La Revue des Ressources

Katanga 

samedi 8 septembre 2012, par Irène Sinou, Lucie Mazalaigue

Madame.

Sous votre statue coule la pierre. De ce sixième continent ignoré où flottent en rythme vos ainés, vous ne m’écrirez pas.
Je lis pourtant si bien la femme sous l’étoffe, la nourrice et la mer privée de ses ressacs, et cette Afrique polaire qui remonte sans cesse, à qui sait recevoir les noires vibrations. Je prierai mes enfants qui jouent sur le périph d’aller voir de plus près vos fiers hiéroglyphes, d’approcher un peu plus votre regard métal pour savoir lire enfin les pensées végétales.
Je vois pourtant si bien la femme statufiée, aux lèvres solitaires que personne n’épouse, et les enfants qui tètent ce soleil cramé aux rayons solidaires ultra, ultras violets. Y en aura pour tout le monde de ce soleil là, il court sous vos paupières comme un cheval fou, glissant entre vos veines sans jamais perdre haleine.

Je n’ose deviner où se plantent vos yeux, quelle colonne sidérale vous hisse de bas en haut, si votre chronologie s’étale sur l’horizon avec au bout du bout les couleurs du noir qui dansent, superflues, et écrivent en silence un testament muet.

J’enverrai mes enfants aux yeux couleur de neige se coucher sous vos pierres se lover sur l’étoffe, apporter du ciel gris dans vos verts paradis. Et si jamais le ciel vous découvre tout à fait, et ranime la transe, les flammes qui s’agitent, nous serons tous ensemble les zombies de demain.

Lucie Mazalaigue

P.-S.

Come to my house
ou les petits papiers de Katanga

Suite à un désaccord entre le gouvernement ougandais et le chef de la tribu des Buganda, le marécage de Katanga a été oublié des autorités.
Depuis une trentaine d’années, des migrants arrivent de tout le pays et aménagent cette zone « vide » au coeur de la ville. Aujourd’hui des échoppes, des bars, des églises, des salles de gym, des pompes funèbres, et des vidéoclubs y ont trouvé leur place.
En 2010 Arthur Kisitu me propose de l’accompagner dans le projet documentaire qu’il souhaite consacrer à ce quartier. Je rencontre alors un groupe de femmes qui vendent de gros sacs d’épluchures sur le bord de la route. Ce travail est leur principale source de revenu qui leur permet de subvenir aux besoins de leur famille, nombreuse, qu’elles élèvent seules.
Confrontant mes appréhensions devant une photographie blanche en Afrique, je décide de dresser les portraits d’Oliva, Robinah, Topista, Elizabeth, Betty et Sara. Elles m’ouvrent les portes de leur intimité, je me charge de raconter leur histoire. Du souhait de travailler sur la dignité, je chute sur la réalité de leur quotidien. D’une image conceptuelle, je glisse sur un clivage culturel, décadre mon sujet et esquisse dans l’obscurité.

Irène Sinou

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