L’œil qui s’arrête sur les œuvres de Dominique Rousseau est tout à la fois saisi par l’ordre et le chaos.
On peut y reconnaître des formes animales archaïques comme un trilobite ou une limule, un tatou ou une tortue marine ainsi que de multiples formes végétales — et le tout s’entrecroise.
La présence d’inclusions végétales (de nombreuses fibres font la trame) ou minérales (tuf ici, gorgone là, pigments un peu partout), les traces laissées par les divers êtres dans la matière de l’œuvre et enfin toutes les matrices graphiques qui surgissent en tous sens — tout cela forme un monde qui s’égaie de l’empreinte à l’idée.
Forme, non-forme, ordre et chaos sont des approches non exclusives les unes des autres, on pourrait dire qu’elles sont compossibles, même si nous n’en comprenons pas encore l’agencement. Le chaos est un ordre naturel supérieur (aucune transcendance nécessaire). Quant à la forme, qui résulte des forces dans les plis de la matière, celles et ceux qui observent le monde terraqué savent qu’elle a ses figures récurrentes, ses formes dynamiques qui commutent parfois entre elles sans qu’on en sache la raison : cellules, brèches, branches, réticules, labyrinthes, polygones, nébulosités, angles, vermicules, fractures, vaisseaux, dendrites…
Nul besoin de toucher ces œuvres qui pourtant nous y invitent tant, leur texture en est telle que l’esprit, à leur contemplation, retrouve la multitude des sensations que la peau, de la main jusqu’aux pieds, et que l’oreille interne y ont enregistrées en parcourant la Terre. Et si le végétal et l’animal semblent privilégiés dans ces compositions, l’esprit attentif commence à comprendre qu’à l’instar du monde, tout provient du minéral et y retourne.
Plus que les pigments et les inclusions, c’est la géologie même des œuvres qui interpelle. Aux lignes du monde, aux figures de la terre, l’épaisseur ajoute des sédimentations, des chevauchements, des abrasions et des arasions avant de nouvelles surrections. Du détail à l’ensemble s’affirment les phénomènes, tant dans leur organisation que dans leur énergie, de sa concentration à sa dissipation. Sans jamais le clamer, ces palimpsestes s’offrent comme un livre du monde. Leurs écritures s’abouchent à la plus vaste des conventions possibles : la Terre.
L’art géopoétique de Dominique Rousseau — à bras le corps et l’esprit en alerte — emprunte au monde naturel son langage et nous offre l’occasion, au moins le temps de la contemplation, de nous mettre en accord avec celui-ci.
Nota bene : ce texte qui sert de présentation à l’exposition s’appuie sur l’ensemble des œuvres exposées.
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