Médecin de campagne pendant deux ans dans sa ville natale de Kiev, il eut une passion précoce pour la littérature et le théâtre auxquels il se consacra dès 1920 avant de s’établir à Moscou où le journalisme lui procura sa subsistance. Abordant plusieurs genres à la fois, c’est par le théâtre qu’il se fit d’abord connaître sur des sujets épineux qui lui valurent les attaques de la critique prolétarienne, notamment pour Les Jours de Tourbine (1926, adapt. de son roman La Garde blanche), jusqu’à ce que toutes ses pièces fussent retirées de l’affiche en 1929.
Une intervention de Staline lui permit néanmoins d’obtenir, à bout de ressources, un emploi permanent au Théâtre d’art – sans qu’on puisse en déduire qu’il fût son protégé. En dépit de son constant insuccès pour se faire jouer et éditer, Boulgakov écrivit sans relâche – notamment sur Molière dont il fit une biographie, une adaptation et une traduction. Mais La Cabale des dévôts lui valut encore une désillusion puisqu’elle fut retirée après quelques représentations en 1936. Sur quoi il quitta le Théâtre d’art pour le Bolchoï où il composa plusieurs livrets d’opéra. Mais c’est à un roman, Le Maître et Marguerite, qu’il consacra les dernières années de sa vie marquées par une longue et pénible maladie.
Après la mort de Staline et le dégel consécutif, l’œuvre de Boulgakov fut redécouverte et jouit d’un grand succès dans son pays. Influencée par celle de Gogol, l’œuvre de Boulgakov est réaliste, satirique et fantastique. La Garde blanche appartient à la première tendance, roman largement autobiographique qui raconte le sort d’une famille d’intellectuels russes partisans des Blancs, à Kiev, à la fin de 1918. Ses écrits satiriques brocardent surtout la bureaucratie et la vie quotidienne après la révolution ; la perpétuation des vices humains malgré la promesse révolutionnaire de l’avènement d’un homme nouveau, motif de satire, débouche pourtant sur la veine fantastique, comme les récits Les Œufs fatidiques ou Cœur de chien qui s’aventure dans le champ de la science-fiction philosophique.
Son œuvre maîtresse, Le Maître et Marguerite, peut faire figure de synthèse des diverses tendances de l’œuvre entière. Les trois sujets qui s’y imbriquent – le destin d’un écrivain rejeté par la société soviétique ; l’intrusion du diable à Moscou dans les années trente et la passion du Christ – permirent à Boulgakov de faire pleinement la preuve de son talent d’observateur et de conteur plein d’humour et d’imagination, moderne sans être expérimental et qui sut aborder les problèmes du totalitarisme sans sacrifier le plaisir du lecteur.
(d’après l’article de l’Encyclopaedia Universalis écrit par Yves Hamant, 1996, pp. 427-428)