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Le « staff » de Occupy Wall Street a eu tort de globaliser le mouvement en assignant les autonomies respectives sous un label à l’image d’une franchise commerciale, pour un tableau auto-satisfaisant de la répartition mondiale du mouvement — sous la pression des européens. Cela alourdit le mouvement et désigne des cibles internationales pour la répression.
Où nous en sommes ? Comme le problème de la légitimité des indiens sur leur propre territoire a commencé par être traité dans l’histoire de la fondation des États-Unis, et aujourd’hui celui des palestiniens en Palestine, le pouvoir occidental entend résoudre in extremis celui de son propre peuple égal à tout autre dans le monde, en retournant le sens de l’égalité par le nivellement de l’inégalité ; c’est, au fond, ressenti et exprimé dans Le discours sur le nationalisme de Aimé Césaire, un discours visionnaire de l’après guerre et du siècle suivant, à propos du comportement colonialiste contre les peuples colonisés mis en relation avec celui des européens à l’égard de leurs propres peuples, dont les camps nazis, pendant la seconde guerre mondiale (voir le document joint en pdf).
Au départ il y a eu sans doute une influence de Wikipeaks déliant l’information des pouvoirs. Mais dans les actes, le mouvement de contestation générale, parfois révolutionnaire parfois réformiste, a été inspiré par les soulèvements populaires Tunisien et Égyptien, interdits d’agir pour leur propre survie face à la misère, et l’absence des droits de l’exprimer, exemplaires par leur succès contre la violence des dictateurs arabes qu’ils parvinrent à faire révoquer, mais en payant un tribut sacrificiel des vies levées pour la justice dans leurs pays. Puis en Tunisie ce fut le maintien de la lutte jusqu’à mettre en place une assemblée constituante pour rédiger une nouvelle constitution. Mais nos amis Égyptiens ont connu leur révolution déviée par les militaires restés au pouvoir — et qui les concentrent tous, y compris d’être un des principaux capitalistes du pays (tourisme et textile). Ces dictatures notamment l’Égypte où règne encore l’armée après le départ de Mubarak, étaient d’autant plus fortes qu’elles tenaient un rôle dans le programme Extraordinary Rendition, (tenir sur ces territoires des prisons secrètes de la CIA et la torture interdite sur le sol américain). Le départ des dictateurs et de leur cabinet le plus proche supposait d’abord un relâchement provisoire des États-Unis, notamment en Égypte, mais là n’est pas notre sujet. À suivre.
Puis ce furent, après l’Égypte, les mouvements dans des démocraties déjà constituées mais également corrompues et socialement dévoyées, le mouvement des Indignés avant Occupy Wall Street — l’un pour refuser le plan d’austérité cadré par la perte du secteur public, l’autre pour réclamer un engagement public dans un monde ruiné par la structure privée. Tout commença par le petit ouvrage activiste Indignez-vous ! référant au programme du Conseil National de la Résistance adopté le 15 mars 1944, dont l’appel avait été renouvelé * à l’occasion du soixantenaire en 2004. Ce petit ouvrage appelant à l’indignation fut écrit en 2010 par Stéphane Hessel, ancien résistant et déporté, évadé pour rejoindre le gouvernement français exilé à Londres, et membre du comité national de la résistance lui-même, socialiste, militant international des droits de l’homme qu’il a contribué à rédiger pour l’ONU après la dernière guerre mondiale, et de la cause palestinienne de deux États. Hessel, se déclare révolté, et plus particulièrement depuis 2008, que le pouvoir se soit livré à démonter pièce par pièce — décret par décret — les acquis publics du programme de la résistance et notamment les droits citoyens, la protection de l’enfance, la santé, l’éducation, l’économie solidaire, les responsabilités publiques, etc. face à l’influence de l’argent sur les gouvernements qui abusent les électeurs. Il est à ce jour un des derniers survivants du CNL, depuis le soixantenaire et avant de disparaître porte toute son énergie à transmettre le sens du scepticisme et de la noblesse de l’insoumission collective aux jeunes générations.
La révolte contre le plan d’austérité en Espagne inaugura le mouvement européen, par l’occupation imprévue de la Puerta del Sol à partir du 15 mai 2011, dite Mouvement du 15 mai [1]. L’ouvrage de Stéphane Hessel ayant été traduit en espagnol au début de 2011 [2], on pouvait lire en mai le graffiti ¡Indignaos ! à la Puerta del Sol et dans les universités espagnoles, où s’habita en réalité événementielle concrète et singulière le concept de l’indignation, en inventant l’action et les mots d’ordre de l’occupation.
Ce n’est pas par hasard si la créativité du mouvement fut précisément située en Espagne, une des plus jeunes démocraties européennes auto-constituées contre les dictatures nationalistes qui avaient survécu de la dernière guerre mondiale en Europe du sud, avec le Portugal. Mais la singularité madrilène fut rapidement détournée par les activistes français arrivant sur place pour s’y représenter plutôt que pour les secourir, et se vit attribuer de nouveaux mots d’ordre, plus généraux, altermondialistes, inauguraux de la mission européenne qui suivra sans le même éclat, qualifiée de « Mouvement des Indignés » [3]. Et ce fut la reddition des Indignados sous la force policière, poussée par la recommandation centrale européenne, au lieu des prolongations alarmant vers le succès contre l’austérité du peuple, pour compte de la folie financière des banques. Kadafi n’était déjà plus là pour payer et les fonds libyens étaient déjà raflés par d’autres, sous le terme de saisie.
On sait que la gauche défaite sous les réformes exigibles par l’Europe du Traité de Lisbonne finit par apporter à l’Espagne une nouvelle majorité de droite pour succéder à Zapatero, mal engagé au centre gauche depuis son second mandat. Cela aurait du informer sur ce que l’Europe avait commencé à exiger, et allait implacablement réaliser, de la Grèce rongée par les Hedge Funds au point d’appartenir à ses créanciers, allant jusqu’au renversement du nouveau pouvoir socialiste (qui révéla le problème caché par ses prédécesseurs), pour lui substituer au nom de l’unité nationale un gouvernement de droite (celui à l’origine de la crise financière entre 2000 et 2005 sous la direction européenne de l’actuel président de la BCE, pour Goldman Sachs), incluant d’anciens fascistes liés à la période des colonels. Les activistes furent cadenassés après un meurtre par l’extrême droite prenant la place de la police contre une manifestation syndicaliste [4]. L’Europe des droites supranationales alliées en forces secourables des lobbies financier ne reculent devant aucun sacrifice, c’est ce qui donne lieu à des inquiétudes fondées. Le remplacement de monsieur Berlusconi en Italie n’est pas pour infirmer ces tendances ; s’il put être attendu c’est une fois de plus sous la forme de la cooptation nommée, qui conforte le rêve d’une Europe des comptables, ce qui pourrait être un point de vue crédible parmi d’autres si ces comptables n’étaient pas les créanciers eux-mêmes, contre la population elle-même... Donc, là encore, en Italie, un ancien de Goldman Sachs [5], fédérateur des banques privées qui taxent les États en créances.
Pour autant, le mot d’Indigné fut aussi vite abandonné qu’il s’agît de redevenir plus clairement altermondialiste en ralliant par le nom le mouvement Occupy. Ce qui n’avait aucun sens ici, même francisé en Occupez, parce qu’ici on n’a pas le droit d’occuper la rue sans autorisation, et donc c’était inadéquat pour des raisons tactiques, situationnelles, et stratégiques. D’autant plus quand on avait commencé par centrer l’indignation sur les traces de la résistance contre l’occupant et la collaboration, culture strictement locale (par rapport aux USA) et aussi par rapport à l’Europe, étant considéré que la France à Londres fît en sorte qu’elle se libérât elle-même à Paris. Même si on peut fédérer des mouvements singuliers et autonomes, sans fusionner leur nom en un seul ni en un seul programme, le faire en passant outre la différence installe une toute autre réalité de fait que l’union, cela peut être symptomatique de la désunion des choses malgré soi. Sous le terme d’Indignés il était possible de soutenir dans la différence les mots d’ordres d’Occupy au lieu de nous mettre à distance de nos propres réalités politiques (seraient-elles devenues métapolitiques, comme la gauche parlementaire n’étant plus qu’un centre gauche à centre droit) ; lesquelles en dépit des théories globales valides demeurent principalement actives, socialement, culturellement, et même encore économiquement, dans les régions, et ce n’est pas faire dans le nationalisme que le souligner.
D’ailleurs Occupez Paris a choisi un mauvais endroit : l’esplanade de la Défense, un grand courant d’air peu fréquenté. Dans ce cas on choisit une place dans un centre-ville. Seulement tout le monde sait bien qu’ici il faut absolument une autorisation des pouvoirs publics pour s’installer en sit-in ne serait-ce qu’à vingt, contrairement aux USA, et bien sûr les pouvoirs publics n’allaient pas accorder une autorisation pour une visibilité sur la place de la Concorde ni même sur la place de l’Hôtel de ville. Le mouvement d’occupation n’a d’intérêt que s’il peut durer et s’il devient la promenade du soir ou du dimanche, pour faire boule de neige. Alors l’idée de reproduire Occupy en Occupez Paris était peut-être tout simplement mauvaise, après que quelques tentatives d’indignés eussent déjà été rapidement jugulées dans le centre de la ville, suite à l’évacuation de la Puerta del Sol (ne parlons pas de ce projet de se rendre à Bruxelles qui échoua par la police mobilisée), et pendant le commencement du mouvement américain. Changer Indignés en Occupez ne changea rien sinon traduire le manque de ralliement populaire au pays actuellement centré par la xénophobie et par le combat contre la xénophobie, sur fond de rareté de l’emploi, au point où le nationalisme est en réalité généralement liberticide, pour tous, puisqu’il menace les citoyens qui protègeraient des étrangers et après l’immigration choisie ferme totalement l’offre et la demande de l’emploi dans un pays en pleine récession.
Tout de même, il faut relever les différences non négligeables entre la conception politique de Stéphane Hessel, mondialiste et qui paraît endosser les guerres d’« ingérence humanitaire » (inclus l’Iraq, la Libye, l’Afghanistan), opposées à celle contre la guerre, les altermondialistes et Occupy Wall Street, comme les masses révolutionnaires en Tunisie et en Égypte, (inclus les mouvements religieux interdits reconquérant leurs droit), étant des mouvements pacifistes et pour l’activisme non violent, inspirés par les luttes victorieuses de Gandhi et de Martin Luther King. De même concernant la Palestine, Hessel est un adepte du projet d’Oslo pour deux États, auquel il contribua, mais la réalité sur le terrain aujourd’hui n’en désignant plus la possibilité, c’est celle d’un seul État pour tous qui paraît de plus en plus s’imposer, or ce n’est pas une hypothèse nationaliste, mais révolutionnaire. C’est vrai qu’il y a un côté institutionnel tellement rigoureux qu’il en deviendrait presque corporatiste, chez Stéphane Hessel, quand on écoute bien ses explications personnelles. Mais son engagement prioritaire pour les droits humains, liberté de résister, égalité, justice, et sa désobéissance solidaire avec les Palestiniens, notamment dans le cadre du Tribunal Russell pour la Palestine et son soutien du mouvement BDS, avec un tel impact représentatif contre le sionisme (comme impérialisme), qu’il pût être assigné par un tribunal français selon un décret spécial pour interdire de le communiquer, confèrent une actualité incontestable de son activisme et lui attirent à juste titre le plus haut respect. C’est dire s’il faut unir des contradictions sans les abolir pour faire une opposition progressiste forte, comme pour faire un monde ; ces problèmes ne se règlent plus d’un seul coup comme au temps de l’Internationale des travailleurs l’idée bolchévique de la dictature du prolétariat pût le faire et se réaliser pas pour le meilleur sur le long terme, mais pas à pas, suivant l’avancée instituée de la modification des droits. Et d’ailleurs le pouvoir mieux que nul autre le sait, quand il modifie le détail des constitutions ou les recouvre par une loi supérieure qui prescrit la démocratie.
Stéphane Hessel présente le deuxième livre Engagez-vous ! diptyque de Indignez-vous ! [6] :
Stéphane Hessel invité par Juan Gonzalez à Democracy Now ! en octobre 2011 — à propos de Occupy Wall Street :
Ce qui caractérise le mouvement américain, outre ses conditions constitutionnelles particulières, c’est la grande précarité de la vie des citoyens dégradés par la crise économique, sans revenu minimum dans un pays où les services publics sont privés, sans redistribution fiscale au profit des défavorisés, ni couverture de santé publique.
Certes nous vivons autant sous le régime des démocraties opaques, et nous sommes internationalement concernés par la dérèglementation du capital et la délocalisation financière administrant indirectement les États saignés à blanc, où de plus les gens sont obligés de se nourrir avec ce qui les rend malades, du moins ce qui se cultive en grand et se vend à un prix encore abordable par la grande distribution. Mais les peuples européens gardent une couverture sociale de base, le revenu minimum, et des ruines de service public dans le domaine de la santé, de l’éducation, et à l’université, dont les américains ne disposent pas, et nous nous battons pour les sauver ou plutôt pour les restaurer, tandis qu’ils se battent pour les créer. Certes, tout ce que peut faire un chômeur parvenu en fin de droit, avec son revenu minimum, c’est dormir dans la rue et aller retirer sa dîme aux comptes chèques postaux, pour compléter ce que les restaurants du cœur n’auraient pu lui donner de vital — du moins tant qu’il n’est pas précocement mort, dû à ses conditions de vie dans la rue, malgré le revenu minimum qui n’est donc pas suffisant.
En tant que peuple français dont la constitution est autrement abusée que celle des USA, c’est à dire sans Patriot Act qui peut en prescrire arbitrairement les articles, mais avec des articles ajoutés ou modifiés peu à peu sous couvert de l’uniformisation européenne et sans consultation référendaire, contrairement à ce que la consitution mentionne, nous avons connu les libertés qui nous sont aujourd’hui soustraites, parmi lesquelles celui d’avoir un toit, et de protester contre la police ou contre la loi s’ils nous semblent injustes et surtout, notre grande différence, d’avoir le droit de protester contre l’exploitation par le capital.
Si nous sommes plus démunis que les américains pour nous mobiliser dans un mouvement de désobéissance civil massif, c’est que les anciennes libertés fonctionnent encore d’une façon aveuglante, dans la mémoire de ceux qui continuent à en bénéficier, généralement des salariés dans les emplois qui ne seraient pas devenus précaires, quoique leur salaire ne soit plus indexé sur l’augmentation du coût de la vie, et le coût de la vie ne soit plus contrôlable par l’État sous les conventions de l’Union Européenne qui lui soustraient ce droit. Pourtant ce droit de contrôler les prix, contradictoire avec les règles du marché, que les néo-libéraux signifient par le terme d’État providence, certains le considèrent comme un devoir d’égalité des droits, une des trois maximes de la république. Les chômeurs, et tous ceux qui ne remplissent pas les conditions pour bénéficier temporairement de ce statut mais qui sont sans travail, ont pu connaître directement ou indirectement, par transmission orale, le formidable espoir dans le progrès social donné par la réussite exemplaire des luttes syndicales des classes exploitées, leurs piquets de grève autorisés, et les occupations des entreprises tolérées, si rudes furent les combats physiques avec les briseurs de grève et les traîtres. Aujourd’hui ils sont bloqués par le phénomène qui leur est annoncé comme globalement irréversible, et se retrouvent traumatisés par le choc d’apprendre qu’ils sont destinés à régresser vers les premières batailles ; or ils n’auront pas le temps de le faire, ils sont exclus des générations nouvelles qui doivent se réorganiser, ils sont désespérés, car ils sont devenus désunis, isolés, cloisonnés par l’attente d’un emploi qui n’apparaîtra plus et ils se tournent vers les options les plus troubles. Tandis que des employés et des cadres encore actifs mais traités comme des objets désolidarisés du code social, sous la justification de la rareté de l’emploi et de telles menaces, se suicident. Se suicider au travail ou mourir de faim, voilà la solution pour réduire le nombre d’habitants sur la planète en les soumettant, et ce n’est pas fait pour déplaire aux protagonistes des primes d’argent au prorata de profits en monnaie scripturale sans rapport avec les fonds de réserve réels des banques. À savoir que si le monde montrait qu’il peut néanmoins bouger, rien ne vaudrait une guerre de plus pour arraisonner les insoumis des deux côtés de la ligne de front — c’est en quelque sorte la version du progrès social avancé par le pouvoir américain depuis que la généralisation des droits civiques a accru la population représentative.
Le cas américain est au contraire que les luttes sociales légitimes fussent durement réprimées aux États-Unis dès la fin du XIXe siècle puis interdites au début du XXe [7]. Le Big Deal fut suivi par la guerre froide. Ici, nous restons à combattre pour bloquer le processus qui soustrait nos droits, dont certains sur les questions internationales tout au contraire justement acquis de la guerre froide, après que de Gaulle ait rendu la France autonome de l’OTAN [8], ou pour les restaurer, pas pour les innover comme les américains pourraient le faire de l’université gratuite, de la sécurité sociale, ou du revenu minimum. Ici, nous nous battons sous toutes les formes possibles de l’information critique et de l’action civique y compris parlementaires, pour restaurer ce qui meurt, et c’est un combat réformiste nécessaire à mener pour ne pas basculer socialement dans la généralisation de l’horreur — déjà visible, — mais ce n’est pas un combat révolutionnaire caractérisé par un monde nouveau à construire. C’était au contraire le cas en Tunisie, en Égypte, et l’est encore principalement aux USA, où il s’agit de fonder quelque chose qui n’a jamais existé et qui motive la population au point d’accepter de payer le prix de leur lutte face à la répression. Il n’y a donc rien de surprenant à ce que Occupy France ne pût lever des groupes suffisamment nombreux pour être représentatifs du 99% environnant, aux yeux duquel les syndicats sont encore assez représentatifs pour être toujours censés s’occuper de mobiliser sur ces problèmes. Même si, évidemment, des syndicats de travailleurs, par définition, ne peuvent pas représenter ceux qui n’ont plus d’emploi, et dont la masse s’accroît tandis que celle des travailleurs diminue.
Face à la confiance perdue dans l’État et les organisations collectives associatives et institutionnelles, ou partisanes, l’autonomie monte et s’organise, par exemple dans le domaine de l’écologie. Non seulement l’organisation de la commune de Tarnac fit parler d’elle, mais également l’action individuelle, par exemple autour du pragmatisme scientifique, économique, et agricole d’un Pierre Rahbi [9]. Occupy est une autonomie du mode de vie en milieu urbain, adossée à des articles constitutionnels qui lui donnent droit, et pourrait-on même dire, un droit communautaire. La nôtre ne fait qu’exprimer nos droits individuels serions-nous plusieurs à y adhérer, hiérarchiquement sur le papier, à partir du moment où quelque chose se créée de cette façon, au moment où ils sont entaillés par des restrictions sur les libertés qui rendent ces droits d’autant plus fragiles qu’ils exposent à des responsabilités individuelles sans bouclier judiciaire.
S’indigner, se révolter à chaque niveau des procédures et des protocoles sociaux est possible, mais ça mènera au mieux aux urnes (ce que conseille d’ailleurs Stéphane Hessel, éminemment légaliste pourvu que la loi soit à rendre bonne), et au pire au retour de la lutte armée chez ceux isolés qui n’espèrent plus rien de leur congénères ; et l’on sait que ce sera rapidement jugulé par la police, maintenant liée à l’armée et aux services secrets, spécialement préparée pour ce genre de répression. Répression admise donc permise par l’opinion, dans un environnement social qui ne soutient pas l’action violente — bien au contraire, en demande sécuritaire. En outre, la grande différence avec nos amis américains, c’est que le parlementarisme progressiste qui put compter un grand nombre de députés communistes, quand le communisme était interdit aux USA pendant la guerre froide, comme le multipartisme de l’après-guerre, nous ont rendus moins abstentionnistes — pour ceux qui sont inscrits sur les listes électorales, — même si aujourd’hui les différences se sont émoussées à l’horizon de la mondialisation européenne et du règne des lobbies payant « cash » les services rendus. De l’autre côté de l’Atlantique, le bipartisme doublé d’une limitation du droit de vote jusqu’en 1968 ont fait le lit de l’abstention, (à plus forte raison quand les deux partis interfèrent sur les causes liberticides tels le Patriot Act, la liberté sur Internet, etc.). Il n’en reste pas moins de critiques à faire, à propos de l’innovation et du succès incontestables du mouvement Occupy, aux USA et ses prosélytes en Europe, sinon en grève générale, comme le souhaita Chomsky lors de son intervention de Boston, du moins actif, suivi et étendu :
1. Se fédérer internationalement sous Occupy est aussi idiot que l’aurait été d’appeler Occuper Tian’anmen l’occupation de la place Tahrir.
2. C’est affaiblir le mouvement au contact de pays qui ne peuvent pas donner au mouvement la même ampleur qu’aux USA, où les activistes ont commencé par requérir les 1er et 14e amendements de la constitution pour un mouvement non-violent, qui sont spécifiques de la constitution et de la culture américaine, inclus le mouvement des droits civiques dans un passé récent, de pouvoir manifester collectivement par petits groupes délibérément rassemblés sur la voie publique, sans autorisation spécifique. C’est encore affaiblir les mouvements régionaux qui ne peuvent pas produire une reproduction performante du modèle, et du coup sous-inspirés quant à leur propre invention de celui que leur contexte pourrait libérer. En France, nos droits étant traditionnellement laïques et plus individuels que communautaires, (notamment le devoir d’insoumission, bien qu’il ait aujourd’hui disparu des textes, demeure exemplaire de la détermination individuelle dans la résistance, durant la dernière guerre mondial), c’est pourquoi se rassembler sur la chaussée publique sans autorisation spéciale dûment accordée à une association représentative, est illégal, et donc en cas d’insistance, d’emblée considéré comme un comportement insurrectionnel répréhensible. Pourquoi pas ne pas résister — mais alors il faut savoir dire pourquoi en s’organisant, et connaître les risques encourus, et s’en prémunir, car le traité européen de Lisbonne ne le permet pas davantage. Aussi, se centraliser en dépit des particularités locales c’est affaiblir la possibilité de lutte des pays qui doivent la structurer autrement, selon leurs propres lois, et pour mesurer les risques. La révolution est plastique, les réformes aussi.
3. Cet internationalisme de pacotille (qui n’est plus qu’un signe de l’Internationale des travailleurs), après la tentative de rassembler sous le terme d’« indignés » pour des actions reproductibles, a souffert de la prédominance anglophone du mouvement « Occupy », hégémonique malgré lui, et a entraîné un flicage ciblé dans des pays durement « droitisés » par l’ordre supra-national imposé aux nations européennes. L’Europe sort d’une période à l’égide des droits de l’homme. Mais il ne faut pas se laisser surprendre que l’Allemagne à peine unifiée réinstalle une quête hégémonique instrumentée par un État de moins en moins démocratique, cache ses mauvais chiffres pour dominer les mauvais chiffres de ses partenaires, en valorisant son PIB, et donne à découvrir que les services secrets fichent et tracent tous les élus et représentatifs de l’opposition — forcément de gauche [10]. Où les gens n’ont pas encore assez de méfiance, leur naïveté est encore sous l’espérance de l’unité et des jours fastes dépassés depuis longtemps.
4. La dilution d’un mouvement le détruit parmi l’entropie qui caractérise le monde actuel dans tous ses domaines, qui est plus forte que toute action. A fortiori les pouvoirs néfastes ont appris à en jouer même s’ils n’en contrôlent pas tous les effets (du moins ils tentent de les dévier ou de les précipiter), alors que la gauche qui se dit faste n’a toujours pas appris à l’anticiper au moment de ses prises de décisions. De sorte que les propositions réactives, et plus encore les propositions de planification, sont toujours en retard d’un tour ou à côté de la plaque, ou encore, facilement réversibles.
Il y a plus... c’est la responsabilité suicidaire des activistes eux-mêmes ne parvenant pas à se défaire de la crédibilité médiatique, même si elle est indéterminée.
Les dernières images insurrectionnelles d’Oakland se représentant en brûlant le drapeau américain auraient du être immédiatement déjugées par OWS, parce qu’au moins 60% du 99%, sinon plus, revendique le drapeau national et les luttes au sein de la nation, telle la lutte contre le racisme — associée à la critique de la puissance économique fondatrice du Sud, — réellement particulière aux États-Unis, quand la plupart des pays d’Europe même s’ils pratiquaient une ségrégation coloniale par la pauvreté dans les métropoles, avaient aboli les discriminations raciales dans le droit (ce fut même une des raison qui justifia la pénétration coloniale dans le continent africain, et on peut d’ailleurs s’en édifier pour évaluer l’entropie du droit d’ingérence humanitaire, sous la forme guerrière, alors qu’il avait été conceptualisé par Jean-François Revel en 1979 comme un concept de paix, puis défendu par les French Doctors, Bernard Kouchner et Danièle Mitterrand — droit international reconnu en 1988).
Chaque jour des citoyens américains rescapés des droits civiques sont engagés dans l’armée par des sergents recruteurs et signent pour échapper au chômage ou à la délinquance urbaine, mourant dans des guerres honteuses et jetés dans des fosses communes [11] au lieu d’être honorés par des tombes dans les cimetières militaires sur le sol américain, ou même sur place, comme ceux qui débarquèrent en Normandie, ou même encore comme ceux qui moururent pendant la guerre du Viet Nam. Où il était d’ailleurs possible de compter les morts, ce qui n’est plus le cas des morts de l’armée américaine dans le monde. On ne compte plus — au sens strict — les morts dans l’armée américaine depuis la fin de la guerre d’Irak et la guerre en Afghanistan.
Brûler le drapeau [12], serait-ce justifié par la colère, ne pouvait que retourner la majorité de l’opinion contre OWS, c’était clairement une information convenant trop à la police anti-émeute, au FBI sécuritaire, et au Département d’État infiltré, pour ne pas être inspiré par l’une ou l’autre de ces parties. Alors que le mouvement est d’abord commun et généreux, chacun portant sa pancarte pour tous. Bien sûr les activistes révolutionnaires ne sont pas nationalistes, ils déclinent de saluer le drapeau. De grands militants du syndicat international des travailleurs IWW refusaient de saluer le drapeau tel Nathan Nathan Wesley Everest, wobblie et vétéran de la 1ère guerre mondiale qui fit un service aux USA comme objecteur de conscience. Mais ce qui s’est passé à Oakland n’est pas un refus mais une violence, et a eu lieu dans un autre contexte.
C’était un peu comme l’erreur d’Eva Joly poussée par les Verts à déclarer le jour du 14 juillet, — avec un accent paraissant allemand aux oreilles du commun — qu’il fallait supprimer le défilé militaire du 14 juillet. Elle en fut sévèrement atteinte, alors qu’elle est une femme remarquable, qui avec Björk avait su compter et régler les dossiers du rétablissement démocratique, où les nouveaux élus les avaient invitées à intervenir, pour contribuer à restaurer juridiquement l’Islande après le désastre financier. Il ne restait qu’à conclure un pacte direct avec François Hollande avant le premier tour pour en finir avec l’écologie, ce que fit Cécile Duflot pour en finir avec sa rivale, et finalement pour nous permettre de constater ce que l’on sait aujourd’hui, au stade présent de la campagne électorale, que l’écologie a purement et simplement disparu de l’information politique des candidats dans la Presse [13]. Maintenant le grand projet d’Europe-Écologie concernerait la construction unitaire de la fiscalité européenne. On ne voit pas très bien de quelle écologie, même politique, il pourrait s’agir, comme l’Europe n’est pas ce qu’on peut appeler une démocratie, prétendrait-elle en défendre les « valeurs », le traité de Lisbonne en guise de constitution n’étant pas agréé par les populations.
Ne rien dire devant un drapeau brûlé par des manifestants largement exhibés dans la Presse était une faute stratégique concernant la crédibilité de la bienveillance populaire de l’ensemble du mouvement sur le tas, et compliquant gravement le travail des avocats à l’œuvre de défendre les nombreux détenus désormais accablés de charges graves par des faux témoignages de la police, visant à la maintenir en prison quand au contraire ils étaient rapidement libérés dans les premiers mois. La plus grande violence policière en Californie avait fait des victimes depuis le mois d’octobre, déjà à Oakland, un vétéran blessé d’une fracture du crâne par un projectile de la police resta aphasique pendant plusieurs jours à l’hôpital [14], puis au début du mois de novembre un second vétéran fut victime d’un éclatement de la rate [15], à la fin du mois de novembre des étudiants en sit-in furent abondamment gazés à l’université UC Davis [16], dans la seconde quinzaine de janvier 2012 un militant de Occupy Los Angeles fut inculpé de lynchage pour avoir tenté d’aider sa compagne à s’échapper des mains de la police [17]. Que des actions de provocation par les pouvoirs publics infiltrés dans les plus durs des émeutiers suivent, notamment après le retournement de la loi anti-lynchage par la police et par le procureur, était annoncé. Maintenant nous pouvons nous attendre à un cortège de tragédies et de diffamations à leur sujet par les agences de Presse.
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Le but de la malveillance du pouvoir est de reléguer à la violence délinquante l’image des activistes de Occupy (alors qu’ils avaient conquis leur gloire avec un mouvement non violent), afin de justifier le durcissement de la répression qu’il ne pouvait plus renforcer au-delà de ce qui avait déjà été commis contre la non violence sacrificielle, sans apparaître une structure néo-fasciste. Mais l’escalade de cette violence désigne aussi le point où le pouvoir américain peut tenter par ces moyens contestables et cachés, pour ne pas dire criminels, d’en finir radicalement avec ce mouvement.
En d’autres temps, malgré son nombre pacifique, l’activisme altermondialiste fut doublement marginalisé par les répressions après avoir été mis à distance dans des zones urbaines éloignées des rencontres au sommets. Auparavant il y avait eu des morts du côté des manifestants, par exemple à Gênes. La ligne était unitaire. Ce n’est pas le mouvement Occupy fondé par la singularité, y compris la solidarité des alliances, par exemple pouvant contenir des mouvements religieux de gauche militante contre la pauvreté (ce qui serait inconcevable en France, pays de la laïcité sacrée), qui pourra donner au mouvement altermondialiste dont les événements ont été empêchés pour l’effacer des médias un vêtement neuf, sauf à n’être plus lui-même qu’un signe, même si le dérèglement du capital et le néo-libéralisme emparés des États en en désemparant les peuples est mondial.
Ce sont toujours les mêmes erreurs des anciens marxistes léninistes en mal de reconstruire l’Internationale sur une ligne unique majoritaire, dans un monde où la délocalisation du capital et la monnaie scripturale font plus fort que tout dans le même axe... toujours ! De plus, rien n’est plus solidaire d’une bureaucratie établie qu’une autre bureaucratie serait-elle spontanée... peu importe ce qu’elles représentent, elles s’exposent à être infiltrées ou à devenir des dogmes. Medium is message. Aux USA, c’est plus compliqué, le modèle européen centraliste ne fonctionnant pas tout à fait dans un cadre légal qui autorise la diversité communautaire, si la bureaucratie d’OWS comme fédération de communes occupantes pouvait tuer la vivacité d’OWS, ce ne serait pas des actes d’un bureau central, mais parce qu’en tant que bureaucratie volontaire, respectant les autonomies régionales, elle ne prend pas, à juste titre, la responsabilité de critiquer les comportements délocalisés. La tradition syndicale anarchiste n’étant pas soupçonnée d’être liée à l’entrisme d’une nation étrangère particulière, est restée malgré la terrible répression subie plus forte que la tradition syndicaliste communiste liée au parti, particulièrement réprimés et démantelés dans le cadre du Maccarthysme. Mais c’est aussi parce que les anarchistes européens marginalisés par l’Internationale des travailleurs ou réprimés émigrèrent nombreux aux Etats-Unis, où ils constituèrent le prolétariat.
Maintenant, que les répressions aux ordres du 1% deviennent justifiées aux yeux de 60% des 99%, récupérés par les arguments nationalistes de l’impérialisme vectoral, on est porté à se dire qu’il nous reste à serrer ce que nous pouvons, en voyant déferler le néo-fascisme des entreprises du capital et des fonds d"investissement alliés des trusts militaro-industriels, là-bas comme ici : avec leurs fichiers, leurs polices et leurs agents secrets, leurs bureaucrates aux yeux bandés, les matraques et les armes, finalement connaissant l’art de se faire justifier par ces mouvements — à partir du moment où au lieu de s’en retrouver affaiblis ils réussissent à les infiltrer pour leur faire commettre ce qui justifie de les rejeter en bloc.
Regardons les agents de la brigade policière à OWS Washington DC, qui agit cachée derrière des lunettes noires, qu’est-ce que cela nous dit, sinon qu’en cas de "bavure" personne ne pourra les reconnaître ? Cela ne rappelle-t-il pas des dictatures postmodernes en Amérique du sud ? Mais comme il s’agit de réprimer un activiste non violent et pauvre, on envoie à visage découvert des femmes armées d’un taser qu’on encadre de malabars anonymes (FBI ?), le tout paraît assez vicieux. L’une d’entre elles paraît y prendre un évident plaisir au point de choquer ses collègues féminines, peut-être, voyez par vous-mêmes :
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Ce n’est pas pire que certaines bavures commises dans l’hexagone, la série des yeux crevés au Flashball et quelques meurtres récents, contre des pauvres ou des hommes au « délit de sale gueule », ou encore contre des activistes, qui ne sont certainement pas moindres et sur le nombre de la population, toute proportion gardée avec les USA, parfois pires... Mais leurs auteurs n’étaient pas masqués, même si le plus souvent ayant été reconnus ils purent fabriquer des faux-témoignages et ne furent pas condamnés par une justice aux ordres du parquet.
Devant quelques expériences dans les années 60 et 70, OWS devrait immédiatement s’auto-dissoudre, en tant que mouvement globalement représentatif, sauf un staff costaud de comité de vigilance, communication — avocats, argent, spécifiquement dédiés à la défense des activistes américains (et partout singulièrement selon sa localité) arrêtés jusqu’ici, comme à ceux qui ne vont pas manquer de l’être à l’avenir, après avoir été fichés. Car la répression implacable est annoncée à l’horizon de la dévaluation de l’éthique populaire et des classes moyennes qui caractérisaient le mouvement à ses débuts. En outre, cette répression a commencé en décembre partout aux États-Unis, sans que les protestations soient communiquées dans la presse, en dépit du nombre des arrestations et des charges de mauvaise foi. La situation américaine n’est pas informée en France, ni même par les activistes solidaires, du moins pas en proportion du nombre réprimé par les flics de la justice du 1%.
S’auto-dissoudre, comme cela exista en France au début des années 70, lorsqu’il fut avéré que la police avait infiltré les bureaux politiques des organisations gauchistes, par exemple la Gauche prolétarienne — mouvement de la nouvelle résistance (mouvement d’établissement prolétarien appelant aux actions de résistance dans les usines, rien à voir avec Action Directe, mouvement de lutte armée, qui surgit ensuite)... Ce serait la seule façon de désamorcer la contre-propagande qui a déjà commencé à déferler sur le web et dans la Presse américaine, au moment des enjeux électoraux. Le pays y compris sa structure appartenant au 1%, y compris les polices, on voit mal comment sans simuler de respecter la constitution il pourrait admettre une telle situation au vu du monde. Il ne peut aller jusqu’aux pires répressions publiques sans se nuire. C’est donc en infiltrant les manifestants pour leur faire commettre des erreurs de communication que le pouvoir agit, et c’est en enfichant largement qu’il pense se prémunir de l’avenir.
Les méthodes d’information électorale sont para-démocratiques, et en France, anti-démocratiques. En France, elles sont dévoyées ; les membres du gouvernement et les élus de la majorité s’expriment chaque jour sur les ondes contre les communiqués et annonces des candidats en lisse, alors qu’ils sont normalement tenus à la plus grande réserve dans le cadre d’une campagne présidentielle, a fortiori si le candidat sortant brigue un second mandat... En dépit de la simulation du jeu civique aux USA comme en France, les pouvoirs en place entrent ensemble dans l’objectif d’ancrer définitivement les puissances privées dans les pouvoirs publics et les organisations supra-nationales, grâce aux présidences nationales, — à leurs gouvernements et à leurs experts, aux réseaux exécutifs en marge des déclarations publiques. Loin d’être prêts à céder des concessions, comme dans une grande Magna Carta — diraient Negri et Hardt — ils sont prêts à tout pour le pouvoir totalitaire.
Mais pour en revenir à Occupy dans ce contexte, un mouvement énorme qui poursuit de nourrir d’espoirs ceux qui demeurent sur le tas peut-il être dissout, sans les laisser pour compte de la misère et de l’intraitable répression ?
Bien sûr, il faut néanmoins appeler, rallier, soutenir ou signer, tous les appels pour empêcher l’interdiction légale d’OWS [18], après que les activistes d’OWS n’aient pas pris les réserves nécessaires par rapport à des malveillances particulières contre sa stratégie éthique (qui en appelle à la démocratie civique)... ou alors il faut annoncer le changement. Puis ayant tardé à s’auto-dissoudre depuis que les infiltrations portant leurs fruits ont commencé à saper le rapport de force — question de jours, particulièrement depuis deux semaines à constater l’aggravation des inculpations de mauvaise foi, qui désormais visent à maintenir en prison le plus longtemps possible les activistes arrêtés, alors qu’au début ils étaient rapidement relâchés. Ce n’est plus la victoire annoncée du dynamisme autogestionnaire qui était parti pour vaincre en parvenant à se maintenir comme mouvement d’occupation au long terme, comme le mouvement des droits civiques tissa son fil institutionnel après avoir conquis la modification du 14e amendement (en 1968), dans la solidarité populaire générale, en dépit des meurtres qui eurent lieu jusqu’à la fin du siècle dernier. Aujourd’hui le mouvement américain est en danger à l’intérieur de lui-même, je veux dire que les individus qui le composent, eux-mêmes, sont en danger, parce que parmi eux il y a des flics pour désigner des cibles et provoquer des actions gravement préjudiciables.
Le grand exploit de l’agence Pinkerton fut d’être à l’origine de la grève internationale anniversaire du 1er mai, après les massacres de la Commune de Chicago dits Massacres de Haymarket, un agent ayant lancé une bombe qui tua un policier et des manifestants fut à l’origine du massacre qui suivit [19] le 3 mai 1886, « Les Pinkerton se sont infiltrés parmi les ouvriers grévistes des usines de Chicago. Lors de la manifestation du 3 mai, armés, ils se glissent dans les rangs des protestataires. Ils tirent sur les cordons de police qui ripostent et tuent six manifestants. Huit dirigeants syndicaux sont arrêtés, dont cinq seront pendus. Ce sont les fameux martyrs de Haymarket. La provocation a parfaitement fonctionné... » [20].
Du moins est-ce mon avis d’observatrice ; il est relatif aux événements qui vont se dérouler en février, et donc il est instable. À savoir : « les masses » appelées se lèveront-elles ou pas, passant sur l’erreur d’Oakland, pour ne pas abandonner un mouvement qui promettait des jours meilleurs, à durer et à être défendu avec des effets immédiats ? Par exemple, conquérir des logements sans délai, en plein hiver, ou vivre en communauté dans des villages de toile sur les places publique, comme pauvre devenu activiste soutenu par des activistes moins pauvres, pour les nombreux sans logis ou ceux qui ont été expulsés de leurs maisons, faute de pouvoir payer leurs crédits, ou encore ceux ont un toit sans pouvoir se chauffer ni se nourrir quotidiennement [21]. L’autodétermination est une prise de responsabilité. Entre récupération et provocation c’est toute la vie du mouvement qui se joue dans sa communication. Mais ce sont les récupérations collatérales qui sont à craindre, pas celles du pouvoir, quand au contraire ce sont les provocations externes qui sont à craindre, pas les contradictions internes.
Si rien ne vaut l’autonomie commune pour réussir les luttes dans le contexte qui contient leurs causes, l’indépendance de la structure critique est l’ancrage de la réactivité militante en réseau, pas son allégeance, même si elle requiert en renfort les plus larges solidarités.
Dans la complexité dévorée par l’entropie, avons-nous d’autres choix que situationnels (sinon situationnistes) ?