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Lettre de soutien à celle d’une camarade adressée à Jean-Luc Mélenchon, sur la laïcité  

Colère après un assassinat collectif antisémite à Toulouse

mercredi 21 mars 2012, par Louise Desrenards

 {} {} {} {} « Halal-Kasher » restera le mot-clé du racisme des Présidentielles françaises de 2012. Jamais nous ne l’oublierons. Jamais nous n’oublierons que cette campagne électorale convoqua le racisme de toutes parts, c’est-à-dire pas seulement de la part du Front National. Justement, pour contrer le racisme brandi par Marine Le Pen sous le mot « Halal », on peut se demander pourquoi la Presse eut l’idée de brandir le mot « Kasher ». En sorte que l’abstract thématique sur la question des profits du sang liés à l’abattage (question matérialiste non religieuse d’une situation réelle), soit devenue, je cite bien la Presse, le titre d’onglet à l’amalgame vendeur : « Halal Kasher ».
{} {} {} {} Le racisme qui tue en France commence toujours aux Noirs et aux Arabes, après les Roms, et finit toujours par les Juifs — alors seulement on l’identifie, et éventuellement à rebours. MAIS C’EST TROP TARD. Le monstre est là et il tue. Le tueur de Montauban et de Toulouse c’est le tueur de Liège, c’est le tueur du Kandahar [1], c’est le tueur d’Oslo — le plus performant de tous, — quelles que soient les différences des mobiles de leurs crimes contre la société, ils confèreraient plutôt à la démence individuelle et sociale qu’aux néonazis ou aux djihadistes dont ils se revendiquent pour attribuer un signe médiatique à leur folie. Mais seraient-ils des tireurs uniques ils ne sont pas seuls. Il peut y avoir des réseaux pour autant. Il peut également s’agir d’agents retournés des services secrets qui savent leur terme venu. En outre il y a des complicités aux plus hauts niveaux de la production de l’idéologie sociale des États impérialistes guerriers, unis à ceux des anciens colonialismes, où l’économie de production a disparu. Et le pouvoir qui nous accable de lois sécuritaires prouve que cela n’empêche pas le pire, bien au contraire, nous n’avons pas connu de telles violences depuis l’avant Mitterrand ! Et ils en rajoutent en sorte que loin de nous protéger ils convoquent des défis. Voici les morts, après des militaires noirs et arabes : des enfants juifs.
{} {} {} {} Il faut changer, tout changer. Les mortifications des enfants dans les écoles hier pour faire l’apologie de la vidéo-surveillance contre M. Le Maudit à gros flingues est un comble d’ironie et de manipulation morbide, face auquel il faut se dresser et protester, par l’insurrection des urnes en avril prochain. Parce que cela relève d’un coup de force contre les consciences civiques, c’est du fascisme ! La mortification appelle la mort. L’utilisation de Guy Mocquet se précise. Assez de mortifications de la jeunesse, assez de mortifications sociales, de culpabilité parentale, de honte grand-parentale... Assez de la gouvernance qui pue en installant une charogne à la place du futur ! La résignation à la mort qui vient, c’est à force de l’actualiser par les pouvoirs mortifères et violents qu’elle arrive.

{} {} {} {} Si la guerre d’Afghanistan s’infiltre dans les maisons, ne la laissons pas entrer dans celle de la république ! [2]La suite ]


{} {} {} {} Cher monsieur,  [3]

{} {} {} {} Devant l’horreur du mauvais tour pris par la campagne électorale à travers des événements tragiques qui captent les Une des médias, interrompant le développement de l’argumentaire politique, et que certains bien situés dans l’institution pour s’en servir n’ont pas manqué d’instrumenter dans la cohérence de leurs exploits antérieurs, une campagne précédente il y a tout juste dix ans nous revient justement en mémoire. Un fait divers moins meurtrier, sans mort d’homme, resta néanmoins célèbre d’avoir influencé l’opinion électorale jusqu’à l’émergence de Jean-Marie Le Pen au second tour des Présidentielles. Il y a de quoi craindre aujourd’hui l’influence de l’horreur sur le pouvoir en place avant les élections, et c’est l’idée de sa reconduction qui est devenue aussi redoutable qu’une gouvernance de Le Pen aujourd’hui.

Au terme de plusieurs discussions antérieures avec une camarade, au sujet de votre campagne, et de l’intérêt qu’elle suscite pour nous, il semble que le moment soit venu de vous adresser nos pensées critiques républicaines, selon nos sensibilités respectives. Cela bien sûr concerne l’aspect public des communautarismes, dans la république qui est la nôtre, laïque par définition constitutionnelle, sur lesquels il conviendrait d’être plus précis que répondre : qu’"étant des affaires privées cela ne concerne pas l’État" et donc exclure non pas le débat, car il a déjà eu lieu, mais d’ignorer les contradictions et la division sociales qui se développent cachées sous la législation autiste qui a prescrit le sujet, par une législation inadéquate sur le vêtement plutôt que sur le respect des contenus républicains — l’obligation d’honorer tous les enseignements pour ceux qui vont à l’école publique, par exemple. Nous voyons bien aujourd’hui à quel point ce serait simple, mais bien trop simple pour affronter la division sociale et la terreur, et la désinformation opportuniste et les exploits — certes nécessaires mais d’autant plus fulgurants et démonstratifs qu’on se demande pourquoi ils n’eurent pas lieu avant le troisième meurtre de l’épouvantable série, — à laquelle elles donnent lieu.

A fortiori pour trouver des solutions qui l’empêchent.

Sachez que je suis parmi vos soutiens attentifs bien que je n’appartienne à aucune organisation politique ni même au NPA que je vais citer. Mais je souhaiterais d’autant plus vous interpeller sur l’intolérance, que je compte peut-être créditer de mon vote votre candidature et peut-être convaincre quelques amis de le faire avec moi. Si.

La laïcité est un devoir républicain, mais la république doit protéger tous ses citoyens indifféremment de leur croyance privée, pourvu qu’elle ne soit pas meurtrière d’autrui et respecte les droits civiques réciproques. En aucun cas la défense de la république laïque ne doit devenir exclusive ni intégriste, sauf à être déviée des fondements par et pour la liberté. L’intégrisme c’est l’intégrisme, il n’y en a pas de divers, c’est une part intégrante du monstre. Sous la défense intégriste de la laïcité il y a le racisme « choisi ».

Souvenez-vous du foulard musulman noué sur la nuque d’Ilhem Moussaïd, la candidate du NPA qui revendiquait pour les femmes le droit d’avorter — droit que vous-même êtes amené à défendre face aux restrictions de l’accès au remboursement des soins proposées par Marine Le Pen, — elle n’était donc pas créationniste (pas d’intégrisme monothéiste sans créationnisme, donc elle n’était pas une musulmane intégriste, et de plus elle défendait un programme laïque dans un parti qui n’était pas communautariste)... Elle fut injustement traitée d’« islamiste », et tellement harcelée dans sa propre organisation politique qu’elle finit par la quitter pour former avec d’autres camarades, nullement musulmanes, une association indépendante comprenant également des hommes, et aussi féministe et laïque que son programme de candidate électorale l’avait été au sein du NPA. Où des militants de ce courage ne sont pas présents dans certaines élections régionales, le Front National passe, parce que ceux qui auraient pu l’empêcher ne sont pas allés voter, faute de se sentir représentés...

Ce qu’il advint du NPA, sinon le découragement de Besancenot qui finit par capituler sous la pression de Krivine, revenant estampiller de sa garantie démocratique l’organisation tout juste orpheline de Bensaïd à laquelle il ne s’était jamais intéressé auparavant, pour plaire à des alliances dont vous étiez à l’encontre de Moussaïd : la division puis la réduction, une sorte de liquidation de ce parti alors qu’il était plein de jeunes espoirs.

Nous avons beaucoup perdu tous en tant que républicains du centre à la gauche le jour où cette fille a du quitter les rangs d’une organisation politique républicaine officiellement reconnue au oin de ouvoir présenter des candidats pour l’Assemblée Nationale. Le jour où forcée d’adopter l’uniforme des anciens colonialistes elle a gardé sa dignité en préférant le choix de son exclusion à celui de sa soumission. Elle était parfaitement autodéterminée et non envoyée par ses frères ou par son père. Dire l’inverse est abject de négationnisme de ses actes associés et institutionnels engagés dans la république pour tous.

Ignoreriez-vous que les trotskistes de la 4è Internationale furent déterminants dans le printemps égyptien ? Que tout commença par le soutien activiste des syndicalistes des grandes grèves de l’industrie du textile en Égypte le 6 avril 2008, et que telle fut la source du mouvement de la jeunesse du 6 avril à l’origine du premier rendez-vous de la place Tarhir ?

Ignorez-vous que l’activiste avancée de ce mouvement trotskiste fut Asmaa Mahfouz, une jeune étudiante tout juste sortie d’une école de commerce pour se mettre au travail dans une entreprise d’informatique, qui au terme de trois vlogs autodéterminés appelant à la retrouver sur la place le 25 janvier 2011, pour faire cesser une fois pour toutes et jusqu’à la victoire la répression sauvage et liberticide des travailleurs et du peuple égyptien de la pauvreté, réussit à être ralliée. Unie avec le mouvement des bloggers animé par Ghonim « Nous sommes tous des Khaled Saïd », éponyme du jeune programmeur qui avait été massacré pour des raisons politiques par la police d’Alexandrie en juin 2010, elle portait et porte le foulard musulman tout en s’opposant à la réalisation politique de la charia en place de démocratie en Égypte. L’ignoreriez-vous ou le savez-vous, en préférant ne pas vous y intéresser, comme le problème qui rôde en France depuis la querelle sur la laïcité où l’aspect et les actes ont té confondus au cri contradictoire de « Pas d’amalgame ! » ? Certes le vêtement peut être un drapeau politique, mais n’appartient-il pas justement à la république des Lumières de rétablir le langage du discernement, en distinguant le signe et la personne, au lieu de signifier les deux à la fois pour anéantir l’individu concerné aux yeux de son voisin ?

http://en.wikipedia.org/wiki/Asmaa_Mahfouz
Vlog Asmaa Mahfouz
From Tahrir to Wall Street

Voir de telles personnalités tracer leur destin collectif fait honte à ceux qui ont exclu du NPA Ilhem Moussaïd, qu’en tant que femme je salue de nouveau ici.

Ignorez-vous que la demande du pouvoir et des partis français — dont les socialistes et les écologistes — était purement xénophobe et raciste, ou ignorante, quand le port du foulard de Moussaïd en tant que musulmane n’était en rien différent du foulard noué sur la nuque des femmes juives qui militent dans les colonies israéliennes en Palestine, ainsi que celui des mères de famille et cadres de l’école de Toulouse dont les enfants furent massacrés. Voyez les images... autrement qu’interprétées a priori.

Pourquoi ce foulard noué signe de religion est-il accepté en France quand il est porté par des juives — éventuellement intégristes — alors qu’il ne l’est pas s’il est porté par des arabes — éventuellement non intégristes ?

Sommes-nous devenus ignares ou ne savons-nous plus penser dialectiquement par nous-mêmes, en raisonnant sur l’actualité politique et les signes de l’information, et par conséquent, même les plus pertinents d’entre nous — la gauche populaire des masses — seraient-ils devenus victimes de la désinformation ? Ce n’est pas à vous qu’on pourrait conseiller de retourner à l’école ou d’admettre que vous puissiez être devenu ordinairement xénophobe et couramment raciste, car vous ne paraissez pas l’être, loin de là, mais il reste qu’aujourd’hui nous soyons dans l’axe d’un « racisme choisi » conforme au concept d’« immigration choisie » de ceux qui nous gouvernent, et que vos déclarations si généreuses se voudraient-elles n’y échappent pas.

Il ne vous choque pas que les victimes du tueur de Montauban et de Toulouse ayant d’abord été des noirs puis des arabes, on n’ait pas commencé à évoquer un crime raciste mais forcément un réseau mafieux dans l’armée qui aurait donné lieu à un règlement de compte, par le fait de membres qui en auraient été exclus ou des marchands d’arme ? On évoqua pourtant des néonazis qui auraient été renvoyés, mais l’hypothèse du crime raciste ne surgit qu’après le meurtre des élèves du collège confessionnel israélite de Toulouse ! Auparavant, les gens de couleur victimes du tueur n’étaient que de probables délinquants : ça ne vous choque pas ? Et sur cette base vous ne croyez pas que d’autres crimes racistes pourraient avoir lieu avant le premier tour des Présidentielles ou une immense récupération, car finalement le tueur fut peut-être repéré bien avant son troisième crime collectif en série, et aurait pu être empêché avant l’excès de racisme lisible dans le crime le plus monstrueux qu’il ait commis, celui contre les enfants d’une école confessionnelle juive, qui a interrompu la campagne électorale à juste titre ? Seul le racisme meurtrier contre des juifs peut animer la réprobation en masse dans un pays du racisme ordinaire contre les colonisés et les anciens colonisés. C’était le sens du Discours sur le colonialisme d’Aimé Césaire.

Parce que la mortification prédit la mort.

Vous contenterez-vous de culpabiliser sur vos succès telle la place de la Bastille dimanche, à cause des meurtres atroces qui eurent lieu le lendemain, et de refouler les paroles justes que vous aviez lancées comme l’insurrection civique, pour retourner à la noirceur électorale dont nous ne réchapperons pas si un candidat comme vous commence à laisser toute la place à ses adversaires, pendant qu’ils se publient auprès des corbillards — corbillards dont ils sont indirectement mais certainement responsables par les actes et les propos qu’ils ont tenus depuis deux ans, pour se radicaliser à la droite du Front National à force de le plagier pour lui voler ses voix ?

Vous voulez à votre tour nous désespérer de voter pour vous ?!

Halal / Kasher pour des Chrétiens ? Imaginez donc de quoi on prétend accabler les chrétiens sinon de leur propre racisme, et quand vous parlez de la seule différence de prier pour demander pardon d’enlever une vie, oui pourquoi pas... Mais enfin il y a une question matérialiste simple derrière tout ça, c’est qu’en réalité il s’agit d’un problème de commerce et de nouveaux profits. Car s’il est vrai que depuis toujours les communautés concernées ont eu la boucherie qui leur convenait sans que cela ait posé de problème social à l’ensemble du peuple républicain depuis quelques lustres. Que les chrétiens ne répugnent pas à manger de la viande saignante, voir l’apprécient, peut se dissocier du fait que le vin représente le sang à la messe. Car s’il est vrai que la viande de boucherie ordinairement proposée dans les supermarchés, et dans la plupart des boucheries non estampillées par une religion aujourd’hui, ne contienne plus de sang — à l’évidence de la cuisson et de la coupe... c’est que la généralisation soudaine de l’égorgement pour toute la boucherie aujourd’hui est due à une nouvelle exploitation du sang. La viande destinée à tout le monde est égorgée non par des Imams ni des rabbins mais par des abatteurs pour être saignée, en vue d’un commerce du sang des bêtes — la charcuterie et la nourriture d’autres animaux d’élevage ou domestiques, et peut-être même en pharmacologie, pourquoi pas et davantage, dans le cadre du grand marché. Or les chrétiens — et des agnostiques ou athées — pourraient réclamer le sang des bêtes parce que la plupart d’entre eux le consommèrent — le consommeraient encore et l’apprécient — avec la viande, dans leur propre nourriture.

Si choquant cela pourrait-il paraître aux yeux des végétariens ou des communautés religieuses qui y répugnent, ce point montre à quel point la raison civique n’était pas celle du racisme cynique lancé par madame le Pen, contre les arabes, mais le fait qu’elle ne trouve plus de la viande saignante dans sa boucherie du coin non Halal, même si elle ne va pas à la messe. Or c’est le Président lui-même qui a lancé le mot-clé à double entrée raciste, disant que les gens avaient le droit d’être informés sur le Halal et le Kasher lorsqu’ils achetaient de la viande. Alors qu’il s’agissait de ramener le problème à une simple question de possibilité du choix selon le goût — certains le considèreraient-ils de mauvais goût — des traditions culinaires des différentes cultures. Il est aussi raciste que Marine Le Pen et pour s’en dédouaner n’a pas hésité à avancer la religion juive ’par souci d’équité civique’, par là cumulant l’effet médiatique populiste des deux racismes, en quête du plein de la masse électorale pluri-confessionnelle en France, en réalité humiliant les uns par les autres et les renvoyant dos à dos, sauf les chrétiens et les ’laïques’ à y choisir leur cible ?!

Franchement il vaudrait la peine de faire une enquête pour éprouver les preuves d’où va le sang des bêtes égorgées dans les abattoirs non rituels, et l’on arriverait loin des religions. Ce qui éviterait de relancer des affaires racistes entre communautés.

Alors pourquoi reprendre les termes à la lettre ou dans l’esprit de Marine Le Pen, et du pouvoir qui la plagie, qui comprend des idéologues des nouvelles idées de l’extrême-droite compatible avec le néo-libéralisme ? Pourquoi chaque fois que l’on devrait parler de marché, on place la religion ? À quoi cela sert-il, d’après vous, sinon à créer la confusion qui permet de dominer en ayant l’air d’être un redresseur d’ordre, comme notre président et ses ministres savent si bien le faire en nous emmenant autoritairement et médiatiquement dans le mur ?

Nous célébrons la seconde Commune de Paris à laquelle nous devons tant, mais en même temps qu’elle nous est si proche nous sommes loin du moment où Edouard Vaillant devait combattre les religieux pour réquisitionner les écoles afin d’innover l’école publique, quand ensuite des prêtres pour se venger dénoncèrent Eugène Varlin qui en avait été un des principaux activistes syndicalistes, à ceux qui allaient lui crever les yeux et le lyncher. Nous devons savoir aujourd’hui que les deux premières nuits d’occupation de Zuccotti Park, par les premiers activistes publics du mouvement OWS, des chrétiens militants contre la pauvreté furent appelés en renfort par des activistes non croyants, afin de dormir sur place, et qu’ils en furent ensuite chaleureusement et sans honte remerciés dans les blogs. Certes cela n’arrange pas le sectarisme républicain français qui commence à se pétrifier or justement, ne serait-il pas temps de lui rendre vie en le faisant évoluer par la tolérance fraternelle ?

Un dernier point : je tiens à signer que je suis athée et si jamais je fus baptisée un jour sans en tenir compte ce fut comme catholique. Mes parents sont morts en ne voulant pas de sacrements religieux, de même concernant mes grands parents. Ma famille est généralement matérialiste. Mais il ne faut pas oublier que deux religions se partagent la culture du martyr et nous savons lesquelles, sinon comment pourrions-nous comprendre l’endurance du soulèvement tunisien comme celui du soulèvement égyptien — où deux communautés martyres intégrant leurs laïques immergées payèrent de leur sang le commencement et la poursuite de la révolution ? Car je parle des mouvements activistes non violents, pas des guerres.

Quant aux catholiques, je ne vois pas pourquoi ils seraient pires que les autres sinon parce qu’ils auraient réhabilité les femmes en même temps que les esclaves ? Les religions si "on s’en fiche" — comme moi, et comme vous j’imagine — : laissons les vivre dans leurs droits de cité sans les exposer au risque.

Où la question du voile à l’école posa un problème, si mes souvenirs sont bons, et la raison principale pour laquelle Elisabeth Badinter (dont je ne défends pas toutes les positions, ni surtout pas celle que je vais citer, mais femme que je respecte globalement de ne s’être pas départie du radicalisme laïque et instituant de son grand-père, Edouard Vaillant lui-même, malgré sa richesse), réclama avec d’autres l’interdiction du voile, qui fut sa première erreur. Le problème était que les filles qui portaient le voile dans l’école publique avaient une interdiction communautaire de suivre certains enseignements dans l’école laïque où d’autre part elles revendiquaient d’être intégrées. Dans ce cas, bien sûr, ce qu’il pouvait être concevable de ne pas admettre pour qui revendiquait l’accès à l’école gratuite républicaine, ou, puisque la scolarisation est obligatoire, de ne pas avoir à le faire admettre dans le cadre d’une scolarisation confessionnelle correspondant à la pratique sociale de la croyance en cause — ce qui est parfaitement légal en France, si coûteux cela serait-il pour les communautés ou les individus — c’était le refus de suivre des enseignements : mais en aucun cas le port du voile.

Bien sûr, je suis d’accord avec vous sur le principe commun que les contenus de l’enseignement public et son organisation sociale ne puissent être modifiés par une religion, dans un pays où nous sommes fiers que l’église soit séparée de l’État : mais justement, la grande idée de la laïcité ne fut-elle l’objectif de n’exclure personne et d’intégrer ? On lui a fait jouer le rôle inverse à propos du voile « islamique ». Pour ma part je refuse de considérer le voile autrement que comme un vêtement traditionnel, serait-il arbitrairement choisi en signe critique par celles qui l’arborent dans notre société aujourd’hui.

Commençons par arrêter la guerre chez les autres et nous cesserons de la fomenter parmi nous : Halte à la guerre !

Que nous apporteraient donc les étrangers s’ils nous ressemblaient ? Un miroir de notre même ? La reproduction mortifère de nos cellules à l’identique en prolifération anormale ? C’est de la force de la différence et de l’altérité dans la confrontation assumée, avec ce qui ne nous ressemble pas, que vient l’intelligence commune et l’inspiration du monde. La plus forte des cultures du monde immigré dans l’hexagone des années 60 a brillé de tous les feux de la postmodernité internationale, elle est aujourd’hui rétrécie comme un confetti esseulé, fossilisé après la fête d’il y a longtemps. C’est en France que ça s’est passé et en France que plus rien ne passe.

Le monstre est déjà là nous devons lui faire face. Courage, et debout ! Ne capitulez pas ou « je » n’irai pas voter ! À vos prochains meetings au son de votre voix joyeuse de la Bastille !

Bien cordialement...

Louise Desrenards

P.-S.

En logo :

Des personnes participent à une marche après la tuerie de Toulouse, le 19 mars 2012 à Paris, photographie extraite du Courrier Picard, Toulouse : le froid assassin toujours traqué, obsèques mercredi des victimes, 21 mars 2012.

L’écran noir en signe de deuil vient du blog In The Tardis


SUITE ]

L’avocat de Mohamed Merah, le meurtrier en série présumé (puisqu’il est encore officiellement qualifié de "présumé") de Montauban et de Toulouse, qui a été exécuté par le Raid lors de l’assaut du 22 mars au matin, avait déjà informé que les déclarations selon lesquelles son client se serait trouvé en Afghanistan et au Pakistan dans les dates annoncées, où il y aurait été incarcéré avec des talibans puis se serait évadé, n’était pas possible, puisque lui-même s’en occupait en France à cette époque. Selon l’AFP, le doute plane jusqu’aux sources militaires (USA et OTAN) sur place en Afghanistan et au Pakistan, même s’il est aisé d’imaginer qu’une preuve américaine intervenant opportunément in extremis en soutien de leur candidat électif finisse par être produite :

http://www.nessnews.com/nesspolitique/aucune-trace-du-sejour-de-mohamed-merah-en-afghanistan-et-pakistan-946

L’information source est ici (en réalité elle vient de l’AFP anglophone) :
http://www.dawn.com/2012/03/22/no-leads-on-french-shooter-in-afghanistan-pakistan.html.

Enfin, toujours l’AFP anglophone, le 22 mars, ne présente pas Mohamed Merah comme un djihadiste mais : « Mohamed Merah was a self-declared Al-Qaeda militant who killed seven people (AFP/France 2/File) » (Mohamed Merah était un membre auto-déclaré d’Al Qaïda qui a tué sept personnes). Auto-déclaré dans ce sens étant plutôt auto-proclamé (sinon le mot serait self-reported — reconnaissant être... s’avouant).

Puis le 23 mars dans la journée, les officiels français réservent d’autres déclarations pour la Presse étrangère que celles adressées à la Presse française No evidence French gunman had ties to Al Qaeda, official says (Fox News).
En réalité cela corroborerait le fait que les responsables de l’armée américaine et de l’OTAN en Afghanistan et au Pakistan ayant déclaré qu’ils ne connaissaient pas cet homme mais allaient faire davantage de recherches à la demande du gouvernement français aient confirmé leur première déclaration. À moins qu’il n’y ait une fronde au gouvernement entre ceux qui intoxiquent et ceux qui refusent de le faire ? Fillon et Juppé, contre Guéant et Longuet, par exemple ? En tous cas la désinformation en France émerge comparativement de la Presse étrangère :

«  PARIS – French authorities have no evidence that Al Qaeda commissioned a French gunman to go on a killing spree that left seven people dead, or that he had any contact with terrorist groups, a senior official said Friday.
France’s prime minister and other senior figures have been fending off suggestions that anti-terrorism authorities fell down on the job in monitoring 23-year-old Mohamed Merah, who had been known to them for years.
The senior official who is close to the investigation into Merah’s attacks told The Associated Press there was no sign he had "trained or been in contact with organized groups or jihadists."
Merah was killed in a dramatic gunfight with police Thursday after a 32-hour standoff with police. [ ... ]
 »
Les Autorités françaises n’ont pas la preuve qu’Al-Qaïda ait commandité un tireur français pour la tuerie qui a laissé sept morts, ni que celui-ci ait eu un contact quelconque avec des groupes terroristes — selon la déclaration d’un haut fonctionnaire vendredi.
Le Premier ministre de France et d’autres hautes personnalités ont repoussé les suggestions selon lesquelles les autorités de l’antiterrorisme auraient échoué dans leur job de contrôler Mohamed Merah âgé de 23 ans qui aurait été connu d’eux depuis des années.
Le haut fonctionnaire proche de l’enquête sur les attentats de Merah a déclaré à l’Associated Press qu’il n’y avait pas de signe qu’il "ait fait de l’entraînement ou ait été en contact avec des groupes organisés ou djihadistes."
Merah a été tué dans une fusillade dramatique avec la police jeudi, après une impasse de celle-ci pendant 32 heures. [ ... ]

Mais l’article publié par "morice" dans agoravox le 24 mars, suite au dévoilement de la relation du meurtrier avec le patron de la DCRI par celui-ci, dans le Journal Le monde du 23 mars, éclaire les choses tout à fait autrement, désignant Mohamed Mehra comme un agent appointé du DCRI (voir note 2.) qui aurait reçu une formation à l’étranger et aurait effectué différents voyages, auquel on aurait commandé de procéder à des liquidations puis on l’aurait lâché, pour se débarrasser de lui.


Et aussi cet article canadien sur la tragédie et la division sociale qui traversait la manifestation de Toulouse le 23 après-midi malgré la bonne volonté des musulmans et des chrétiens qui se trouvaient là ; le gouvernement français et son attitude depuis quelque mois y sont pointés :

http://www.thestar.com/news/world/article/1151330—toulouse-killings-muslims-in-france-struggle-with-reaction-to-murder-spree?bn=1

Traduction rapide (Google) :

Une bannière du rassemblement commémoratif de vendredi à Toulouse pour les victimes de fusillade de ce mois-ci ainsi libellée : "Juifs, chrétiens, musulmans, un même Dieu, l’Amour". (Sous-titre de l’illustration photographique).

TOULOUSE - Les foules sombres s’étaient déjà dispersées, chacun allant continuer sa journée, mais au milieu de l’immense place un groupe de gens y étant parfaitement étranger restait, à discuter les uns avec les autres.

Au centre, un homme non musulman semblait tenir une conférence à un groupe de femmes musulmanes, les accusant d’essayer de minimiser la religion de l’assassin. "La vérité sortira," at-il promis.

Une femme non-musulmane tenta de l’interrompre. "Nous sommes tous ensemble, peu importe la religion. Nous sommes tous soulagés. "

C’en était trop pour une étudiante musulmane, qui fondit en larmes. Arrachant ses lunettes, elle plaida, "Comment pouvez-vous dire cela ? Comment pouvez-vous dire que vous êtes soulagée ? "

Que les émotions aient été divisées et les nerfs à vif, ici, était évident. Toulouse, Place du Capitole, et de son hôtel de ville à colonnade rose vieux de 250 ans, servaient de toile de fond aux milliers venus rendre une minute de silence publique pour les victimes de Mohamed Merah.

Le mécanicien au chômage de 23 ans est mort dans une grêle de balles, le jeudi après un siège par la police qui dura pendant 32 heures. Il avait prétendu être un militant d’Al-Qaïda responsable de la fusillade à brûle-pourpoint de quatre parachutistes, d’un rabbin et de trois écoliers juifs. Tous, sauf un parachutiste, sont morts.

Pour les musulmans en France, c’était leur pire cauchemar qui se réalisait. Jamais, depuis l’attentat de 1995 contre le métro de Paris il n’y avait eu une attaque liée à l’islam.

Déjà, la campagne électorale présidentielle en cours avait été contextualisée dans des préoccupations sur l’identité française et l’islam, avec le président Nicolas Sarkozy allant aussi loin que dire qu’il y avait "trop ​​d’étrangers sur notre territoire."

Maintenant, il y a la peur et le dégoût dans les communautés musulmanes, et beaucoup sont doivent déjà adapter leurs vies pour y faire face.

"Peut-être que le mois prochain, nous aurons à faire deux fois plus pour prouver que nous sommes français", a déclaré Bouziane Bouteldja [ suivre le lien ], 21 ans, danseur et chorégraphe né à Toulouse. "Je vais devoir être deux fois plus poli."

"Dans une campagne électorale comme celle-ci, c’est normal que les gens se sentent stigmatisés. Imaginez maintenant, avec ces attaques, de découvrir que c’était un homme français avec des origines algériennes », a déclara Fatiha Adjelout [ suivre le lien ], 32 ans.

"Nous ne voulons pas revenir au 11 septembre, pour prouver une fois encore que, non, nous ne sommes pas comme ça, non, nous ne sommes pas la même chose."

Bouteldja, qui a chorégraphié des danses contestant les tabous de sa religion, comme les homosexuels ou impliquant des corps tatoués — a dit que ceux qui sont sceptiques au sujet des musulmans et de l’islam "seront" maintenant "convaincus".

La France a la plus grande population musulmane d’Europe, environ cinq millions. Elle tient également une des atmosphères politiquement les plus chargées quand il s’agit de l’islam.

Au cours des derniers mois, l’islam est sans doute devenu le plus gros problème des élections, même si les sondages montrent que le chômage reste la principale préoccupation de l’électorat.

Le Ministre de l’Intérieur Claude Guéant a provoqué une chahut en Février quand il a annoncé que « toutes les civilisations ne sont pas égales » et l’a édifié avec des exemples, comme le port islamique du voile intégral.

Après un documentaire sur le sujet, les politiciens de l’extrême droite et du parti au pouvoir ont condamné l’idée que la viande halal soit consommée par des non-musulmans sans qu’ils le sachent.

Alors Sarkozy a fait son commentaire sur le "trop grand nombre d’étrangers".

Même si elles étaient là pour rendre hommage aux victimes, les jeunes femmes musulmanes impliquées dans l’argument discuté après l’assemblée étaient d’accord dans la conviction que la mort de Merah ne doive pas être célébrée. Mais en même temps, quand la femme dont nous parlions dit qu’elle était "soulagée" par la mort de Merah, elles furent attristées.

"Je ne peux pas l’expliquer", répétait la jeune femme en larmes, qui n’allait pas donner son nom. "C’est tellement terrible de dire que vous êtes soulagée."

Beaucoup de musulmans sont extrêmement sensibles à des commentaires qui pourraient être interprétés comme anti-musulmans. Sur Facebook, Bouteldja a observé que plusieurs de ses connaissances suggèrent que, parce qu’ils sont de plus en plus considérés comme des étrangers dans ce pays qui est le leur, ils vont cesser de se considérer comme français.

"C’est une erreur", a-t-il dit.

Les dirigeants musulmans de France ne sont que trop conscients de la menace de stigmatisation. Mohammed Moussaoui, le président de l’un des principaux groupes musulmans du pays a déclaré qu’il aimerait "définitivement dissocier" l’islam du terrorisme.

Il a appelé à l’abandon des termes « islamiste » ou « l’islamisme », qui, dit-il confondent l’islam et le terrorisme et "font que des millions de musulmans qui veulent défendre leur dignité et leur foi religieuse, souffrent."

Rabbi Yossef Matusof, directeur de l’école primaire juive Gan Rachi, où les jeunes enfants tués par Merah étaient scolarisés, a déclaré au Star, après le rassemblement, que les "bons musulmans font partie de la société française" et ne devaient pas avoir peur d’être stigmatisés. "C’est à eux de lutter contre le fondamentalisme."

Bouteldja a toujours été traité de manière différente, comme toute personne ayant la peau plus foncée en France est regardée, dit-il, de plus près dans les magasins, par exemple.

Mais maintenant, il pense que le regarde, il commence à faire apparaître encore plus de mépris, même s’il admet qu’il pourrait être dans sa tête.

« Nous sommes stigmatisés », at-il dit, "mais le résultat c’est aussi que nous nous stigmatisons nous-mêmes."

[NdLaRdR : les commentaires d’internautes qui suivent l’article sont particulièrement islamophobes. ]

Notes

[1Tariq Ali a consacré un article au tueur américain du Kandahar : The Not So Lone Gunman / Le tireur pas si solitaire, traduit dans La RdR (suivre le lien).

[2Montauban-Toulouse, le tout sur le tout : lire l’article du 24 mars 2012 par "morice" dans agoravox L’étrange relation entre Mohamed Merah et Bernard Squarcini. Cet article déconstruit parmi ses sources l’interview du plus haut fonctionnaire de la DCRI dans le journal Le Monde.

[3NdLRdR : Cette lettre ouverte accompagne en soutien la lettre qu’Elli Medeiros a envoyée à Jean-Luc Mélenchon le 20 mars, et que nous publions : ici.

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