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La nuit se déroule en nous
encercle la pensée
lui donne la paix du constrictor.
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Le feu prend tout son poids
ainsi s’explique l’orage infime de sa cime
et lorsque je parviens à me poser sur le fil d’Isis
je le contemple de mon vide,
toujours à portée de poing
à portée de rose.
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Pour l’abandon
ne fais confiance à personne
il te faut te déserter toi-même.
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Nous avons atteint
les strates les plus enfouies de la parole,
les grandes amours souterraines.
Notre peau de vieillard est plus lisse que la soie
mais dès qu’un mal nous touche
l’étoile à cinq branches revient herser nos chairs.
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J’épingle ta chrysalide
sur le bourgeon vide de la matière.
Je rêve de toi
tu es le dormeur et le fruit
tu ne perçois le monde que par tes cils et ton sourire.
Une lumière trace ses sillons sous ta peau,
elle révèle l’envers de ton soleil.
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Je n’utilise pour le combat que des armes creuses :
la fièvre, l’écho.
Pour garder sur les doigts les empreintes du ciel
Je saisis en son vol le bombyx par les ailes.
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Comme si la mort venait parfois uniquement
pour prendre notre mesure
les quatre éléments
unis dans l’accomplissement de l’ovale.
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La cicatrice pariétale
la même, découverte à Lascaux
et sur le front de ce garçon
retrouvé
respiration éteinte dans la froideur de l’aube
et sans cesse ce balancier au creux de mon ventre qui répète :
“cette œuvre est celle d’un enfant
cette œuvre est celle d’un enfant.”
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Elle inocule notre sommeil
dans la chair mouvante du temps
la minuscule errante
qui se souvient si bien de nous.
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Je mords le vide
le membre absent
n’adhère ici que le sang marqué de l’entaille—
c’est le flux impur
qui engage la rotation
le monde ne se met à l’œuvre
que dans nos veines les plus basses
et pour que nul ne le fuie
on a noué un drame à chacune de ses extrémités.
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Je laisse entre nous autant de distance
qu’il y en a d’étoile à étoile,
je pulvérise un brouillard de salive sur toute la planète
mais rien n’y fait
tu ne lâches pas un seul de mes neurones
tu serres mes cordes vocales dans ta main
tu me retournes comme une carte à jouer.
L’éclipse d’un seul doigt
entraîne autant de bouleversements que celle d’un astre.
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Je t’ai construit dans la promesse
toi
qui porte ta couronne au centre de ton œil.
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Ici un homme, sans cesse, se remémore
tous les noms des vivants
dès qu’il en oublie un
un autre homme, plus haut situé sur le versant,
l’accueille en sa mémoire
ainsi, toujours, quelqu’un veille en amont.
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Nous traversons les corps dans leur longueur—
mais certains prennent le monde d’épaule à épaule
d’iliaque à iliaque.
Les plus pervers usent de la diagonale,
voire de quelques médianes plus dissimulées encore.
Dieu, lui s’est extrait du jeu de la ligne
il se fixe en notre centre
et veille à notre giration.
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Je viens d’isoler une nouvelle substance,
la matière va, une fois encore,
se diviser dans notre pensée—
Nous pouvons recommencer le travail.
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J’ai senti
les deux grands à-coups
du recul de la nuit
j’ai dû prendre l’enfer,
quelques milliers de volts,
sur l’ongle.
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La réelle abstraction
doit te donner des ecchymoses.
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Je bois la substance pure
je me maintiens à la racine
je gèle des songes mille fois plus fins
que des capillaires sanguins
— c’est au lieu le plus étroit de la torsion
qu’apparaît la formule la plus juste—
En moi se meuvent des enfants
qui verront le jour en d’autres galaxies.