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Palestine 2014 / Discours de Nurit Peled au Parlement Européen le 11-09-2014 

vendredi 19 septembre 2014, par Nurit Peled-Elhanan, RD (traductrice UJFP)

[ À l’école de Gaza (août-septembre 2014) éditorial et sommaire des articles liés ⇐ ]


Parlement Européen. 11 septembre 2014
Sous-commission des Droits de l’Homme

Session spéciale sur les enfants de Gaza.

Nurit Peled-Elhanan, Prix Sakharov 2001 [1]


Merci madame la présidente et les membres du comité des droits humains de m’avoir invitée à cette session extraordinaire sur Gaza aujourd’hui. Je suis très triste de ne pas voir ici quelqu’un de la Bande de Gaza qui pourrait témoigner au sujet des pogroms qu’ils ont vécus. Bien que je ne sois pas de la Bande de Gaza et que, moi-même, je ne puisse même pas entrer dans la Bande de Gaza, j’ai vu des enfants de Gaza blessés qui seront toujours un rappel inoubliable des atrocités infligées à ces personnes par mon gouvernement et par l’armée soutenue par mes impôts pendant les deux mois écoulés et les 14 années qui ont précédé. Je crois que le choix d’avoir cette session à la date du 11 septembre n’est pas un hasard. Les Américains ont réussi, dans leur talent pour la mise en scène et la publicité à faire de cette journée le symbole du mal dans notre monde. Mais aujourd’hui, rappelons-nous que Gaza a subi 52 onze septembre dans les deux derniers mois, et bien d’autres avant. Est-ce que quelqu’un se souvient du jour où l’holocauste de Gaza a commencé, ou a atteint son apogée ? J’en doute. Les Palestiniens n’ont pas les moyens des Américains et des Israéliens pour faire connaître et célébrer leurs souffrances ainsi que pour faire oublier leurs crimes. Et c’est pour cela que je sentais que je devais venir ici et dire ce que je peux en leur nom. Je voudrais avec votre permission, dédier mes paroles aux grands-mères et aux grands-pères de Gaza que j’ai rencontrés à l’hôpital Makassed, et à l’hôpital Saint-Joseph de Jérusalem, pendant le traitement de leurs petits-enfants mutilés, blessés et paraplégiques, qui m’ont surprise par leur courage, leur dignité, leur persévérance et la façon courtoise dont ils m’ont reçue, moi, leur ennemie.

Je suis linguiste et donc très consciente de la puissance des mots. Je sais que je viens de dire holocauste. Et c’en est un. Ce qui s’est passé à Gaza dans les 12 dernières années, et qui a atteint son apogée pendant le Ramadan de cet été n’est rien moins qu’un holocauste. Pas une opération. Pas une guerre mais une destruction délibérée d’une société vivante. Une guerre, c’est entre deux États avec deux armées qui s’affrontent, mais quand un État puissant déclare que sa doctrine est de considérer toute une nation comme son ennemi et envoie son armée agir avec sa toute-puissance contre les civils de cette nation, en utilisant une sorte de logique mafieuse qui dit que vous pouvez tuer les femmes et les enfants et les personnes âgées afin de donner un avertissement à leurs dirigeants et de leur rappeler qui est le patron, ou avec un message tout aussi horrible que la vie de ses propres soldats vaut plus que la vie des bébés de l’ennemi — et cela avec l’encouragement des chefs spirituels, des chefs religieux et des politiques — vous ne croiriez pas mesdames et messieurs combien de voitures en Israël affichaient cet autocollant « la vie de nos soldats vaut plus que la vie des civils ennemis » ; quand l’armée applique tous les moyens possibles à la destruction constante de tout un pays et de sa population, ce n’est pas une guerre mais un holocauste défini dans les dictionnaires comme « une destruction totale impliquant une perte de vie, en particulier à travers le feu ». Je crois que les 13 membres de ce Parlement qui ont visité Gaza récemment et en sont venus à la recommandation de rompre toutes relations avec Israël ont eu la même impression.

Il est très regrettable que nous ne puissions pas effacer le mot holocauste de nos dictionnaires avec les souvenirs de l’Allemagne nazie et ses collaborateurs. Mais la vérité est que nous avons trop de formes d’holocauste aujourd’hui à travers le monde dans lesquels des États forts avec d’énormes armées asservissent les personnes les plus faibles à une vie de tortures et de pertes sans fin.

Dans l’assaut sur Gaza qui vient de s’achever, comme dans les précédents, l’armée israélienne visait la zone la plus peuplée au monde avec les armes les plus féroces, souvent illégales, qui exterminent des familles entières, causent un maximum de dommages localisés, et non minimum de dommages collatéraux comme la propagande israélienne l’annonce, en utilisant des armes qui coupent les enfants en morceaux ou les brûlent complètement.

Le résultat de l’attaque est plus de 2000 morts dont 600 sont des personnes âgées et des enfants et 200 femmes et plus de 20 000 personnes handicapées, aveugles, paraplégiques, et beaucoup plus de lésions cérébrales ou des brûlés à 100% ; du personnel des médias et des professeurs d’université, les ambulanciers et des médecins ont été assassinés, 50 000 maisons, 200 écoles, plus de 200 mosquées, 17 hôpitaux et centres de réadaptation détruits délibérément, laissant plus de 600 000 personnes dans le dénuement sans maison et sans moyens de subsistance, et 1,8 millions de personnes — l’ensemble de la population de la bande de Gaza — avec pratiquement pas d’infrastructures d’électricité, d’eau et d’eaux usées, pour ne pas mentionner les fournitures médicales, la nourriture ou la liberté, simplement parce qu’ils appartiennent à un groupe racial, religieux ou culturel. Ce n’est pas une guerre. C’est un sociocide — la destruction de toute une société, — c’est un ethnocide — la destruction d’un groupe ethnique entier — et pour les Palestiniens, c’est un holocauste. Donc, jusqu’à ce que quelqu’un arrive avec un meilleur terme qui s’adapte exactement à ces atrocités tel est le terme que je suggère que nous utilisions avec toutes ses connotations de racisme, et de cruauté et en prime l’indifférence du monde.

Nous savons que depuis des années la vie à Gaza a été pire que le pire ghetto, et que l’assainissement dans la Bande de Gaza est périlleux. Gaza a été sans un système d’égout ou d’électricité ou d’eau potable depuis plus de cinq ans maintenant parce qu’Israël a détruit ses centrales d’électricité et ne les laisse pas être reconstruites, en dépit de ses déclarations.

Permettez-moi de vous renvoyer à un excellent site israélien appelé Access qui publie chaque semaine les allées et venues vers et en provenance de Gaza, les restrictions sur les produits importés et exportés, contre la désinformation que vous obtenez de la propagande israélienne. Je crois que vous avez tous vu les photos de l’hiver dernier dans lequel les habitants de Gaza ont dû naviguer dans leurs rues qui étaient devenues des rivières d’eaux usées, portant leurs enfants à l’école sur leurs épaules, et allant au travail ou au marché en pataugeant dans des eaux usées, sales, contaminées et boueuses qui leur montaient jusqu’aux genoux ou à la taille. Ces conditions entraînent toutes les sortes possibles de maladies, d’épidémies et de pénuries.

Dans le raid 2008-2009 et dans cette dernière attaque impitoyable, où les médecins palestiniens et internationaux ont affirmé qu’elle était la plus vicieuse et la plus violente qu’ils aient jamais vue dans l’histoire de l’agression israélienne contre la Bande de Gaza, médecins et experts ont révélé l’utilisation d’armes inconnues jusqu’à présent. Les soldats qui sortent de Gaza disent que c’est un laboratoire pour toutes sortes d’armes mortelles. J’ai vu des enfants et des adultes pleins de trous et blessures sans éclats dans leur corps. Une famille entière sans jambes, des bébés brûlés, une fille dont les yeux ont été effacés. Les enfants et les adultes qui ne sont plus que des morceaux de chair sans vie, avec des épines cassées et les cerveaux brûlés. J’ai vu une femme dont la jambe a explosé et un jeune homme dont les organes internes ont éclaté. Avant de venir ici, j’ai parlé avec le Dr Haitham Al Hassan — président du département de chirurgie générale à l’hôpital Makassed, et un spécialiste de la chirurgie vasculaire qui s’est porté volontaire pour traiter les patients dans la Bande de Gaza pendant une semaine. Le docteur Haitham suppose, tout comme le docteur Mads Gilbert et le docteur Erik Fosse, qui ont traité les blessés dans la Bande de Gaza au cours du raid Israélien de 2008-2009 et, cette fois encore, que les blessures inhabituelles ont été causées par une arme, dont ils ont spéculé que c’étaient des DIME, bombes qui sont interdites dans les zones surpeuplées.Toutefois, a-t-il dit, les bombes et leur contenu auront probablement disparu dans le sable au moment où la communauté internationale obtiendra la permission des auteurs de l’agression d’envoyer ses comités et des observateurs pour faire une enquête et les rechercher. Malheureusement, les blessures ne guériront pas aussi vite. Beaucoup de survivants, disent les médecins, peuvent difficilement être guéris en raison des multiples infections causées par des bactéries qui sont résistantes aux antibiotiques, et la ruine de leur système immunitaire. L’hôpital Makkased que j’ai visité dépense autour d’un demi-million de dollars chaque mois juste pour les médicaments, dans leur tentative de soigner ces personnes. Pas de doute que ce soit une entreprise rentable pour certains.

L’année dernière, j’étais ici pour le 25e anniversaire du prix Sakharov. Nous avons eu une semaine très intense pendant laquelle nous avons entendu tous les comités et sous-comités pour les droits humains et les droits des enfants, des experts en droit international et les juges de la Cour internationale de justice. Mais chaque fois que j’ai mentionné Israël et la Palestine, la réponse a été : « C’est un cas particulier ». En effet, c’en est un, mesdames et messieurs et la question est pourquoi ? Pourquoi faut-il que, dans d’autres cas, les criminels de guerre soient traînés devant les tribunaux et que les victimes soient invitées à témoigner, alors que dans ce cas, les victimes sont constamment blâmées pour leur propre misère et les auteurs bénéficient d’une totale impunité ? Pourquoi, au lieu de punir les criminels de guerre qui règnent sur Israël et la Palestine comme des gangsters qu’ils sont en contrevenant à toutes les lois et conventions internationales — en rasant des quartiers entiers et en tuant les femmes et les enfants des commandants de leurs ennemis, en infligeant une punition collective à des millions de personnes par pure vengeance, — les États de l’Union européenne font-ils tout ce qu’ils peuvent pour empêcher les victimes de porter plainte contre les bourreaux ? Pourquoi, au lieu de se demander quel genre d’éducation raciste transforme de belles filles juives et des garçons juifs en meurtriers en uniformes sans scrupules, le Parlement européen supervise-t-il, contrôle-t-il et censure-t-il le système éducatif des victimes, sans même jeter un coup d’œil dans celui des agresseurs.

Permettez-moi de vous dire puisque c’est le domaine de mon expertise, que les enfants Israéliens sont éduqués dans le racisme le plus fondamental et le plus violent, dont les meilleurs élèves sévissent maintenant dans nos rues, multipliant le harcèlement, et les coups et jusqu’à brûler vif un garçon palestinien, incités par des rabbins qui les encouragent, des ministres et des membres de la Knesset. Ce racisme est le terrain sur lequel les soldats et les pilotes se sont mis à croire que des enfants palestiniens ne sont pas des êtres humains comme nous, mais un problème qui doit être éliminé. Mais cela ne semble pas intéresser la communauté internationale. Pourquoi faut-il qu’au lieu de soutenir les opprimés avec des moyens de subsistance et de la protection, au lieu de se battre pour leur liberté et leurs droits fondamentaux le monde occidental éclairé continue à armer leurs occupants, à prendre leurs oppresseurs de plus en plus comme partenaires et après chaque massacre, accentue la mise à niveau de leur statut dans l’Union européenne qui fait entrer leurs représentants au sein des comités comme celui-ci — si ce n’est pas du cynisme alors qu’est-ce que c’est ???

Les gens disent toujours que le monde, ce qui signifie l’Ouest, n’a pas appris la leçon de l’Holocauste ni du 11 septembre pour cette question. La leçon aurait dû être plus jamais, nulle part, plus personne. Mais il me semble que le monde a appris une autre leçon importante. Il a appris qu’on peut bien commettre un génocide et s’en tirer tant qu’on assassine et qu’on extermine ceux auxquels le monde ne s’intéresse pas. Quand les victimes sont des Palestiniens les auteurs s’en tirent et le monde est silencieux. La piètre excuse utilisée par l’Ouest et en particulier par l’Europe pour ne pas interférer, pour ne pas discipliner l’expansion sauvage d’Israël, pour ne pas exiger la fin de son système d’apartheid et son manque de respect pour le droit international, est que les Européens ne veulent pas être appelés antisémites. C’est une piètre excuse parce que nous savons tous que chaque pays en Europe profite de l’occupation israélienne de la Palestine. Chacun d’entre eux. Cependant, je ne veux pas parler à des politiciens et des hommes d’affaires, ils n’entendent pas ma langue. Je voudrais convaincre les gens de conscience qui croient vraiment que en dénonçant les crimes israéliens contre les Palestiniens, ils feront du mal aux Juifs, une fois de plus. Je vais dire deux choses à ces gens. D’abord, il n’y a rien de juif dans la conduite raciste et cruelle d’Israël envers les Palestiniens et la critiquer, ce n’est pas être antisémite, au contraire. Les penseurs juifs les plus illustres dénoncent ou ont dénoncé en permanence la domination impitoyable israélienne de la Palestine. Albert Einstein a été l’un d’entre eux. Hanna Arendt une autre. Et Stéphane Hessel en était un autre. Et beaucoup de rabbins éminents et d’érudits juifs sont dans ce camp aujourd’hui.

La deuxième chose est la suivante : Mesdames et Messieurs, vous ne pouvez plus vous permettre d’utiliser cette excuse lorsque les enfants sont massacrés, on ne peut pas se permettre de se soucier de comment les gens vous appellent quand un holocauste fait rage.

Tout comme je ne peux pas me permettre d’avoir peur des gens qui me traitent de traître pour avoir défendu les opprimés, bien que beaucoup plus de gens soient morts pour avoir été appelés traîtres que pour avoir été appelés antisémite. En fait, personne n’est jamais mort pour avoir été appelé antisémite ou même pour avoir été un antisémite, mais des enfants et leurs parents et leurs grands-parents sont en train de mourir pendant que je parle, car ils sont appelés Palestiniens, pas pour une autre raison, tout comme les Juifs ont été exterminés simplement parce qu’ils ont été appelés Juifs. Et l’Europe qui avait tourné le dos aux Juifs alors, tourne le dos aux Palestiniens aujourd’hui.

Mesdames et Messieurs, vous m’avez donné le prix le plus prestigieux de cette institution, le prix Sakharov. Mon co-lauréat était le regretté écrivain palestinien, le professeur Izzat Gazawi, dont le fils a été assassiné par des soldats israéliens dans son école, qui a passé des années en prison sans savoir pourquoi et dont la voix et la vie ont été éteints par la brutalité de l’occupation israélienne. Je pense qu’il est de mon devoir de justifier le prix et honorer sa mémoire en élevant la voix pour ceux dont la voix est réduite agressivement au silence par des soldats brutaux ou ne compte pas devant un tribunal, soit en Israël soit ici. En tant que lauréate du Prix Sakharov, le vôtre, je vous demande à mon tour d’être cohérents avec ses principes, sans exception.

N’oublions pas que le siège de Gaza n’a pas été levé, Israël a déjà violé le cessez le feu en brûlant des bateaux de pêcheurs et en tuant une fillette de 5 ans et 3 garçons en Cisjordanie, que la colonisation de la Palestine s’accroît à un niveau sans précédent, que des enfants de 5,6,7 ans sont enlevés par des soldats chaque jour et chaque nuit, sont incarcérés et interrogés cruellement sans voir leurs parents ou un avocat — en ce moment, il y a environ 200 enfants dans les prisons israéliennes — traités comme des criminels par le régime raciste et criminel de la plus longue occupation de notre temps.

Par conséquent, je crois que nous devrions tous nous demander aujourd’hui dans quel genre de monde allons nous vivre après l’holocauste de Gaza ? Quel genre de personnes vont grandir sur ses cendres, et quel genre de personnes vont leur répondre de l’autre côté du mur. Est-ce que c’est ça que nous voulons tous pour cette belle et ancienne région ? Pour le berceau de la civilisation ?

Je place la responsabilité de répondre à cette question entre vos mains.

Permettez-moi de terminer ce discours en paraphrasant quelques lignes d’un poème de Victor Hugo dans la mémoire de la nuit du 4 Août [2] :

Premiers ministres, présidents et généraux, Il leur convient d’avoir des chevaux des valets de l’argent pour le jeu, leur table et leur alcôve leurs chasses... C’est pour cela qu’il faut que les vieilles grands-mères De leurs pauvres doigts gris que fait trembler le temps Cousent dans le linceul des enfants de sept ans.

Merci.

Nurit Peled-Elhanan

Traduction RD


Remerciements : Union Juive Française pour la Paix, publié le 17 septembre 2014 (suivre le lien sous le nom de l’organisation). Source sous CC — partage dans les mêmes conditions non transposé. [ Seules les notes explicatives par conséquent qui n’affectent pas le corps propre du texte, sont ajoutées par La RdR.]

P.-S.

Le portrait en logo est une photo de l’auteur par Claude Truong-Ngoc (travail personnel) publiée par lui-même sous CC dans commons.wikimedia : Nurit Peled-Elhanan au Parlement européen de Strasbourg le 20 novembre 2013 à l’occasion du 25me anniversaire du Prix Sakharov.

Notes

[1NdLaRdR : « Le prix Sakharov pour la liberté de penser (aussi appelé « prix Sakharov pour la liberté de pensée » et « prix Sakharov pour la liberté de l’esprit »), nommé en l’honneur du scientifique et dissident soviétique Andrei Sakharov, fut créé en 1988 par le Parlement européen pour honorer les personnes ou les organisations qui ont consacré leur existence à la défense des droits de l’homme et des libertés.
Le prix Sakharov est remis par le président du Parlement européen en session plénière du Parlement, chaque année le ou vers le 10 décembre, en commémoration du 10 décembre 1948, date de signature de la Déclaration universelle des droits de l’homme des Nations unies. » (voir la suite, dont les honorables récipiendaires, dans fr.wikipédia). La brochure du Prix Sakharov dans le site Europa (pdf).

[2NdLaRdR : Paraphrase d’un fragment de la dernière strophe du poème de Victor Hugo, Souvenir de la nuit du 4, extrait de son recueil Les châtiments. Dans ce poème il s’agit de la répression terrible de la nuit du 4 décembre 1851 à Paris durant laquelle il y eut entre 300 et 400 morts dont des enfants, suite au coup d’État du 2 décembre 1851 par lequel, en violation de la légitimité constitutionnelle lui interdisant de se représenter, Louis-Napoléon Bonaparte, président de la République française s’installa une seconde fois au pouvoir en devançant les élections pour les prescrire. Parmi les manifestants Victor Hugo fit lui-même la toilette mortuaire d’un des enfants victimes. C’est à la suite de ces événements qu’il fut exilé et alla vivre à Guernesey.

Dans le discours de Nurit Peled la paraphrase du poème mentionne le 4 d’août. Il s’agit bien sûr de l’offensive Bordure Protectrice où la nuit du 4 août l’armée israélienne se livra à une répression acharnée avec une multitude de bombardements sur la ville de Rafah, qui en cette seule nuit fit plus de cent morts (forcément de nombreux habitants n’avaient pas eu le temps de quitter leurs appartements ou maisons, et une des écoles où d’autres s’étaient réfugiés fut bombardée), parmi lesquels de nombreux enfants.

Il reste à noter qu’en navigant aujourd’hui sur la toile, en quête de sources sur la nuit de Rafah, on constate que la plupart des titres de la Presse française l’attribuent encore, contrairement à certains titres de la Presse anglophone, à une vengeance due à la « disparition » du soldat israélien, Hadar Goldin, (comme s’il s’agissait d’une pression de terreur pour le faire libérer). Ce qui désinforme, car tous les bloggers directement informés qui postaient sur Twitter, durant l’attaque Bordure Protectrice, publièrent sans délai que ce soldat avait été tué durant son enlèvement, en même temps que le commando qui l’avait enlevé — et qu’il ne pouvait être libéré par conséquent.
Était-ce un « dommage collatéral » survenu lors de la répression des fedayins ? Probablement pas, car ensuite un haut responsable de l’armée déclara que ce prisonnier était mort au combat et « possible » qu’il fût tué par son propre camp : ceci dans le cas limite de l’application au combat de la charte de sécurité the Hannibal Directive, vieille directive visant à éviter que des militaires israéliens ne fussent faits prisonniers, ceci pouvant aller jusqu’à des tirs réels lors de leur enlèvement...
En fait pour le supprimer, s’il était impossible de le libérer ?
En effet, ces tirs pourraient aller jusqu’à trouer le véhicule, mais normalement ne devraient pas aller jusqu’à tuer l’ami s’il se trouve dans le véhicule. Or on se demande bien comment dans un tel cas « l’ami » pourrait en réchapper...
Le chef militaire Asa Kasher « considéré comme un homme d’éthique de l’armée » a répété, lors d’un entretien à ce sujet, pour le journal Haaretz : « L’ordre est exprimé selon des phrases différentes, pour des raisons quelconques, mais le principe partagé par tous, tel qu’exprimé dans une de celles-ci est : « il faut agir, dans la mesure du possible, pour mettre fin à l’opération de l’enlèvement, y compris le déploiement de tir réel, mais pas d’une manière qui pourrait conduire à une forte probabilité de la mort de la personne enlevée, grâce à la compréhension que la valeur de la personne enlevée est plus haute que celle de l’enlèvement. » (cité dans le blog electronicintifada de Ali Abunimah le 2 août 2014, d’une interview publiée le même jour dans le journal Haaretz.
Dans le blog cité, Ali Abunimah prend également en compte des déclarations des deux parties en cause, ainsi qu’un Tweet de l’analyste diplomatique et politique Attila Somfalvi, de la TV et radio israéliennes Ynet, dans lequel celui-ci exprime qu’un journaliste de leur studio à proximité de l’enlèvement, qui reportait en direct, avait nettement entendu dans les communications militaires les cris, « Hannibal ! Hannibal ! », et qu’il l’avait reporté.

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