cible le site de la MPAA (ainsi que d’autres), l’attaquant à grand renfort de DDoS.

À l’instar des opérations précédentes, celle–ci fut organisée sur 4chan, avant de faire l’objet d’une migration vers un canal IRC ; en effet, il est difficile de coordonner une opération sur un site de partage d’images anonyme. Bien que certains aient participé à Operation Payback et aux manifestations contre l’Église de Scientologie, d’un point de vue sociologique, l’opération ciblant la MPAA se distingue d’Operation Chanology. Les deux opérations ont été coordonnées sur des canaux IRC distincts et initiées par des groupes relativement différents.

En décembre 2010, peu de temps après la publication de câbles diplomatiques – regorgeant de perles – par Wikileaks, les internautes impliqués dans Operation Payback ont décidé de s’engager dans un projet regroupant un ensemble d’impressionnantes actions d’envergure qui restent sans égal à ce jour. Les Anonymous n’ont pas fait cela dans le seul but d’exprimer leur soutien à Wikileaks ; ils sont passés à l’action pour dénoncer ce que PayPal, Mastercard et Amazon venaient de faire, à savoir couper l’accès à leurs services et supprimer les comptes de l’organisation Wikileaks, qui ne faisait pourtant face à aucune charge pénale.

Les retombées de cette opération furent exceptionnelles : les sites Internet de quelques–unes des corporations les plus puissantes au monde ont été désactivés plusieurs jours durant. Ainsi, de toute l’histoire des Internet Relay Chat, jamais encore les canaux n’avaient été pris d’assaut par des hordes de lurkers et de geeks désireux de prêter main forte – un jour, plus de sept mille personnes se sont retrouvées sur le canal principal au même moment. Les interactions des très nombreux participants étaient d’apparence chaotique, pourtant, ils ont tout de même réussi à manier les DDoS de manière très réfléchie, et avec le plus grand soin. Les cibles ont ainsi été choisies au travers de sondages, les participants ont rédigé des textes visant à indiquer quels sites devaient être attaqués ou non, et ils ne manquaient pas de se le rappeler sans cesse sur l’IRC.

Les participants ne se sont pas tous impliqués dans ce mouvement de contestation numérique, certains ont créé et mis en ligne des dizaines d’images et de vidéos. Durant cette période, ceux qui s’étaient élevés contre l’Église de Scientologie ont continué sur cette voie, mais certains d’entre eux ont aussi choisi de participer à Operation Payback. Beaucoup de personnes sont juste restées sur l’IRC pour voir ce qui allait se passer, tandis qu’un certain nombre de geeks et de hackers ont déclaré estimer que d’un point de vue éthique, les attaques DDoS constituaient une tactique de protestation et de contestation.

À la fin du mois de décembre, peu de temps après la fin des attaques par déni de service, les Anonymous sont intervenus en Tunisie, choix jugé inattendu à l’époque. Ils ont tant et si bien travaillé que les médias d’Amérique du Nord et d’Europe ont commencé à parler de leur rôle – parfois avec justesse et force détails – dans le mouvement de contestation envers le gouvernement tunisien, lequel se préparait à riposter sur le terrain et venait de bloquer le site Wikileaks. Le 2 janvier 2011, les Anonymous ont inauguré « OpTunisia » et ont continué d’apporter leur soutien à mesure que les manifestations se propageaient dans tout le pays. Comme le veut la tradition, ils ont lancé une attaque par déni de service contre le site du gouvernement et contre certains sites web touristiques, mais ils ont également mis en ligne des vidéos montrant la violence qui régnait dans les rues de Tunisie et créé des tutoriels pour les cyberactivistes et manifestants, afin de les aider à contourner la surveillance du gouvernement. Dans leur « trousse de secours », certains Anonymous ont choisi d’indiquer que leur compétence dans le domaine du cyberactivisme avait ses limites en déclarant ceci : « Ceci est *votre* révolution, elle ne ne se fera pas sur Twitter ou sur les IRC (sic), elle ne sera pas diffusée à la télévision (ndt : référence à la chanson The revolution will not.be televised de Gil Scott Heron) Vous *devez* prendre les rues d’assaut, ou vous *perdrez* (sic) cette bataille. Restez constamment sur vos gardes, une fois emprisonné (sic), vous ne pourrez plus rien pour vous ni pour votre peuple. Votre gouvernement *est en train* de vous surveiller. » OpTunisia représente donc un nouveau tournant dans la naissance politique du mouvement contestataire « Anonymous ». Alors que la plupart des opérations précédentes étaient liées à la censure des Internets et aux politiques s’y rapportant, cette opération convergeait avec un mouvement social existant, s’inscrivant par conséquent dans la tradition de l’activisme pour les droits humains.

Depuis cette période, les Anonymous n’ont eu de cesse de mettre en place diverses actions ; le mouvement de contestation tunisien s’étant propagé jusqu’en Égypte, ils ont par la suite porté leur attention sur ce pays. Ils ont entre autres lancé des opérations en Syrie et en Nouvelle–Zélande, mais aussi en Italie, au moment où Silvio Berlusconi s’est vu accusé d’avoir eu un rapport sexuel avec une prostituée mineure, ainsi que dans l’État du Wisconsin, pour dénoncer une loi visant à restreindre les droits de négociation collective des syndicats des services publics. Et au début du mois d’avril, Les Anonymous ont lancé une féroce attaque contre le site de la multinationale Sony, qui venait d’attaquer en justice George Hotz, un jeune gamer–hacker qui avait contourné la protection numérique de sa PlayStation.

Les notions d’autorité et de pouvoir chez les Anonymous

Le portrait exhaustif des Anonymous ayant été dressé, nous pouvons maintenant nous poser les questions suivantes : qui sont–ils ? Qu’est–ce qui les connecte ? À quel moment et de quelle manière font–ils preuve d’autorité, est–ce une décision prise en groupe ou s’agit–il d’actes isolés ?

Techniquement, le concept d’Anonymous est ouvert à tous sans aucune barrière de quelque nature que ce soit. Cependant, certaines connaissances, compétences et sympathies sont requises de manière tacite ou explicite, c’est pourquoi seule une catégorie bien spécifique d’internautes fait la démarche de s’engager dans ce mouvement politique. À la différence de beaucoup d’autres organisations, y compris Wikileaks, il est facile d’apporter sa pierre à l’édifice des Anonymous, entre autres en participant à l’une des nombreuses micro–contestations mises en place en deux temps trois mouvements sur les IRC.

Loic Lautard / Brahms {JPEG}

Afin de saisir la dynamique d’influence en œuvre parmi les Anonymous, il est impératif de parler de l’architecture technique au sein de laquelle ils passent beaucoup de temps à discuter et à coordonner leurs actions : l’IRC, pour Internet Relay Chat (en français, « discussion relayée par internet »). Et il convient de souligner qu’il existe à l’heure actuelle deux canaux IRC distincts grâce auxquels les participants peuvent mettre en place différentes actions : Anonet et Anonops. Contrairement à ce qu’un certain nombre de médias ont rapporté, ils sont ouverts au public, mais une bonne partie dudit public ne sait absolument pas comment accéder à un IRC, et encore moins comment l’utiliser, bien que ce ne soit pas difficile d’un point de vue technique.

À l’intérieur de chaque réseau IRC se cachent un nombre important de canaux, mais de manière générale, seule une douzaine d’entre eux sont bondés à certains moments. Certains canaux sont dédiés à des sujets d’ordre social ou au badinage humoristique, le lulz étant toujours une valeur d’actualité pour bon nombre d’entre eux. Comme l’a expliqué un internaute, le lulz est un exutoire qui rend le travail lié à l’activisme politique – en soi difficile et parfois déprimant – plus supportable. Sur d’autres canaux, des problèmes techniques spécifiques sont abordés, et il existe sans aucun doute beaucoup de canaux sur lesquels des opérations politiques sont coordonnées. Certains participants jouent un rôle clé sur bon nombre de canaux, tandis que d’autres ne sont impliqués que dans un ou deux IRC à la fois.

Sur les IRC, les personnes à même d’intervenir sur une infrastructure – les opérateurs des IRC – détiennent plus d’autorité que les autres (il y a des « ops » sur tous les canaux IRC, pas seulement chez les Anonymous, et sont donc chargés de maintenir l’ordre. En tant que tel, ils sont en mesure de renvoyer ou de bannir des personnes indésirables sur le canal pour différentes raisons, y compris la violation des normes culturelles ou du règlement en vigueur sur le canal, selon lequel – dans le cas de Anonops – il est interdit de se connecter et se déconnecter en permanence, de prendre pour cible les médias ou de faire l’apologie de la violence. Il n’est pas nécessaire d’être très compétent sur le plan technique pour être opérateur, c’est pourquoi des dizaines d’ops œuvrent sur chaque canal IRC. Bien que leur opinion aient davantage de poids durant les nombreux débats qui ont lieu sur les IRC, ils ne déterminent pas les plans d’actions ou les opérations menées par les Anonymous. Certains ne sont là que pour intervenir sur l’infrastructure, tandis que d’autres participent à la plupart des opérations politiques.

L’autorité et la discipline sont également présentes sous forme de principes, de sensibilités éthiques et de normes – qui sont en constante évolution selon l’actualité. Les internautes impliqués dans les deux canaux se concentrent sur les problèmes inhérents à la censure, la liberté de diffuser des informations, et comme leur nom l’indique clairement, ils tendent à s’inscrire corps et âme dans un principe libéral séculaire selon lequel l’expression anonyme est nécessaire à toute société démocratique saine. Dans le cas d’Anonops, la politique actuelle consiste à s’abstenir d’attaquer les organes de presse, même dans les États–nations dans lesquels les médias sont jugés être à la solde du régime au pouvoir, comme en Iran. Cette clause n’étant pas du goût de tous, elle a été enfreinte à plusieurs reprises par certains participants, provoquant moult débats discordants – une situation classique commune à tous les mouvements de contestation politique.

En définitive, pour comprendre les mécanismes du pouvoir et de l’autorité chez les Anonymous, il faudra se confronter à un précepte – des plus répandus parmi les cyberactivistes – fort intéressant et dynamisant d’un point de vue social, à savoir le code éthique (qui nuance, à défaut d’éliminer, la concentration du pouvoir) selon lequel le leadership ou la célébrité ne sont en aucun cas une fin en soi. Les Anonymous offrent donc ce que Mike Wesch définit en tant que « critique virulente du culte post–moderne de la célébrité, de l’individualisme et du concept d’identité, et de laquelle découle néanmoins des retombées contradictoires ». Il est important de noter que les participants ne se contentent pas de philosopher sur leur engagement, ils le vivent. Les participants se rappellent très souvent les uns aux autres qu’il serait regrettable d’adopter un comportement de leader ou de chercher à attirer l’attention des médias, en qualifiant ces pratiques « d’usurpation d’identité » ou « d’abus de pouvoir » (ndt : en anglais, « name fagging » ou « leaderfagging », « fagging » se traduisant par « corvée », dans le sens de « nuisance »). Quiconque se livre à ce genre de débordement se voit remettre à sa place sur la place publique ou au cours d’une discussion privée, et quiconque attire trop l’attention se voit bannir de l’IRC d’un simple clic.

J’ai récemment été témoin d’une situation de ce genre, car un Anon – qui ne s’était constitué aucun capital social en restant en retrait lors des attaques DdoS – avait un peu trop parlé de lui à un journaliste. Une personne qui venait de lire l’article en question a su résumer l’ambiance qui régnait parmi les Anonymous en une phrase : « Chercher à utiliser un travail fait par d’autres pour s’en attribuer les mérites est une chose intolérable. » (La sentence est rapidement tombée, il a été banni de l’IRC.)

Le fait que les Anonymous se soient dotés d’une éthique signifie–t–il que le pouvoir n’est jamais canalisé, qu’il existe certaines formes d’autorité ? Où les Anonymous sont–ils LE mensonge incarné ? Ni l’un ni l’autre. Évidemment, dans le cas de certaines actions comme le piratage ciblé, seul un petit cercle de hackers de génie pourront tirer leur épingle du jeu ; il n’est donc guère surprenant de constater que ce type d’opération reste entouré de secret. Cela ne signifie pas que seuls quelques hackers tiennent les rênes du mouvement, comme l’explique l’auteur de cet article de Gawker ; toutefois, le fait d’être à même de hacker – ce qui constitue une source de puissance incontestable –, et la capacité à mener toutes les opérations « Anonymous » peut susciter de la confusion.

Comme indiqué précédemment, les personnes les plus actives sur le réseau, celles qui ont travaillé d’arrache–pied, détiennent plus d’autorité que les autres – mais ce ne sont pas nécessairement eux qui mènent la danse. Une analyse de la dialectique en œuvre entre la création et la dispersion d’un pouvoir centralisé – également présente dans d’autres actions collaboratives menées par des geeks ou des hackers – permettrait de mieux comprendre cette dynamique d’influence. Ces deux tendances entretiennent une relation compliquée, mais ceci est en partie contrebalancé par le fait que les Anons se rappellent constamment les uns aux autres qu’il faut s’abstenir de se comporter en leader, ce qui les pousse à s’efforcer de parvenir à un consensus – leur processus décisionnel préféré.

Conclusion : L’entrée en politique

Étudier le mouvement Anonymous constitue un challenge, car comme l’explique fort bien cet article, leurs caractéristiques se superposent, formant un tout complexe. Toutefois, les Anonymous sont–ils – comme le suggère la fin de l’article – un « gang de cyber–lyncheurs qui s’organisent en ligne sous l’étendard du mème « Anonymous », au sein duquel une poignée d’internautes proposent des Ops ; les personnes sur la même longueur d’onde participeront à ces opérations, tandis que les autres continueront de poster des lolcats sur 4chan » ? Si l’on prend le temps d’étudier les différentes ailes politiques existantes chez les Anons, il apparaît clairement qu’ils sont suffisamment cohérents, qu’ils ont une histoire et une substance éthique, ce qui d’une certaine manière les éloignent des diverses facettes de la culture propre à 4chan, ou encore de cette discipline qu’est le trolling. Même si le lulz reste inhérent à chaque aile politique existante chez les Anonymous, et si le trolling reste une pratique courante et revendiquée, il est tout simplement impossible de réduire le mouvement Anonymous à ce que l’on pourrait qualifier de cyber–lynchage, et de se contenter de les assimiler aux différentes formes de politique dépeintes dans cet essai.

Même si j’ai cherché à placer les Anonymous dans un contexte particulier, en me basant sur le milieu culturel dont ils sont issus (4chan, trolling et lulz), j’ai tout d’abord ciblé leurs différentes expressions politiques. Les canaux IRC permettent d’identifier les diverses factions politiques dont se réclament les Anonymous, ainsi que les participants qui donnent davantage de leur temps que les autres, et les messages qu’ils envoient au travers de vidéos, de manifestes et de communiqués, ou encore les normes selon lesquelles ils s’organisent, passent à l’action et évoluent. Je me suis contentée d’effleurer la question des mécanismes inhérents aux normes en vigueur dans le domaine de l’autorité, de l’éthique et du comportement, ainsi que des tactiques politiques qui naissent et sont employées par certains clusters d’Anonymous. Mais il reste encore beaucoup à apprendre, comprendre et dire à leur propos.

En conclusion, s’il y a une chose à noter à propos des Anonymous, c’est que depuis l’hiver 2008, ce mouvement est devenu une porte d’entrée en politique pour les geeks ( et consort) qui souhaitaient passer à l’action. Entre autres opportunités, le mouvement Anonymous offre la possibilité – inédite – de mettre en place des micro–manifestations en toute discrétion, permettant à certains individus d’évoluer au sein du mouvement et de participer à des opérations d’envergure. Nul besoin de remplir le moindre formulaire, de donner son identité ou ses deniers pour avoir le sentiment de faire partie d’un vaste groupe. Il s’agit donc de prendre la décision d’entrer en politique d’une manière ou d’une autre, en établissant un moyen d’action concret à adopter, un ensemble d’événements ou d’influences – et le mouvement Anonymous offre cette possibilité.

Traduit de l’anglais par @elodiechatelais

Anonymous : du Lulz à l’Action Collective de Elodie Chatelais est mis à disposition selon les termes de la licence Creative Commons Attribution - Pas d’Utilisation Commerciale - Partage à l’Identique 3.0 non transposé .
Basé(e) sur une oeuvre à mediacommons.futureofthebook.org.

* * *

Anonymous : From the Lulz to Collective Action

Contributed by E. Gabriella Coleman NYU

April 06, 2011

Taken as a whole, Anonymous resists straightforward definition as it is a name currently called into being to coordinate a range of disconnected actions, from trolling to political protests.1 Originally a name used to coordinate Internet pranks, in the winter of 2008 some wings of Anonymous also became political, focusing on protesting the abuses of the Church of Scientology. By September 2010 another distinct political arm emerged as Operation Payback and did so to protest the Motion Picture Association of America (MPAA), and a few months later this arm shifted its energies to Wikileaks, as did much of the world’s attention. It was this manifestation of Anonymous that garnered substantial media coverage due the spectacular waves of distributed denial of service (DDoS) attacks they launched (against PayPal and Mastercard in support of Wikileaks). Despite this notoriety and despite the fact that Anonymous had already coordinated protests against the Church of Scientology, commentators struggled to describe its ethics, sociology, and history using traditional analytical categories.

This difficulty follows from the fact that Anonymous is, like its name suggests, shrouded in some degree of deliberate mystery. It purports to have no leaders, no hierarchical structure, nor any geographical epicenter. While there are forms of organization and cultural logics that undeniably shape its multiple expressions, it is a name that any individual or group can take on as their own. In this capacity, Anonymous functions as what Marco Deseriis defines as an improper name : “The adoption of the same alias by organized collectives, affinity groups, and individual authors."2 For instance, those coordinating the DDoS attacks may not be the same people who write manifestos, or launch blogs or news sites under this name ; the protests in support of Wikileaks were, for the most part, unconnected to the arm of Anonymous currently protesting the abuses of the Church of Scientology, a fact overlooked by many writing on this topic.

A small cadre of participants in Anonymous are hackers : these are skilled programmers, security researchers, and system administrators who identify as such. Many, although not all of them, are motivated by some version of a desire for information freedom. A much larger group I describe not as hackers, but instead provisionally, as “geeks.” These geek participants hold a number of digital media literacies such as video editing, design skills, collaborative writing tools, and enough technical know-how to be able to use Internet Relay Chat. Other participants may not qualify nor identify as geeks or hackers, but through participation in this digital domain, they start to learn some of the cultural codes and digital literacies that can make them over time into geeks themselves, or at least familiar with them.

In this piece I will provide a brief historical description of how the multiple political operations under the banner of Anonymous came into being, and then describe in broad strokes some of their key organizational and ethical logics. Although in no way should this be taken as comprehensive, it will clear up some of the more common misconceptions surrounding the political wings of Anonymous. In so doing, we will also see how part of Anonymous has over the last three years moved from disaggregated practices rooted in the culture of trolling to also become a rhizomatic and collective form of action catalyzed and moved forward by a series of world events and political interventions.

Political Birth

Anonymous emerged out of an enormously popular and anonymous image board, 4chan. It was primarily associated with a phenomenon—trolling—known at times to unfold there. Trolling on 4chan often consists of an unpredictable combination of the following : telephone pranking, having many unpaid pizzas sent to the target’s home, DDoSing, and most especially, splattering personal information, preferably humilating, all over the Internet. Since at least 2006, “Anonymous” has conducted many such trolling campaigns. The motivating force and emotional consequence for the instigators of many acts of trolling, including those on 4chan, are cited as the “lulz,” a pluralization and bastardization of laugh out loud (lol). Lulz denotes the pleasures of trolling, but the lulz is not exclusive to trolling. The lulz can also refer more generally to lighthearted and amusing jokes, images, and pranks.

In 2008 Anonymous conducted a now-legendary wave of trolling when they decided to unleash their collective and unpredictable fury against the Church of Scientology. The Church was making a vigorous attempt to halt the circulation of a leaked church video (meant only for internal church viewing), featuring Tom Cruise exuberantly praising the practices and theology of Scientology. The Church threatened online publishers, such as Gawker, with legal action (citing violation of the DMCA) if they did not take down the video. Anonymous responded by leading a series of what they call “raids” against the Church between January 15th and January 27th 2008. These acts were described by one participant in characteristically offensive but accurate terms as “ultra-coordinated motherfuckary.” Consistent with previous actions, Anonymous trolled the Church of Scientology largely for the sake of the lulz, picking on a target that geeks love to hate.

Soon after the first waves of trolling the course of Anonymous veered toward more traditional political territory. What led to this transformation ? A set of videos were key instigators in this change of course. Over the span of a week in late January of 2008, the videos were made and circulated, material that led to days of fiery debate among participants in the attacks as to the purpose and meaning of their raiding. The first and the now the most famous declared war against the Church of Scientology. However this video was not a wholly sincere declaration ; it was made for the lulz. Five days later another video appeared, this time recorded by a long-time critic of the Church Mark Bunker who asked Anonymous to renounce its trollish ways and deploy more serious and especially legal tactics in order to fight what he and his political cohort understood as a dangerous cult. This was soon followed by a more sincere call for political action by some participants of Anonymous. These home-brewed videos catalyzed a period of heated debate on IRC channels. One of the recurrent questions was whether Anonymous should leave the Internet to protest the Church.

Enough participants decided to move forward to organize a global day of action—a set of protests remarkably well executed and attended. On February 10, 2008 over six thousand people protested across North America, Europe, New Zealand, and Australia, many in front of Scientology Churches. A sizable chunk of protesters at these first protests lacked what we commonly associate with street protests : political intentionality and consciousness. At the New York City protests the atmosphere was carnivalesque. People were making fun of the Church and speaking in hyper-charged Internet jargon about lol cats, long cats, the lulz, and mudkips. These actions were impressive for their high levels of attendance and aesthetic bravado, which included a performance of their anonymity : Most protesters arrived wearing Guy Fawkes masks, now a staple part of Anonymous’ iconography.

Soon after the global day of protests, a separation occurred. Many participants receded back to the Internet from whence they came, but those that remained continue to organize more traditional protests focused on the human rights abuses of the church, and now don a more recognizable political subjectivity (although many still don the Guy Fawkes mask as well ). “I came for the lulz but stayed for the outrage,” as one Irish Anonymous participant told me in August, voicing a common sentiment. The lulz, however, have not simply evaporated. Protesters continue to engage in a sometimes difficult juggling act between traditional street protest and the more wild, grotesque, humorous, and offensive elements that are part and parcel of the lulz.

Starting in the winter of 2008 and continuing through the the fall of 2010, the more traditional political face of Anonymous was largely, although not exclusively, focused on lambasting the abuses of the Church of Scientology.3 In September 2010 the name Anonymous was yet again mobilized on 4chan to launch a new political operation : Operation Payback. Coming in the form of politically motivated DDoS attacks, Anonymous targeted the MPAA (and eventually other organizations and companies) to show support for the famous file-sharing site, The Pirate Bay soon after its servers were DDoSed by an Indian software firm that had been hired by the MPAA to engage in this form of digital privateering.

Like previous operations this one was first concocted on 4chan, but migrated onto IRC due to the impracticalities of coordinating on an anonymous image board. Although some participants participated in both Operation Payback and the protests against Scientology, the MPAA-targeting operation was sociologically distinct from the protests against the Church of Scientology. They were organized on different IRC networks and initiated largely by a different group of people.

In December 2010, soon after Wikileaks released a small trove of diplomatic cables, those participating in Operation Payback shifted their energies to engage in the largest and most spectacular set of actions to date. Anonymous did not protest only to register its support of Wikileaks ; they launched into actions in response to PayPal, Mastercard, and Amazon pulling all support and services for Wikileaks, despite the organization not been charged with any infraction.

This operation, which disabled the websites of some of the world’s most powerful corporations for a few days, was exceptional. It led, for instance, to one of the most populated channels in the history of Internet Relay Chat with a large infantry of geeks logging on to IRC to watch or lend a helping hand—at one point there were over seven thousand people on the main channel. Despite the chaotic feel of interactions among these hefty numbers of participants, they managed to control the DDoS with a notable degree of deliberation and care. For instance, participants chose targets through polling, collectively wrote documents to explain who to and who not to attack, and constantly reminded other participants of this on IRC.

Not all participants took part in this form of digital dissent. Others made and released dozens of images and videos. In this period those protesting the Church continued to do so, some of them lending a helping hand wtih this other wing of Anonymous. Many others were just watching to see what would happen, and some, like a number of geeks and hackers, were ethically appraising the use of DDoS as a tactic for protest and dissent.4

In late December soon after these attacks waned, Anonymous lent a helping hand in what seemed to be an unlikely place : Tunisia. They did so well before the North American and European media started to report with any depth and accuracy on the protests against the government brewing so strongly on the ground. On January 2, 2011 Anonymous initiated “OpTunisia” after the government blocked Wikileaks from the Internet and they continued to offer aid as street protests more strongly swept the country. In keeping with tradition, they DDoSed government and tourist websites, but also funneled videos of the street violence out of Tunisia and created packets for Tunisian cyberactivists and protesters providing information for evading governmental surveillance. In the Anonymous care packet, some anons also gestured toward the very limits of their own cyberacitivism by stating “This is *your* revolution. It will neither be Twittered nor televised or [sic] IRC’ed. You *must* hit the streets or you *will* loose [sic] the fight. Always stay safe, once you got [sic] arrested you cannot do anything for yourself or your people. Your government *is* watching you." OpTunisia represented another turning point in the political formation of Anonymous as a protest movement. Whereas most previous operations resided in the realm of Internet politics or censorship, this operation moved squarely into human rights activism as it converged with an existing social movement. OpTunisia also attracted a large number of participants.

Since this period, Anonymous has continued to initiate a diverse range of operations. As Tunisia helped spark the astounding protests in Egypt, attention also moved there. Along with operations in Libya and New Zealand among many other places, they have also led attacks in Italy as Silvio Berlusconi faced accusations of sleeping with an underage prostitute, and in Wisconsin to protest a law that seeks to shred collective bargaining rights of public unions. In early April they aggressively targeted Sony as a response to the lawsuit the corporate giant issued against George Hotz, a gamer-hacker who bypassed the digital protections on the PlayStation

Authority and Power within Anonymous

With this basic picture in place, we can turn to the following questions : who participates in Anonymous ? What connects the different faces ? Where and how does authority lie, pool, and disperse ?

Technically, Anonymous is open to all and erects no formal barriers to participation. However there are forms of tacit and explicit knowledge, skills, and sympathies that lead some people and not others to politically engage in this domain. In contrast to most organizations, including Wikileaks, it is easier to contribute to Anonymous as it offers numerous micro-protest opportunities coordinated at the drop of a hat, among other possibilities for participation.

To grasp some of the power dynamics at play in Anonymous, it is imperative to address the technical architecture where many spend a significant time chatting and coordinating action : Internet Relay Chat. And it is worth emphasizing that there are currently two distinct and unconnected IRC networks where participants coordinate different efforts : Anonet and Anonops. Contrary to a number of media reports, these are open to the public. However a good deal of the public has no idea how to find or use Internet Relay Chat, although it is not technically difficult to use. 5

Within each IRC network there are also scores of channels, although there is usually only a dozen or so that are well populated at a given time. There are some channels devoted to social topics and lighthearted and humorous (ie : lulzy) banter, as many participants still value the lulz. The lulz provides “a release valve,” as one participant explained, a valve that makes the hard and sometimes depressing work of political engagement more bearable. Other channels exist to address technical issues, and of course, there are also multiple channels where the many political operations are coordinated ; some participants have a pivotal role to play in many of them, others are only involved in a few channels.

On IRC there is a class of participants who hold more authority, those vested with infrastructural power : the IRC operators (“ops” are common to all IRC networks not only those of Anonymous). Tasked with maintaining order, they have the power to kick and ban individuals from the IRC network, which they might do for various reasons, including violating network and cultural norms, such as constantly connecting and disconnecting or in the case of Anonops, targeting the media or promoting violence. There are dozens of ops on each independent irc network. To be an op does not require that one be highly technically skilled. Although their opinions carry more weight during the many debates that unfold on these networks, they do not determine the course of every action or operation within Anonymous. Some are there simply to provide infrastructural support, others also engage in many of the political operations.

Authority and order also come in the form of policy, ethical sensibilities, and norms, all of which develop over time and often continuously formed and reformed in reaction to historical events. Participants across both networks are oriented towards issues of censorship, information freedom, and as their name so obviously signals, they tend to be overwhelmingly committed to the long-standing liberal principle that anonymous speech is necessary for a healthy democratic society. In the case of Anonops there is now an established policy to refrain from attacking the news outlets, even in nation-states where the media is seen to be a corrupt arm of state power, as in Iran. This provision is not universally accepted, and there have been periods when some participants violated this norm, leading to what is common to any political protest movement : debate and discord.

Finally, to understand the dynamics of power and authority in Anonymous one must confront what is one of the most interesting, prevalent, and socially-vibrant norms within Anonymous : its anti-leader and anti-celebrity ethic. This ethic that modulates, even if it does not fully eliminate, the concentration of power. Anonymous provides what Mike Wesch had described as “a scathing critique of the postmodern cult of celebrity, individualism, and identity while serving itself as the inverted alternative.” 6 It is key to note that participants do not only wax philosophical about this commitment ; they enact it. Participants remind each other with remarkable frequency that one should not behave like a leader, nor seek personal attention in the media, calling the practice “name fagging” or “leaderfagging.””7 If you do ’leaderfag’, you most certainly will receive a private or public drubbing, and if you have called a lot of attention to yourself, then with a mere keystroke, you might be instantly banished from IRC.

I was recently witness to just this very act after a participant had been too public about himself to a reporter, an anon who had not even built social capital by putting himself at risk participating in the DDoS attacks. After reading the article where he had been featured, one interlocutor condensed the collective mood in a mere sentence : “Attempting to use all the work that so many have done for your personal promotion is something i will not tolerate.” Then he was killed off— exiled from the IRC network

Does the existence of this ethic mean that power never pools, that there are no forms of authority ? Or is Anonymous just living out a lie ? Neither. To be sure, when it comes to certain actions, such as targeted hacking, only a small group of talented hackers can successfully pull this off ; unsurprisingly, Anonymous is secretive about these types of operations. This fact does not mean, as this Gawker piece argued that a small group of hackers are the leaders ; they are confusing the power to hack, which is certainly powerful, with the power to lead all actions within Anonymous. As stated earlier, those who are more present on the network and have put in more work carry more authority ; and even they don’t necessarily call all the shots. A more compelling rendition of these power dynamics would examine the dialectic between the creation of centralized power and its dispersal, which is common to many other geeky and hacker domains of collaboration. The uneasy relation between these two tendencies is partially resolved when anons constantly remind each other to refrain from behaving like a leader, and thus push participants to strive for consensus as the preferred mode of decision-making.

Conclusion : Political Gateway

Due to its multifaceted and layered attributes, Anonymous, as this informative article has argued persuasively, is a challenge to study. However, is Anonymous simply, as the piece concludes, “Cyber-lynch mobs that are organized via the Internet, who share the common meme of “Anonymous”, where a few people say ’hey let’s do this’, and those of like mind go do it while the others sit it out and post lolcat pictures on 4chan.” ? If one spends time examining the political wings of Anonymous, it is clear that they have enough coherence, history, and ethical substance to separate them in some fashion from some other facets of 4chan or troll culture ; even if the lulz is still part of the political arms of anonymous and trolling is still one of the actions coordinated under this moniker, the whole of the Anonymous cannot simply be reduced to cyber-lynching, nor can the whole of Anonymous be reduced to the forms of politics I have examined here.

Although I have sought to contextualize Anonymous within the cultural milieu from which it arose (4chan, trolling, and the lulz), I have primarily honed in on the various political expressions of Anonymous. We can locate the political arms of Anonymous by virtue of the IRC networks they use, the regular participants who show up to contribute their time and their labor, the messages they broadcast via videos, manifestos, and messages, and the norms by which they devise, enact, and tranform. Here I have only scratched at the surface as to how authority, ethical and behavioral norms, and political tactics arise and function within some nodes of Anonymous. There is much more to learn, study, and say.

What we can note about Anonymous is that since the winter of 2008 it has become a political gateway for geeks (and others) to take action. Among other opportunities, Anonymous provides discrete micro-protest possibilities that aren’t otherwise present in a way that allows individuals to be part of something greater. You don’t have to fill out a form with your personal information, you aren’t being asked to send money, you don’t even have to even give your name but you do feel like you are actually part of something larger. The decision to engage in political action has to happen somehow, via a concrete path of action, a set of events, or influences ; Anonymous is precisely that path for many.

source in "The new everday"

Creative Commons License
This work is licensed under a Creative Commons Attribution-NonCommercial-ShareAlike 3.0 Unported License.

© la revue des ressources : Sauf mention particulière | SPIP | Contact | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0 | La Revue des Ressources sur facebook & twitter