L’écologie comme science, petit rappel
Le vocable, mis à toutes les sauces et tant galvaudé, a perdu son sens initial et didactique. Il n’est pas certain que tout un chacun sache, ou se souvienne, que l’écologie est une discipline scientifique et non idéologie soucieuse de l’environnement, pour la défense de la Nature, la protection des espèces, la veille des ressources naturelles, et encore moins un courant politique chargé de veiller sur la planète, de lutter contre les pollutions, le nucléaire, le réchauffement climatique, de revendiquer des valeurs sociales plus équitables, une justice économique, l’autonomie des peuples, un nouvel ordre du commerce… Il n’y a pas si longtemps, l’écologie comme slogan de manifestations revendicatives, voire label de produit commercialisé, pouvait surprendre l’écologue qui ne voyait guère le lien possible entre l’étude des relations entre une plante ou un animal et son habitat, et le mariage homosexuel ou la qualité prétendue d’un pavillon de banlieue ou d’une lessive biodégradable ! Le flou sémantique et les confusions épistémologiques résultant de diverses acceptions d’un même mot, sont parfois lourds de conséquence dans l’actuel contexte du savoir nivelé par le bas. Autrement dit et en musique : « Les mots que vous employez n’étant plus « les mots », mais une sorte de conduit à travers lequel les analphabètes se font bonne conscience », chantait Léo Ferré.
Science naturelle de base, l’écologie est l’étude des interactions entre les êtres vivants et leur milieu. Le terme procède du grec oïkos (maison, donc habitat) et logos (science). L’écologie étudie les conditions d’existence d’une espèce. Pour être plus précis, il s’agit d’un rapport triangulaire entre les sujets de l’espèce donnée, son activité et l’environnement de cette dernière. L’homme étant une espèce parmi d’autres, en interdépendance avec son cadre de vie, il existe évidemment une écologie humaine. La définition de cette notion reviendrait au biologiste allemand Ernst Haeckel, qui l’introduisit dès 1866. Dans la formulation actualisée en 1998 par l’écologue Christian Lévêque, l’écologie scientifique aurait désormais pour objet « les interrelations entre environnement, génétique, physiologie, toutes les sciences des milieux naturels, mais également les sciences sociales et économiques qui deviennent même dominantes si on associe la biodiversité à la question du développement durable. »
Le spécialiste en écologie est un écologue, tandis que le militant ou partisan de l’écologisme est un écologiste. Le statut du premier requiert des compétences universitaires, ou du moins un acquis autodidactique, alors que tout un chacun peut être écologiste du jour au lendemain, il s’agit seulement de passer de la version ego à celle éco de sa conscience. Science holistique, l’écologie s’intéresse aussi aux mutations du milieu, aux modifications qui incombent aux populations végétales et animales, depuis l’échelon local (comme la niche écologique) jusqu’au plus global du niveau de la biosphère (ou écosphère). À ce sujet, le terme de biosphère se décline lui aussi en divers sens. Chez Teilhard de Chardin, par exemple, cette notion est toute autre qu’écologique. Dans son acception naturaliste et comme système de la Terre, la notion de biosphère fut anticipée dès le siècle des Lumières par Buffon, Lamarck et quelques autres, puis créé en 1875 par un géologue, le Viennois Eduard Suess, avant de prendre son actuel sens écologique global dans une monographie scientifique du savant russe Vladimir Vernadsky en 1926. Le concept équivaut à la théorie de Gaïa, à la solidarité du Vivant (biomasse), comme à son autorégulation dynamique (homéostasie), partie intégrante de certaines religions « intelligentes et païennes » se réclamant du Cosmos.
Les disciplines écologiques emboîtées sont fort nombreuses. On peut citer : l’étude des écosystèmes (les communautés vivantes et leurs facteurs physiques) ; la démécologie (la dynamique des populations) ; la synécologie (la relation entre les espèces et leur milieu, la biocénose étant l’unité de référence) ; l’écoévolution ; l’écophysiologie ; l’écoéthologie ; l’écologie globale (à l’échelle de l’écosphère) ; ainsi que la biogéographie ; l’agroécologie ; l’écologie animale, celles végétale (phytoécologie), forestière, marine ; l’écologie appliquée ; l’écologie de la conservation ; l’écologie des sols ; l’écologie microbienne ; et bien sûrs les écologies humaine, urbaine et du paysage. D’innombrables domaines interdisciplinaires prennent désormais en compte les sciences écologiques, et c’est notamment le cas de l’économie et de la santé. La biosphère, les biomes respectifs, les unités écosystémiques avec leurs biotopes et leurs niches, la biodiversité sont pour l’écologue des notions prééminentes, tout comme les facteurs abiotiques (paramètres géographiques, climatologiques, géologiques), rétrocontrôlés par le Vivant.
L’écologisme comme idéologie
« L’écologie politique est la seule idée nouvelle depuis 1945. »Yves Frémion
Écologisme est un néologisme, un nouveau lemme (unité sémantique) qui procède du mot écologie. Sa synonymie courante avec ce dernier est déplacée. Le courant de pensée et ses attitudes ont donné naissance à autant de mots-valises pour les désigner explicitement, lesquels viennent compléter ceux d’essence scientifique et prioritairement issus du lemme écologie. Il s’agit de : écocitoyen, écoconscience, écogeste, écoguerrier, écogestion, écotest, écoemballage, éco-industrie, écologis (!) et tout ce qu’on voudra dans la même veine de l’éco-quelque chose. L’invention de nouveaux mots correspond à l’urgence que réclame notre besoin de gargarisme verbal, le mot bien trouvé ayant l’effet d’un cautère sur une jambe de bois. Nous inaugurons aussi le verbe écologiser (écologiser la fiscalité…), mais aussi comme évangéliser (écologiser la société, une nation, etc.).
On disait méchamment que l’écologie, celle des écologues, était une chose trop importante pour la confier aux écologistes. Les partis verts ne fédèrent pas des scientifiques écologues, nous nous en étions aperçus. Et tant mieux, le monde scientifique n’a jamais beaucoup brillé par ses engagements, à quelques exceptions faites qui en ont été d’autant plus notoires que surprenantes. Initialement idéologique, l’écologisme, est un courant politique devenu attitude citoyenne d’autant plus partagée que les menaces se concrétisent, que l’étau se referme. La tendance (fâcheuse) des groupes dits écologistes est de fédérer dans leurs rangs un maximum d’environnementalistes. Un environnementaliste écervelé se prend pour un écologiste. L’environnementalisme dite écologie périphérique est une écologie imparfaite, fœtale, mutilée, dangereuse, c’est la pensée égocentrique d’un humain nombril du monde et qui entend s’arroger une domination usurpée. C’est encore une position anthropocentriste héritée de la saga pernicieuse inspirée de la bible, du cartésianisme, des Lumières et du progrès. Mais le mot environnement peut néanmoins être employé pour désigner le milieu.
La conservation de la Nature n’est pas seulement une non-science. C’est au contraire un antidote contre les excès de celle-ci et de la technocratie, et surtout une contre-culture à la notion creuse de progrès, un contrepoison à la compétition économique et à la croissance débridée, facteurs d’un appauvrissement à long terme des ressources. Né comme contre-culture, l’écologisme s’est imposé en moins de cinquante ans parce que les craintes qu’elle dénonçait se sont, quasiment toutes vérifiées. Malheureusement. C’est ainsi que le chevelu excité et la végétarienne hystérique qui vociféraient dans les manifs et dont la salutaire initiative était gratifiée de coups de matraques, voient désormais leurs thèses pontifier dans un sévère ministère élyséen transversal. On aurait pu leur épargner les gardes à vue, les gloses désobligeantes et les humiliations. Comme d’autres pouvaient être malmenés quand ils perturbaient les visites officielles de dictateurs sanguinaires reçus en indécentes grandes pompes par l’Élysée, avant qu’ils ne soient perçus comme relevables du tribunal pénal international pour leurs crimes et leurs génocides. L’esprit précurseur et clairvoyant consistant à protéger cette Nature, vomi par les conservateurs et les libéraux, engendrera pourtant l’actuelle gestion durable, ou développement supportable (mais interminable !), discipline désormais prônée à contrecœur par la fourberie des mêmes gardiens du temple. Peu importe la part de sincérité de Jacques Chirac lisant les éco-discours de Nicolas Hulot, peu importe les arrière-pensées des candidats à la dernière présidentielle signant le pacte écologique du même Nicolas Hulot, toujours est-il que l’écologisme est sorti du ghetto et a inondé le débat. Aux gouvernants de ne pas se montrer ingrats envers les écolos qui s’en trouvent dépossédés (et c’est là leur amère victoire) et aux citoyens de veiller à ce que ces mêmes gouvernants en fasse bon usage en tenant les promesses. Et là, c’est autre chose.
Devenue adulte, cette écologie politique est un nouveau domaine multidisciplinaire qui, dans les coulisses, rassemble des compétences expertes aussi disparates que certaines sciences biologiques et sociales, alliées á l’économie politique et au droit. Strictement contestataire, réactive et ascientifique à la naissance, l’écologisme est maintenant rejoint par les chercheurs du secteur universitaire qui le dénigrait auparavant. Belle reconnaissance pour les militants bafoués de la première heure.
L’écologisme a donc grandi, a viré sa cuti, s’est assagi. Les écologistes se sont même tant empâtés et embourgeoisés qu’ils semblent prêts à se faire rouler dans la farine, à tomber dans le panneau de l’académisme à la petite semaine. C’est la fin d’un rêve, c’est peut-être le début d’un cauchemar. Hier encore, il faut bien avouer que la spontanéité militante frisait parfois le ridicule quand, dans la communion revendicative des manifs, on risquait de voir les BB-phoques côtoyer les adeptes de l’ange masqué de la guérilla, le sous-commandant Marcos. C’est qu’avant que la gauche ne devienne fan du néolibéralisme, en soutenant le passe-montagne, sa générosité du combat avait la commune mesure de l’antifourrure. Depuis, Ségolène Royal a loué les bourreaux d’animaux : « La corrida est un spectacle magnifique. Je comprends la passion de ceux qui s’enthousiasment pour cela. » Et c’est Sarkozy, ministre de l’Intérieur, qui répondra à Brigitte Bardot : « Comme vous, je souhaite que les animaux souffrent le moins possible lors de leur abattage. Comme vous, je souhaite que, dans toute la mesure du possible, l’étourdissement préalable soit généralisé. Je veux, maintenant, que les abattoirs hallal s’engagent, concrètement et rapidement, dans la voie d’une généralisation de l’étourdissement préalable. » Autres temps, autres mœurs politiques, nous n’avons plus de repères, nous sommes déroutés.
Hier, quand la bonne volonté tissait la fibre de gauche, on voyait s’intégrer aux écolos de tous poils, un bataillon bigarré d’altermondialistes, d’anciens combattants de Seattle et de Porto Alegre, des militants d’ATTAC, de Ni putes Ni soumises, des antinucléaires, de vieux babs du Larzac et du fromage de chèvre s’agrippant à la Confédération paysanne et à l’icône José Bové, des ennemis de la mondialisation néolibérale, de la malbouffe et des OGM, des anti-américanistes inconditionnels, des amis de Lula et des sans-terre brésiliens, des défenseurs de l’Amazonie et des ethnies amérindiennes, des sans-papiers, des transfuges d’Emmaüs, des Enfants de Don Quichotte, des végétariens, des pro-ours, des pro-loups, des associations de défense des animaux, notamment des antifourrure, des antivivisection, des anticorrida et les antigavage, des membres de Greenpeace contre le réchauffement ou contre telle marée noire, ce qui restait de tendance anar et d’indépendantistes de quelques Bretagne, Corse et ex-Occitanie réunies, certains arborant le kit guérillero du sub Marcos ou encore le keffieh d’Arafat, d’autres légitimement préoccupés par le destin du Tibet et en fusion spirituelle avec l’incontournable Dalaï Lama. À cet enthousiaste patchwork d’énergie du désespoir, à ce brouhaha sur fond de non-violence, s’intégraient artistes intermittents du spectacle et artisans largués par le système, Renaud et trois autres chanteurs ou acteurs engagés, ainsi que quelques sorcières du tarot et derviches tourneuses de Reclaiming, exécutant, dans la fumée des lacrymogènes, une danse en spirale aux transes devant lesquelles les policiers anti-émeutes restaient de marbre.
Nonobstant ces railleries communes, il n’en reste pas moins que l’écologisme apparaît comme la seule idée neuve depuis la dernière guerre.
L’amalgame : l’écologie et l’écologisme ne font plus qu’un
« La science moderne fait son entrée au pays mystérieux du paradoxe, y retrouvant certains partenaires, eux-mêmes paradoxaux, par rapport aux attentes d’un passé encore récent. (…) Cette saisie de convergence entre des discours apparemment étrangers l’un à l’autre (ex. le Tao de la physique) (…), cette acceptation du caractère polyphonique du Logos, cette ouverture inter-disciplinaire vertigineuse, tel me semble être le signe le plus sûr de tentatives pour approcher le « très complexe », la génération du « radicalement nouveau » et l’appréhension scientifique de l’événement. »
Roger Tessier
« En dehors de quelques vieux fossiles, qui, aujourd’hui, n’est pas écologiste ? »
Brendan Prendiville
« Nous pouvons certes penser que l’écologie est une partie de la biologie qui s’occupe des relations des êtres vivants les uns avec les autres et avec leur milieu. Mais je crois que la définition est beaucoup plus générale. L’écologie, avant d’être une science, est une manière de penser d’une manière globale, se trouvant à la confluence d’une série de disciplines qui débordent très largement du cadre de la biologie. Cette approche synthétique nous permettra de sortir de l’ornière et de faire preuve d’imagination, pour trouver des solutions plus originales que celles que nous préconisons encore. La prise de conscience est salutaire, mais insuffisante. Il faut que nous allions beaucoup plus loin et que nous remettions en question un certain nombre d’idées préconçues qui ont été les nôtres depuis fort longtemps, depuis le Néolithique pour certaines. »
Jean Dorst (Réflexions sur les rapports de l’homme et de la nature, conférence prononcée à Montréal en 1972).
Aujourd’hui, qu’il le veuille ou non, le scientifique qui s’adonne à l’écologie sensu stricto, fondamentale, prospective, descriptive fait aussi dans l’écologie sociétale et politique, c’est-à-dire dans l’écologisme prescriptif et militant. Toute étude botanique, zoologique, biocénotique, écosystémique, écoclimatique, biogéographique… produit un résultat immédiatement utilisable pour l’évaluation de l’état de la planète et la gestion adéquate. Aucune information du domaine n’est désormais restreinte au seul savoir, à une culture des sciences naturelles close aux champs esthétiques, éthiques, biologiques, taxinomiques ou biohistoriques, mais rebondit sur le nouveau souci conservatoire, ou ce qui devrait l’être. Voilà l’écologie cognitive, communicationnelle. C’est ainsi que sans écologie il n’y aurait pas eu d’écologisme, que l’écologisme est né de l’écologie pour répondre au stress des pénuries complexes et que l’écologisme des écologistes bruyants a remplacé l’écologie des écologues silencieux. L’écologie rebondit sur la citoyenneté, sur la solidarité, sur un désir de partage plus équitable des richesses par une économie qui devrait être distributive, sur les rapports Nord-Sud… D’une science, on est passé à une conscience.
Les dangers encourus pour la terminologie du mot originel n’ont pu être écartés, et aujourd’hui tout est écologique. Quand ce n’est pas biologique. Jouons le jeu. Il n’est même plus question de respecter le clivage écologie/écologisme sans être perçu comme timoré ou radical. La confusion est l’œuvre des écologistes, la culpabilité est celle des écologues qui furent impuissants à veiller au grain. La stupidité est dans la grotesque récupération marchande qui prouve bien que ce système se dévore de lui-même en absorbant tous types de critiques, de procès et de contre-pouvoirs.
« L’homme commande à la nature en lui obéissant », disait Francis Bacon. Ce précepte aurait pu guider notre modernité vers un poubellien moins envahissant et nous guider sur la voie raisonnable du recyclage dès l’avènement de l’ère industrielle et de ses déchets et pollutions. Encore fallait-il se dispenser de la fatale dichotomie entre le Vivant et le physique, et rester fidèle à la règle des interdépendances. C’était trop demander aux monothéistes de culture cartésienne, épris de progrès et de compétition, inaptes à subordonner leur développement à la mesure des ressources.
Quand j’entends le mot progrès, je brandis mon écologie. Quand la mouvance des courants incertains permet d’accrocher le délire de l’humanité aux évidences naturelles, la dérive synanthropique aux lois de la flottaison, on peut toujours tordre le cou au vocable écologie et en atteler le contresens à l’enfer manufacturier. C’est l’écologie industrielle, un sophisme historique qui peut faire accroire que la sidérurgie ou la centrale nucléaire sont des écosystèmes, qu’un parc industriel relève de la biodiversité technique et que la communauté de ses acteurs laborieux sont des entités synécologiques. Cette science affabulatoire confère ainsi aux produits utilisés par l’industrie un statut d’éléments naturels, étudiés en tant que tels, dans leurs interrelations et dans un rapport de connivence appropriée à la noosphère et à la biosphère. Comme dans les cycles naturels, rien ne se perd et le recyclage total des restes pourrait atteindre le déchet zéro. Les technologies associées à l’écologie industrielle s’inspirent des lois naturelles. Quoi de plus naturel et évolutif qu’une industrie qui ne serait plus polluante mais garante d’un développement viable dans une croissance pondérée, voire une décroissance plus spirituelle que matérielle. Cette utopie non-innocente, toute inspirée de la coévolution, se situe au carrefour illusoire du génie civil, de l’écologie, de la biologie, de la biogéographie et autres disciplines affines. Nous avons donc des voitures écologiques, des maisons écologiques, des vacances écologiques, des vêtements écologiques, de la nourriture écologique (plus rarement !), des serviettes hygiéniques écologiques, ad libitum… Tout ceci est évidemment très sérieux, contrôlé, vérifié, attesté par mille labels officiellement fantaisistes. En un mot et nous l’avons compris, on cherche à nous convaincre que des produits sont naturels, préservent notre santé et celle de la planète, que les prestations ne foulent pas du pied l’environnement humain et écosystémique. En fait, tout ce qui fut impossible aux producteurs et aux fabricants durant des décennies s’avère du domaine du faisable, par un simple coup de baguette… écologique. Le commerce équitable, l’écotourisme, sont venus à la rescousse pour donner une couche supplémentaire. La propagande a toujours fait des merveilles dans le domaine de la rouerie.
« Le fric va sauver l’environnement, l’écologie va devenir un marché juteux », prédisait Paul-Émile Victor. L’imposture verte qui emboîte le pas de l’écologisme est une question qui fâche. Si elle ne nous met pas en colère, c’est que nous n’y sommes pas suffisamment attentifs. De ses luttes gauchistes au vernis bourgeois très tendance, l’écoconscience peut devenir irritante, pédante, insupportable. Comme les dames patronnesses, les demoiselles de Deauville sont à l’œuvre. C’est émotionnel ! Une perle stupidement récupérée par l’UMP en avril 2007 sur un site électoral où Sarkozy prétendait réconcilier la croissance économique avec l’écologie, c’est-à-dire poursuivre un infini développement dans un monde fini, est de cet acabit : « Le cimentier italien Italcementi a élaboré un nouveau ciment routier capable de purifier l’atmosphère de ses gaz toxiques. Le procédé consiste à incorporer au ciment du dioxyde de titane qui, combiné au soleil, permettrait à la chaussée de décomposer l’oxyde d’azote libéré par les pots d’échappement et certains composés organiques volatiles. Le conseil général des Hauts-de-Seine pourrait s’intéresser à ce procédé qui a déjà permis une réduction de 50 % de la pollution de l’air en Italie ! ». On se souvient que Claude Goasguen, député UMP et l’un des porte-paroles de Nicolas Sarkozy, s’était fait piéger par les Yes Men, sur une vidéo du site web de Dailymotion, en confirmant la possibilité d’utiliser des Airbus 380 pour le transport de glaçons, fabriqués en divers points du globe, pour reformer la banquise du pôle Nord. Il faut quand même en traîner une couche ! Infoutue en la matière, l’équipe avait déjà tout pour plaire « écologiquement ».
On comprend bien ce que les politiques populistes et les marchands du temple veulent faire et veulent dire, mais le flou est jeté et l’écologie, la vraie, occultée. Mais peu importe l’étymologie si c’est au prix d’entorses vénielles ou ridicules que l’on pourra prendre l’ennemi à son propre piège et repousser les atteintes à notre vie future dans ses retranchements. Ce qu’il y a de grave dans le mensonge, c’est quand on finit par y croire. À l’opposé, ce qu’il y a de bien dans la démagogie, c’est quand elle finit par se prendre à son propre jeu. La malice initiale, une fois le dos au mur, ne peut continuer à faire semblant, elle doit finalement donner les preuves de ses dires et cesser la moquerie, le dédain et la tromperie.
Il en résulte que les États, les administrations, les entreprises se sont vus contraints à un meilleur respect du milieu, du biopatrimoine, à une nouvelle éthique prônant une qualité de vie rehaussée, y compris et surtout dans les villes. Les conventions internationales, les législations nationales et locales se dotent dans la foulée des textes idoines. Plus que jamais, les pollueurs seront les payeurs, et ils auront de moins en moins de crédit.
L’écologie devient farce électorale
« Quelle époque terrible que celle où des idiots dirigent des aveugles. »
William Shakespeare
« L’incrédulité est le premier pas vers la philosophie. »
Diderot
« L’écologie, tout le monde en parle mais nous savons tous ce que valent les promesses. »
Corinne Lepage
Sortie du ghetto militant, l’écologie devient soluble dans l’air politique. Écologie et économie se retrouvent dans un même combat. La seconde n’étant néanmoins pas encore et réellement subordonnée à la première, comme il se devrait, l’énorme erreur comportementale demeure et le mauvais chemin risque de se poursuivre. Mais, cette fois, vraiment en connaissance de cause. On disait d’abord qu’il y avait un mur, maintenant qu’on l’admet, on décide de foncer droit dedans, mais nuance, en limitant la vitesse ! Kamikaze et stupide, l’économie de marché !
Le 11 mai 1971, lors du message de Menton, 2 200 scientifiques de 23 pays se sont adressés à l’humanité pour la mettre en garde contre le « danger sans précédent » que fait courir à l’homme la civilisation industrielle. Aucun de nos dirigeants n’a entendu cet appel. « La politique n’appartient pas aux spécialistes. La politique vous appartient », haranguait René Dumont. Alors professeur à l’institut national agronomique de Paris-Grignon, il fut le premier candidat d’un mouvement écologique nommé « Pour une autre civilisation ». Il se présente aux élections présidentielles de mai 1974, soutenu par plus de cent associations écologiques. Chercheur de réputation mondiale, il possède à son actif plus de cent missions agronomiques dans soixante-dix-sept pays. Auteur d’une vingtaine d’ouvrages faisant autorité sur les problèmes du développement agricole, son programme avait pour leitmotiv : « Quelle Terre laisserons-nous à nos enfants ? », inquiétude qui en ces temps ne frôle que l’esprit des plus lucides. Il alerte l’opinion sur le fait qu’une croissance indéfinie est impossible, que nous n’avons qu’une seule Terre, qu’il faut ménager nos forêts et ne pas gaspiller le papier (sa campagne fut d’ailleurs quasiment vierge d’affiches et de tracts), que l’automobile est à utiliser parcimonieusement (« Chaque fois que vous prenez votre voiture pour le week-end, la France doit vendre un revolver à un pays pétrolier du tiers-monde », que nous devons notre expansion au pillage des pays en développement, que si Morlaix a été inondé durant l’hiver 1974, c’est que toutes les haies avaient été arasées lors du remembrement (crime écologique de l’époque), que c’est une regrettable erreur de faire disparaître chaque année 100 000 hectares de terres agricoles sous le béton, que la Tour Maine-Montparnasse consomme autant d’électricité qu’une ville de 25 000 habitants, que le jeu politique traditionnel et les structures bureaucratiques de la société occultent les vraies questions qui se posent à tous, mais qu’une civilisation du bonheur est néanmoins possible. Notons que dans ces années là, il n’y avait déjà plus de vie dans la mer Baltique et l’on pressentait la Méditerranée comme bientôt abiotique, que depuis trois ans le nombre de poissons pêchés diminuait en raison de la pollution, que des 100 000 baleines bleus de 1930 il n’en restait qu’à peine deux cents. En ces temps encore, les pêcheurs corses refusaient la pollution des boues rouges (la Montedison italienne rejetait quotidiennement 2 à 3 000 tonnes de déchets de bioxyde de titane et de vanadium quotidiens à une vingtaine de milles du cap Corse), les agriculteurs du Larzac s’opposaient à l’extension d’un camp militaire (Bové alors installé sur le Grand Causse participait à cet âpre combat), les Parisiens ne voulaient pas de la voie express rive gauche, et chaque semaine voyait la naissance d’une dizaine de nouvelles associations préoccupées à défendre la qualité et le cadre de vie. 4 milliards d’humains vivaient sur la planète, dont les trois quarts dans le dénuement, tandis que les pays riches se gorgeaient de la plupart des ressources mondiales allègrement pillées. Comme on peut en juger, rien n’a changé. Pourtant, nous en avons tant discouru, débattu, y compris électoralement ! Effectivement, à partir de cette date, les Terriens de France que l’on imagine animés d’une conscience universelle, seront désormais appelés à se prononcer, non seulement pour changer la France dans le bon sens, mais aussi l’Europe et le monde. Hélas, ils n’ont guère fait preuve de l’écoconscience globale espérée et, aux urnes, se sont toujours et encore laissés séduire par des candidats donnant à penser que les profits de quelques-uns valaient mieux que l’existence de tous et que le respect de notre planète. Au diable l’autarcie et la parcimonie, soyons ambitieux ! Alors, nous avons poursuivi le pillage, mais avec un blanc-seing ultra démocratique. Nous sommes indécrottables ! « L’utopie ou la mort », criait Dumont ! En guise d’arc-en-ciel, le paradigme écologique qu’il souhaitait élargir vient de finir écartelé par le micro fascisme du schème sarkozyste. L’utopie est recyclée dans la gestion fourbement durable, l’utopie est avec Mai 68, rangée au rayon de la honte.
33 ans d’élections vertes en France
1974
René Dumont, premier candidat écologiste de l’histoire de France, obtient 1,3 % des voix à l’élection présidentielle. 336 016 Français lucides se sont prononcés pour la planète.
1977
Les listes écologiques dépassent les 5 % aux municipales.
1978
Écologie 78 présente des candidates et des candidats dans 168 des 490 circonscriptions, et obtient une moyenne de 4,4 % (mais sans député en raison du système majoritaire).
1979
Europe Écologie reçoit la confiance de 890 722 voix (4,5 %). Le seuil minimum fixé des 5 % pour l’obtention des députés n’étant pas atteint, les frais de campagne ne sont pas remboursés et le mouvement écologiste est ruiné.
1981
Brice Lalonde (Aujourd’hui l’Écologie) est crédité de 1 118 232 voix (3,8 %).
1983
Des listes vertes se présentent dans une centaine de villes et obtiennent 5,4 % des voix aux municipales, avec 300 élu(e)s écologistes.
1984
Création du mouvement Les Verts qui se présente aux européennes et réunit 3,4 %.
1985
Les candidats verts franchissent la barre des 5 % aux cantonales, dont 14 % en Alsace. Avec les verts pour l’écologie obtient 2,44 % de moyenne aux législatives, 3,38 % aux régionales et trois élus : Didier Anger en Basse-Normandie, Andrée Buchmann et Antoine Waechter en Alsace.
1988
Antoine Waechter réunit 3,8 % des voix à l’élection présidentielle. 1 146 000 écocitoyens se sont prononcés. Les médias et les instituts de sondage n’en reviennent pas. Aux cantonales, 340 candidats verts obtiennent 6,8 % et trois d’entre eux accèdent au second tour.
1989
Forte poussée des candidats verts aux municipales. C’est la quatrième force politique, avec 8,1 % dans les villes de plus de 9 000 habitants, soit 1 369 élus. Même succès majeur aux européennes avec 1 919 797 voix, soit 10,67 % des suffrages à l’intention des verts Europe écologie (neuf élus). Au Parlement européen, le groupe vert compte alors 28 députés, une vice-présidente du Parlement et un président de commission).
1992
Aux cantonales, les verts présentent ou soutiennent 1 400 candidats, dont 40 % d’entre eux sont crédités de 10 % des suffrages, mais un seul est élu au second tour. Aux régionales, 3,5 millions de bulletins de vote portent la mention « écologie » (14 % des suffrages). Les verts et Génération écologie réunis obtiennent 100 conseillers régionaux. Marie-Christine Blandin est élue présidente de la région Nord-Pas-de-Calais.
1994
Union des écologistes pour l’Europe ne recueille plus que 2,95 % des voix, conséquence de la mésentente entre écologistes, il n’y a plus de verts français au Parlement européen
1995
Dominique Voynet obtient 3,32 % à l’élection présidentielle. Aux municipales qui suivent, les verts présentent 160 listes autonomes qui obtiennent 6,5 %.
1997
Aux législatives, les listes de la gauche plurielle procurent 8 sièges aux verts.
1998
Les verts obtiennent 74 élus aux régionales, 10 aux cantonales.
1999
Avec 9,7 % des voix, la liste conduite aux européennes par Daniel Cohn-Bendit obtient 9 sièges.
2001
Au premier tour des municipales, les listes autonomes vertes remportent en moyenne 11,2 % des suffrages. 40 maires écologistes sont élus.
2002
Avec Noël Mamère aux présidentielles, les verts franchissent la barre des 5 %. Aux législatives, 1 152 067 voix écolos s’expriment (4,46 %).
2004
Les listes vertes obtiennent 175 élus aux régionales, 11 aux Cantonales, 6 aux européennes (7,2 % de suffrages).
2007
À l’occasion des présidentielles, Nicolas Hulot fait œuvre légitime en proposant son pacte écologique aux candidats. C’est ainsi que tous les partis qui ont signé sont écologiquement impliqués. Le revers de la médaille est que la mouvance écologiste est dépossédée du sujet, qui plus est divisée et atteste d’un score lamentable. Le candidat écologiquement le plus mal noté devient président, ce qui est aussi un désaveu pour la cause. Il s’engage néanmoins et crée, c’est une première (malicieuse), un ministère d’État de l’Écologie, du Développement et de l’Aménagement durables (Medad) et un Grenelle de l’environnement. Et non de l’écologie, restons anthropocentristes, gardons la planète pour nous !
2009
En perspective des Européennes, on assiste à un reformatage des partis prônant la crise écologique comme étendard de ralliement. Ils se fondent en deux principaux mouvements : Europe-Écologie et l’Alliance écologiste indépendante.
Daniel Cohn-Bendit, quittant l’Allemagne pour la France, anime avec véhémence le rassemblement Europe-Écologie et prône la croissance parce que c’est électoralement correct, mais sachant bien que nous n’avons aucun avenir sans effort de décroissance. Europe-Écologie fait l’impasse électoraliste sur la consommation de viande, pourtant aspect essentiel de l’enjeu écologique. Notamment parce qu’il faut 7 kilogrammes de céréales et 10 000 litres d’eau douce pour produire un seul kilogramme de bœuf. Le bétail européen mange autant de céréales que les populations de l’Inde et de la Chine réunies. Cohn-Bendit partage la vedette avec l’altermondialiste José Bové dont les louables combats sont à relativiser par les agapes charcutières et l’apologie du Roquefort capitaliste dont l’exportation engendre un pastoralisme ovin exacerbé qui pèse très lourd dans la déconstruction des écosystèmes régionaux et dans la désertification induite. Ces deux icônes sont rejointes par d’autres têtes de liste : Yannick Jadot, ex-directeur des campagnes Greenpeace, l’ex-magistrate anti-corruption Éva Joly et des proches de Nicolas Hulot comme Jean-Paul Besset. Le presque radical Yves Cochet, qui prône la décroissance démographique, soutient Europe-Écologie.
L’artiste pluridisciplinaire, citoyen du monde libertaire, Francis Lalanne reprend le flambeau waechterien de L’Alliance écologiste indépendante. Souvenons-nous qu’avec 10,8 % pour les Verts aux Européennes de 1989, Antoine Waechter faisait le meilleur score jamais atteint par un parti écologiste. Co-auteur de quatre enfants à l’avenir planétaire incertain, l’idéaliste Lalanne oublie aussi que son maître, le valeureux Ferré, lui chantait à l’oreille « Ils ont voté, et puis après ? ». La présence de Jean-Marc Governatori (Le France en action), transfuge de la grande distribution, cofondateur de la Ligue nationale contre la drogue (pas de joint Francis ?) et auteur d’ouvrages d’une rare portée écosophique (comme J’ai trouvé 4 emplois en 2 jours ou Doubler son pouvoir d’achat c’est possible) ne gêne pas davantage que ne gênerait Michel-Édouard Leclerc depuis qu’il installa le solaire sur ses parkings d’avenir. C’est la vie. L’Alliance écologiste indépendante prend son courage à deux mains en faisant le plaidoyer d’un certain végétarisme et en inscrivant la cause animale dans ses soucis.
Rendez-vous le 7 juin pour évaluer les cuites électorales de ces candidats plus ou moins inspirés.
Joli Grenelle
« Le monde est aux mains de stratèges
Costume noir, cravate beige
Ou turban blanc comme la neige
Qui joue de bien drôles de jeux. »
Francis Cabrel, le chêne-liège
La France mytho ? Faisons-nous l’avocat du diable écologique.
« La mythomanie est une tendance au mensonge pouvant aller jusqu’à altérer durablement la vie sociale. Il a été observé que le mythomane ment souvent parce qu’il craint la réaction (de dévalorisation, par exemple) qu’entraînerait l’aveu de la réalité.
Cette pathologie entraîne un handicap social important dans les cas où le malade procède à des altérations mineures et crédibles de la réalité. L’aveu étant souvent ou presque toujours accompagné de réactions négatives de l’entourage, la mythomanie tend à s’auto-entretenir.
Contrairement au menteur, le mythomane n’est pas totalement conscient de son mensonge (Tartarin « ne ment pas ; il se trompe », écrit Daudet). »
(Selon Wikipédia)
Le 25 octobre 2007, après quatre mois de réunions et de débats entre syndicats, patronat, collectivités locales, écologistes et représentants des pouvoirs publics, agitation doublée d’une communication hyperbolique, le Landerneau de l’écologie annonce la couleur : rien ! Mais que s’est-il passé pour qu’on en parle autant ? Toujours rien, sinon la sempiternelle poudre aux yeux et aux lucarnes médiatiques lancée à l’écocitoyen par une bourgeoisie néoconservatrice qui n’est pas prête de raccrocher. Mais c’est tout de même un cran au-dessus du négationnisme écologique de certains autres : à force de se draper dans les habits de la vertu environnementale, les imposteurs rendent à leur façon hommage à leurs adversaires idéologiques. À ceux dissidents qu’ils invectivaient hier encore en les traitant d’idéalistes, de demeurés, d’excités, d’intégristes, de gauchistes, de traîne-savates, de nostalgiques, d’ennemis du progrès, de faux-prophètes. Voici ces derniers devenus de respectables interlocuteurs, légitimés, intégrés, honorés, bien assis et admis sous les ors élyséens, avec un fil à la patte et l’innocuité inoculée. La plupart ont subi ipso facto une mutation : ils sont devenus chevaux de Troie des maîtres du monde. On ne pouvait meilleure action antalgique pour faire des gueux, objecteurs de croissance qui encore hier hurlaient au viol de la planète, des sujets écologiquement corrects et fédérés par un néolibéralisme repeint de vert novateur. Et les ONG sont enfin caressées dans le sens du poil, leurs pontifes sont flattés. Ce fut un beau tour de passe-passe pour plaire à une galerie angoissée par l’avenir planétaire, sans renoncer le moins du monde à la règle des intérêts de bout en bout, sans lâcher les fidèles partenaires de l’impérialisme énergétique, semencier, phytosanitaire et agroalimentaire. Le contre-Grenelle, préalablement organisé le 6 octobre à Lyon par les adeptes de la décroissance et sous la houlette de Paul Ariès, n’y fera rien. L’excellence des discours qu’on a pu y entendre, évidemment trop peu repris par les médias conventionnels, ne saura avoir la moindre emprise sur la monumentale éco-imposture élyséenne, dont l’écologie compassionnelle est si séduisante pour la beaufitude ambiante et bornée. Stéphane Lhomme, porte-parole du réseau Sortir du nucléaire a assimilé le Grenelle officiel à une négociation avec les pollueurs : « Est-ce qu’on demande aux pompiers de négocier avec les pyromanes pour leur demander d’allumer un peu moins de feu l’été prochain ? ».
Les écologistes ont ainsi été détroussés à leur insu, le système dominant s’est accaparé le discours sans y croire un instant. Obtenir ce consensus d’une société a priori peu portée au souci écologique est une très bonne chose, mais faire croire à des solutions miracles qui de toute évidence en resteront à leur effet d’annonce, qui plus est désamorcer l’inquiétude en installant dans les esprits citoyens l’option grotesque d’une garantie d’économie désormais positive, est grave parce que mensonger. « Réparer la planète » ? Il faut vraiment vouloir désinformer pour faire un titre de cette assertion hasardeuse. Quand on sait dans quel état elle se trouve, la pauvre planète. Bien sûr, c’est porteur, c’est vendeur. Comme il est difficile d’avoir du succès quand on n’est pas démagogue ! Et puis la modeste France n’est pas la planète. Si tant est que de louables actions soient entreprises – et il faut les entreprendre – elles ne seraient qu’à un cautère bleu-blanc-rouge sur une jambe de bois planétaire. Réinvestir nos trois jachères de Lozère en cultures biologiques ne pèsera pas lourd dans la balance face au Brésil qui défriche pour faire de l’agrocarburant (objectif national pour 2010 : 240 millions d’hectolitres), nous ne nourrirons pas ainsi ceux qui fuient le Sahel desséché, et une écopastille bien sympathique n’est pas un défi à une Chine qui s’éveille dans la plus faramineuse et mortifère des pollutions. Des réponses fausses et rassurantes ont été données à des questions vraies. À partir de maintenant, l’écologisme franchouillard, encadré et désinfecté de ses agitateurs, accompagnera la destruction des restes.
Ce 25 octobre restera la date de l’écologie biaisée, de la capitulation d’une éco-conscience presque naissante, véritable « Munich de l’écologie » (Paul Arès sic). Jusqu’à plus ample informé, le capitalisme (même le mot a pris un coup de vieux !), pourfendeur de la Nature, est tenu par des intérêts plus forts que les propos et les envolées des quelques hurluberlus et autres végétariens antinucléaires. Les fossoyeurs du Vivant demeurent les gardiens cruels de tous les lobbies de la mort et de la prévarication. Lorsque la société de la frime, des discours trompeurs et des mots trahis, disserte sur la biodiversité et la sauvegarde de la planète, les lucides, les inquiets et les victimes, roulés dans la farine, n’ont plus rien à espérer de concret. Ce grand déballage qui promettait vingt mesures exemplaires a accouché de mesurettes symboliques mais le succès est énorme. L’opinion publique se souviendra que les néoconservateurs parlent écologie. Définitivement. Grenelle n’aura pas été qu’un confetti. Il a désamorcé pour toujours en France toute velléité noble, sincère et légitime, cette voix insoumise, insurgée, criée par les sans-culottes et qui, quoi qu’on en pense et dise, faisait l’opinion publique républicaine. L’écologie humaine est muselée. Le roitelet est un tacticien de haut vol, merci à ceux qui l’ont choisi. Forçant de tous ses vœux électoraux à une liquidation de l’héritage de Mai 68 qui, selon lui, mit à bas les valeurs, il puise à la louche dans le dit héritage pour s’en accaparer l’idée d’une verte révolution. Il n’y a pas davantage esprit 68 que les accords sociaux de Grenelle et l’idée d’une planète écologiquement solidaire. Simultanément, un transfuge du socialisme nommé Attali, prince du micro crédit à taux usurier pour perdants du Sud, économiste aux pieds nus cautionnant sans pudeur ses velléités bancaires de la marque de Gandhi que le saint homme aurait voué aux gémonies, a tenté de dénoncer le principe de précaution en l’accusant de handicap au développement. Se rendant compte qu’il n’y a pas de durable sans précaution, le banquier écrivain au grand cœur fit volte-face. 2007 aura été un bon cru pour l’espoir vaincu.
Six groupes de travail (climat, biodiversité, gouvernance, santé environnement, agriculture, promotion de modes de développement écologiques) ont planché sous la houlette de Jean-Louis Borloo, exalté environnemental comme en atteste son parcours (!) et de Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d’État à l’Écologie, brillante polytechnicienne issue d’une grande famille politique française descendant (avant le ministère de l’Identité nationale) du patriote polonais Tadeusz Kosciusko et mariée à un proche collaborateur du leader de l’aéronautique EADS du groupe Lagardère (second sujet d’actualité de l’époque parallèlement au Grenelle…). Un millier de propositions ont été avancées au cours des discussions, lesquelles suggestions, passées au crible, ont débouché sur quelques plans d’action dont l’application sera mesurable dans le temps
Cette OPA des affairistes sur l’écologie qui prétend avoir lancé un signal était un évident marché de dupes aux ficelles flagrantes. C’est dès les années 1960 que l’alarme fut lancée, mais étouffée par ces mêmes gens. La synthèse du Grenelle et de ses 276 propositions ne fut que laconismes en veux-tu, en voilà : la taxe carbone reste à l’étude et en discussions ; la fiscalité environnementale est bottée en touche puisqu’il faut l’imposer à l’Europe ; le bras de fer sur les produits pesticidaires se conclut par un bémol quant à en baisser de moitié l’emploi dans les dix ans à venir ; le gel temporaire et un bref moratoire sur les OGM n’est qu’une initiative française qui ne mange pas de pain puisque contraire à la décision européenne, avec à la clé un non-renoncement aux « OGM de l’avenir » ; un plan Marshall au double langage sert d’alibi au problème des transports (énergies et moteurs du futur) ; la politique prioritaire des transports en commun, tout comme le basculement du routier vers le ferroviaire et le ferroutage des camions restent des incantations (tous d’accord pour des livraisons en deux semaines au lieu de 24 h chrono, même les hypermarchés ?!) ; une écopastille, taxe sur les véhicules polluants, « est en bonne voie » pour substituer à une réduction de 10 km/h sur routes, effort écarté par les Français finalement pressés (d’en finir !) ; une rénovation du parc immobilier sur un modèle écologique n’a pas les moyens du coût (estimé à 600 milliards d’euros dont nous n’avons pas le premier) ; et quid de la biodiversité : trois options gadgets. Une loi sur les mesures annoncées serait présentée au Parlement dans les mois qui suivent. Ce qui n’a pas été mis au rancard, comme le nucléaire et pour cause puisque nous sommes au lendemain d’avoir refourgué nos centrales à la Libye ennemie et au Maroc ami, n’est que trop insuffisamment contraignant pour oser espérer inverser les tendances. Où est la révolution verte annoncée, où est le nouveau choix pour une société plus contraignante et coercitive, moins basée sur la spoliation ? Dans un coup fourré de consensus mous, de leurres, de volte-face, de mille reports aux calendes grecques ! Des flous, des promesses, et après ? Le Grenelle de l’environnement fut surtout le grand couac de l’écologie. Et le capitalisme pur et dur s’évertue à devenir durable, n’en déplaise à la flagrante contradiction des genres. Tout le monde semble pourtant avoir salué l’aboutissement du Grenelle de l’environnement, victoire comme l’ont clamé les médias à la botte de l’illusoire. Victoire, cela en est une pour les adeptes des compromis mous, des ambiguïtés, des reports, des moratoires flasques. Des débats constructifs, des discussions satisfaisantes mais des accords implicites et sans calendrier, un clin d’œil de bio dans les cantines et pas mal de pirouettes, c’est au mieux le vrai bilan. Mais ce n’est pas une victoire pour ceux qui pensent qu’il y a urgence planétaire. « Pour sauver la planète, c’est maintenant ou jamais », a même proclamé le même jour l’ONU, organisme convenu et pourtant ici discordant. C’est officiellement urgent depuis 1987 et le rapport Brundtland, encore davantage depuis 2006 et le rapport Stern. Mais vingt ans après, maintenant c’est encore demain. Vingt ans déjà, que cela passe vite vingt ans. Fin du feu de paille, reste à en faire voter les cendres.
De juin à octobre 2007, le Grenelle de l’environnement aura donc réuni autour d’une même table État, ONG, syndicats, patrons et agriculteurs, exercice inédit de démocratie participative. Électrisée par une crise financière que certains enthousiastes interprètent comme le début de la fin du néolibéralisme, la loi Grenelle 1 est emballée et votée au pas de charge par les députés le 17 octobre 2008. Déjà en recul par rapport au Grenelle, le projet de loi aura ainsi été arbitré sans que les acteurs n’aient jamais été consultés. Sans grande consistance, les textes ne révèlent pas la moindre révolution franco-franchouillarde d’écologie durable. Selon Greenpeace : « Le traitement de dossiers comme la contribution climat/énergie et le schéma national des infrastructures de transport n’a toujours pas débuté, alors que des projets autoroutiers continuent d’être mis en œuvre. La décision unilatérale de construire un 2e réacteur nucléaire EPR est une trahison totale de la feuille de route énergétique du Grenelle, qui faisait de l’efficacité et des renouvelables les deux priorités absolues ».Voilà un extrait de ce qu’en dira Libération du 18 octobre : « Après huit jours d’examen à vitesse réduite et vingt-quatre heures à grande vitesse, le texte, sans être chamboulé, a connu un certains nombres de modifications et de précisions. « Toutes dans le sens d’une amélioration, se réjouissait Jean-Louis Borloo, lyrique, à l’issue des débats. Il n’y avait aucun clivage. » Un enthousiasme que modère le Vert Yves Cochet, pour qui il y a « au moins cinq ou six points qui ont été rabotés » par rapport au Grenelle, citant notamment la question des normes thermiques. Parmi la cinquantaine d’articles adoptés, on trouve quelques grands principes. Ainsi, l’inversion de la charge de la preuve donne désormais un avantage à la biodiversité : c’est à une infrastructure nouvelle (route, bâtiment...) de faire la preuve qu’elle ne nuit pas à une espèce ou un milieu. De plus, le principe de la compensation de la perte de biodiversité a été consacré : quand un projet porte atteinte à un espace naturel ou à une espèce, « une compensation visant à rétablir les effectifs des espèces ou variétés menacées (…) sera rendue obligatoire ». Une « petite révolution » selon l’association France Nature Environnement ». Plus que jamais, les mots prononcés par Nicolas Sarkozy le 25 octobre 2007, en clôture du Grenelle, sont évocateurs des troubles schizophréniques qui agitent les esprits au pouvoir, à moins qu’il ne s’agisse que d’un simple délit de cynisme politique : « La France ne peut pas espérer que son appel sera entendu si elle ne s’impose pas à elle-même l’exigence la plus forte. Comment devenir un exemple, si on n’est pas capable de s’appliquer à soi les règles que l’on voudrait voir retenues par les autres ? ».
La fratrie écolo
Tandis que l’immense majorité des Terriens se conduisent comme des …, une frange extrême est à la recherche d’une nouvelle culture plus appropriée, pour l’honneur du geste, et sans nul doute finir en beauté.
Le biocentrisme
Les environnementalistes, écologistes périphériques et inachevés, souhaitent préserver la Nature pour le confort de leur petit cadre de vie. Certes, le mieux ne doit jamais être l’ennemi du bien mais il y a peu à attendre de ce côté-là. Le biocentrisme propose la véritable et globale révolution des mentalités en intégrant communauté humaine et communauté non humaine du Vivant. C’est une révolution identitaire qui prône la réconciliation de l’être humain avec tous les êtres sensibles, une attitude qui refuse toute discrimination : raciste, ethnique, religieuse, sexiste mais aussi celle à l’égard des animaux. C’est la non discrimination la plus emblématique de l’écologie.
Quand on sait l’état d’esprit de nos concitoyens, un biocentrisme apte à changer tout pourrait recevoir 0,001 % des voix aux élections. À condition d’attendre 2050 et une meilleure maturité !
L’écologie radicale
« La chimie, la physique et la science de l’écologie ne reconnaissent que le changement, pas le changement évalué. »
Arne Naess
Arne Naess, Aldo Leopold et John Baird Callicot furent les initiateurs écocentristes de ce qu’on nomme la deep ecology, l’écologisme activiste, profond et radical, particulièrement actif aux États-Unis et en Allemagne. L’idéologie s’appuie sur le fait que la disparition de la vie sauvage entraînera celle de la vie humaine, que la Nature doit donc être défendue pour elle-même, et pas seulement sur un concept anthropocentriste. L’animal fou (l’humain) ayant installé un rapport de force, une loi de la jungle au détriment des autres espèces, du milieu et des ressources, il doit donc être contré dans son entreprise destructrice. En vertu de ce qu’on sait de l’évidence des interdépendances mais aussi de la position amorphe de l’humanité à l’égard de ce problème qui confine pourtant à son autodestruction, l’écologie radicale semble être dans le droit chemin. D’ailleurs, le plus grand nombre de ses actions, initialement réactives et subversives, finissent par être entendues et reprises, tant par l’écologie molle que par l’élite économique qui pourtant, chaque fois, commence par lancer les chiens à ses trousses. Même Sarkozy, qui reçu le contenu de plusieurs camions de maïs transgénique devant le siège de son parti lors des dernières présidentielles, convia Greenpeace à la party organisée dès son avènement dans les bureaux de son faux ministre de l’Écologie. Certains voient dans ce type d’écologisme révolutionnaire, comme dans l’attitude radicale des antivivisectionnistes, une simple et pure opposition à l’Occident, un fondamentalisme écolo illustré de méthodes fortes, voire un antihumanisme au grand écart (reprise d’idées nazies d’une pureté perdue et/ou totalitarisme vert de l’extrême gauche). C’est une lisibilité inversée des intentions déclarées de l’écologie virulente. Ce qu’il advient, c’est que des initiatives étiquetées écoterroristes (il ne faut pas grand-chose pour être terroriste dans l’empire frileux du politiquement correct !), comme celles de Greenpeace, perturbent la vie pantouflarde, la consommation tranquille de la cité endormie. Le citoyen moyen préfère qu’on lui joue du pipeau autiste et du violon tautologique, préfère se laisser confortablement bercer par les sempiternels effets d’annonces et recettes écolos de bonne maman. L’illusoire plait parce qu’il ne réveille pas et, généralement, nous souffrons tous d’un somnambulisme écologique qui fait le bonheur des agresseurs de notre biosphère. Nous n’avons d’ouïe que pour les spéculations vides et les promesses fallacieuses. Il faut lire Ecology, community and lifestyle (traduit en anglais en 1989) du philosophe Arne Naess. Ce n’est évidemment pas la tasse de thé de nos gentils écolos français ni de nos scientifiques réductionnistes, et c’est encore moins du goût de notre classe politique, frappée d’un incurable analphabétisme écologique. Par leur recours à la vérité vraie, et non pas à la sacro-sainte vérité rêvée par ceux qui habitent l’anthropie et que l’anthropie habite, biocentrisme, écocentrisme, altermondialisme et autres tendances radicales n’ont pas l’heur de plaire aux citoyens pépères. Des gens aussi brillants que Paul Ariès, Yves Cochet, Antoine Waechter ou Gérard Charollois (liste non exhaustive !), en savent quelque chose. Hulot ça passe, davantage ça casse ! Pour séduire, il faut mettre de l’eau dans son vin bio et passer sous silence tout ce qui peut décoiffer. La décroissance et la dénatalité sont, par exemple, d’immenses tabous pour le commun des mortels. L’apologie du végétarisme est une contrainte qui va à contre-culture chez les anthropocentristes. L’éloge de la lenteur ou de l’autarcie va à contre-courant avec les canons arrivistes. Aborder, juste avant la pénurie, le thème d’une légitime dictature verte, d’une société coercitive, plus contraignante, serait pousser le bouchon bien trop loin. Surfer sur ces philosophies, c’est donc jouer les esprits chagrin, les pisse-vinaigre et ne pas faire recette. Sauver la Terre, oui, mais sans contrarier l’éco-badaud, en ne faisant que semblant, avec des ersatz de solutions. Comme il est difficile de se mobiliser contre la gratifiante recette de l’actuelle mascarade française, savamment dosée d’éco-marie-chantalisme (Chantal Jouanno succède à Nathalie Kosciusko-Morizet dans les minauderies de la jungle élyséenne) et d’éco-beaufitude (Jean-Louis Borloo), ou de réveiller les esprits bercés tant par l’éco-espérance et l’éco-bonne conscience du geste désuet d’une éco-tartuferie qui prétend ainsi sauver en douceur une planète moribonde ! C’est comme si on voulait dissuader les gens d’avaler les énormités d’un éco-l’oréalisme au nom d’une ville de bout du monde ou de se laver la tête avec un shampoing aux parfums des îles et aux extraits de mangue, ou encore de mordre à des pubs d’un quelconque Club Med subitement repeint aux couleurs de l’éco-tourisme ! Etc. Éco, éco, éco… L’éco doit faire écho pour être entendu, et le rapport de forces du blanchiment vert de la colonisation des esprits est ce qu’il est, c’est-à-dire terrifiant. Si nous sommes dans les temps, ce qui est moins que probable, la sauvegarde de notre planète passe par une remise en cause profonde du système et une révolution intellectuelle des habitants privilégiés des pays nantis. Le plus urgent n’est rien d’autre que le renoncement au productivisme et, par conséquent, la réduction drastique des sphères d’influence laissées au capitalisme. Après la dictature du prolétariat puis celle du capitalisme, une dictature verte pourrait poindre le bout de son nez, si possible avant que l’éco-terrorisme ne vienne remettre la pendule Terre à l’heure. Les parkings des hypermarchés Leclerc recouverts de panneaux solaires, en voilà un geste ! Mais ce sont les hypermarchés et les bagnoles qu’il faut supprimer ! L’écologisme à destination d’une société du spectacle, sponsorisé par les multinationales et confiée à de sympathiques animateurs avant tout soucieux de l’affectivité du citoyen-téléspectateur, ne peut donc qu’avoir un effet zéro puisque le ver capitaliste est dans le fruit bio.
Un jour viendra peut-être où nous reconnaîtrons que la société est aussi une réalité naturelle et où nous inscrirons la sociobiologie dans les livres d’apprentissage du petit singe humain. Notre vision du monde est illusoire, c’est pourquoi nous cherchons à diaboliser l’écologisme radical avec force préjugés. L’écologie profonde dérange l’inertie et le ronron de ceux qui confondent la protection de Gaïa avec le département jardinage de chez Leroy-Merlin. Si vous croyez que l’on va arrêter le massacre perpétré par les baleiniers ou l’appropriation des semenciers en les caressant dans le sens du poil !
L’écosophie
D’eco qui renvoie à oïkos (maison) et sophia signifiant savoir, sagesse. Cette sagesse de l’habitat ouvre un horizon pragmatique sur les usages sociaux et équivaut à la constitution par chacun de son cadre de vie. Dans la perspective écosophique, l’homme ne couronne pas le Vivant mais s’inscrit dans l’écosphère comme une simple partie du tout. Il ne s’agit plus de sauvegarder l’être, mais d’engendrer des milieux vivables et vivants, de promouvoir un ensemble de plateaux, un système en rhizome, selon l’expression de Guattari. Arne Naess, du courant d’écologie profonde, en inventa le mot, et la notion fut développée par le philosophe Félix Guattari (in Les Trois écologies).
Voilà bien un concept qui passe par-dessus la tête du quidam électeur d’un président dont les renforts intellectuels de campagne furent de la trempe de Mireille Matthieu et de Doc Gynéco, pour citer les plus ésotériques de la cour.
L’écoféminisme
L’écoféminisme est une philosophie née de l’union des pensées écologiste et féministe, le comportement de domination responsable du saccage environnemental ou de la relégation des animaux étant de même inspiration que celui qui opprime les femmes. Les écoféministes préconisent un mode de vie matriarcale dans de modestes écovillages. Dès 1949, un tel message est déjà subliminal entre les lignes du Deuxième sexe de Simone de Beauvoir, mère spirituelle de toute philosophie féministe.
Dans les années 1970, des villageoises indiennes, inspirées par Mahatma Gandhi, avaient fondé le mouvement Chipko, soulèvement de protestation contre la déforestation. Au Maroc, les 800 000 hectares d’arganeraie de la vallée du Sous est un écosystème dont la responsabilité écologique est assurée par les femmes, l’arganier est l’arbre des femmes et la production de l’huile d’argan est assurée par des coopératives de femmes. Ce sont deux exemples d’un écoféminisme avant la lettre.