Les funérariums se construisent en bordure des zones industrielles.
L’université adossée au multiplexe.
On se restaure sur le terre-plein des échangeurs.
La faillite des boutiques alimente les rayons discount.
Nos marges se réduisent.
Et du centre-ville j’emprunte la navette qui m’amène à la gare ferroviaire.
La pelouse du stade a poussé entre les barres de tours.
L’entreprise voisine entrepose ses engins mécaniques à l’abri d’un grillage.
Le parking est encore en chantier.
La brochure distribuée à la gare permet de s’y repérer.
Et on achète des légumes (vente directe) sur les débords de la nationale 7.
Arrêt bref.
Plus loin encore, des grossistes de jouets se rassemblent à l’endroit
Où le périphérique meurt.
Fabriquant d’utilitaires en émail dans sa baraque de tôle en rase campagne.
Espace déchargement des containers à l’arrière de la gare.
Et quelques gouttes de sang sur un téléobjectif.
Vision de jour, les graffeurs préfèrent les endroits isolés.
Vente aux particuliers, 500m à droite.
A proximité : tentative d’une culture sous serre.
Défense de s’approcher des bâches blanches sous peine de station d’épurage.
La signalétique annonce des directions contraires.
Il y a au Carrefour une information confuse.
Et un vendeur de caravanes beiges.
Et un marchand de merguez qui vidange l’huile de ses frites sur la route.
Un tunnel, ensuite, me dégage un peu d’air.
C’est dans un de ces blocs qu’on travaille.
Les pompes funèbres ne sont jamais bien loin, quand on y pense.
Toujours un vigile, souvent, le morceau d’un sac en plastique dans les branches.
Entre deux plaques de route, accrochés aux trottoirs défoncés.
Préparation des corps.
L’odeur de la fumée des incinérateurs se fait vite oublier.
Les premières familles accablées commencent à arriver dès le lever du jour.
Leurs voitures garées ne se distinguent en rien de celles
Des clients de la Halle aux Chaussures installée juste à côté.
Lundi, journée chargée, mise en conformité des canés du week-end ;
Retour de discothèque dans la nuit de samedi à dimanche
Soirée alcoolisée, les haleines sont chargées
Et la carrosserie tranchante au moment du freinage.
Au programme du jour : puzzle de femme
35 ans, couleur des yeux : blancs, conseil technique.
C’est souvent que je ressens cette idée qu’on est là où on doit.
Avec un peu d’élan, l’épiderme se déchire
Comme une feuille de papier au moment du contact.
C’est pour ça qu’on n’aime pas les grands accidentés.
On voudrait des conserves, nous aussi,
Et par palettes, pourquoi pas ?
Un outil sans équivoque, c’est bien ça.
Conditionner des denrées agro-industrielles
Conditionner des morts aux chairs glacées.
A la tangente des travers on pourrait faire
A la craie des repères sur les murs,
Les barrer tous les 5 macchabées
Et recommencer jusqu’à…
Quand le soleil s’est levé sur les câbles électriques
J’y ai cru et puis : un de moins ou un de plus, quelle différence ?
Du moment que le sérum déride suffisamment les patients.
***
Si la vie a perdu toute forme de répétitivité
Elle s’est aussi abstraite, comme les drogues,
En pilotage automatique -
La notion même de décision est devenue caduque
Pour ce qui m’occupe
S’en tenir au nécessaire est un luxe
Je consulte les messages qu’on me fait parvenir
M’exécute et qu’on ne m’en demande pas plus -
La fille du Calife a des exigences non-négociables ?
Qu’elle m’appelle
Sinon : pas moyen de savoir ce que contient cette tête
Si ce n’est quelques longueurs d’avance sur les cars de police
Stade de dépersonnalisation :
Quasi complète ma compagne me répète
Que je dois savoir… quoi ?
Quand j’ai le doigt sur la détente
Que je suis pire qu’une allumette
Je réponds déformation confessionnelle -
Pas plus mauvais parodie
Ni repérage plus net
Que le commun quotidien
De l’atmosphère ambiante -
Il paraît que les temps sont à la fête…
***
Comment peut-il faire aussi doux ?
Ma belle exécutrice,
Ils usent leurs machines à vouloir panser
Les blessures mortelles
Qui leur brûlent les chairs.
Maide,
Des nuits noires en boucle
Des capteurs à la lumière des phares.
Nous avançons seuls
Sans réflecteurs
Nous avançons, seuls, tous les deux,
Et nous sommes quelconques
Dans l’amène mollesse des couvre-feux
A vouloir mettre un couvercle
Sur la lave que nous sommes dans leurs yeux
Nous sommes un seul
Et les harangues publiques, haut-parleurs
Ne savent nous toucher
Nous sommes un champ magnétique
Des possibles en ombres portées
Sur la façade des buildings.