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En "Hypothermie" avec Arnaldur Indridason 

mardi 2 février 2010, par Elisabeth Poulet

Le passé hante l’œuvre d’Arnaldur Indridason. La plupart des enquêtes policières qu’il met en scène remontent le fil du temps pour se concentrer vingt, trente voire quarante ans en arrière pour creuser encore là où on ne devrait plus chercher, avec une détermination obstinée et irrépressible. Ses romans traitent de disparitions, mais pas principalement de la personne qui a disparu, plutôt de ceux qui restent après l’événement, ceux que l’auteur appelle des « squelettes vivants » et dont Erlendur, l’abrupt inspecteur de Reykjavik, fait partie. Quand il s’accorde un peu de répit, Erlendur passe son temps à lire des récits de disparition, marqué à jamais par la perte de son jeune frère, emporté par une terrible tempête de neige dans les fjörds de l’Ouest.

Dans son dernier roman, Hypothermie, le passé se mêle encore une fois au présent mais Indridason nous plonge ici au cœur des croyances islandaises, là où la frontière entre la commmunauté des morts et celle des vivants est extrêmement poreuse.

C’est l’automne sur les bords du lac de Thingvellir. Karen, une citadine harassée par son travail, vient se reposer dans le chalet d’été de son amie, Maria. Alors qu’elle se réjouit déjà de la vue splendide dont elle pourra jouir dès le lendemain matin, c’est un spectacle macabre qui s’offre à elle : Maria s’est pendue et son cadavre se balance au bout d’une cordelette bleue. Après autopsie, la police conclut à un suicide. Quelques jours plus tard, Erlendur reçoit la visite de Karen qui lui affirme que Maria ne s’est pas suicidée, que c’est impossible. Elle lui remet l’enregistrement d’une séance chez un médium que Maria est allée consulter afin d’entrer en contact avec sa mère, Leonora, décédée deux ans auparavant, laquelle lui avait promis de lui adresser un signe de l’au-delà, un signe proustien. Aussi dubitatif que réticent, mais jamais moqueur, Erlendur promet d’écouter la cassette tout en répétant à l’intéressée que ni l’autopsie ni l’enquête n’ont révélé le moindre élément suspect. Or, cet enregistrement renferme des choses qui ébranlent fortement la conscience d’Erlendur et le convainc de reprendre l’investigation à l’insu de tous. Il découvre que Maria était loin d’être une sotte crédule, que son époux a eu un passé trouble qui pourrait nuire à sa carrière de chirurgien s’il venait à être découvert, que Leonora n’était pas celle que vous croyiez et que les médiums ne sont pas ce qu’ils semblent.

Parallèlement à cette enquête spectrale, le lecteur suivra avec plaisir les méandres de la vie privée d’Erlendur, l’affection grandissante qui l’unit à sa fille, Eva Lind, et aura enfin quelques éclaircissements sur la nature de ses relations avec son ex-femme.

Hypothermie, moins lugubre que La voix ou L’Homme du lac, pose pourtant avec acuité la question de la perte et du deuil, thème transversal de l’œuvre d’Indridason. Plus intimiste que les précédents, ce roman nous dévoile un Erlendur apaisé, décidé à vivre en bonne intelligence avec ses fantômes. Reste à espérer que son évanouissement dans la brume glaciale ne soit pas définitif !

A lire, un extrait du roman.

P.-S.

Photographies : Régis Poulet.

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