Le billet que vous avez publié sous le nom « Marchands de bits » est inacceptable et diffamatoire sur la forme et appelle des réponses sérieuses sur le fond :
– Sur la forme :
o Votre procédé stylistique consistant à m’appeler « Machin », alors que mon nom en tant qu’auteur de l’étude sur les modèles économiques pour l’intégration de livres sous droits dans la bibliothèque numérique européenne est public, est scandaleux, insultant et peu courageux.
o Votre citation de la proposition commerciale d’un « e-distributeur », faite aux éditeurs pour rejoindre Gallica 2, et que vous appelez spam, est encore pire : vous jouez tout au long de votre billet sur l’insinuation que cette proposition viendrait de Numilog, en vous gardant courageusement de l’affirmer. Ce message ne vient pas de ma société, je l’affirme publiquement. Mais de votre côté, si vous avez reçu ce mail, vous devez en connaître la source. Pourquoi ne la citez-vous pas ? Bel exemple de transparence.
– Sur le fond :
o Je suis l’auteur de l’étude précitée, commanditée par la Bibliothèque nationale de France. Cette étude a servi de base à une concertation entre la BnF et le Syndicat National de l’Edition pour construire, pour les ouvrages sous droits, le site actuel Gallica 2, contribution française à la bibliothèque numérique européenne. La question posée était complexe et d’importance : comment permettre un accès universel à des livres sous droits, allant de la recherche plein texte à la lecture de textes intégraux, en respectant les droits de propriété intellectuelle et la chaîne du livre, sans y investir un budget de « licence globale » sur le montant duquel ni la puissance publique ni les ayants droit n’avaient pu et n’auraient pu s’entendre ? La réponse à cette question et le choix des orientations retenues appartiennent à la BnF et au SNE. Ce choix a été validé au cours de l’étude par de nombreux entretiens avec des éditeurs, des libraires, le Syndicat de la Librairie Française, la Fédération Européenne des Libraires, des associations d’auteurs. Vos insinuations sur l’intérêt qui aurait conduit Numilog à choisir ce schéma sont à la fois d’une très grande naïveté et extrêmement désobligeantes cette fois pour toutes ces personnes et institutions : supposez-vous vraiment que tous ces acteurs professionnels de la chaîne du livre, comprenant la principale institution française de conservation et de diffusion des livres, des grands groupes d’édition et des représentants de toutes les librairies, sont des imbéciles qui se sont donné la main pour agir dans le seul intérêt de ma petite entreprise ?... Cela montre dans ce cas votre propre manque de pertinence dans l’analyse et votre incompréhension complète des enjeux.
o Les points forts des principes retenus par Gallica 2 portent sur plusieurs points essentiels, autrement plus importants : le respect des droits d’auteur, le respect de toute la chaîne du livre, la présentation au public du plus large corpus de textes possible, la recherche intelligente et plein texte, le feuilletage gratuit. Ces principes fondamentaux ont tous été repris dans le « Rapport sur la bibliothèque numérique européenne », voté en 2007 par le Parlement européen à l’initiative de la députée Marie-Héléne Descamps. Et qui serviront de base sans doute à la future Europeana. Mais bien sûr, où avais-je la tête, tous les députés européens n’ont voté qu’en pensant aux intérêts de Numilog...
o Vous savez très bien, pour aller plus loin, que ce projet est né à l’initiative de Jean-Noël Jeanneney, ancien Président de la BnF, en réaction au projet Google Book Search... que vous soutenez depuis ses débuts, en accompagnant même Google en France dans chacune de ses présentations commerciales aux éditeurs. Ce qui vous confère une position extrêmement neutre dans toute cette affaire… L’idée forte de Jean-Noël Jeanneney, plus actuelle que jamais, était qu’il devait exister, au moins à côté du projet Google, un projet public, respectant explicitement les droits d’auteur selon les termes et l’esprit qui prévaut en Europe, proposant un service de recherche plein texte des œuvres numérisées avec un sens du service public, un moteur de recherche transparent, indépendant de la publicité, et une organisation des textes intelligente en corpus comme savent le faire les bibliothécaires, le tout étant centré sur la diffusion de la culture européenne. Je partage cette belle idée en tant que citoyen. Vous avez le droit de ne pas la partager et de faire partie de ceux qui préfèrent favoriser la position dominante d’un acteur privé unique sur la diffusion de la culture. Mais au moins, n’abordez pas ce sujet important par le petit bout de vos lorgnettes.
o Dans le partenariat instauré par Gallica 2 avec les « e-distributeurs », il n’y a évidemment aucun monopole de Numilog ; ce rôle est ouvert à tous : les libraires si des éditeurs choisissent de s’appuyer sur leur outil de feuilletage, les éditeurs directement s’ils le souhaitent (l’aviez vous simplement compris ?). D’ailleurs, certains éditeurs jouent effectivement ce rôle. Et des e-distributeurs sont régulièrement ajoutés. Vous pourriez être tenté, si vous en aviez les capacités. Il se trouve en effet que de nombreux éditeurs ont choisi Numilog comme e-distributeur, à cause des services professionnels spécialisés que nous leur apportons et de notre respect de la chaîne du livre... à moins que vous ne pensiez que tous ces éditeurs, sauf les éditions de l’Eclat, sont d’une grande naïveté et qu’ils ont besoin de votre éclairage pour définir correctement leur stratégie ?
Mais le pire est sans doute votre vision passéiste, mal informée et poujadiste de la chaîne du livre à l’ère du numérique ! Oui, et cela est le cas dans le monde entier, les métiers évoluent et de nouveaux savoir-faire apparaissent, pour développer l’ensemble des applications et des processus techniques requis pour fabriquer, héberger, présenter, feuilleter, commercialiser, livrer, sécuriser, les livres numériques. Les métiers de distributeur et de diffuseur trouvent leur contrepartie à l’ère numérique. Et Numilog en est un spécialiste. Cela fait dix ans que nous développons progressivement ce savoir-faire, à côté d’autres pionniers qui ont débroussaillé le terrain pour que tous puissent aujourd’hui en bénéficier. Partenaire de centaines d’éditeurs, nous ne sommes pas un nouveau venu dans le monde du livre, sauf pour ceux qui veulent en exclure a priori le numérique. Et, contrairement à vos insinuations mal informées, nous avons été les premiers à travailler avec des libraires et leurs représentants sur ce sujet. Bien avant le concurrent récent que vous citez et qui semble faire votre admiration. Le modèle commercial de ce concurrent n’est pourtant en rien différent du nôtre… et une bonne partie de sa visibilité initiale dans le secteur du numérique est précisément due à son rôle en tant que e-distributeur pour Gallica 2, qui a mis en lumière et a donné leur chance à de nouveaux acteurs spécialisés. Numilog de son côté travaille depuis très longtemps pour permettre aux libraires de « monter dans le train du numérique » à la place qui leur revient, et pour développer avec eux des solutions pour les y aider. Car je pense que l’indépendance de la création littéraire et de sa diffusion en dépend. Mais nous contribuons également depuis plusieurs années à associer les bibliothèques, que vous oubliez totalement dans votre analyse creuse, à la diffusion des livres sous forme numérique et à favoriser le développement du prêt numérique. Que ce soit en faveur des chercheurs, des étudiants, des lecteurs des bibliothèques municipales, ou encore des lecteurs inscrits à la bibliothèque numérique pour le handicap et auxquels le numérique apporte une véritable révolution dans l’accès à la lecture.
En résumé, votre billet, plus qu’inélégant sur la forme, est gravement désinformé sur le fond. Votre vision dépassée des propositions technologiques récentes dans le domaine des supports de lecture à base d’encre électronique en est un autre exemple, alors que vous en restez à vos antiques et archi-confidentiels « lyber »... Croyez-vous vraiment que c’est sur cette base antique et confidentielle qu’on construira un nouvel accès de masse aux textes à l’ère numérique ?
Vous m’accusez publiquement de manquer d’honnêteté, je vous accuse publiquement de manquer de neutralité, d’information et de capacité d’analyse. Vous prétendez analyser le numérique, mais vous restez enfermé dans des schémas du passé, en vous arcboutant sur une maladroite défense corporatiste d’un système fermé et des bons vieux métiers à la mode d’antan... Vous condamnez par là ces professions à ne pas pouvoir évoluer en s’appuyant sur des partenaires locaux qui respectent leur métier, tout en faisant joyeusement le lit de ce qui les menace le plus : les opérateurs mondiaux à vocation monopolistique. Vous pratiquez l’exclusion que vous semblez vouloir nous reprocher... et plutôt que de vendre des bits vous préférez vendre votre âme.