Frédéric Dumond travaille la langue comme expérience. David Christoffel travaille parole et musique comme distincts. Ils sont nés les 30 août 67 et 76. L’un et l’autre s’intéressent aux interférences entre le texte et ses usages médiatiques. Leurs productions sont listées sur leurs sites http://fredericdumond.free.fr et http://www.dcdb.fr. Leur première rencontre a donné lieu à ce texte-entretien.
David Christoffel : Est-ce que c’est à cause de oh oui que ce serait implique formidable ?
Frédéric Dumond : Non, pas à cause de oh oui. À cause de doute un, d’un ensemble de doutes, d’un ensemble de non-confiance, d’absence de confiance.
DC : Parce qu’on a quand même l’impression que il faut un emportement et de gratuité dans l’emportement pour arriver à formidable.
FD : Il faut en tout cas en tout cas quelque chose de restreint, d’impossible, quelque chose d’une perte et que à ce moment là, dans ce sens-là, dans ces cas-là, on arrive à ça formidable.
DC : Et donc on arrivera forcément à formidable. C’est-à-dire qu’il y a un il faut qui se présente comme impératif d’abord et qui à force d’être pratiqué, finit par être de l’ordre de la supposition. Puisque le il faut est plein de ce serait.
FD : Ce serait c’est toujours ce serait. C’est toujours dans cette possibilité-là et dans cette impossibilité-là. Il n’y a jamais autre chose que impossible et impossible exactement dans le même temps, dans ce temps-là, du dit, du faire, du moment où, du moment où on entend, du moment où ça a lieu.
(on entend passer une voiture)
DC : Du moment où ça a lieu.
FD : Du moment où ça a lieu, dans la mesure, dans cette mesure -à, dans cette seule mesure où on entend un ensemble tout autour, tout autour de ce qui a lieu. Mais uniquement au moment où c’est entendu. Et ça ne peut être entendu que sous ces conditions-là.
DC : C’est-à-dire qu’il n’est plus entendu que les conditions de ce qui a lieu. Et dans ce qui a lieu, on entend beaucoup beaucoup tout ce qui ne doit pas avoir lieu.
FD : On entend l’ensemble. On entend ce qui et ce qui ne doit pas avoir lieu. Mais on est dans toutes les hypothèses en même temps. Et au moment où ça a lieu, on doit entendre, mais ce n’est pas nécessaire, ce n’est pas systématique, ce n’est pas logique. Mais on doit entendre un alentour très précis et à la fois très précis, très déterminé, totalement ouvert. Qui est donc une somme de possibles qui exclut d’autres possibles et qui en même temps permet leur existence.
DC : Tandis que, si seulement et ô tellement, comme si on pouvait vraiment un summum avec pas grand chose.
FD : Avec très peu, avec quelque chose de très restreint. Comme si le seul possible, c’était ça, du restreint avec du restreint, du très peu, déployer une immensité. En tout cas, un champ presque neuf, quelque chose de joyeux, proche peut-être d’une utopie en action.
DC : Mais du fait de saturer d’un rien, on ne jouit pas tant que ça de joie ?
FD : C’est une joie mesurée, mesurée. Il y a une mesure, il n’y a pas de jouissance. Non, pas encore. Pas encore de jouissance, mais du plaisir, du plaisir parce que c’est ouvert, tout est ouvert, tout le temps, à chaque moment, c’est ouvert.
DC : Mais c’est toujours ouvert comme ça. Et avec le comme ça, il y a toujours un juste comme ça. Qui fait qu’il y aurait jamais que comme ça.
FD : Non, le comme ça, il est aussi comme ça, il y a pas de comme ça déterminé, c’est un comme ça qui n’a pas un sens, qui a tous les sens en même temps. Donc, il est peu, il est très peu, il est sans cesse comme ça, mais en même temps, toujours en même temps, il les contient tous.
DC : Ce qui est bizarre avec le comme ça, c’est que, bizarrement, il suffit et il comble en même temps
FD : Oui, c’est exactement ça. Il suffit, il comble et en même temps et en même temps, imperceptiblement, quelque chose gagne en perte, c’est-à-dire, il y a une absence qui est en permanence là. Donc, ça suffit pas.
DC : Mais, ça suffit pas, pour respecter la loi du qui perd gagne. C’est-à-dire qu’on en dit beaucoup pour en dire très peu, mais toujours pour aller par là.
FD : Toujours pour aller dans une seule ou quelques directions qui sont toujours dans le même sens. Oui, on en dit beaucoup pour en dire très peu, très très peu, pour ne rien dire, beaucoup pour ne rien dire, beaucoup pour rien. Parce que l’enjeu alors, c’est de conduire et pas de dire.
DC : Donc, c’est de faire aller. Et le problème c’est que plus tard, c’est juste une déclinaison de pas maintenant. C’est page 13.
FD : Plus tard, c’est un présent permanent, c’est le présent, sans cesse, différé. Donc qui existe à la fois tout le temps et qui n’existe forcément jamais, qui permet d’éviter, de différer et d’être sans cesse dans une projection. Alors que dire, c’est éminemment prendre position autrement, ne jamais pas de projection dans le dire, pas de projection dans le dire.
DC : Mais toujours un encore. C’est-à-dire qu’il y a pas de projection mais y a un y aller tout le temps, on y va on y va, encore et encore, et c’est donc histoire cet encore de pas y arriver, pour pouvoir y aller.
FD : C’est de ne pas parvenir à quelque chose, mais y aller accompagné être ensemble au moment où ça a lieu être avec donc vivre, vivre ça, le vivre, pas l’écouter, l’entendre, pas l’imaginer, le vivre au moment où ça a lieu, donc une fois encore, pas de projection, une sorte de quelque chose en acte sans cesse, sans narration : du dit, c’est du dit, c’est du dit, donc c’est du vivre.
DC : Mais est-ce que sans narration c’est parce que tout le bien que ça fait ?
FD : Ça c’est du grand plaisir, oui. Ça, c’est assez inouï. Parce que pas d’encrage, parce que pas de commentaire, parce que le moins de distance possible, le moins de distance possible, une mesure en tout cas qui se veut au plus proche, au plus proche du moment où ça a lieu, se dit, s’entend, sans contraction.
DC : Et pourtant ça dépend page 17 si tellement tellement bon.
FD : Ça dépend de qui, ça dépend de qui, toujours d’un côté comme de l’autre et c’est là où ça ne peut avoir lieu que sous certaines conditions.
DC : Et qui, semble-t-il, sont infimes puisqu’on note que il suffit donc d’un rien, d’un rien donc pour que, pour que donc tout c’qui, tout c’qui donc ce qui peut arriver et ce qui peut arriver donc d’un rien.
FD : Sans cesse d’un rien. Il suffit d’un rien qui est évidemment, qui occupe, qui occupe, qui occupe tout. C’est le rien qui occupe tout et à la fois en occupant tout il permet tout en empêchant, là encore tout dépend de la position d’un côté comme de l’autre. Le rien s’inverse, sans cesse le rien bascule en opacité ou en vecteur. Donc il suffit d’un rien.
DC : Et le d’un rien, c’est le grand plaisir du ce n’est pas tout. Parce qu’il y a aussi, il y a toujours même, c’est-à-dire qu’il y a surtout qu’on aime beaucoup dire il y a.
FD : On aime beaucoup dire il y a sans sa suite, sans suite. Mais en suivant, en suivant. Il y a suit toujours il y a. Et le rien permet ça dans une latitude assez exemplaire. Finalement, le il y a permet tout et en même temps, évidemment, peut fermer tout. Et c’est le peu, c’est que qui est peu qui permet, qui mène, qui ouvre le il y a à toutes les latitudes, à toutes les profondeurs.
DC : Par contre quand il faut, c’est-à-dire y arriver. Et quand c’est le moment, c’est qu’il faut y aller et le moment où ça arrive, c’est donc juste que c’était le moment.
FD : Et à la fois, oui, oui et à la fois il y a urgence. Il y a urgence donc une intranquillité absolument fondamentale à cause de cette urgence-là et à cause de donc à cause du il faut, à cause du il y a, à cause des conditions de part et d’autre qui font basculer le rien, le peu sans cesse dans un en oscillation.
DC : Mais si on rate, pourquoi est-ce que c’est pas si grave ?
FD : Parce que les conditions à nouveau à nouveau là, possiblement à nouveau là..
DC : En fait. Non parce que, pour continuer, en fait, c’est-à-dire qu’en fait, à force de c’est ça fait en effet si bien qu’ensuite toujours bien entendu.
FD : Toujours, toujours en effet. Ensuite, c’est ça, c’est comme ça, c’est comme ça et en même temps, dans le même temps, dans ce temps-là, c’est comme ça aussi, comme ça, comme ça ou comme ça.
DC : Mais pas toujours.
FD : Mais pas toujours et en même temps, au moment où ça lieu, à ce moment précisément ou à un autre moment, au moment où nous parlons, c’est ça.
DC : Et le fait est qu’on peut en venir à rien d’autre que oui absolument. Et absolument, en soi, c’est quand même dingue.
FD : C’est une totalité, absolument tout tout, c’est peu tout. Tout, c’est extérieur, tout, c’est défini, c’est une définition, c’est un ensemble. Et rien, c’est tout justement. Rien, c’est l’ouvert comme ça sans cesse à tout moment. Le peu, c’est le seulement le peu permet.
DC : Donc, le possible c’est la joie des conditions et, sur ce, ça peut toujours se moderniser, c’est-à-dire qu’il y a pas de projet, mais est-ce que ça peut s’arrêter ?
FD : Ça peut s’arrêter, ça peut s’arrêter, ça peut s’arrêter, non. Ça ne doit pas pouvoir s’arrêter. Sans doute ça ne s’arrêtera pas, d’ailleurs, Mais ça passera ailleurs, ça passera sur d’autres fréquences, en d’autres rythmes, avec d’autres matières. Et c’est là où, c’est là où y a pas de projet justement, c’est là où tout le champ est ouvert.