Desservie par la ligne des chemins de fer Abidjan-Niger qui relie Abidjan à Ouagadougou au Burkina Faso et dont l’exploitation est assurée par la Sitarail, Bouaké constitue un carrefour commercial. Pour le moment personne ne prend le train. Pas sûr me dit-on.
Le marché face à la gare routière est immense. Je remarque vite que les soldats des anciennes forces nouvelles ont gardé leur mauvaises habitudes. L’un deux est justement posté devant la gare routière et fait payer tout véhicule roulant qui entre ou sort. Sa AK 47 tenue de manière énergique permet d’ouvrir facilement tous les porte-monnaie.
On finit par trouver deux taxis pour nous enmener vers une autre gare routière, ou des Taxis Brousse partent en direction de Sakassou. Les Taxis Brousse sont des taxis collectifs. Huit à neuf passagers peuvent y prendre place (on est souvent deux devant à côté du chauffeur) et il ne part que lorsque toutes les places ont été vendues. En Côte d’Ivoire, les Taxis Brousse sont presque toujours des Peugeot 504 break blancs Nigeria, produites jusqu’en 2005 au Nigéria d’après mes sources.
Mais avant de prendre le taxi il faut négocier les prix avec le type du syndicat qui jauge nos bagages, nos habits et la couleur de nos peaux... Il commence a donner un prix double à la normale. 2000 francs par personne + 1000 par bagage.
Commence alors une longue transaction ou Aya est très à l’aise. Elle apprend vite que le type connait son père et à force de patience arrive à avoir un prix normal. 1000 francs par tête sauf pour les enfants qui ne prennent pas de place.
On quitte Bouaké par un autre corridor qu’à l’arrivée. Il est fermé par des personnes en tenue, se réclamant des éléments des Forces républicaines de Côte d’Ivoire (Frci). Ici on extorque de l’argent aux automobilistes sans se cacher. L’apprenti (le heune homme qui accompagne le conducteur) va directement vers le soldat et lui remet l’argent en main propre à la vue de tous. Apparemment les soldats ne sont pas payés. C’est leur manière à eux de se faire directement un salaire. Le premier ministre a eu beau fin juillet faire une descente médiatisée à Abidjan pour faire fermer ces barrages sauvages. A l’intérieur la situation est bien différente et les soldats habitués au racket depuis de nombreuses années ne sont pas prêts à arrêter.
Trois cents mètres plus loin, un autre soldat, seul avec sa kala et son cyclomoteur 103 SP a mis quelques branches par terre, mais la 504 ne s’arrête pas. Le soldat est déjà occupé à rançonner un pauvre à vélo. Le chauffeur en profite pour accélerer alors que l’homme en armes lève les mains. La merveilleuse Peugeot bondit dans la descente afin de pouvoir ensuite garder son élan dans la montée.
La route est maintenant calme et droite, en très bon état. Le paysage est superbe. Des femmes droites, magnifiques marchent au bord des routes, des paniers sur la tête. Des écolières habillées en bleu et blanc courent. Nous entrons doucement dans l’Afrique profonde.
Sakassou, est situé à environ 40 km de Bouaké. C’est la ville où la reine Abla Pokou a conduit le peuple baoulé du Ghana originel ... De fait, Sakassou est considérée comme la capitale de la chefferie baoulé. Juste à côté il y a une forêt sacrée ou personne ne rentre. La reine y aurait été enterrée.