L’ange sombre de la Pâques n’a pas de tête, donc il n’a pas de visage. Laissant tomber au bas de sa robe obscure une petite croix solide et menue, pour signifier peut-être qu’il est de l’assemblée des chrétiens, il joint ses mains ridées et calleuses à la montagne infranchissable, à l’éboulis du village qui se précipite dans le temps enserré de l’homme, au ciel qui ne présage que l’attente de la tempête, au chemin où les pierres anguleuses et fragiles s’accrochent pêle-mêle.
L’ange est à droite, hors du paysage. Il est gardien, ou oiseau de proie. Sans doute aperçoit-il une procession coupant les ruelles ancestrales. Le sacrifice ne l’émeut pas, ne le vainc pas ; les mains ridées ne tremblent pas, ne se crispent pas, quoiqu’on puisse en voir sur la photographie, fatale illusion d’humanité.
Car les mains calleuses du temps sont impassibles. L’ange attend et voit, déjà pour lui le village s’est épandu entier dans la vallée rocheuse, déjà pour lui la montagne a scellé la vallée. Déjà pour lui, le sacrifice à accomplir, s’accomplit et s’est accompli, et s’accomplira.
L’ange de la Pâques n’aura jamais ni tête, ni visage. Le photographe n’a pas eu le choix de ce cadrage. Ite, missa est.