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Lire Ma cavale de Cesare Battisti  

ou Des fausses raisons d’État « pour quelques marchés de plus »

lundi 21 juillet 2008, par Daniel Guibert

La dernière mise à jour est du 27 décembre 2009 pour lier l’article Mensonges en-deçà des Alpes, et mensonges au-delà : Entretien d’Olivier Favier avec Fred Vargas sur « l’affaire Battisti » publié le 26 décembre 2009 dans la revue des ressources. La date de la présente recension informée au 21 juillet 2008 est celle de la première mise à jour (date de la publication originale : le 4 juin 2006).

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« Ce que je pus dire après venait d’ailleurs. D’un lieu inconnu ou s’était protégée la parole. D’une voix cassée, je m’écoutais dire que, pour écrire, il fallait d’abord devenir serpillière. Serpillière bien usée, comme celle-ci, collée au sol. Alors seulement sortiraient les mots qui, petit à petit, l’un sur l’autre nous soulèveraient du sol pour grimper au ciel. L’écriture qui parle vrai est cœur de serpillière. C’est ainsi que je me sens aujourd’hui avec vous. Nous avons de la chance, on ne va pas la rater. »
Cesare Battisti, Ma cavale, éditions Grasset/ Rivage, avril 2006, Paris.*
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Je l’achète en cavalant (avant de prendre le train). Enfin assis, je reprends mon souffle, feuillette le livre, le compulse, scrute le visage de l’auteur en pleine page, première de couverture, dont le regard m’évite (pour quel horizon ?) : sentiment d’un mauvais plan. Et puis, court-il toujours, la peur aux trousses, avec la hargne revancharde que des politiciens servis par des magistrats honteusement asservis, et autres salauds de tous bords qui sont allés heureux à la curée, ont semé partout à ses basques ? Pour écrire ce bouquin au genre incertain, plus « témoignage » que « polar » ou « roman », il a bien fallu au moins une pause, un soupir, une suspension de la peur et de la constante urgence de déjouer la traque. Fin de la cavale ou intermède ? Sûrement pas un plaisant interlude.

Je l’ai lu, jusqu’au bout, en résistant un peu à poursuivre dans la partie de l’exil, vers la fin : la description des états et du progrès de la cavale. "Journal d’un chien errant", sans doute par effet de dissolution de la vraie personnalité qui ne doit pas apparaître dans la société où elle se cache, et pour cela qui doit réellement changer, est d’une plume plus indéterminée, paraît plus maniéré dans l’actualisation des états d’âme, car désormais toute nouvelle révélation est impossible sauf pour le lecteur de jouer au jeu, pour le coup pervers, des devinettes : « il est passé par ici, il repassera par là », « Ah ! il serait bien là ». Moins incarné et par conséquent sans l’intérêt documentaire et argumentaire cadré par la première séquence, "Est-ce ainsi que les hommes jugent ?", la seconde séquence néanmoins dévoile Battisti en éternel gamin de la survie, combattant jusque dans la plasticité du fugueur, qui se modèle selon l’enjeu des situations. Ce n’est pas de l’opportunisme, c’est l’instinct de vie même.

Je pense donc aux nombreux séides officiels et occultes, à la solde de leurs « financiers » revanchards des Euro Coup d’États avortés des Seventies toujours au pouvoir ou pas loin ; ceux-là ne nous ont pas attendus au petit jeu de se ruer sur le livre pour y chercher des indices et qui, voulant la peau de l’auteur « pour l’exemple », en réalité en craignent le témoignage, quelques tristes et scandaleuses révélations supplémentaires. S’il y a du « polar » dans cette affaire, il est dans la réalité de la traque elle-même, mais ce polar live ne s’écrit pas - ne s’écrira peut-être jamais.

Encore, qu’à propos des séides, il soit toujours malsain de sous-estimer l’ennemi, supposant qu’ils en sachent évidemment bien plus que ne pourrait leur laisser entrevoir le livre. Supposons encore, espérons même, qu’ils seront, comme tout lecteur, déçus : Cesare Battisti a gommé le maximum et truqué le reste - sans parler de l’examen de passage de la Défense et des éditeurs. Côté révélations, on repassera ; mais cette attente, bon motif d’achat, même déçue ne doit pas décourager de poursuivre la lecture.

Ce livre, je l’ai lu pour comprendre. Comprendre ce qui s’était passé dans la tête de l’escapeur, entre son pseudo-procès italien, en passant par son refuge officiel en France, depuis ce verdict ignominieux fondé sur de faux documents, fabriqués pour justifier, pour forcer aux yeux d’une population nationale d’abord ahurie, l’improbable décision de l’extradition du pays d’accueil. Cela, le livre le confirme : justice en « République bananière », ici et maintenant, ne rêvons plus : l’État français en est là. À cet égard, l’enquête qu’a menée Fred Vargas (elle signe la quatrième partie : "Postface"), ne laisse pas place au doute. De même, ce réquisitoire inversant l’accusation, contre un État qui n’est plus de droit mais de convenance, que Bernard-Henri Lévy développe en préface :" Pourquoi je le défends" ; cette belle construction critique n’est pas sans évoquer quelques vibrations de J’accuse, version contemporaine ; elle se nourrit d’un engagement aux principes républicains et politiques souverains, ceux peut-être encore référents, du moins ce qu’il en reste... BHL :

« Car les principes ne se divisent pas.
Ils ne font, surtout, pas acception de personnes.
Et je dirai même, pour être tout à fait franc, qu’aurais-je douté, aurais-je hésité à préfacer ces pages, aurais-je été tenté de me dérober, de passer discrètement mon tour, aurais-je été, tout simplement, requis par d’autres urgences, qu’il y a dans la façon même dont on me répète, partout, « Les principes, d’accord ! Mais pas là ! Pas lui ! Pas cette sale tête de sale type ! » quelque chose de franchement nauséabond qui aurait, je crois, fini de me convaincre. »

Lire ce livre, donc pour comprendre. À l’écoute du témoignage du principal intéressé, celui qui jusqu’au point de fuite, tactiquement s’était tu, était resté toujours évasif, comme étranger à lui-même : c’est l’une des raisons majeures de découvrir l’ouvrage, notamment dans la première séquence des deux écrites par Battisti, qui en font le corps principal et notamment celle que je préfère : Est-ce ainsi que les hommes jugent ? où il nous instruit de l’évolution du PCI dans le climat social dégradé par la crise de la production, et de tout le mode de vie, de l’évolution, de l’amplitude collective, et des causes de la jeunesse italienne révoltée avant et pendant « les années de plomb ».

Des raisons de cet ancien silence confirmées par Vargas, sont installées par l’auteur quand il s’interroge sur leur bien-fondé. Pour moi, lecteur attentif au genre littéraire autant qu’à la vie de l’auteur auparavant, le sentiment d’une inefficacité tragique du silence comme stratégie, persiste. Ces silences de Battisti assortis de ses réponses laconiques rappelées par Vargas telles : « Cet homme, ce meurtrier, je ne le connais pas. » ou encore « Je ne reconnais pas ces faits. Mais j’assume une responsabilité collective. » valaient d’aveu de culpabilité, facilitant l’énorme manipulation engagée par des média « à la botte », érigés en tribunal de l’opinion, désignant le « coupable » et le « criminel ».

BHL : « Et j’observe que la façon dont on procède, cette façon de prendre un homme, d’en faire une sorte de monstre, de lui coudre dans le corps tout le paquet de crimes de son organisation et, de proche en proche, du terrorisme en général, est le plus sûr moyen de ne pas raconter, vraiment, toute cette histoire - tragique, complexe, pleine de doubles fonds, de leurres, de cadavres dans les placards, de fausses évidences, de vrais coupables et d’innocents professionnels échangeant leurs crimes et leurs mobiles. »

Le doute sur l’attitude concertée de la Défense est instruit dans les phrases de Battisti ; il s’installe poliment, sans ingratitude - juste de l’amertume. Il y avait le lest ambiant de la « juste pensée », de la « vraie ligne » d’une solidarité obligée, due par Cesare Battisti - la solidarité militante avec les autres réfugiés italiens brusquement en sursis d’une semblable demande d’extradition ; et donc, il a assumé ce silence stratégique imposé par les défenseurs, à tort ou à raison personnelle ou collective. Or, cette solidarité a contraint Battisti à ne pouvoir exister pour lui-même, à se réprimer de crier spontanément son innocence, à ne pas renverser ces énormes contre-vérités ni les plus basses attaques menées de front, durant cette campagne de désinformation monstrueuse, médiatico-juridico-politique, qui le frappe dès sa sortie de la prison de la Santé : brève victoire.
Cette campagne, menée à l’échelle européenne, a été parfaitement organisée (on apprend l’existence, entre autres, d’une « cellule spéciale » à cet effet, basée à l’Ambassade d’Italie à Paris) : conditionnement médiatique des opinions géré par des « communiquants » étant aussi des spécialistes des services de renseignements. Campagne qui a fait rage, fomentée et déchaînée par les chiens courants gouvernementaux des deux pouvoirs en pointe, italien et français, agissant un complot inter États - à la demande des plénipotentiaires qui les possédaient ou les possèdent encore. Le tout formant cette engeance médiatique capable d’installer la manipulation dans toutes les failles de l’angoisse quotidienne. Car la Presse se révélant partie prenante de la nomenklatura, qu’on découvre alors tellement plus versatile qu’on ne le pensait, si attachée par ses intérêts financiers et politiques intriqués et réciproques, en outre des budgets d’annonceurs, plus que d’habitude est l’objet de moyens de chantage exécutoires auprès des rédactions.

Est-ce ainsi que les hommes jugent ? Mon plan séquence électif parmi les deux écrits par Cesare Battisti, dans ce livre témoin, me fait encore penser aux écrits de Pierre Goldman et pas seulement à cause des titres (peut-être la question de la de la fatalité ou de la chance)... Celui avant la cavale comme le suivant, Journal d’un chien errant sur la cavale, sont directement rédigés en français, « pour la première fois » - confie l’auteur habituellement traduit de l’italien -, pour de probables raisons « techniques », liées à l’urgence et à la précarité de sa situation, entre autres identités. Ce qui peut expliquer l’embarras narratif et textuel de Journal d’un chien errant, (dernière pierre, plus fictionnelle, où l’artifice du déguisement du protagoniste en « Auguste » traduit le sentiment de trahison du pauvre clown, symbole de l’émerveillement, sous une défroque qui ne lui appartient pas, à l’issue d’une lamentable farce). Singulièrement ironique, sinon symboliquement vengeur est ce passage à l’écriture dans la langue d’accueil, au moment de notre lecture où nous savons maintenant que la France, après avoir trahi la parole donnée, allait s’abandonner au pire.

Est-ce ainsi que les hommes jugent ? où Battisti renoue avec la verve de son Cargo sentimental. L’autobiographie ici concerne d’abord son enfance et ses engagements, jusqu’à son refus de la « lutte armée » (dès les premières manifestations), ses tentatives de dissolution des PAC, et sa rupture finale avec leur chef fondateur charismatique, Pietro Mutti, qui avait été son séducteur, à la compagne mise en partage ; son emprisonnement en Italie et sa première cavale ; il suggère donc les conditions de sa « charge » par Mutti, qui deviendra étrangement le principal « repenti » et tutti quanti. Tout le climat ambigu et interférent de l’Italie des années de plomb.

Il y raconte encore sa vie à Paris, le moment où la protection de Mitterrand et ce pacte d’honneur s’effritent, son arrestation musclée, par un commando de la Direction Nationale Antiterroriste, devenue possible et effective au matin du 10 février 2004, alors qu’il allait prendre son café :

« Messieurs vous cherchez quelqu’un ?

Ces mots résonnent encore à mes oreilles chaque fois que me prend l’envie d’un café. Je ne peux m’empêcher de penser que si, au lieu de leur poser cette question, j’avais tracé tout droit dehors, ils auraient enfoncé la porte de la loge avant de monter au sixième. Cela n’aurait rien changé à la suite des événements mais j’aurais eu le plaisir de boire en paix mon dernier express. »

En même temps, le conditionnement médiatique tapageur de l’opinion française et européenne commence. Trois ans après l’enlèvement silencieux de Paolo Persichetti, par les services spéciaux français, et sa « livraison » secrète dans le tunnel du Mont-Blanc, dès l’arrivée au pouvoir de Berlusconi, cette nouvelle arrestation bruyante, au service du même dirigeant, au moment de l’accès de l’Italie à la tête de la Commission Européenne, serait provoquée par hasard, selon notre Ministre de la Justice d’alors, par la plainte banale (déposée au commissariat de quartier au motif d’une altercation), d’une voisine habitant dans le même immeuble que Battisti. Cette plainte aurait permis de « découvrir » un dangereux réfugié - en réalité notoirement concierge déclaré et autorisé de cet immeuble - que le ministre de la justice, avançant une fausse note des Renseignements Généraux, prétend soudain « extradable », devant les caméras de la télévision. Quelle pression opportune de la cause gouvernementale a donc subi cette brave dame, de la part d’un préfet de sa famille ? Battisti : « J’ai commencé à douter lorsque le convoi, au lieu de se diriger vers la Cité, prit vers le VIIIe arrondissement. Ce n’était pas le chemin pour le Quai des Orfèvres, où je m’attendais à passer quelques heures, le temps que l’équivoque soit éclaircie. Nous arrivâmes Place Beauvau, au ministère de l’Intérieur. Mon cœur s’arrêta net. Soudain me revenait en mémoire ce qui était arrivé à Paolo Persichetti. »

Le récit de l’arrestation et de ces péripéties parle de l’empressement imbécile et brouillon à vouloir livrer l’homme telle une proie à l’Italie, et qui cafouille au point que celui-ci se retrouve à la Prison de la Santé, sous le coup d’une arrestation juridiquement infondée, avant même le verdict fatal d’extradition promis par les plus hautes instances de l’État français à leurs amis.

L’incroyable surprise pour Battisti, bien qu’écrivain de polar étant alors inconnu de la plupart du public, est que son arrestation grossière et cette infamie enclenchent un formidable mouvement de soutien, à la fois intellectuel, social, politique, au point d’obtenir sa liberté surveillée. Mais liberté propice à toute provocation et crainte du pire. Par conséquent, simultanément, le processus douloureux de son nouveau déracinement commence, préparant la réalité nécessaire de sa nouvelle insoumission (la fuite). Battisti, violemment extrait de son rythme quotidien, menotté au Dépôt, puis embastillé à la Santé, selon un incroyable arbitraire, est conditionné à intégrer l’« éloge de la fuite » comme l’écrivait Henri Laborit par l’arrachement. Car de plus, ce processus policier et juridique empressé, bâclé, manifestation de toute puissance et d’impunité, ne laisse aucune illusion à l’embastillé, remis en liberté sous réserve de « surveillance », sur l’intention d’un État de droit devenu celui de toutes les machinations complices, sur la capacité de le protéger des attaques matérielles et physiques des néo-fascistes berlusconiens. D’ailleurs, Battisti prend sa décision après être provoqué par un policier, sous les yeux des cinq élus impuissants qui l’accompagnent, et avoir réussi à échapper à ce piège en restant silencieux, lors de sa dernière visite de contrôle, à la Cité, le 14 août.

Toutes ces mises en scène machiavéliques qui singent l’état d’urgence et d’exception du Patriot Act des Bush intégré par l’Europe, dévoyant toutes lois, et nous rappelle en même temps l’État « des pleins pouvoirs » de la Guerre d’Algérie , scellent à l’évidence la part inéluctable d’un marché secret ; et la maladroite gestion politico-juridique-judiciaire de « l’affaire Battisti » constitue en même temps la plus grossière erreur que le pouvoir français pouvait commettre dans sa propre stratégie, en installant les menaces et la légitime angoisse des questions préliminaires de la fuite : suicide, reddition, évasion.

Entre ces trois occurrences, Battisti a choisi de vivre d’abord. Notre ministre de la justice d’alors (post-vichyste et néo-conservateur), a sous-estimé la puissance de survie individuelle, et peut-être bien collective, qui l’emportera. Et ce secret marché, troc honteux sur fond d’OTAN et de Gladio, qui consiste, pour quelques échanges de plus promis à quelques amis du CAC 40, marchands d’armes, d’avions et de TGV, à livrer des hommes à la vengeance aveugle, cet échange entre réseaux secrets, ce troc dont les termes sont, dans le livre, indiqués, forgent l’intrigue politique de bas niveau qui a ciblé l’objet de valeur « Battisti ». De nombreux citoyens avaient déjà pris conscience de ce marché. Les termes en sont-ils tous révélés pour les autres ? Du moins, la part émergée le sera probablement par cette lecture, car il y reste l’indicible d’une part immergée, encore plus terrible. Ceux qui écrivent les histoires contre tout négationnisme ambiant, pour peu qu’on leur en laisse encore la possibilité, auront pour devoir, tôt ou tard, de nous en dire plus sur ce naufrage de la démocratie.

D’abord, pourquoi lui et pas un autre ? « Pourquoi moi ? », se répète Battisti, plutôt que lors de l’extradition immédiate, silencieuse et celle-là réussie, de Paolo Persichetti, en 2001.

2001, précisément le moment où l’appareil d’État italien se transforme sans vergogne en Conseil d’administration néo-libéral des firmes de l’empire berlusconien - le grand rêve du MEDEF. Le « Pourquoi moi » est posé constamment par l’homme en cavale, ce qui littéralement ou littérairement brosse un fond fatal de destin, ou fait figure de « part maudite » (l’Auguste). Mais de quel don primitif fut-il, reste-t-il la contrepartie ? A quel(s) pouvoir(s) occulte(s) le contre-don de la chiraquie, traversée par tous les courants les plus réactionnaires et conservateurs rassemblés sous une simple étiquette, qui ne fait même plus illusion, s’adresse-t-il ?

Au fond, que sait le héros de la cavale qu’il faudrait définitivement taire, et qu’il ne peut toujours pas écrire ? Ce n’est pas simplement son amitié particulièrement conflictuelle avec le chef « repenti » Pietro Mutti, son intuition dès leur rencontre, un traître en puissance, car il y a la suite... Ce Mutti qui, mué en chef des « repentis », a dénonçé Cesare Battisti comme celui, « parce qu’il sait », qui pourrait rompre le consensus du silence ? Vains motifs de surface, quoique incrustés par les charges des crimes d’État , « chape de plomb » des intérêts occultes qui valent certainement mieux que tout autre signe, pour dire « années de plomb ». Chape de plomb des silences complices qui pèsent sur d’autre hommes à travers des institutions politiques contrôlées et gérées par des laquais d’appartenance : à qui ? à quoi ?

Ces motifs-là sourdent autant que les accusations compulsives du « repenti » Mutti sur ses anciens camarades (pour sa sauvegarde, et à la commande du juge, surtout pour la sauvegarde des ombres ?) Je risque une hypothèse : confessions d’un possible « infiltré » initié (peut-être dès la création des PAC) puis « exfiltré » sous forme du « repenti » exemplaire, lui valant sa rémission, puis sa « disparition » de la scène judiciaire italienne, puis de son pays, et peut-être bien sa liquidation (un cadavre de plus dans le placard ?)

Et puis, parmi d’autres questions que chacun se pose ou se posera à la lecture de Ma cavale, voici celle des réseaux de soutien à la dissidence, à l’insoumission, à la résistance face à l’infamie politique.

Je croyais ces réseaux dissous dans notre histoire récente, depuis au moins la fin de la Guerre d’Algérie. La lecture de ce livre me laisse penser qu’ils existent encore, à preuve ici. Femmes et hommes de bonne volonté, que la bonne volonté soit motivée par la foi ou par la conviction matérialiste, qu’importe la raison, ils sont toujours présents, réalité du sentiment d’un autre avenir possible par l’engagement au présent, qui renaît quand tout re-devient insupportable.

Au-delà de Cesare Battisti, ces réseaux, et c’est peut-être la seule révélation du livre s’il en est de possible, sont réveillés (sont-ils toujours en veille ?). Toujours actifs. Cette existence secrète des réseaux de soutien contre les réseaux institutionnels ou occultes du pouvoir, rassure dans les faits l’espoir que la conscience de l’insoumission civique soit encore non seulement possible mais encore précieuse à la liberté de droit, face aux drames qui couvent sous l’empire de l’infamie « néo » qui de fait partout se déchaîne.

Au pire, une excellente nouvelle.

P.-S.

* L’ouvrage recensé est disponible (amazon.fr) :
Cesare Battisti, Ma cavale, éditions Grasset/ Rivage, avril 2006, Paris.

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Fred Vargas, La vérité sur Cesare Battisti, éditions Viviane Hamy, mai 2004, Paris. (amazon.fr)

Information de la suite de la thématique pour Cesare Battisti : un article sur la question française passée et actuelle de la parole donnée, du refuge, et des années de plomb, est publié dans La revue des ressources depuis le 12 janvier 2009 :
Années de plomb, Parole donnée, Doctrine Mitterrand : 25 ans après....


 Cher lecteur, merci de signer, si cela vous est possible, la pétition brésilienne de soutien contre l’extradition de Battisti, jusqu’au 10 février 2010.

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