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Lettre ouverte à François Hollande à la veille de la visite en France du Président birman Thein Sein 

mardi 16 juillet 2013, par Rédaction

Depuis de nombreuses années, nous suivons à la RdR la situation en Birmanie, que ce soit en appelant à soutenir le peuple birman, que ce soit en présentant (en pleine terreur et sous un pseudonyme) la situation des écrivains face à la dictature, que ce soit en publiant de la littérature birmane contemporaine (Mère de Juu) ou en interpellant les autorités françaises sur le sort d’Aung San Suu Kyi (avec appel et pétition). Nous renouvelons ce type d’action en relayant l’appel d’un ensemble d’associations qui demandent au Président de la République française d’être vigilant sur les conditions de la présence économique de la France en Birmanie — pour mémoire, le groupe français Total a été accusé pendant longtemps de recourir au travail forcé en Birmanie sous la dictature.

RP

Monsieur le président,

A la veille de la visite officielle du président birman Thein Sein, les 17 et 18 juillet 2013, au cours de laquelle vous aurez un entretien en tête à tête, le CCFD-Terre Solidaire, Info Birmanie, la FIDH, le Secours catholique, Avaaz et Reporters sans Frontières vous appellent à ne pas passer sous silence la situation des droits humains, notamment les violences dont est victime la minorité Rohingya.

Lors de la venue d’Aung San Suu Kyi à Paris, en juin 2012, vous avez déclaré que « la France, avec l’Europe, fera toutes les pressions nécessaires, mais aussi les accompagnements (…) pour que le processus (de réformes) aille jusqu’à son terme, c’est-à-dire la démocratie pleine et entière (…) des élections libres, (...) des libertés politiques, des libertés syndicales, (...) la possibilité pour les minorités d’être respectées, (...) la fin des régimes d’exception ».

Depuis 2011, les autorités birmanes mènent en effet un programme de réformes mais celles-ci restent largement insuffisantes. Le gouvernement est toujours contrôlé par les militaires et la majorité des lois répressives mises en place par la junte ces dernières années n’a pas été abrogée. Pire encore, les représentants du gouvernement et les forces de sécurité continuent de participer directement à de graves violations des droits humains.

Votre rencontre avec le président Thein Sein portera en grande partie sur les investissements français en Birmanie. Depuis que l’Union européenne a assoupli les sanctions économiques contre la Birmanie, en avril 2012, le pays est au centre d’un intérêt grandissant des investisseurs étrangers.
La France ne doit pas se laisser guider uniquement par ses intérêts économiques, alors que de grandes entreprises françaises, comme Vinci, Bouygues, Total et Orange sont en train de négocier des contrats en Birmanie. Elle doit, dans un premier temps, s’assurer que les droits humains figurent bien au cœur du processus de réformes en cours dans le pays.

La France, avec les membres de l’Union européenne, se doit d’exiger du gouvernement birman qu’il respecte ses engagements et fasse cesser les violences et discriminations contre les musulmans et plus particulièrement les Rohingyas, une minorité musulmane particulièrement maltraitée en Birmanie. Les campagnes militaires et d’incitation à la haine contre les groupes ethniques doivent également cesser et l’accès humanitaire dans l’Etat Kachin, où des dizaines de milliers de populations déplacées vivent dans des conditions désastreuses, doit être garanti. La liberté de l’information et de la presse dans la couverture des conflits en Arakan et des Rohingyas sont cruciales afin d’empêcher que les violences ne se poursuivent à huis clos.

En outre, nous attendons de votre rencontre avec le président birman que vous l’encouragiez à mettre en place un calendrier détaillé de réformes en vue des élections de 2015. Il est indispensable que la France rappelle son attachement à une réforme en profondeur du système judiciaire, afin de le rendre conforme aux normes internationales. Le président Thein Sein doit également entendre que la libération de tous les prisonniers politiques y compris ceux arrêtés depuis son arrivée à la présidence en 2011, est un préalable à la reprise de relations normalisées avec son pays.

Si ce n’était pas le cas, la France récompenserait un régime qui ne tient pas toutes ses promesses et lui enverrait un message lui indiquant qu’il peut continuer d’ignorer les demandes de la communauté internationale et de violer le droit international en toute impunité.

Sans réformes institutionnelles, législatives et constitutionnelles, la Birmanie ne peut être une société libre et démocratique, et sans accord politique avec les groupes ethniques, la Birmanie ne connaîtra jamais la paix.

C’est pourquoi nous vous demandons, Monsieur le Président, de faire entendre la voix de la France sur le respect des droits humains et de la sécurité des populations en Birmanie.

En vous remerciant par avance de l’attention portée à notre démarche et en vous assurant de l’expression de notre haute considération.

Karim Lahidji, président de la FIDH
Bernard Pinaud, délégué général du CCFD-Terre Solidaire
Christophe Deloire, directeur général de Reporters sans frontières
François Soulage, Président du Secours Catholique – Caritas France
Mathieu Flammarion, Président d’Info Birmanie
Alex Wilks, directeur de campagnes, Avaaz.


Voir en ligne Info Birmanie, qui rappelle que tout ne va pas bien en Birmanie, que des entreprises européennes y privilégient encore le profit aux droits de l’homme.

P.-S.

En logo, U Thein Sein, président du Myanmar (Birmanie).

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