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HISTOIRE DE L’OBSCURITÉ —
Face au tout changeant, ne rien vraiment vouloir. Le sujet importe peu. La lumière prime. Que la lumière dans son infinie variation. Le vide qu’elle éclaire. Dériver sous le soleil, trouver les points de passage, viser le lieu exact de l’énigme où s’exerce sa limite, où circulent ses passagers fantômes, silhouettes aux contours précis, sans cesse menacés d’extinction. Avancer seul, au hasard des rues, ouvert à la diffraction, à l’accident oculaire. Aller sans direction précise, sans consigner le regard vers la moindre idée préconçue, le moindre programme. Suivre quelqu’un peut-être. Le fixer sans qu’il s’en aperçoive, dans l’inconscience de sa traversée, simple figurant dans l’instant unique permanent, aussitôt vu aussitôt disparu. Se poster et attendre, attentif aux petits voyages de la couleur. S’étonner parfois de constater à quel point on est devenu soi-même invisible. Découvrir presque à son insu, au fil des compilations nocturnes, l’unité cachée d’un regard, l’invention d’une cohérence. Par soustraction, attendre qu’un récit s’installe, comme de lui-même. Émergeant comme une bulle à la surface de l’eau. Qu’une histoire prenne corps, enfin, se dépose en nous. À bien y regarder, toujours la même, celle d’un effacement, d’une disparition, d’un aveuglement, dans un monde qui se donne définitivement double, à la fois visible et invisible à l’œil nu.
Nicolas Losson
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