Parmi les différentes thématiques abordées dans ce numéro d’octobre de la revue Europe, on soulignera celle de la question politique chez Rimbaud, qui revient dans plusieurs contributions, et dès la présentation par Steve Murphy dans un texte intitulé "La poésie, en effet(s)".
L’article qui a relancé le débat parmi les chercheurs est celui d’Eric Marty, "Rimbaud et l’adieu au politique". Y répondit Jean-Luc Steinmetz par ces mots : "Je ne pense pas les Illuminations écrites à des fins privées et je tiendrai donc particulièrement compte de ce qu’elles voulurent transmettre, par la transitivité de leur écrire". Et Steve Murphy de commenter : "Rimbaud s’inscrit en effet dans une tradition qui suppose - naïvement ? - que la poésie produit des effets sur les lecteurs, que ces effets soient esthétiques ou qu’ils correspondent à une motivation d’ordre axiologique". Y a-t-il donc une historicité de la poésie rimbaldienne dans son ensemble qui la situerait au cœur des combats de son temps, parfois de façon voilée ?
Si l’on suit les analyses de plusieurs chercheurs ayant contribué à ce numéro, on sera convaincu que c’est bien l’anticléricalisme et une forme de socialisme qui ont poussé Rimbaud à venir à Paris pendant les événements de la Commune. L’article de Steve Murphy est à cet égard éclairant, qui met en valeur le radicalisme de Verlaine, une exception parmi les Parnassiens, et analyse plusieurs poèmes de Rimbaud à la lumière de la Semaine sanglante qui fit vingt mille morts à Paris. Ce faisant, Murphy pointe du doigt l’attitude des chercheurs dans le passé, dont « la position minimaliste des années soixante-dix reposait sur deux idées, l’une étant que Rimbaud avait écrit peu de poèmes communards, l’autre qu’il n’avait pas vraiment d’idéologie, ses préoccupations étant exclusivement poétiques ».
En plus de celle-ci, d’autres études de Jean-Pierre Bobillot (« Rimbaud, Thiers, Pétain & les autres »), d’Alain Vaillant (« Rimbaud ou le génie poétique de l’anticléricalisme ») et d’Alain Bardel (« Le poète sentinelle ou la politique des Illuminations ») confirment que poésie et politique se confondent dans cette oeuvre, et permettent de comprendre « l’intense identification à Rimbaud des étudiants de mai 68 », comme l’écrit Murphy.