Joseph Bédier est, parmi les modernes, le premier à avoir attiré l’attention des lecteurs occidentaux sur cette sombre histoire d’amour qu’est Tristan et Iseut en réécrivant, à partir des différentes versions médiévales, un texte à la fois riche et cohérent qui a, depuis sa rédaction en 1900, longtemps éclipsé les autres — version de Wagner exceptée.

Comme l’analyse Denis de Rougemont dans L’Amour et l’Occident (1938) — dont ce roman est le point de départ et le coeur — cette histoire a tout d’un mythe : on ne connaît pas son origine en dépit de quelques versions déjà anciennes ; elle s’appuie sur des éléments sacrés relatifs à la coutume de la chevalerie médiévale ; enfin son obscurité manifeste quant à la vérité qu’elle présente en un langage simple.

Car, demande D. de Rougemont, l’histoire de Tristan et Iseut n’est-elle que celle d’un adultère ? Non, ce mythe est là pour "exprimer le fait obscur et inavouable que la passion est liée à la mort". La dilection pour l’exaltation de l’amour malheureux fonde et parcourt toute la littérature à travers le Roman de façon privilégiée, mais de nos jours sous toutes les formes que la culture populaire peut lui donner.

Nous proposons ici la version de Joseph Bédier publiée à Paris chez Piazza en 1918, qui représente la neuvième édition de cette histoire ’renouvelée’ par Bédier. Le manuscrit a été scanné par l’Université de Toronto et mis en accès libre sur le site d’archive.org. En complément à cet ouvrage, nous proposons d’écouter des extraits du Tristan und Isolde (1859) de Richard Wagner : Prelude et Liebestod, oeuvre à laquelle Friedrich Nietzsche reconnaissait une vénéneuse fascination.