Pour se rendre à Sakassou, au centre de la Côte d’Ivoire, dans la région de la Vallée du Bandama, en pays Baoulé, il faut se lever tôt afin de rejoindre la gare routière UTB d’Adjamé. Compter une heure de Riviera 3 en taxi à 7 heures du matin. Bouchons assurés. Arrivés à la gare on croise des vendeurs de bangui, de viande, de poulet ; des vendeuses de poissons braisés, de porcs au four, d’attiéké…
Heureusement un bus part chaque heure. On s’était renseigné la veille. Avec nos 6 valises et nos visages pâles, on ne passe pas inaperçus, mais Marius et Jean-Marcel, les frères d’Aya, encerclent nos bagages afin d’éviter les mains des porteurs à la recherche de CFA. Deux amies de collège d’Aya nous on rejoints afin de faire le voyage avec nous. Un type en jaune de la compagnie de sécurité chargé de la sécurité de la gare, nous fait rentrer en premier ce qui ne plaît pas à une femme qui demande pourquoi les blancs passent avant tout le monde ou plutôt " Ce n’est pas parce qu’ils sont blancs qu’ils doivent rentrer en premier ". Elle a raison mais on a du cash et avec un peu d’argent on obtient tout ce qu’on veut à Abidjan. Pour elle comme pour beaucoup à Abidjan, il y a ceux qui ont pris les armes depuis 2002 et ont été installés au pouvoir par l’armée Française le 11 Avril 2011 dont le président Ouattara Alassane est le porte-étendard et de l’autre, ceux qui ont été attaqués, qui ont résisté neuf ans durant avant de plier sous les bombes de la France et dont le Président Laurent Gbagbo constitue l’icône. Être français n’est donc pas forcément toujours bien perçu, mais durant tout ce voyage, ce sera le seul moment ou je sentirai une hostilité envers nous. Le reste du temps, partout, les personnes croisées étaient heureuses de voir leurs "premiers touristes" arriver. Cela leur donnait à chaque fois le sentiment d’un retour à la normalité après 10 ans de crise.
Une fois rempli de bagages, de sacs de jute et de tous ses passagers, le bus part enfin. 5 heures de voyage nous dit-on pour rejoindre Bouaké la deuxième ville du pays. Ensuite il nous faudra prendre un taxi ou une voiture particulière en fonction de la situation sur place, des barrages et des coupeurs de routes.
350 km seulement séparent Abidjan de Bouaké, mais la route a souffert de la guerre et des pluies diluviennes ont même détruit certaines portions de l’autoroute dernièrement.
Voilà en tout cas une sacrée route qui commence après un barrage militaire à la sortie d’Abidjan sur le corridor nord, cette étrange zone de contrôle des véhicules, sur la route principale où douaniers, policiers et soldats des FRCI arrêtent les véhicules.
Tous les kilomètres nous dépassons des camions à bout de souffle roulant à si faible allure et semblant accablés par le lourd fardeaux qu’ils transportent. Sur les bas côtés de nombreuses remorques sont renversées. Bienvenue sur l’autoroute de l’extrême. Le salaire de la peur dans les yeux, le chauffeur de bus double tous les véhicules que nous voyons. Faisant fi des nids de poules, ils arrive parfois que notre bus s’envole un peu avant de retomber violemment sur ses amortisseurs qui n’amortissent plus rien. Les passagers à l’arrière du bus à chaque fois râlent contre le chauffeur qui repart alors de plus belle. Ne pas trop regarder la route et encore moins lorsqu’il double dans des tournants totalement bouchés. On nous avait dit que la route était dangereuse et du coup nous avions décidé de ne pas louer de voiture préférant la sécurité du bus. Dessus on peut d’ailleurs lire : "ABS et freins manuels = double sécurité". Il me semblait que tous les véhicules sont équipés de deux systèmes de freinage. Un circuit de freinage agit sur les quatre roues, le deuxième circuit sur les roues de l’essieu avant. J’arrête en tout cas de regarder la route et commence à prendre des photos. Les enfants dorment. Les filles causent.
Dans quelques heures nous serons à Bouaké si tout va bien.