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Sur la conspiration (pour en finir avec la fausse-vraie culpabilité des Rosenberg). Pour Ethel. 

mardi 6 mars 2012, par Louise Desrenards

Une conspiration — d’État ? N’oubliez jamais que des hommes aux pouvoir des États-Unis ont été capables d’envoyer sur la chaise électrique une femme innocente et fière pour la punir d’avoir refusé de se soumettre, alors qu’ils la savaient innocente. Le procès des Rosenberg c’est toujours notre affaire aujourd’hui. D’abord, soyons toujours et quelle que soit la cause, contre la peine de mort — irréversible. Ensuite, à déconstruire les rapports entre le contre-espionnage et la justice américaine élaborée au fil des guerres on arrive à voir l’imbrication des réformes auxquelles s’est attelée Michèle Alliot-Marie au cours de ses trois ministères-clé, à l’œuvre de détruire le droit français conçu pour assurer les libertés individuelles et associatives, plutôt que pour criminaliser la libre expression et la critique du pouvoir, y compris celle du mode de vie, au nom de la sécurité. On voit encore comment, loin de nos frontières, pourrait se structurer l’inculpation abusive de Julian Assange, mais Wikileaks pose le problème policier d’être un réseau arbitraire, aléatoire, et par conséquent sans réunion sinon fortuite. Recension des faits, de leur contexte, de leurs causes, de leurs objectifs — ce nouveau jour.

Recension sous forme d’hypothèse

Robert Meeropol, le plus jeune des fils Rosenberg, est le créateur de la Fondation Rosenberg pour les Enfants, (enfants, adolescents, et jeunes adultes n’ayant pas encore atteint leur majorité, d’activistes progressistes en difficulté pénale ou économique, et jeunes activistes progressistes). Dans son dernier article, à soixante ans du rejet du pourvoi en cassation de la condamnation à mort de ses parents, il tire les points d’inadéquation de leur vie familiale et sociale, avec la construction normative du procès dont le progrès de l’instruction profile peu à peu ses parents comme des chefs de clan conformes aux stéréotypes du complot, les dépositions se modifiant jusqu’au retournement absolu pour accomplir un chef d’accusation déterminé par la loi de référence. Ce chemin édifiait les condamnés pour qu’ils meurent sur la chaise électrique, c’était décidé d’avance à la demande de Edgar Hoover. Et c’était tellement énorme que même eux, les Rosenberg, purent espérer jusqu’à la dernière minute que la raison revienne mettre un terme au calvaire de l’injustice arbitraire qui les frappait, connue par leurs inquisiteurs mêmes. Condamnation sans rapport avec le résultat des interrogatoires que seules la falsification des aveux ou la désinformation des interrogatoires connexes confortèrent, condamnation qui au terme des protocoles de rappel et de demande de grâce s’avéra pourtant irréversible.

Son bilan se réduit à un feuillet sur les raisons élémentaires qui auraient du ne pas porter l’inculpation au niveau d’une condamnation à mort. C’est simple, c’est raisonné par un juriste, et pour qui est allé visiter les dossiers ou les derniers ouvrages, c’est incontestable.

Après le travail des sociologues et des historiens, depuis 2008 il est devenu possible de consulter les documents officiels du procès. Les actes officiels du Grand Jury et des témoignages ont été libérés à la requête de Robert et Michael Meeropol, les fils des condamnés, qui à faire progresser le dossier n’ont cessé de stimuler la vigilance de leurs amis solidaires et le progrès public vers la révélation du jugement et de sa construction tels qu’ils s’étaient produits. On comprend alors que la question de la culpabilité n’est plus à l’ordre du jour. Dans la mesure où cette question procédait de conjectures biographiques certes passionnantes mais dépendantes de révélations posthumes, qui en aucun cas ne pouvaient constituer des preuves de l’instruction en 1951 et 1952, mieux valait l’oublier. D’autant plus quand les condamnés ayant été exécutés cela ne pouvait pas les faire revivre. C’est donc un jeu malsain de vouloir conforter un jugement qui au fil des révélations s’avère avoir été peu respectable, un jeu obscène de chercher à faire éternellement juger et rejuger les victimes non d’une bavure judiciaire, mais d’un crime judiciaire organisé, quand il s’agit plutôt de comprendre ce qui s’était passé.

Plus clairement, les actes du Grand Jury et du procès ont révélé qu’Ethel et Julius n’étaient pas coupables, sinon d’avoir été saisis dans un piège organisé par l’instruction, où ils n’avaient aucune chance, le procès publié ayant révélé en premier lieu que les témoignages à charge étaient parjurés, et que le réquisitoire du procureur général Irving Saypol était particulièrement truqué, quand il en appelait à l’émotion du jury. Et Hoover avait énoncé son désir égal à un ordre. Ainsi Irving Saypol, représentant le gouvernement parmi les membres du tribunal, pourra-t-il répondre plus tard, sur l’abus de la condamnation, que c’était le genre de « sous-produit inévitable de l’ère atomique ». Qu’on se le dise.

À défaut des parjures et la mise en œuvre stratégique de leur concordance, Julius n’aurait pu être condamné sinon à deux décennies de prison comme les autres, et non seulement Ethel aurait du être libérée, mais elle n’aurait pas du être arrêtée. Et les enfants Rosenberg ne seraient pas devenus des orphelins déchirés pour leur vie entière par l’injustice qui présida à l’exécution de leurs parents dont la révélation des pièces passées permet aujourd’hui de parler d’assassinat. Hoover n’était pas à ça près, c’est lui, de notoriété publique, qui plus tard fera assassiner Martin Luther King, toujours au nom de la lutte contre les communistes, le jour où celui-ci lancé sur le front de la pauvreté récidiva d’aller soutenir les grévistes noirs de Memphis, en 1968. Et juste avant ce sera encore déjà lui, caché derrière la lutte de pouvoir entre religieux musulmans et marxistes, qui donnera un coup de pouce à l’assassinat de Malcolm X, en 1965. Au fond l’affaire Rosenberg est une répétition générale de la légitimité des crimes politiques qui suivront pendant la guerre froide, sans même l’ombre d’un jugement. On peut comprendre qu’au titre de l’autodéfense le Black Panther Party adopta la militarisation. Beaucoup allèrent en prison mais finalement sauvèrent leurs vies.

Un exemple de parjure constituant un témoin à charge est celui de Ruth Greenglass ; devant le Grand jury elle avoue sans réserve avoir été la sténo de la retranscription des documents secrets pour Harry Gold, et n’évoque pas de témoins, alors que devant le tribunal elle oublie intégralement sa première déposition et accuse sa belle sœur d’avoir en sa présence et celle de son frère retranscrit ces documents. De la même façon concernant la boîte coupée en deux pour reconnaître un contact au fait qu’il détienne l’autre moitié (Harry Gold), elle accuse son beau frère, reprenant par là le parjure de son époux qui inspira ces nouvelles déclarations. Un couple se sauve en devenant les témoins à charge de l’autre et les envoie à leur place sur la chaise électrique ? Peut-être ignoraient-ils que le solde de leurs mensonges serait la mort des autres, mais en tous cas c’est ainsi qu’ils sauvèrent leur propre peau.

Comme le dit Robert Meeropol dans son article de février 2012, le principe de la concordance des témoignages parjurés est à la fois qu’ils accusent de leurs propres faits et gestes d’autres protagonistes mais encore qu’ils soient tous impliqués en réunion, pour pouvoir les inculper selon l’Espionage Act.

La culpabilité a été déclarée une fois pour toutes par le juge Kaufman qui a prononcé la sentence irréversible, d’autres juges ont réfuté l’appel, le Président aurait préféré lire l’intégralité des décodages de VENONA qui furent requis dans les mots mais ne furent pas produits lors du procès, et pour cause, ils ne relevaient plus de la loi qu’ils fussent restés entre les mains du FBI, qui put les désinformer, et le FBI fit en sorte de l’en priver, et le Président suivant ne les a pas graciés. Inutile de justifier plus tard l’abus de les avoir tués, tant la frustration laissée par leur disparition hante la mémoire publique internationale. Ce que révèlent les dernières enquêtes et les actes officiels c’est que ni Julius ni Ethel, à leur titre respectif, n’étaient coupables de ce pour quoi ils furent condamnés y compris d’avoir réuni les témoins à charge. On peut donc dire qu’ils étaient innocents d’avoir trahi la cause nationale de l’arme totale, et Ethel radicalement innocente du moindre espionnage, au pire informée non coupable, sinon de ne pas l’avoir dénoncé, car Julius était innocent sinon de tout ce qui n’avait pas été jugé mais que pourtant il avait pu commettre, sans rapport avec le réseau de l’atome. Et ce n’est pas un euphémisme de le dire parce que c’est exactement ainsi qu’une justice démocratique équitable fonctionne quand elle est saine.

D’ailleurs il n’y avait pas de réseau de l’atome, il n’y avait qu’un courrier, auquel les savants eux-mêmes transmettaient directement les documents dont ils pensaient que par déduction ils seraient suffisants pour informer les soviétiques. Et même parfois directement sans être présumés trahir quoi que ce soit mais poursuivant un fil éthique, comme Niels Bohr après une conversation avec Eisenberg sur la production d’une arme totale en Allemagne, qui fut déterminante dans l’information d’Einstein auprès du président Roosevelt pour décider la fabrication d’une arme semblable avec les alliés, ne se cacha pas d’avoir répondu sur un problème de calcul posé par un de ses collègues soviétiques en lui produisant la solution. [1]

Julius aurait-il travaillé pour le renseignement soviétique en matière de technique, il n’était pas un espion de l’atome et n’a participé en rien ni même à se faire relayer (après qu’il dut prendre sa distance sur l’ordre même des soviétiques), dans l’action d’espionnage pour laquelle son beau-frère fut arrêté, remontant à une époque où de surcroît les couples Greenglass et Rosenberg ne se parlaient pas. Les deux hommes étaient opposés par un différend sur la boutique de mécanique de Julius où ils avaient travaillé ensemble et que Julius avait fermée et vendue, soupçonnant son beau-frère d’avoir des échanges avec la mafia (ce qui de surcroît avait fait repérer la boutique par le FBI). Harry Gold travaillait non pas entre amis convaincus mais avec de l’argent à la clé, et les Greenglass avaient notoirement des problèmes d’argent. Greenglass déchargea ses aveux sur le dos de son beau-frère, et créa les circonstances possibles du retournement des aveux de sa propre épouse sur le dos de sa sœur... Au fond c’est assez simple, on peut comprendre qu’un amant préfère à sa propre sœur son épouse et mère de ses enfants, à fortiori étant le père, qu’il protégeât ses propres enfants plutôt que ses neveux, et par conséquent qu’il souhaitât les sauver de perdre leur mère, pendant que lui irait purger une peine réduite du fait d’un service rendu au procureur adjoint. Seulement quand il sortira de prison en 1962 sa sœur et son beau-frère seront morts suite à leur dénonciation. Au journaliste qui l’interview devant les caméras de la télévision, en 1996, il reconnaît avoir menti au sujet de sa sœur et quand on lui demande ce qu’il en pense aujourd’hui il conclut : « Écoutez, j’ai eu une femme et deux enfants. Je n’appréciais pas ce qui m’arrivait, mais je tenais à ce qui s’est passé pour eux. » Lorsque Roberts a demandé à Greenglass si les choses étant à refaire il les referait différemment, Greenglass répondit : « Jamais » (autant lui demander s’il aurait préfèré que ses enfants plutôt que ses neveux eussent perdu leur mère). Il dit : « Qu’un père ait réussi à sauver sa femme, la mère de ses enfants, et qu’elle retourne s’occuper d’eux : qu’est-ce que vous dites de ça ? » Par conséquent, quand on lui demande s’il le regrette, il répond qu’il a la conscience tranquille, — il a fait son choix, ça ne l’empêche pas de dormir, — toutefois il lui arrive d’y penser et bien sûr ce n’est pas agréable, alors Ruth, sa femme, lui dit : « Regarde, tu nous a sauvés moi et les enfants et maintenant tu es de nouveau avec nous, c’est cela seulement qui compte. »

En fait, c’est le retournement de Ruth qui constitua l’accusation à charge contre Ethel Rosenberg. Ruth est morte en avril 2008 et dès le 23 juin les actes du Grand Jury et du Procès étaient rendus publics [2], moins 10 témoignages sur le total des 45 témoins, le gouvernement prenant en compte les survivants refusant leur publication de leur vivant, plus ceux dont on n’avait pas retrouvé les déclarants sans pouvoir faire la preuve qu’ils fussent morts.

Alors on pourrait dire — au pire — que c’est l’instructeur responsable des interrogatoires, le procureur adjoint Roy Cohn, qui créa la situation du parjure car c’est lui qui mena personnellement les interrogatoires de Greenglass, offrant le choix du mensonge pour négocier ce qu’il lui convenait d’obtenir, et le juge Irving Kaufman de n’avoir pu l’ignorer et d’avoir condamné Ethel la sachant innocente, puisque le jour du jugement il était censé connaître le progrès de l’instruction. Roy Cohn dans son autobiographie dira qu’il lui téléphonait, ce qui ne crédite pas l’éthique habituelle d’un procès. Il dit qu’après l’avoir choisi il lui dictait ses comportements. Par la suite, Kaufman connut sa carrière limitée par l’excès du jugement extrêmement controversé qu’il avait prononcé avec la complicité privée du procureur-adjoint, en condamnant à mort les Rosenberg, dans une situation fédérale inédite. Même au Royaume Uni, où l’un des espions majeurs de l’atome avait fini par avouer ses actes, le physicien à l’origine de la chaîne de dénonciation jusqu’à Greenglass, ne reçut pas une peine supérieure à quatorze ans de prison, dont il sortit 9 ans avant...Que Kaufman fut ensuite missionné par le président Kennedy ou qu’il ait défendu John Lennon en le protégeant de l’extradition n’enlève rien à la responsabilité frauduleuse qu’il prit dans le procès des Rosenberg arrangé d’avance. Il est le responsable officiel de la double condamnation qui a fait des Rosenberg un couple victime et martyr.

Malgré les preuves accablantes de la manipulation de l’instruction judiciaire, l’État américain ne reconnaît pas ce qu’il pourrait sans déshonneur attribuer à une anomalie dans l’investigation par les procureurs, maintenant que Roy Cohn est mort (en 1986) de même que Edgar Hoover (en 1972) et irving Kaufman (1992). Mais l’État américain n’a jamais reconnu une défaillance judiciaire pas même au niveau fédéral, et ce n’est sûrement pas au moment où règne encore le Patriot Act revitalisant l’Espionage Act de 1917 qu’il le fera... Ce serait un aveu de faiblesse pour une puissance qui se pense comme la plus exemplaire au monde, leader du monde actuel. À 60 ans du rejet de l’appel cette année, ce n’est pas avant l’an prochain qu’aura lieu la célébration des 60 ans de leur exécution, le 19 juin 1953. Et l’on se demande si de nouvelles révélations ou analyses ne viendront pas accroître davantage le champ de l’opacité dans une affaire constituée au départ par sa désinformation même. Il reste qu’aujourd’hui beaucoup de points permettent de réfléchir au sens procuré à l’affaire par son contexte historique, national et international.

Après avoir dit qu’il n’était plus à l’ordre du jour sauf pour les retardataires de savoir si les Rosenberg étaient coupables d’avoir commis le crime d’espionnage dont ils avaient été accusés, puisqu’on sait aujourd’hui qu’ils ne l’avaient pas commis, mais le couple du frère d’Ethel, on peut préciser que Julius n’était pas concerné par le contact Gold car il avait un contact direct avec Feklisov, fonctionnaire hors statut intermédiaire du vice-consul Anatoli Yakovlev et chargé de recruter parmi les communistes et les sympathisants communistes, il parle des Rosenberg dans son autobiographie [3]. Il ne connaissait pas Yakovlev, par contre celui-ci en tant que supérieur hiérarchique de Feklisov ne pouvait pas méconnaître l’existence de Julius, c’est pourquoi il en parle dans ses mémoires mais en sachant moins que son partenaire, de même que Krouchtchev qui invente en partie ce qu’il en dit, d’après les renseignements qui lui furent transmis. Quant à Ethel, fut-elle une communiste convaincue et en accord idéologique avec son époux, elle n’était concernée en rien par l’activité d’espionnage ni en solitaire ni en réunion parce que les activités du renseignement de Julius s’étaient situées à l’extérieur de chez lui.

La question est donc de comprendre comment et pourquoi le procès qui finit par la condamnation à mort de ce seul couple, innocent du chef d’accusation qui avait convoqué les arrestations et les interrogatoires en quête de preuves, put être monté pour les mener jusqu’à l’exécution capitale, dans une déviation exceptionnelle d’un procès civil devenu criiminel contre la justice : en transformant la décision sommaire d’une exécution en exécution judiciaire, dans un pays où jamais le lynchage ne fit l’objet d’une interdiction fédérale.

Principal instructeur du procès, le jeune Procureur-adjoint maccarthyste Roy Cohn brilla au crédit du directeur du FBI pour prouver par un acte d’éclat l’importance nationale de son organisation dépendante de Ministère de la Justice, par rapport à l’indépendance de la CIA déliée du Département d’État (n’ayant pour interlocuteur suprême que l’armée et le Président), qui en 1950 venait de naître avec la création du National Security Act de 1947, signé par le Président Harry Truman. Suite à ce pacte la vieille organisation exécutive de l’Espionage Act se voyait retirer l’espionnage extérieur, et par conséquent reléguée aux affaires strictement intérieures, notamment les communistes (puis les dissidents). Dans ce conflit d’intérêt la CIA n’eut pas accès aux documents secrets du décodage VENONA avant 1952. Si elle pouvait recruter des agents sur le territoire américain, par contre elle ne pouvait pas espionner la société américaine ni commettre des crimes sur le territoire national sans l’ordre ou l’accord exprès du Président.

Le rétablissement du FBI a reposé sur l’exécution judiciaire des Rosenberg cadrée par l’Espionage Act de 1917, et non par le National Security Act de 1947, quoiqu’il s’agît de l’espionnage au crédit des soviétiques concernant des interpellations qui eurent lieu en 1950. En quelque sorte ce fut un coup de force du FBI aux prises avec la concurrence de la CIA sans intermédiaire avec la présidence. Seul l’irréversible et donc la mort pouvait prouver l’importance de la cause civile de la justice publique, et cette importante question de vie ou de mort des citoyens était à la hauteur de celle de l’organisation qui en avait arrangé le puzzle. La sécurité intérieure voulut marquer son territoire dans la vie des États-Unis sous les termes exemplaires d’une répression sans appel, rivale de la nébuleuse sans limite de la sécurité extérieure — sur son propre terrain...

Étant restaurée la position du FBI sur une double condamnation à mort, après le rejet du pourvoi en cassation faisant appel de la condamnation, le fait nouveau d’un militaire à la Présidence civile des États-Unis rendit la grâce présidentielle encore plus improbable. La CIA n’en référant qu’à l’armée et n’ayant comme l’armée que le Président des États-Unis pour seul interlocuteur de l’État, l’ingérence d’un militaire, à plus forte raison devenu le Président des États-Unis, dans une affaire portée comme le blason de la puissance renouvelée du FBI, phare du ministère de la justice, aurait apparu comme un abus du rôle présidentiel et provoqué un conflit d’intérêt au sein du Département d’État, dans un pays tendu vers la guerre en Corée. Par conséquent Eisenhower en toute logique ne gracia pas les Rosenberg (pour lesquels il n’éprouvait en outre aucune sympathie, ce qui lui permit de faire son « devoir » sans état d’âme), et il s’en conforta par une déclaration officielle particulièrement indifférente, dans la voix du secrétaire de la Maison Blanche, selon laquelle : l’affaire ayant été jugée et l’appel rejeté, à l’issue du protocole d’une justice démocratique parfaitement accomplie, il n’avait aucune raison d’intervenir pour contredire ce jugement.

La Presse française quant à elle rendit hommage aux exécutés — que l’on pourrait qualifier de suppliciés concernant notamment Ethel, qui fut électrocutée à plusieurs reprises comme son cœur ne lâchait pas.

Le rôle de Roy Cohn consista à la fois à composer le tribunal et le jury dans la perspective de la réussite du plan de Edgar Hoover, et à diriger l’interrogatoire des principaux témoins pour installer la cohérence du procès vers cet objectif. Sa tâche comprit de dévier le procès pour « acte d’espionnage » en procès pour « conspiration d’espionnage » pour assurer que la procédure n’échappe pas au domaine de compétence légal du FBI — pour que le FBI ne soit pas débouté de l’affaire au crédit du CIA. Pour donner une échelle de références de l’abus de la condamnation en tout état de cause de la culpabilité des Rosenberg (même s’ils avaient avoué ou s’il avait été prouvé qu’ils fussent des espions atomiques), ce sont les militaires britanniques qui s’occupèrent du cas du physicien Klauss Fuchs à l’origine de la chaîne de dénonciation jusqu’à Greenglass, et son jugement par un tribunal militaire, alors qu’il fut un des grands espions de l’arme atomique, ne lui attribua que quatorze ans de prison dont il sortit au bout de 9 ans. Dans la machine infernale à plusieurs entrées de sens et de communication montée par Roy Cohn et Edgar Hoover, avec la complicité du procureur général et du juge, il fallait d’abord constituer des témoins à charge depuis le parjure des premiers accusés pour élargir la portée de l’affaire comme si elle avait révélé des inculpés majeurs. Bien sûr, Julius Rosenberg en tant qu’ancien militant communiste et syndicaliste chevronné était fiché, puisque ce fut sur une intervention du FBI disant à son employeur, une entreprise de transmission qui travaillait pour l’armée, qu’il avait été membre du parti communiste, qu’il avait été licencié en 1945. À la suite de quoi, par sécurité, les diplomates soviétiques l’avaient prié sans délai de ne plus faire de renseignement à leur service. Il n’était plus actif dans le renseignement, quand les Greenglass y contribuaient de son propre côté, d’ailleurs à ce moment là ils ne se parlaient plus, suite à la clôture d’une boutique commune que Julius avait décidé de vendre, pour ne plus travailler avec son beau-frère, qui s’adonnait à des petits commerces douteux.

Ainsi, Geenglass était également connu comme le beau-frère de Julius par le FBI qui l’avait suivi pour une affaire mafieuse de vol d’uranium, quand ils tenaient ensemble cette petite boutique de mécanique, et que pour cette raison Julius avait fermée puis vendue. Ce pourquoi son beau-frère serait resté à lui en vouloir et à en attendre de l’argent, la fermeture ayant été préjudiciable à ses ressources vitales... Rien de surprenant par conséquent, à ce que Greenglass qui avait été repéré et suivi par le FBI, fut conduit à parler de Julius lors de son interrogatoire, du moins cela lui fut-il soufflé s’il n’y pensa lui-même... Aider les accusés à devenir des témoins à charge était donc un jeu d’enfant pour un procureur-adjoint au fait des fichiers du FBI. Aménager leurs contradictions en concordance pour en accuser d’autres à l’effet de manifester un réseau (conspiration situant la constitution d’une réunion) l’était autant, juste une question de temps et de synchronisation des dépositions, pas seulement celles de Greenglass et de Gold mais encore en toute logique celles des autres personnes interrogées. Impliquer les Rosenberg comme leaders d’une transmission de documents — où en réalité ils n’étaient intervenus à aucun niveau, — avait l’avantage d’impliquer d’y avoir entraîné leur famille, concernant le propre frère d’Éthel et l’épouse de celui-ci, conditions suffisantes pour atteindre l’objectif requis pour la trahison par conspiration, selon l’Espionage Act de 1917, sans avoir à requérir les preuves d’une plus large assemblée.

L’enjeu concret de la nouvelle déposition des témoins infirmant leurs premiers aveux fut le marchandage pour libérer sans délai Ruth Greenglass (l’authentique protagoniste de la retranscription des documents transmis), comme le confirma David Greenglass à propos de la fausse implication d’Ethel, (sa propre sœur finalement substituée à son épouse), lors de l’interview qu’il consentit au journaliste Sam Roberts, du New York Times, (déjà cité à propos de son interview télévisée de Greenglass), pour son livre The Brother : The Untold Story of Atomic Spy David Greenglass and How He Sent His Sister, Ethel Rosenberg, to the Electric Chair (2001).

Julius Rosenberg ne pouvait pas dire pour se disculper ce à quoi il avait réellement participé, car cela aurait été de toute façon répréhensible, et surtout l’aurait engagé à dénoncer un réseau d’amis afin de se sauver, sans assurer la sauvegarde d’Ethel devenue la proie d’un chantage. Le réseau de Julius était dissous depuis 1945, mais chacun de ses camarades amis aurait pu encourir, dans le cas du procès ultérieur, des peines pour des actes rétrospectifs. Il s’abstint. Et Ethel ne put se désolidariser de ses propres idées politiques — ni de l’innocence proclamée par son mari concernant le fait précis dont il était accusé, ni de la sienne, totale.

L’article de Robert Rosenberg Meeropol nous apprend qu’uni avec son frère ce fut leur recours qui permit la publication récente des documents officiels en 2008. Tout n’est pas dit, tant que les survivants du procès qui furent les faux-témoins à charge — en réalité les seuls responsables des actes pour lesquels les Rosenberg furent jugés à leur place, si l’on s’édifie des minutes de l’instruction libérée par la Justice fédérale, — ne sont pas tous morts, en sorte qu’à leur demande leurs dépositions ne puissent être rendues publiques de leur vivant. Notamment celles du frère d’Ethel Greenglass Rosenberg, David Greenglass en personne étant le principal témoin à charge après son parjure — avant le parjure corrélatif de son épouse, — dénoncé par Harry Gold (lui-même dénoncé comme courrier par le physicien Klaus Fuchs, suite au retournement canadien du bureaucrate de l’ambassade soviétique chargé de la codification des messages et de leur décryptage), physicien dont on a déjà évoqué la peine sans rapport avec la condamnation des Rosenberg, avec lequel il finit par s’entendre pour convenir au procureur chargé des interrogatoires. Mais celles de son épouse Ruth et celles de Harry Gold aujourd’hui défunts, également parjurés, révèlent largement les dits et dédits autour desquels l’inculpation structurée par le travail des procureurs désinforma le jury.

Jury globalement chrétien et en tous cas ne comprenant étrangement pas un seul citoyen juif, en dépit de la forte majorité des citoyens juifs dans ce district à l’époque, quand tous les intervenants directs de la justice de l’accusation, cooptés à l’effet du procès, l’étaient, y compris la défense... Après l’extermination des juifs en Allemagne et les survivants ou leur descendants ayant émigré aux États-Unis, la plupart du temps tout au début de la guerre, il fallait réunir les conditions de ne pas risquer d’apparaître au fait d’un procès antisémite, ce qui avait déjà été reproché à McCarthy dans sa chasse aux sorcières hollywoodienne. Tout dans la composition des intervenants du procès paraît donc avoir été pesé au départ. Si on peut le comprendre cela révèle aussi une intention stratégique cadrée par des enjeux sociaux et nationaux préalables. [4]

Après l’alliance sovieto-américaine en temps de guerre contre les nazis, soudain il fallait installer contradictoirement un fossé nationaliste entre les deux pays,
au commencement de la guerre froide. Dans ce cas, il fallait marquer la distance entre les « bons » juifs américains de la diaspora juive ayant adopté la nation américaine, et les « mauvais » juifs, anti-américains, de la diaspora juive et communistes fussent-ils des natifs américains ; et donc forcément les membres ou anciens membres du parti communiste américain lié au Komintern avant sa dissolution en 1943 étaient rétrospectivement devenus de mauvais américains, et donc de mauvais juifs, au moment du réinvestissement des nations après la guerre. Un dessein du langage joua sur l’antisémitisme inavoué du jury, protégé de se ressentir antisémite par la réalité que les protagonistes de l’instruction et de l’accusation fussent des juifs pour juger d’autres juifs. Les deux communautés suggérèrent une Presse unanime pour accabler Ethel d’être une mauvaise mère — de ne pas daigner se compromettre à faire des aveux (fussent-ils faux), ce qui étant en principe censé la préserver de la mort aurait pu protéger ses enfants ; elle est également accusée d’être l’âme damnée de son brave mari, la maîtresse du couple. En réalité on comprend aujourd’hui que rien n’aurait pu la préserver de la mort, puisque l’issue était la nécessité que ce couple exemplaire de la trahison fût exécuté. Ethel ne croyait pas au « coup de bluff » de sa condamnation possible ni à celle de son mari, comme elle se savait innocente d’avoir jamais participé au renseignement soviétique, ce qui n’était pas le cas de son époux, mais du moins était-il vraiment innocent dans l’affaire jugée, et le déclara-t-il avec persistance. Et elle pensa le protéger en lui restant solidaire, puisqu’elle n’avait été arrêtée qu’afin d’exercer un chantage pour le faire parler. Non seulement elle fut pourtant condamnée mais elle fut exécutée avec lui, et nous allons voir que si hasardeux cela pût paraître pendant des années, les choses semblent plus cohérentes aujourd’hui. L’état des choses est d’autant plus cohérent, paradoxalement, que l’innocence d’Ethel soit aujourd’hui confirmée par tous les témoignages et documents dignes de considération, et surtout que dès le départ le FBI savait qu’elle l’était. C’est parce qu’elle s’est insoumise à mentir comme on le lui demandait, au contraire de son frère, qu’Ethel fut exécutée pour être punie d’avoir résisté à Edgar Hoover, car c’est lui qui exigea de Roy Cohn qu’elle fût condamnée.

On essaye en vain, par la confirmation posthume de l’activité d’espionnage de Julius, de justifier la culpabilité décrétée sans preuves au moment du procès (d’où les preuves fabriquées par les parjures pour générer une autre accusation que celle des faits). La condamnation par conséquent fut arbitraire et abusive. C’est non seulement le problème des historiens qui superposent leurs points de vue que de ne pas considérer le procès pour ce qu’il fut (il est vrai qu’avant 2008 on ne pouvait pas le savoir), mais c’est encore le grand défaut de l’article de wikipédia qui s’égare toujours dans cet exercice en 2012, car cela revient à redoubler la désinformation du procès et son contexte — eux-mêmes désinformés en leur temps. En prenant l’information ultérieure des nombreux dossiers soviétiques, souvent contradictoires, d’ailleurs, révélés depuis la fin de la guerre froide, on ne peut prétendre évaluer scientifiquement l’accomplissement de la justice considérée telle qu’elle s’est produite et laisse ses propres traces, consensuelles et incontestables. Dans les démocraties le jugement est rendu sur les preuves, et l’absence de preuves est sensée entraîner la relaxe.

Tous les détails sur les révélations à propos des Rosenberg, excepté le dossier du Grand Jury, ne font qu’accroître une masse de rumeur car y discerner des vérités rétrospectives ne fait qu’accroître l’énigme sur la machination d’un double meurtre légal. Si précieuses seraient ces justifications venant trop tard à l’appui, elles ne font que conforter l’hypothèse d’un coup exemplaire monté dans les circonstances opportunes de la guerre en Corée contre l’intervention soviétique, par une institution hégémonique (le FBI), en voie de reconquérir sa position. Toutes les bassesses affectives personnelles ou communautaires ou encore corporatistes des protagonistes du jugement, des rapports du jury aux procureurs de l’accusation, à certains témoignages, et jusqu’à la faiblesse de la défense tolérant la désinformation de l’antisémitisme et accompagnant le chœur de la misogynie à l’encontre d’Ethel sur lesquels la Presse s’adossa, passent par la stratégie de la communication sordide du procès par Coy et par Hoover, dont la misogynie en l’affaire fut légendaire. Quant à la misogynie de Eisenhower en 1953 : dans une de ses lettres à son fils, en Corée, il parla du recours en grâce qui lui avait été adressé par les avocats, disant qu’’il n’aurait sûrement pas gracié cette ménagère sans intérêt qu’était Ethel, cela aurait donné des idées aux soviétiques pour recruter leurs prochains agents. Ce ne sont qu’un décor de l’affaire où l’existence des Rosenberg était d’emblée jouée, non pas perdante mais perdue, même si leur mort constitue une victoire posthume, comme le souhaitait Ethel dans sa dernière lettre.

Ils étaient l’objet d’un pacte symbolique qui leur échappait et qui les mena sur la chaise électrique... boucs émissaires de la réunification de l’État et de la réconciliation nationale de la société divisée par la Chasse aux sorcières et la rupture internationale avec la paix après l’utilisation de l’arme totale.

Au moment du pacte germano-soviétique et des accords de Munich, au moment de la neutralité américaine avec l’Allemagne nazi, avec laquelle certains industriels américains entretenaient un commerce, le FBI avait pu non seulement fermer les yeux mais encore, en 1940, être tacitement complice du déplacement de Jacob Golos en Californie, cadre du parti communiste américain et espion notoire dont les mouvements étaient tenus sous surveillance permanente, harcelé par les procès et peut-être pour être convaincu comme agent double, alors que le Komintern n’était pas encore dissout. Retrouvailles et procès de Golos en Californie, d’où il n’est pas impossible qu’il balisa — avec la bénédiction des bureaux de renseignement américains — l’assassinat de Trotski pour le compte de Staline, qui allait avoir lieu par les mains de Ramòn Marcader de retour après un premier échec, envoyé par la Guépéou.

Les biographes qui ont enquêté auprès des amis de Ethel Rosenberg la décrivent comme une femme engagée qui avait commencé l’art dramatique, après avoir été une syndicaliste activiste dans un travail plus ordinaire, mais suite à une fragilité due à un manque d’affection dans sa famille pauvre, elle était restée hantée par des angoisses, raison pour laquelle Julius qui l’ayant sortie des conditions de sa souffrance la protégeait radicalement de l’activité du renseignement, bien qu’ils fussent dans le plus grand accord idéologique. Elle avait consulté un psychiatre connu, que l’avocat Emmanuel Bloch l’empêcha de faire venir pour la visiter en prison, pensant que cela ne ferait qu’accabler leur situation.

Le journaliste Sam Roberts enquêtant pour son livre sur David Greenglass put rencontrer l’ancien Secrétaire du Département d’État du Président Truman. Truman ne s’entendait pas si bien avec Hoover qu’il soupçonnait de lui cacher des dossiers. Il est possible que l’es informations de l’affaire Rosenberg lui échappèrent en partie, notamment les documents de décodage VENONA produits par les anglais en principe pour surveiller les nazis, puis les soviétiques, dont Hoover put ainsi faire désinformer des messages en chargeant des agents d’en envoyer d’autres (c’est une hypothèse qui fut avancée par le premier président de l’association de défense des Rosenberg, et par d’autres depuis. D’autre part la création du CIA autonome sans opposition de Truman ne pouvait pas être considérée comme rivale des prétentions que Hoover nourrissait pour le FBI, qu’il passait à l’acte de délier de ses obligations de dépendance... Le Secrétaire du Département d’État de Truman dit à Sam Roberts qu’au départ ils ne pensaient pas condamner à mort les Rosenberg, car en effet Julius n’était pas déterminant dans la transmission des informations sur l’atôme, ils le savaient déjà par le physicien Klaus Fuchs arrêté en Angleterre qui ne l’avait pas nommé — et tous s’accordèrent pour penser que de telles informations relevaient d’un niveau technique qui ne portait pas Julius Rosenberg à être compétent pour les requérir. Et en tout état de cause ni Julius Rosenberg — ni son épouse — n’étaient concernés par l’affaire qui avait valu l’arrestation de Gold puis des Greenglass à New York que ces derniers leurs mirent sur le dos.

Le FBI savait d’emblée qu’Ethel n’était pas concernée par l’activité du renseignement, ni même par une complicité avec l’activité secrète de son mari, fut-elle au courant sur le principe, et les détails mêmes de cette activité restèrent d’ailleurs obsolètes y compris pour le FBI en dépit du projet VENONA, jusqu’à des révélations soviétiques ou posthumes qui apportèrent quelques précisions à la fin du siècle dernier, d’où l’inculpation de « conspiration d’espionnage » (constitution d’un réseau) plutôt que d’« espionnage » (des actes précis) — ce n’aurait pas du entraîner en aucun des deux cas, la condamnation à mort. Du propre aveu de Roy Coy aux procureurs, elle avait été arrêtée seulement pour exercer un chantage visant à faire parler Julius. Sam Roberts demanda alors au Secrétaire d’État : « Mais alors, qu’est-ce qui a mal tourné ? Pourquoi finalement ont-ils été condamnés à mort ? » Et le Secrétaire du Département d’État de répondre : « Parce qu’Ethel n’a pas voulu croire à notre bluff ! » Ainsi le journaliste fut-il édifié du désastre légal du procès des Rosenberg et de l’illégitimité de leur condamnation à la peine capitale... Il convient de savoir qu’aucun des grands espions atomiques arrêtés, ni d’autres, travaillant pour le renseignement soviétique, ne furent condamnés à mort, tous ayant été condamnés et libérés après 15 ans d’emprisonnement pour les plus tardifs.

Le juge Irving Kaufman laissa dépasser le délai pour répondre à Julius Rosenberg sur sa demande de rencontre contradictoire avec ses accusateurs, ce qu’il avait autorisé concernant les accusateurs Harry Gold et David Greenglass (rencontre fructueuse organisée par Roy Cohn qui leur avait fait modifier leur déposition moyennant l’échange de la réduction de leurs peines et la liberté totale pour l’épouse Greenglass).

Que les idéologues posthumes y compris les plus actuels et quelque soit leur âge le veuillent ou non : deux innocents en terme de justice ont été délibérément envoyés comme tels sur la chaise électrique. Ceci pour des raisons civiles et de xénophobie opportune dans le contexte d’une fronde politique, dans un pays au tournant centré par la guerre entre deux impérialismes, — édifiés l’un au contact de l’autre.

Certes nul n’est innocent devant Dieu, dit-on généralement pour justifier les erreurs judiciaires, au pays où Dieu est nommé sur le dollar. La Bible fondant par le péché originel tout humain à être sur terre, celui-ci a toujours quelque chose à se reprocher quoiqu’il arrive et ne serait-ce que devant Dieu. C’est sans doute pourquoi les États-Unis au long de leur histoire se présentent comme un pays qui jusqu’à nos jours ignore l’erreur judiciaire, mais dans ses meilleurs moments il intègre en octroyant des droits. Ainsi, avec une machination dressée par une institution policière en voie de déclin, dans le contexte d’un renforcement nationaliste, qui utilisa la singularité juive et communiste du couple Rosenberg émigré de la seconde ou troisième génération native, c’est exactement un lynchage judiciaire — certes dans un objectif de pouvoir — qui a été accompli.

Dans cette configuration le couple accusé et assassiné produisit l’image de ralliement circonstanciel de différentes opportunités politiques, communautaires, sexistes, et corporatistes, pour marquer la rupture définitive avec les années Roosevelt, et le faire connaître non seulement aux yeux des américains mais encore au vu du monde entier. Pour mémoire, l’ambassadeur américain en France envoyait des messages à son Secrétaire d’État aux Affaires Étrangères pour faire pression contre la condamnation, donnant la raison que le procès Rosenberg fût tellement impopulaire à tous les niveaux de la hiérarchie sociale, qu’il était devenu dommageable pour la réputation de la démocratie américaine en Europe. Or justement, en cela consistait le défi de la puissance, sa capacité à faire la preuve de l’arbitraire avec l’adhésion de l’opinion nationale contre l’opinion internationale, jusqu’à réaliser l’exécution... Notifier le changement d’alliance et de pacte, au moment de l’avènement de l’impérialisme des deux blocs, et dire le prix de la nouvelle ligne politique des USA, revenant sur son triomphe non sur la honte, d’être le seul pays du monde à avoir lancé lancé la bombe atomique contre des adversaires, portée par le pouvoir d’un État dans l’État cherchant sa réintégration publique, tel que se constitua le FBI le temps de ce procès, avec en prime l’assassinat d’Ethel et Julius Rosenberg montrés dans la Presse comme les responsables de lynchages aimaient photographier leurs victimes et souvent à se faire photographier près de la preuve de leur meurtre... Voilà sur quoi surfent les adeptes de la question définitive de la culpabilité des Rosenberg qui restera une question sans fin, parce que eux n’ont pas voulu se parjurer (revenir sur leurs déclarations pour avouer quelque chose qui ne correspondait ni à leurs actes ni à leurs pensées) comme les autres l’avaient fait. Question de dignité, d’éthique, et de noblesse.

Au début de cette année le conflit a repris dans la page de discussion de l’article de wikipedia francophone dédié à Julius et Ethel Rosenberg, où des rédacteurs ayant le dernier mot sur l’édition font l’ellipse des informations en progrès, notamment les minutes du procès rendues publiques en 2008, et ne contextualisent pas les faits dans l’histoire de l’époque, avec des situations opposables. Par exemple, au grand dam que les communistes américains aient concouru à l’alliance americano-soviétique contre les nazis, le comportement politique de la chasse aux communistes aux USA dès l’ouverture du Kominform, pour succéder au Komintern dissous depuis 1943, est opposable à l’intégration des communistes dans le gouvernement français après la Libération de Paris jusqu’en 1949, pourtant loin d’une révolution de classe, parce qu’ils avaient été déterminants dans la guerre de l’ombre unitaire sur le terrain national.

Précisons que le Komintern est la IIIe Internationale, qui siègea à Paris après que Berlin devint la capitale du nazisme, et qu’elle fut finalement dissoute par les soviétiques le 15 mai 1943, pour ménager les alliances dans le cadre de la seconde guerre mondiale. Moscou appela alors les communistes à se solidariser où ils se trouvaient avec les partis de la résistance en présence sous l’autorité des gouvernements provisoires. En 1947 le Komintern sera remplacé par le Kominform, bureau d’information symbolique de l’allégeance des partis communistes avec Moscou et non plus d’une assemblée générale de l’Internationale exécutive de ses propres choix dans la ligne majoritaire du gouvernement soviétique ; Kominform qui sera lui-même dissout au moment de la déstalinisation en 1956, trois ans après la mort de Staline.

Quant aux juifs américains communistes et révolutionnaires, informés de l’impact de la guerre d’Espagne et de l’antisémitisme en Allemagne puis de la déportation générale des juifs européens, avant même de connaître le projet d’extermination avaient été parmi les militants antifascistes de la première heure, et devinrent particulièrement déterminés à la requête du renseignement soviétique quand l’URSS fut forcée d’entrer en guerre pour affronter l’invasion allemande dès 1941, alors que les États-Unis n’étaient pas encore engagés. Ce qui fut admis sous Roosevelt comme des actes de résistance légitime d’une communauté solidaire d’un allié potentiel, puis réel, ne pouvait pas être reconnu à l’issue de la guerre comme un acte de résistance national. Cela ne concernait pas directement les États-Unis bien que la relation amicale des échanges de certains militants communistes américains avec les diplomates de l’ambassade soviétique en charge du renseignement, qui les avaient contactés, eût incontestablement préparé le terrain favorable à l’entente entre les deux puissances, avant de lancer l’intervention militaire du débarquement des alliés atlantiques sur les côtes françaises.

Tout au contraire, sur la rive est de l’océan Atlantique, le PCF d’autant plus lié avec Moscou que son Secrétaire général Maurice Thorez se fût rendu en URSS après avoir déserté en 1939, où il resta jusqu’à 1944 et toujours considéré par de Gaulle comme un déserteur, (alors que Marty qui avait été un des dirigeants français du Komintern, déserteur également exilé en URSS, était revenu à Alger d’où il avait contacté le gouvernement provisoire de Londres, dès la dissolution de l’internationale), fut admis à participer au gouvernement à des postes-clé comme la Défense, sans nuire à l’intégrité nationale et sans se départir de l’esprit républicain de la social-démocratie ; peut-être même après avoir contribué à la répression des résistants révolutionnaires réfractaires à rendre les armes, (notamment leur ayant fait intégrer l’armée régulière pour refouler l’armée allemande, un certain nombre de ceux-ci périrent sous des balles perdues lors de bivouacs), ce que les communistes anti-staliniens lui reprochèrent. Le Parti Communiste Français fut également représenté à l’Assemblée Nationale et élu à la tête de la plupart des municipalités des villes ouvrières où ils demeura sans être inquiété par la concurrence des autres partis jusqu’à la fin des années 1970. D’ailleurs la politique du Kominform à l’égard des alliés atlantiques n’était pas le prosélytisme révolutionnaire pour prendre le pouvoir, mais contradictoirement la sauvegarde des nations pour la sauvegarde du nationalisme soviétique, préservant quelques alliances au sein de ce qui ne tarda pas à devenir le pacte de l’Atlantique Nord face au Pacte de Varsovie.

Poursuivre ce point de vue aujourd’hui en le justifiant par des informations annexes révélées depuis — mais qui en aucun cas ne concernent davantage le chef d’accusation sous lequel Rosenberg fut interrogé et condamné pour autre chose — est répéter l’injustice. Que dire d’Ethel Rosenberg, sinon qu’elle fut suppliciée. Beaucoup préfèreraient déclarer le dossier conclu sur la culpabilité et par conséquent forclos les débats sur la modification. Pourtant il en reste à connaître et à découvrir.

Il est donc précieux de pouvoir publier le bilan actualisé par Robert Meeropol lui-même, non parce qu’il est un des deux fils concernés encore que particulièrement à ce titre il connaisse toutes les pièces du dossier et les ait explorées en détail, mais surtout parce que lui-même étant un juriste de métier sait examiner les références et les documents et les confronter, au fur et à mesure où ils se libèrent — car il en reste qui ne sont pas encore publics.

Pour conclure à ce stade, il se trouve que l’existence d’un acte d’accusation secret contre Julian Assange a été révélé dans plusieurs journaux de la Presse internationale ces jours-ci, grâce à la publication du dossier Stratfor par Wikileaks. Ceci confirme l’analyse alarmante de Robert Meeropol dans un article sur son blog et son interview pour Democracy Now, sur l’inculpation de « conspiration » sous laquelle Assange est ménacé, semblable à celle qui rendit ses parents victimes d’un procès instrumenté pour un crime d’État afin d’édifier le pouvoir sur le peuple critique par une punition exemplaire, la mort, article et interview traduits et publiés dans La RdR le 11 novembre 2011 sous le titre : Robert Meeropol : sur Wikileaks et l’« Espionage Act » de 1917.

(A. G. C.)

P.-S.

The Rosenberg Trial
Supreme Court Decision
June 19, 1953

Forum clos après réponse, le 16 juillet 2016.

Notes

[1Information reportée dans un article de la revue Alliage N°22, de 1995, par Bruno Escoubès, physicien et chercheur au CNRS en physique sub-atomique, retranscrit dans le site Tribunes.com, Les vrais-faux espions atomiques. Bruno Escoubès est mort à 61 ans d’un accident respiratoire, à Madrid, l’été 1999. On trouvera en pièces jointes de notre article le pdf de l’hommage qui lui a été rendu par le CNRS.

[2Voir dans le site de l’Université du Missouri-Kansas City, au département des lois, l’index des pièces du procès libérées à ce jour, et l’accès à quelques extraits en html. D’autre part on trouvera en pièce jointe annexée à notre article un pdf de l’intégralité des documents libérés, issus de la même source.

[3Alexander Feklisov, Sergeï Kostin, Confession d’un agent soviétique. Dans cet ouvrage, Feklisov parle des Rosenberg, des fréquents meetings qu’il avait avec Julius (une cinquantaine en moins de trois ans), et qui étaient souvent de formidables soirées où ils riaient beaucoup ; il déclare que Julius était le seul agent qu’il considérait avant tout comme un ami proche, et qu’en retour Julius lui avait dit que ces meetings étaient parmi les meilleurs moments de sa vie. Il dit qu’Ethel était une « stagiaire » [NdLRdR : par stagiaire entendre dans le camp communiste et non espion] et qu’elle ne l’avait jamais rencontré, qu’« elle n’avait rien à voir avec tout ça », qu’elle était « complètement innocente » ; quant à Julius, qu’il avait lui-même recruté en 1943, il avait fourni d’importantes informations top secret sur ​​l’électronique et aidé à organiser un réseau d’espionnage industriel pour Moscou, mais « il n’entendait rien à la bombe atomique » et les Rosenberg furent « injustement exécutés ». La note de l’éditeur : « A quatre-vingt-cinq ans, le colonel Alexandre Feklissov est l’un des derniers survivants de l’époque héroïque de la première direction principale du KGB (renseignements extérieurs). Refusant d’emporter la vérité dans la tombe, et voulant rendre hommage aux hommes avec qui il a défendu ses idéaux, il raconte la formidable épopée du Renseignement dont il a été tantôt un témoin privilégié, tantôt un acteur de premier plan. Et les affaires sur lesquelles il fait la lumière le prouvent : Julius Rosenberg, dont il a été l’agent traitant et qui fut, des dix-sept agents qu’il a contrôlés, le seul à devenir avant tout un ami ; le rôle joué par le physicien Klauss Fuchs dans l’acquisition du secret de la bombe atomique par les Soviétiques ; et enfin la période de tension intense de la crise des missiles cubains en 1962, pendant laquelle il a servi d’intermédiaire entre Khrouchtchev et Kennedy lors des négociations secrètes, et dont il raconte heure par heure les péripéties. Avec ce témoignage d’Alexandre Feklissov, outre les nombreuses anecdotes sur l’espionnage au temps de la guerre froide, ce sont des épisodes clés de l’Histoire du XXè siècle qui sortent enfin de l’ombre.  »

[4Le journal Le Monde du 11 décembre 1952, après le rejet du pourvoi en cassation mettant fin à l’espoir de révision de la condamnation, avait vu juste :
 Le Monde écrit le 11 décembre 1952 : « aucune condamnation à mort n’avait jusqu’à présent été prononcée aux États-Unis pour crime d’espionnage, même en temps de guerre. D’autres espions d’une plus grande envergure ayant commis et avoué des faits beaucoup plus graves n’ont été condamnés qu’à des peines de prison. » bien que durant la Seconde Guerre mondiale, des espions allemands participant à l’opération Pastorius capturés sur le sol américains furent exécutés26. Ainsi Axis Sally et Tokyo Rose, convaincus d’avoir trahi leur pays en travaillant pour l’Allemagne et le Japon en temps de guerre, avaient été condamnés à moins de dix ans de prison. Le savant Klaus Fuchs, arrêté et jugé en Grande-Bretagne pour avoir fourni à l’Union soviétique d’importants renseignements sur la séparation des isotopes et la fabrication de la bombe A est condamné à la peine maximum : quatorze ans d’emprisonnement. Alla Nunn May, arrêté en mars 1946, reconnaît avoir transmis à l’URSS le 9 mai 1945 des informations sur la bombe d’Hiroshima ; sentence : dix ans de prison. Harry Gold (voir plus haut), pour espionnage atomique : dix ans. Ruth Greenglass, qui a reconnu avoir participé à un réseau d’espionnage : absolument rien. David Greenglass, son mari, qui s’est déclaré espion : quinze ans, réduit à dix. Pour ces deux derniers, leur collaboration avec la justice a été prise en compte. Morton Sobell, espion au profit de l’URSS : trente ans de prison.
Selon le procureur adjoint Roy Cohn, Irving Kaufman a refusé d’infliger la peine de mort au co-accusé des Rosenberg, Sobell, parce que selon le juge il « n’était aucunement impliqué dans l’espionnage atomique ».
 Le Monde du 11 décembre 1952 se demande si on peut « considérer ces témoins comme ayant déposé "sans haine et sans crainte", alors que les Greenglass avaient tout intérêt à charger les Rosenberg pour se sauver eux-mêmes. ». Le Monde ajoute : « quel étrange personnage au demeurant que ce Greenglass qui tue pratiquement par son accusation sa sœur et son beau-frère, avec lequel il avait eu jadis de sordides discussions d’intérêts. »
 Le Monde du 11 décembre 1952 se demande également si les informations transmises avaient bien la valeur et l’importance que l’accusation (le gouvernement américain) leur donnait. Le principal témoin de l’accusation, David Greenglass, prétendait avoir reconstitué le croquis d’une bombe atomique alors qu’il reconnaissait avoir échoué à de nombreux examens. Par ailleurs, les savants atomistes Robert Oppenheimer et Harold Clayton Urey, cités par l’accusation, n’ont jamais été appelés à comparaitre.
 Ensuite, la même édition du Le Monde du 11 décembre 1952 s’interroge : « la décision du jury et la sentence prononcée par le juge n’ont-elles pas été faussées par l’atmosphère dans laquelle s’est déroulé le procès ». On était alors en pleine période du maccarthysme, une campagne violemment anticommuniste aux États-Unis de 1950 à 1956, pendant la guerre de Corée. L’accusation s’efforça, lors du procès des Rosenberg, de leur faire dire s’ils étaient communistes. « Ceux-ci refusèrent de répondre, écrit Le Monde de l’époque,mais aucun doute n’était possible sur leurs opinions. Le passé des accusés (Julius avait été renvoyé pour opinion subversive d’un emploi administratif), leurs relations, leurs lectures, et leurs propres déclarations indiquaient aux jurés qu’ils se trouvaient bien en présence de communistes). »
 Enfin, Le Monde du 11 décembre 1952 mentionne le fait que les accusés étaient juifs. La question de l’antisémitisme se pose, souligne Le Monde de l’époque, parce qu’aucun juré n’était juif (« ce qui peut paraître surprenant dans une ville comme New York où la communauté juive représente le tiers de la population »). Le Monde se demande si le juge Kaufman, juif lui-même, n’a pas fait preuve d’une plus grande sévérité pour dissocier la communauté juive américaine des accusés et de ne pas faire porter sur tous les membres de la communauté juive une suspicion d’espionnage (accusation antisémite classique). « Un geste de clémence, poursuit Le Monde, suffirait à dissiper le malaise que crée dans l’esprit de tout observateur impartial un procès que le procureur Irving Saypol qualifia lui-même de « sous-produit nécessaire de l’âge atomique »… ».
(Extrait de l’article de wikipédia d’autre part contestable principalement par le fait qu’il recoure à des révélations posthumes pour statuer sur la culpabilité des accusés, la dissociant du cadre du procès et par conséquent de l’objet de la condamnation en son temps ; cela constitue une opération douteuse de la faculté de juger pour valider une décision judiciaire forclose par la mort même des accusés, et de plus en faisant l’ellipse de la confirmation, pourtant également posthume, de l’innocence d’Ethel Greenglass Rosenberg, cela manifeste un article non neutre).

Davantage sur la non neutralité, sur preuves dans l’article de wikipédia :
En plus du procès et du statut non reconnu de l’autonomie des actes de la femme dans cette affaire (et par là concourant à la misogynie ambiante qui cautionna la condamnation d’Ethel en son temps, alors qu’elle était radicalement innocente au su des procureurs), il apparaît que l’article soit politiquement non neutre, ce qui peut expliquer l’ensemble des problèmes récidivistes de neutralité concernant les commentaires et les conclusions interférentes du ou des rédacteurs.
La non neutralité politique s’exprime particulièrement à propos du mouvement international de protestation contre la condamnation des Rosenberg, en l’attribuant au fait par exemple que le parti communiste ait été leader dans cette campagne en France, — où il n’était pas interdit — ; en fait la protestation fut largement partagée sur un front uni progressiste au delà du communisme y compris dans des pays passés à l’anti-communisme à l’instar des USA, particulièrement dans ceux qui avaient participé à la lutte contre les nazis soit par des actes de résistance soit en ayant contribué au débarquement allié. En France même, il ne viendrait à personne de considérer comme communistes le fondateur et directeur du journal Le Monde Hubert Beuve-Méry ni les rédacteurs de ce journal alors fameux en matière d’information internationale, qui furent importants dans la campagne de d’information du verdict, et d’ailleurs dont les rédacteurs de wikipédia reproduisent largement des extraits de l’article du 11 décembre 1952. Il ne viendrait pas davantage à l’idée de considérer comme pro-communistes les grands journaux du Royaume Uni, où Churchill avait pourtant refusé à l’émissaire scientifique de Roosevelt l’accord de partage des informations de l’arme atomique avec les soviétiques, après avoir salué l’héroïsme des soldats soviétiques en pleine guerre, où le mouvement de protestation contre la condamnation des Rosenberg fut également notoire ; ni de considérer comme communistes les militaires britanniques qui n’infligèrent pas une peine supérieure à 14 ans d’emprisonnement au physicien Klauss Fuchs, éminent espion atomique à juste titre de son domaine de compétence dans le projet Manhattan, — qui dénonça Harry Gold comme son courrier, — soit seulement 14 ans de prison pour des renseignements hautement déterminants, sans commune mesure avec les pièces anecdotiques remises par les Greenglass à l’origine de l’affaire Rosenberg. Il ne viendrait pas davantage à l’idée de quiconque de considérer pro-communistes les pays du Common Wealth, où le mouvement fut important en toute cohérence de la reconnaissance que les soviétiques avaient été les premiers à affaiblir Hitler avec la bataille de Stalingrad qui dura plusieurs années et qui avait permis de débarquer sur la façade Atlantique, puis à vaincre jusqu’à pouvoir être les premiers libérateurs des camps.
Donc le problème de non neutralité de cet article (plutôt bien fait par ailleurs), récidive à plusieurs niveaux, d’autant plus qu’il n’est pas à jour des dernières publications : il ignore le second livre de Walter Schneir, Final Verdict, nouvelle enquête en cours depuis 2008, rédigée en 2009 — l’année de la mort de l’auteur — et publiée en 2010 avec la préface de son épouse (qui était co-auteur du premier ouvrage de Schneir sur le sujet). Il choisit d’en rester au livre de André Kaspi, Des espions ordinaires, ouvrage réfuté dans La RdR par Michael Meeropol, dont la première édition en avril 2009 ne prend pas en compte le détail des actes du Grand Jury — peut-être pour des raisons de délai, — que l’article de wikipédia paraît également ignorer.

2 Messages

  • Bonsoir, à propos de Sam Roberts qui se serait entretenu avec le secrétaire du département d’Etat de Truman, cela me parait bizarre car Dean Acheson (le secrétaire d’Etat), est décédé en 1971.. Alors que Sam Roberts a écrit son livre dans les années 2000 il me semble. Bref, je crois que c’est une mauvaise information, mais peut-être que je me trompe, peut être qu’il a écrit son livre plus tôt ? je ne suis pas sûre de ce que j’avance

    • En dépit des vacances je réponds, croyant savoir de quoi il s’agit. Sam Roberts est né en 1947 ; son livre The Brother a effectivement paru en plusieurs éditions après 2000 (2001, 2003, 2005) il me semble. En 1967 Sam Roberts avait 20 ans. Ce livre est la somme d’une recherche sur plusieurs décennies et une compilation d’articles. Dans le cadre d’une ITW pour le documentaire français de Clara Kuperberg et Robert Kuperberg, Le frère qui envoya les Rosenberg sur la chaise électrique (2009), Roberts a évoqué les personnalités qu’il avait rencontrées au long de son enquête ; je pense que c’est là qu’il cite la rencontre dans les termes évoqués ici. A moins qu’il ne s’agît de l’évocation d’une rencontre avec un autre protagoniste officiel de l’affaire et/ou survivant du cabinet Dean Acheson rapportant un témoignage direct sur Acheson, mais je ne pense pas, et également dans ce film. Il faudrait revoir ce documentaire que j’avais découvert au moment de la gestation collective de la rubrique d’hommage aux Rosenberg dans notre revue (rubrique d’ailleurs inachevée entre autre car les révélations publiques n’étaient pas encore bouclées), grâce aux fils Rosenberg Meeropol et à une de leurs amies directes vivant en France qui a été l’éditorialiste de la médiation entre les descendants des Rosenberg et nous, fils que vous pouvez toujours joindre par email pour en savoir davantage, notamment Robert qui participe à l’image du documentaire cité.
      Pour l’éditorialiste.

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