La Revue des Ressources

Rita  

« En ravaudant la robe de l’éternité »

lundi 9 mars 2015, par Mahmoud Darwich


[...] En effet, Darwich était seul, trop pudique pour évoquer sa vie privée, on ne lui a jamais connu de compagne... sauf cette fameuse Rita qui est venue hanter certains de ses recueils, Rita cet amour fulgurant, cette passion magistrale qui dura deux années et se solda par un échec car elle était juive, et la guerre de 1967 se chargea de briser leur passion : un arabe amoureux d’une juive, et vice-versa, c’était intolérable pour les communautés respectives, c’était trop beau pour que le monde puisse l’accepter... [...] [1].




Rita


Entre Rita et mes yeux : un fusil
Et celui qui connaît Rita se prosterne
Adresse une prière
A la divinité qui rayonne dans ses yeux de miel

Moi, j’ai embrassé Rita
Quand elle était petite
Je me rappelle comment elle se colla contre moi
Et de sa plus belle tresse couvrit mon bras
Je me rappelle Rita
Ainsi qu’un moineau se rappelle son étang
Ah Rita
Entre nous, mille oiseaux mille images
D’innombrables rendez-vous
Criblés de balles.

Le nom de Rita prenait dans ma bouche un goût de fête
Dans mon sang le corps de Rita était célébration de noces
Deux ans durant, elle a dormi sur mon bras
Nous prêtâmes serment autour du plus beau calice
Et nous brulâmes
Dans le vin des lèvres
Et ressuscitâmes

Ah Rita
Qu’est-ce qui a pu éloigner mes yeux des tiens
Hormis le sommeil
Et les nuages de miel
Avant que ce fusil ne s’interpose entre nous

Il était une fois
Ô silence du crépuscule
Au matin, ma lune a émigré, loin
Dans les yeux couleur de miel
La ville
A balayé tous les aèdes, et Rita
Entre Rita et mes yeux, un fusil.

Mahmoud Darwich
Traduction en français (?)


Source : tvbruits, où l’on peut entendre et voir l’interprétation du poème « Rita » mis en musique et chanté par Marcel Khalifa.

La source de la photographie, Mahmoud Darwich et Rita, non datée mais dont on peut supposer qu’elle se situe en 1966, provient de la page facebook de Martine De la Hays, qui en a proposé le téléchargement.

P.-S.

 Dans l’encadré de la page de Plateforme Charleroi Palestine dédiée à Mahmoud Darwich, on peut écouter une interview du poète par Stéphane Paoli pour France Inter, où il répond en arabe simultanément interprété en français par Elias Sanbar (son traducteur littéraire), sur sa situation en tant que Palestinien face à Israël, et sa réponse poétique. Où il évoque aussi les dissensions de certains Palestiniens à son égard (sans doute à cause des accords d’Oslo, qu’il a désavoués, ou sur sa liberté laïque). Malheureusement la date n’est pas précisée ; on peut penser à 2007, année de publication de Comme des fleurs d’amandier ou plus loin, (Arles, Sindbad/Actes Sud), évoqué dans les réponses, ou en 2008, lors du dernier passage du poète au Théâtre antique d’Arles pour célébrer les trente ans de la maison d’édition Actes Sud, dans le cadre du festival musical des Suds d’Arles, et dont l’adieu fut immortalisé le 14 juillet par une photo d’Hubert Nyssen [2], lui-même disparu le 12 novembre 2011 [3].

 L’article éponyme dans fr.wikipedia présente une bibliographie assez complète, à laquelle réfère l’hommage de la Bibliothèque Nationale de France (pdf). Il a été publié par la plupart des grands éditeurs français, forcément avec une préférence finale à Actes Sud qui co-éditait avec Des Sud l’excellente revue des littératures du Sud La pensée du midi dont le rédacteur en chef était Thierry Fabre, le fondateur des Rencontres d’Averroès (revue créée en 2000 et interrompue à la fin de 2011 faute de ressources après l’arrêt de la contribution du Conseil Régional), tandis que les éditions de Minuit avaient déjà cessé la publication de la Revue d’études palestiniennes dès la fin de l’année 2008 (par conséquent peu après la mort de Mahmoud Darwich), qui avait été fondée en 1982 et dont le rédacteur en chef était Elias Sanbar — une information datant de 2010 subsiste dans le site de France Culture et le site des éditions de Minuit propose encore certains exemplaires restés disponibles... Ainsi s’efface de la culture française le fond culturel pluraliste francophone méditerranéen.

 La revue La pensée de midi No 26 — consacré au poète — est accessible dans le site cairn.info.

 Le site de la revue en arabe créée et dirigée par Mahmoud Darwich après son retour à Ramallah en 1988, Al-Karmel (du nom d’une petite ville palestinienne en Israël).

 Mahmoud Darwich, par Sobhi BOUSTANI, L’encyclopédie universalis.

 Une contribution et des citations intégrales de poèmes de Mahmoud Darwich par PPierre Kobel dans le blog La Pierre et le sel, Actualité et histoire de la poésie, « Mahmoud Darwich | « le mot pour dire la fleur de l’amandier » ».

 Une interview du poète dans L’humanité du 15 Avril, 2004, « Mahmoud Darwich :"Pour moi, la poésie est liée à la paix" ».

 Elias Sanbar, le traducteur de l’arabe au français des dernières publications de Mahmoud Darwich, est un écrivain, essayiste et poète, historien et juriste palestinien, qui a enseigné en France au Liban et actuellement aux États-Unis à l’université de Princeton (fr.wikipedia). Quant au processus de paix en Palestine, Stéphane Hessel, qui avait assisté en tant qu’observateur de l’ONU aux négociations de Camp David, était l’ami de Elias Sanbar, qui pour sa part avait participé aux négociations bilatérales à Washington. Ils ont co-signé le livre Le Rescapé et l’Exilé aux éditions Don Quichotte, en 2012.

Notes

[1Citation extraite de « Mahmoud Darwich, le poète troyen de Palestine », recension par François Xavier, Salon littéraire (décembre 2012).

[2Voir l’annonce de l’agenda du 7 juillet 2008 dans

Le magazine littéraire numérique.

[3] « Nyssen est mort vive Nyssen

 », La RdR, 14 novembre 2011.

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