As-tu vu la pluie ?

Une pluie de jour.

Une pluie de nuit.

Une pluie venue de nulle part et qui ne va nulle part.

Une pluie en rêve
La nuit n’appartient pas aux insomniaques.
Une pluie haletante
La nuit appartient aux plaisirs.

Une pluie entre nous
Les morts
sont derrière la porte fermée.

Une pluie sur les yeux fermés
jusqu’à la venue des oiseaux
et le retour de la lumière.

Une pluie sur les mains dansantes
de ceux qui ont perdu la voix.

Une pluie dans la poitrine
de ceux qui pleurent sans un bruit.

Une pluie impuissante
devant le silence de la pierre.
Une pluie enceinte
depuis que l’homme a perdu la joie de la naissance.

Une pluie sur les marches d’un temple
reclus, abandonné depuis longtemps
A présent voué aux ténèbres et au vent.
Les pèlerins avancent péniblement
dans un murmure de prières.

Une pluie sur le fleuve en furie
dans le district Yen Minh le 19 juillet 2004
Le cyclone a emporté 48 vies
les pleurs ont sombré dans le coeur de la terre.

Une pluie décolorée sur le terrain vague
du camp de réfugiés de Kasab
Un enfant noir ouvre grands ses yeux
et expire dans les bras de sa mère émaciée.

Une pluie nue
sur les champs brûlés, sur les collines, sur les forêts dévastées.
Des animaux sans abris.
Des vies pourchassées.

Une pluie sur une page blanche
où la friction des mots étincelle.
Dès lors la poésie est l’éloge du feu
Et le poète le porteur de flamme dans le coeur des hommes.