Je regarde ma mère, elle veut mourir, ma mère veut mourir, "pour ça"
semble-t-elle me dire. Elle souffre. C’est à cause de moi qu’elle endure encore.
Que puis-je pour elle ? Ma belle, la seule joie que j’ai, le seul être qui ne me
veut que du bien. J’ai peur de la mort, l’horreur va m’arriver, elle est seule
disponible jour et nuit pour moi. Je ne veux pas vivre sans elle.
Ma mère dans son lit, souffrante, plus petite que je la connais, une vie de rien
du tout, comme toutes les vies, tellement frêle, parce qu’elle n’est presque rien,
sait-on si elle est tout entière ici, on est si fragiles, des riens, c’est si
peu. Recroquevillée dans son lit, elle est la vie, souffrante, elle est ce peu
de chose et un miracle, on dirait que ça se fait par hasard, c’est rien, un
événement insignifiant qui aurait pu ne pas se produire.
Je regarde ma mère, elle est dépourvue de mauvaises pensées, je ne sais pas la
réconforter, je ne veux pas ; ça me fait mal parce que je pense qu’elle va me
quitter, pas parce qu’elle souffre. Dans son quotidien, elle souffre, dans son
quotidien elle souffre, ses yeux expriment la souffrance, "c’est pas une vie",
elle dit. Elle ne sera plus que poussière.